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Je veux qu'en apprenant la nouvelle de sa mort, la ville qui l'a vu naître sache que la voix d'un compatriote s'est fait entendre pour exprimer ses regrets sur cette tombe entr'ouverte.

A Figeac, le nom de Champollion est honoré, vénéré, comme une gloire nationale, d'autant plus précieuse que son éclat s'est déjà projeté sur le monde entier.

Les habitants de Figeac ont appris à confondre dans une affection respectueuse Champollion le jeune et Champollion l'aîné, parce que, jugeant avec le cœur, ils n'ont jamais surpris la moindre différence entre ces deux natures d'élite. Aussi, comme nous les unissons dans une affection commune, nous aimons à les associer dans une même gloire; et, pour nous, les remarquables travaux sur l'antique Égypte se mêleront toujours à ces pages pleines, à la fois, de science, d'esprit, de maturité et de jeunesse, qu'une plume octogénaire vient d'écrire sur le château de Fontainebleau.

Une faveur signalée, accordée par des mains augustes, est venue naguère réjouir le foyer du vieillard. Ah! si ma faible voix pouvait arriver jusqu'aux pieds du trône, elle y apporterait l'expression de la reconnaissance d'une ville tout entière pour une distinction, dont elle ose prendre sa part, du moment qu'elle s'applique à un de ses enfants les plus chers et les plus illustres.

Les hommes ne sont pas toujours récompensés ici-bas selon leurs œuvres; mais, avant comme après nous, il y a Dieu qui nous juge, c'est auprès de lui que Champollion recueille, en ce moment, la récompensé d'une vie longue, honnête et laborieuse, semée de joies et d'amertumes, de succès et de revers; mais revers, succès, amertumes et joies, pas un de ses amis, et il en eut un grand nombre, ne refusera jamais d'en prendre sa part.

La vie de Champollion est pleine d'enseignements utiles. Une plume autorisée ne tardera pas, je l'espère, à nous en livrer les détails. Mais, en attendant, je suis fier de le dire, sa fin, dans ce château où l'avait appelé la confiance éclairée de l'Empereur, explique et justifie l'intensité de nos regrets, si l'on songe, surtout, que celui qui les inspire ne cessa, durant le cours d'une longue existence, de pratiquer toutes les vertus qui font l'honnête citoyen, le bon, l'excellent père de famille, l'ami le plus sûr et le plus dévoué.

Le nom de Champollion (et c'est, pour sa famille éplorée et pour ses compatriotes, un honneur sans prix), le nom de Champollion, grâce à des travaux nombreux et solides, vivra tant que l'érudition française occupera la place élevée qu'elle a conquise dans le monde, c'est-à-dire, s'il plaît à Dieu, toujours!

Adieu, au nom de la ville de Figeac; pour les miens et pour moi-même, maître illustre, cher ami, adieu!

On lit dans le Dauphiné du 19 mai :

L'un des plus savants hommes de notre temps, que le Dauphiné revendique avec orgueil comme l'une de ses gloires, M. ChampollionFigeac, vient de mourir au château de Fontainebleau, le 9 de ce mois. L'histoire complète de ses travaux et l'appréciation de leur importance est une lourde tâche qui demande de longues recherches et de sérieuses méditations. De bienveillantes communications me permettront bientôt, je l'espère, de l'entreprendre. Pour aujourd'hui, pressé par le temps, je ne puis qu'esquisser rapidement sa vie, et indiquer, en traits généraux, les services qu'il a rendus dans le domaine de la haute érudition.

La famille Champollion est originaire du village de Champoléon (Hautes-Alpes), d'où lui est venu son nom. A une époque que je ne saurais préciser, elle se divisa en deux branches, dont l'une resta dans le Gapençais et l'autre s'établit dans le Valbonnais. Vers le milieu du XVIIIe siècle, Jacques Champollion, chef de cette dernière, se fixa à Figeac (Lot), où il avait été appelé par un de ses oncles, chanoine de la cathédrale, et c'est là que lui naquirent, entre autres enfants, deux fils célèbres dans la science: Jacques-Joseph, né le 5 octobre 1778, qui est l'objet de cette

notice;

Jean-François, né le 24 décembre 1790, qui s'est immortalisé

par la découverte de l'alphabet Egyptien.

Pour les distinguer des autres membres de la famille, restés dans le Gapençais et le Valbonnais, les deux frères furent enregistrés, ainsi que les usages de ce temps y autorisaient, sous le nom de Champollion-Figeac. Mais, par la suite, et pour les distinguer l'un de l'autre, on prit l'habitude à Paris d'appeler l'aîné Champollion

Figeac et le cadet Champollion le Jeune (1). Ces noms leur ont été conservés dans le monde savant.

CHAMPOLLION-FIGEAC commença ses études à Figeac sous la direction d'un jésuite que son père avait retiré chez lui lors de la fermeture des maisons religieuses. Il les continua ensuite à Grenoble où sa famille le rappela, en 1799, avec son jeune frère.

Ses études terminées, il se livra tout entier aux lettres, surtout à l'archéologie, vers laquelle ses goûts l'entraînaient. Il demanda à cette époque à faire partie de la Section scientifique de l'expédition en Egypte, mais il n'obtint pas cette faveur; et nous avons sous les yeux une de ses lettres, datée du 19 thermidor an VI, dans laquelle il exprime ses regrets de n'avoir pu faire ce voyage lointain. En 1803, il publia son premier ouvrage, Dissertation sur un monument souterrain existant à Grenoble (la crypte de l'église St-Laurent), qui lui valut d'être admis dans la Société des Sciences et Arts de Grenoble, laquelle avait succédé à l'ancienne Académie Delphinale, et dont il fut ensuite longtemps secrétaire.

Nommé en 1807 Bibliothécaire-adjoint, puis Bibliothécaire de la ville, après la mort de Dubois-Fontanelle, il se consacra avec zèle au service de cet établissement. Il y incorpora un grand nombre d'ouvrages restés jusque-là dans les dépôts nationaux, réunit tous les manuscrits, toutes les éditions du XVe siècle en deux sections distinctes et en fit les catalogues après avoir successivement analysé tous ces précieux volumes. Il dirigea aussi les acquisitions vers les grands ouvrages scientifiques que les particuliers n'achètent pas ordinairement, tels que les voyages de Denon en Egypte, de Humbold et Bomplan en Amérique, etc. C'est aussi à ses démarches personnelles que plus tard, en 1815, la même bibliothèque s'enrichit de la Description de l'Egypte, donnée par l'ordre spécial de l'Empereur, et du Dictionnaire chinois, du Strabon français, de l'Almageste de Ptolémée et autres grands ouvrages à figures, donnés par le ministre de l'intérieur.

(1) Nous rappellerons cependant que les premiers actes officiels relatifs à JeanFrançois Champollion portent Champollion-Figeac-Jeune, notamment les arrêtés de nomination aux fonctions de professeur d'histoire, signé Fontanes, et de Bibliothécaire-adjoint de son frère, à Grenoble, signé Baron Renauldon. amis l'appelaient familierement: Saghir, le jeune en Arabe.

Ses

inté

Il prit part à tout ce qui, dans le département de l'Isère, ressait les sciences et les lettres. Il fut nommé examinateur des élèves pour les écoles militaires et pour l'Ecole Centrale, et, lors de la création de l'Université impériale en 1809, il devint Professeur de littérature grecque, et secrétaire, puis Doyen de la Faculté des Lettres de l'Académie de Grenoble.

Fourier était alors préfet de l'Isère. Ce savant homme, occupé en même temps à rédiger ses observations sur les monuments de l'Egypte et à continuer ses grands travaux sur les mathématiques, trouva auprès de Champollion un aide des plus utiles, presque un collaborateur. Comme bibliothécaire, comme livré, lui aussi, à des études sur l'Egypte, celui-ci épargnait à l'auteur de l'immortelle Préface historique bien des recherches longues et pénibles. Les rapports entre ces deux archéologues étaient journaliers, incessants, et il en résulta des liens de bonne amitié qui ont duré jusqu'à la mort de l'illustre géomètre, en 1830.

Parmi les ouvrages que Champollion publia pendant son séjour à Grenoble, je citerai particulièrement : les Antiquités ou Histoire ancienne de cette ville (1807), où se trouvent réunies toutes les inscriptions antiques qui y ont été découvertes, et de précieuses indications sur l'état de ce municipe pendant l'occupation romaine; Lettre au baron Fourier sur l'inscription grecque du temple de Denderah en Egypte, où l'auteur s'est proposé de fixer la date de cette inscription exprimée d'après le comput du calendrier égyptien ; Nouvelles Recherches sur les patois, et en particulier sur ceux du département de l'Isère (1809). Il fut chargé de la rédaction du Journal administratif de Grenoble, auquel il contribua à donner une apparence plus littéraire en y insérant des extraits historiques sur l'ancien Dauphiné, et en y accueillant facilement des productions en vers et en prose de plusieurs littérateurs contemporains. A la mort inopinée de l'abbé Gattel (1812), il dirigea la publication de l'édition nouvelle, préparée par cet habile et savant grammairien, de son Dictionnaire de la Langue française, en 2 gros volumes in-4o, souvent réimprimés depuis.

Champollion donna durant la même période, plusieurs curieux Mémoires au Magasin Encyclopédique, et de nombreux articles

littéraires au Moniteur. En entrant dans l'Université, il publia le programme de son Cours de Littérature grecque, et il en exposa les antiquités dans ses prolégomènes. En Allemagne même, ces prolégomènes furent remarqués, et le chef de l'école grecque, Heine, en fit le sujet d'un article spécial dans la Feuille savante de Gættingue, à la suite duquel la Société royale de cette ville nomma Champollion l'un de ses membres étrangers. Ses publications lui valurent la même distinction de la part de plusieurs autres Académies étrangères et des plus laborieuses sociétés savantes de l'intérieur de l'Empire.

Il entretenait en même temps une correspondance active avec un grand nombre de savants de Paris, Sylvestre de Sacy, Langlès, Gail, Jomard, Lalande, et d'autres membres de l'Institut d'Egypte, enfin avec Millin dont il devint l'ami et à qui il ferma les yeux en 1819.

Au milieu de ses occupations studieuses, lié avec tous les amis des lettres qui étaient à Paris et à Grenoble, Champollion goûtait les douceurs d'une vie honorée et en harmonie avec ses goûts, lorsque les événements politiques de 1815 vinrent la bouleverser tout-à-coup. Napoléon arriva à Grenoble le mardi 7 mars, à neuf heures du soir; Champollion avait été informé de son débarquement dès le dimanche matin, 5 du même mois, par l'un des habitués de la préfecture; un courrier arrivé la nuit en avait apporté la nouvelle. Le mercredi 8, de très-bonne heure, il fut demandé, de la part de l'Empereur, par le commandant Raoux. Il se rendit auprès de lui et fut immédiatement chargé de la direction du Journal de l'Isère et d'une relation du retour de l'île d'Elbe, d'après des instructions verbales que l'Empereur lui donna. Cette relation fut aussitôt rédigée, communiquée, approuvée et publiée dans le journal. Il fut chargé en même temps de divers détails du service du cabinet, qui lui permirent d'avoir avec l'Empereur de fréquents entretiens sur l'Egypte, sur les grands ouvrages dont il avait ordonné la publication, tels que le Dictionnaire chinois et l'Astronomie de Ptolémée, sur les savants latinistes de Paris, sur la politique et les améliorations apportées à la législation par le Code civil.

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