Mazzuchelli, Scrittori d'Italia. Catalogue de la Bibliothèque royale de Paris. — Adelung, Supplément à Jöcher, Allgemeines Gelehrten-Lexicon. BABA-ALI, premier dey indépendant d'Alger, mort en 1718. Élu en 1710 à la place d'Ibrahim emporté par une révolution, Baba-Ali sacrifia dix-sept cents individus à sa sûreté. Il secoua ensuite le joug des pachas turcs. Baba-Ali fit arrêter et embarquer pour la capitale de la Turquie le pacha qui avait voulu empêcher l'élection de 1710, et envoya à Constantinople un ambassadeur chargé de présents, avec ordre de déclarer qu'Alger n'avait plus besoin d'un pacha; que le dey se chargerait parfaitement de ces fonctions. On fit droit à cette demande, et à partir de ce jour le dey gouverna seul le territoire algérien. Baba ne fut pas moins habile politique à l'égard des puissances étrangères. En 1716, il fit exécuter un Maure qui avait osé frapper le consul anglais. Ce fait cimenta l'alliance du dey avec l'Angleterre. Le fatalisme oriental devint funeste à Baba-Ali. Pris de fièvre, il ne voulut pas aller contre les décrets du ciel en recourant à un médecin français, et se laissa mourir sans secours. Conversations-Lexicon. *BABÂ-LÂL, chef de secte, naquit à Malwa, au commencement du dix-septième siècle. Il fut disciple de Chétana-Swami. Son système tient le milieu entre la philosophie Védanta et celle des sofis. Ses sectateurs se nomment Bábá-lális. Il a laissé un grand nombre de vers hindis sur les matières religieuses. LANGLOIS. M. Garcin de Tassy, Histoire de la littérature hindouc. * BABA-NASIBI, marchand persan, mort en 1537. Il exerça à Tabriz l'état de confiseur, et fut en grande faveur auprès du sultan Yacub. Ersch et Gruber, Allgemeine Encyclopädie. - Hammer, Geschichte der schoenen Redekunst Persiens, p. 376. *BABAS, conseiller d'Hérode l'Ascalonite, vivait dans la première moitié du premier siècle avant l'ère chrétienne. Son mérite donna de l'ombrage à Hérode, qui, au lieu de récompenser Babas de ses conseils et de ses services, lui fit crever les yeux. Josèphe, Antiq. - Moréri, le Grand Dict. histor. BABBAGE (Charles), mathématicien anglais, né vers 1790. Il est professeur de mathématiques à l'université d'Édimbourg, et membre de la Société royale de Londres. On a de lui (en anglais): Sur les jeux de hasard (Transact. de la Soc. d'Édimb., 1821); - De l'application de l'analyse à la recherche de théorèmes sur les lieux géométriques (Transact. de la Soc. d'Édimb., 1822);-Observations sur la mesure des hauteurs par le moyen du baromètre (Édimb., Journal of sciences, 1824); - Maynétisme par rotation (Transact. de la Soc. de Lond., 1825); Observations sur l'application des machines propres à calculer (Philos. Magaz., 1825); · Détermination du terme général de quelques nouvelles classes de séries infinies (Transact. de Comb., t. II); - Erreurs des tables Ro de logarithmes (ibid.); De l'influence des signes dans le raisonnement (ibid.); tations électriques et magnétiques (Transact. de la Soc. de Londr., 1826); - Micromètre zénithal (Mém. de la Soc. astron. de Lond., t. I); - Sur les causes de la décadence des sciences en Angleterre; Londr., 1833. M. Babbage est aussi l'inventeur d'une machine à l'aide de laquelle on peut exécuter, avec précision, le calcul fastidieux des éphémérides astronomiques. Biographie des Contemporains, supplément. * BABBARD ( Ralph), mécanicien anglais, vivait dans la secondê moitié du seizième siècle. Contemporain d'Élisabeth, il adressa à cette reine la liste des inventions dont il était l'auteur. Les détails qu'elle contient sur l'une de ces inventions feraient croire que ce mécanicien eut le premier l'idée du bateau à vapeur. Halliwell, Rara mathematica, p. 87. - Rose, Biographical dictionary. *BABBI (Christophe), compositeur italien, né à Césène en 1748. Il étudia le violon sous Paul Alberghi, et devint maître des concerts de l'électeur de Saxe en 1780. On a de lui des concertos de violon, des symphonies pour l'église et la chambre, des quatuors, des duos pour la flûte, et une cantate pour le clavecin; Dresde, 1789. Fétis, Biographie universelle des Musiciens. *BABBI (Gregorio ), musicien italien, natif de Césène et frère du précédent. Il était, vers 1740, un des premiers ténors de l'Italie. Si on juge de l'importance de son talent par celle de ses appointements, on admettra qu'elle était grande, car il toucha 24,000 crusades (132,000 fr.) pour deux années d'engagement. Fétis, Biographie des Musiciens. BABBINI (Mathieu), chanteur italien, né en 1754, mort en 1816. En 1785 il fut engagé au théâtre de Vienne; en 1789 il chantait à Venise, et en 1792 il eut des succès à Berlin, dans l'opéra sérieux il Vario. Il voyagea ensuite dans les principales villes de l'Europe, revint en Italie, et chanta à Milan en 1802 dans l'opéra de Nicolini i Manlii, et dans i Misteri Eleusini de Mayr. Il se retira ensuite du théâtre. Fétis, Biographie des Musiciens. *BABE (Jean-Jacques), jurisconsulte allemand, vivait dans la première moitié du dix-septième siècle. On a de lui: Praxis juridica ad Camera Imp. processum. Jöcher, Allgemeines Gelehrten-Lexicon. *BABEK ou PAPEK, seigneur persan, vivait dans la première moitié du troisième siècle. Le prince régnant était Artaban ou Ardewan IV, der nier des Arsacides. Babek avait un serviteur nommé Sasan, en qui il découvrit de si hautes facultés, qu'il en fit son gendre. De ce mariage est issu le fameux Ardeschir Babegan, connu chez les Occidentaux sous le nom d'Artaxerxès ou Artaschir. D'Herbelot, article Ardschir Babegan. Ersch et Gruber, Allgemeine Encyclopädie. BABEK, surnommé Horremi ou Horremdin, sorte d'athée persan, vivait vers le huitième siècle de J.-C. (201 de l'hégire). On le surnomma Horremi ou Horremdin, c'est-à-dire professeur ou auteur d'une religion de joie ou de plaisir : un tel culte trouvera toujours des prosélytes. Babek eut donc bientôt à sa suite une multitude nombreuse, et ensuite une armée avec laquelle il vainquit et tua de sa main le général du khalife Al-Mamoun. Il fallut toutes les forces de Motassem, successeur du khalife, pour réduire et faire prisonnier ce singulier sectaire. On lui fit subir une mort cruelle: après avoir été promené sur un éléphant dans les rues de Samara, et exposé de la sorte aux outrages du peuple, il eut les bras et les jambes coupés, et fut mis à mort ensuite. On fit périr en même temps un des deux hommes employés par Babek à ses exécutions, et qui raconta qu'il avait pour sa part exécuté plus de vingt mille individus. Moréri, Dictionnaire historique. D'Herbelot, Bibl. orient. Chaudon et Delandine, Dict. hist. *BABEL (P.-E.), orfévre et bijoutier français, mort en 1770. Il dessina et grava l'architecture et l'ornement. On trouve, dans l'ouvrage de Blondel sur l'architecture, des planches gravées par Babel, entre autres une Thétis avee ses Nymphes. C'est encore d'après cet artiste que Vivare grava un livre d'ornements et de dessins. On a de Babel: Nouveau Vignole, ou Traité des cinq ordres d'après Vignole, Heineken, Dictionnaire des Artistes. *BABEL (Hugues), philosophe et rhéteur néerlandais, mort en 1556. Il professa à Louvain le latin, le grec et l'hébreu, et voyagea ensuite en Angleterre et en Hollande. On a de lui: Grammatica; Dialectica; Rhetorica, et des poëmes inédits. Jöcher, Allgemeines Gelehrten-Lexicon. * BABELL (Guillaume), compositeur anglais, né vers 1690, mort en 1722. Il reçut de son père, qui jouait du basson au théâtre de Drury-Lane, les premières leçons de musique, et devint plus tard élève de Hændel. Le jeune Babell fut ensuite nommé organiste de l'église de All-Hallows (dans Bread-Street), et musicien particulier du roi George Ier. Il composa d'abord des leçons de clavecin sur les airs de Pyrrhus et de Rinaldo. Les dernières sont excellentes, mais difficiles à exécuter. On a en outre de lui: Douze solos pour violon ou hautbois; Douze solos pour flute allemande ou hautbois; Concertos pour de petites flûtes et des violons. Fétis, Biographie des Musiciens. * BABELONIUS (Augustin), savant français, vivait dans la seconde moitié du dix-septième siècle. On a de lui: Suetonius, in usum Delphini; Paris, 1684, in-4°. Jöcher, Allgemeines Gelehrten-Lexicon. *BABELOT, cordelier, aumônier du duc de Montpensier, vivait dans la seconde moitié du seizième siècle. Il quitta le cloître pour suivre les armées, et donner carrière à la haine impla cable qu'il portait aux calvinistes. « Quand on luy amenoit (au duc de Montpensier) quelques prisonniers, dit Brantôme, si c'estoit un homme il luy disoit de plein abord sculement : Vous estes un huguenot, mon amy; je vous recommande à M. Babelot. Ce M. Babelot estoit un cordellier, sçavant homme, qui le gouvernoit fort paisiblement et ne bougeoit jamais d'auprès de luy, auquel on amenoit aussytost le prisonnier ; et luy, un peu interrogé, aussytost condamné à mort et exécuté. » Ce simple récit fait connaître suffisamment le personnage. Il eut son tour: pris par les soldats du prince de Condé, Babelot fut pendu à un gibet extraordinairement haut. C'est encore Brantôme qui raconte le fait. Brantôme, Kies des grands Capitaines, t. I. - Chaudon et Delandine, Nouveau Dictionnaire historique. BABENBERG, famille princière allemande, descendante des rois francs, établic d'abord en Franconie aux environs de Babenberg. Elle gouverna cette contrée avec le titre de Gaugraves à partir de la première moitié du dixième siècle, et compte parmi ses membres Léopold Ier, devenu margrave d'Autriche en 983. Cette maison s'éteignit en 1246 dans la personne de Frédéric le Belliqueux. La ligne collatérale, fondée par le prince Henri, fils de Henri Jasomirgott, mort en 1177, et dont les chefs se faisaient appeler ducs d'Autriche-Moedling, s'était éteinte, dès l'an 1226, dans la personne de Henri le Cruel. Conversations. Lexicon. *BABENO ST.-HUBER (Louis), philosophe allemand, né à Leiningen (Bavière) en 1660, mort en 1726. Il entra dans l'ordre des Bénédictins en 1682; de 1695 à 1702, il fut régent à Salzbourg; de 1703 à 1706, il professa la théologie scolastique, et l'Écriture sainte de 1706 à 1716. Il fut aussi chancelier et vice-recteur de l'université. Il se retira ensuite, pour n'en plus sortir, dans le monastère de son ordre. On a de lui: Problemata et Theoremata philosophica ; Salzbourg, 1689; - Quæstiones philosophicæ; Salzbourg, 1692; Fundatrix Ettalensis, www id est thaumaturga; Munich, 1694, in-4°; Regula morum, seu dictamen conscientia; Salzbourg, 1697; - Tractatus de jure et justitia, 1699.- Deus absconditus in sacramento altaris; Salzbourg, 1700; De Statu parvulorum sine baptismo morientium; ibid., 1700; Philosophia Thomistica Salisburgensis; Augsbourg, 1716, 1724, in-fol.; Principia bonitatis et malitiæ actuum humanorum; Salzbourg, in-4°; - Vindiciarum prædeterminationes physicæ; Salzbourg, 1707, Dissertationes theologica contra Quesnelii propositiones, in-8°; Prolusiones academicæ, 1724. in-4°; -- Adelung, Supplément à Jöcher, Allgemeines Gelchrten-Lexicon. BABER OU BABOUR, prince persan, grandpère de Timour et fils de Shah-Rokh, mort en 1457. Il gouvernait l'Astérabad en 1446, époque de la mort de son père Shah-Rokh, et avec l'aide¡ de son frère Ala-ed-Daula, prince d'Hérat, il alla déposséder Ulug-Bey de la Transoxiane; mais les deux frères se divisèrent bientôt, et Baber ne se contenta pas d'enlever à Ala-ed-Daula sa part de souveraineté; il détrôna encore et fit mettre à mort, en 1451, son autre frère Mohammed, qui régnait à Irak et à Fars. Baber se trouva de la sorte maître d'États assez considérables : en 1453, il vainquit et contraignit à demander la paix Abou-Saïd, souverain de la Transoxiane, qui venait de prendre les armes contre lui. Les excès de Baber le vainquirent à son tour: quoiqu'il eût fait vœu sur la tombe de l'imam Resa de s'abstenir de vin, il mourut des suites de son intempérance. Son fils Mirza-Shah-Mahmoud ne garda pas longtemps les possessions qu'il tenait de son père : il en fut dépouillé par d'autres princes de la famille de Timour. Rose, New Biogr. Dict. - Malcolm, Persia. Morėri, le Grand Dictionnaire historique. BABER OU BABOUR (Zuheir-ed-Deen-Mohammed-Baber-Padishah), fondateur de la dynastie indienne de Timour, mort le 26 décembre 1530. Son père Omar-Shaikh-Mirza, qui descendait du puissant auteur de la race, gouvernait le petit royaume de Kokan ou Ferghana, dans le nord-est de la Transoxiane, vers l'an 1493. Ce prince eut un singulier genre de mort: il fut écrasé par la chute d'un pigeonnier. Son fils, dont il est question ici, eut d'abord à lutter, comme il arrive toujours en Asie, contre les princes environnants; mais il sut les repousser tous, et en 1497 il se trouva en pleine possession de Samarkande. Un autre ennemi se présenta bientôt, c'étaient les Uzbekhs, qui, dirigés par Sheibani on Shahibek-Khan, eurent bientôt conquis la Transoxiane. Après avoir longtemps lutte contre les envahisseurs, Baber les repoussa, et recouvra Samarkande en 1500; mais il fut de nouveau défait, et obligé de fuir avec une poignée d'hommes. Il s'avança alors sur le territoire de Caboul, où il fut proclamé roi; et, après la mort de Sheibani, chef des Uzbekhs, il tenta avec l'aide des Persans de rentrer dans ses États. Le sort lui fut encore contraire il fut battu en 1514 dans le voisinage de Bokhara, et de nouveau obligé de se réfugier dans le royaume de Caboul. Une inspiration céleste, dit l'historien AbulFazl, fit diriger à Baber ses regards vers l'Hindoustan. Il se fit un prétexte et un titre des conquêtes de son aïeul Timour, et profita surtout de la décadence du royaume de Delhi. Il mit quelques années à réduire le royaume de Candahar et le reste de l'Afghanistan, et ce ne fut qu'en 1524 que Baber envahit sérieusement l'Indoustan. Il fut mis en possession de Lahore par DowlutKhan, gouverneur du Panjab, mécontent de l'empereur Ibrahim-Lodi, que Baber vainquit le 21 avril 1526, malgré une nouvelle défection de Dowlut-Khan, dans une bataille restée célèbre sous le nom de journée de Paniput. Ibrahim fut laissé pour mort; et c'est à partir de ce moment que fut assise dans l'Inde la dynastie du vainqueur. Il fut tout aussi heureux contre un nouvel ennemi, Rana-Sanka, rajah d'Oudipour, qu'il défit en mars 1527 sur le champ de bataille de Byana. Ce nouveau succès valut à Baber le titre de ghazi, ou défenseur de l'islam. réduisit ensuite les princes de Malwa et de Bengale, indépendants jusque-là du royaume de Delhi. Mais son intempé rance, surtout sa passion pour le vin, ne le laissèrent pas longtemps jouir de ses conquêtes. On a de lui: Vakiati Baberi (Mémoire de Baber), traduit en persan par Moiza-Khan-Khaman, et en anglais, en 1826, par Erskine et Leydin, pour la Société orientale de traduction. Ces Mémoires sont écrits en ture djagataï; ils se divisent en deux parties: la première s'étend depuis l'avénement de Baber au trône, jusqu'à l'an 908 de l'hégire. C'est un exposé mêlé de narrations, de biographies et de détails topographiques. On y trouve des renseignements sur les États voisins de Baber, sur les mœurs des princes contemporains. La seconde partie, en forme de journal, contient surtout l'autobiographie de l'auteur, outre des détails intéressants sur l'Indoustan, le Caboul, et les princes musulmans de ces contrées. Rose, Biographical Dictionary. -- Encycl, des Gens du monde. Encycl. Nouvelle. BABET (Hugues), poëte français, né en Bourgogne en 1474, mort en 1556. Il étudia en France et en Allemagne, et professa à Louvain, qu'il quitta ensuite pour visiter Oxford et Cambridge. Plus tard il alla en Italie en qualité de gouverneur de jeunes gentilshommes, et il assista luimême aux leçons des plus célèbres professeurs. A son retour à Louvain il fit des cours de linguistique; en 1548 il alla à Heidelberg, et revint mourir à Louvain. On a de lui des poésies qui se trouvent dans les œuvres de Gilbert Cousin. Gilbert Cousin, OEuvres. BABEUF (François-Noël), surnommé CaiusGracchus, publiciste et novateur français, nó à Saint-Quentin en 1764, mort le 27 mai 1797, Les commencements de Babeuf présentent quelque chose de confus, de tourmenté et même de peu honorable. Orphelin dès l'âge de seize ans, il devint commissaire à terrier après quelque temps d'apprentissage chez un architecte arpenteur de la petite ville de Roye (Somme). II salua avec enthousiasme l'aurore de la révolution, et il en défendit et propagea les principes dans un journal d'Amiens, intitulé le Correspondant picard. Sa polémique violente lui attira dès ce moment des poursuites. Conduit et mis en jugement à Paris, il fut acquitté le 14 juillet 1790. Nommé ensuite administrateur du département de la Somme, il fut destitué presque aussitôt après son entrée en fonctions, et envoyé avec le même titre à Montdidier. Dénoncé à cette époque comme faussaire, il vint se réfugier à Paris, où il fut arrêté pour être traduit devant le tribunal de l'Aisne; et cette fois encore il fut acquitté. Revenu de nouveau à Paris en thermidor an II (11 juillet 1794), il créa le journal le Tribun du peuple, ou le Défenseur de la liberté de la presse, et signa Caius-Gracchus un article auquel il donna pour épigraphe cette maxime de Rousseau Le but de la société est le bonheur commun. Puis il continua de développer dans cette feuille les doctrines de l'égalité absolue, qu'il s'appliqua bientôt à traduire en actes. C'est en mars 1796 que Babeuf et ses adhérents, devenus nombreux, se constituèrent en comité secret, centre de la société babouviste, dite du Panthéon. Douze commissaires centraux d'arrondissement devaient se mettre en rapport avec les sections, inconnues les unes aux autres; d'autre part, des commissaires devaient gagner les régiments de la garnison de Paris et des environs. On ne comptait pas moins sur les départements, où l'on avait agi de manière à y organiser une armée insurrectionnelle. Il y a plus on s'était réuni avec un autre comité formé de quelques députés proscrits en thermidor, et dont toute l'ambition se bornait à faire proclamer et exécuter la constitution de 1793. Quant aux espérances des conjurés, elles portaient tout entières sur un prétendu effectif de seize mille hommes destiné à ouvrir l'attaque, sur le concours de l'artillerie de Vincennes, des invalides, des grenadiers du corps législatif et de la légion de police; enfin sur l'adjonction des ouvriers, une fois l'action engagée. Quant au plan d'attaque, il paraissait des plus simples: les sections des douze arrondissements devaient se porter simultanément, et en trois corps, sur le directoire, sur le corps législatif, et sur l'état-major. A la même heure, des divisions spéciales devaient attaquer les portes des barrières et tous les dépôts d'armes qui se trouvaient dans Paris. Les mesures paraissaient donc bien prises; mais les conjurés avaient compté sans la circonstance ordinaire, celle de la révélation par l'un d'eux. Ce fut un nommé Grisel, agent de la conjuration au camp de Grenelle, qui dénonça le complot au gouvernement. Pour mieux connaître encore tout le plan des conjurés, le directeur Barras avait fait offrir au directoire secret d'entrer dans la conspiration. Cette ouverture avait eu lieu le 9 mai 1796; et le 10, au moment où l'on fixait au sein de la réunion le jour de la prise d'armes, les principaux conjurés furent arrêtés, séance tenante. Babeuf lui-même fut saisi à son domicile, au moment où il rédigeait avec Buonarotti, qui devint l'historien de la conjuration, les manifestes qui devaient établir et réglementer l'insurrection. L'instruction du procès commença immédiatement. Les conjurés, au nombre de soixante-cinq, comparurent devant la haute cour de Vendôme, composée de jurés nommés par les électeurs des départements, l'un des accusés, Drouet, ne pouvant, à raison de sa qualité de représentant, être traduit devant une autre juridiction. Le procès dura trois mois. Babeuf se défendit en homme convaincu; mais le ministère public lui interdit le terrain des principes. Le 5 prairial an V ( 26 mai ), le jury prononça son verdict Babeuf et Darthé furent condamnés à mort; sept autres, parmi lesquels Buonarotti, furent condamnés à la déportation; les cinquantesix accusés venant ensuite furent acquittés. Babeuf et Darthé se poignardèrent sous les yeux de leurs juges, au moment même du prononcé de l'arrêt. Comme Robespierre, ils furent portés expirants sur l'échafaud. Babeuf n'est pas un personnage historique ordinaire. Il mérite une place à part, pour deux raisons la première, c'est que, le seul peut-être des acteurs de la première révolution, il assigna à cette profonde démarcation entre les temps anciens et modernes un sens moins politique que social; la seconde raison est, qu'à la différence de tous les utopistes, les anabaptistes exceptés, il tenta, en raison même du milieu où il se trouvait jeté, de réaliser par la force les théories écloses dans sa pensée. Platon avait dit dans le livre des Lois : « Quelque part que cela se réalise ou doive se réaliser, il faut que les richesses soient communes entre les citoyens, et que l'on apporte le plus grand soin à retrancher du commerce de la vie jusqu'au nom de la propriété. » A la suite du grand philosophe de la Grèce, et sans sortir du domaine de la spéculation, Thomas Morus dans son Utopie, Campanella dans la Cité du soleil, Harrington dans l'Oceana, Jean Bodin dans sa République, enfin Morelly dans le Code de la nature, s'étaient tous bercés, en l'appliquant diversement, de l'idée d'une société exclusive de la propriété individuelle. C'est de Morelly surtout que semble procéder Babeuf; quelques-unes de ses innovations sont copiées du Code de la nature. Dans ce dernier ouvrage tout citoyen est déclaré « homme public, devant être sustenté, entretenu et occupé aux dépens du public; les individus n'ont rien en propre ils échangent entre eux les fruits de la terre dans la mesure de leurs besoins. La nation, dans ce système, se trouve divisée en familles, tribus, cités et provinces. L'excédant des produits d'un district comble les vides d'un autre. » -- Nous tendons à quelque chose de plus sublime et de plus équitable, le bien commun ou la communauté de biens. Plus de propriété individuelle des terres: la terre n'est à personne. Nous réclamons, nous voulons la jouissance communale des fruits de la terre: les fruits sont à tout le monde. Nous déclarons ne pouvoir souffrir davantage que la très-grande majorité des hommes travaille et sue au service et sous le bon plaisir de l'extrême minorité: assez et trop longtemps moins d'un million d'individus disposa de ce qui appartient à plus de vingt millions de leurs semblables, de leurs égaux. »> Et ailleurs : « Qu'il ne soit plus d'autre différence parmi les hommes que celles de l'âge et du sexe. Presque tous ont les mêmes facultés, les mêmes besoins qu'il n'y ait plus pour eux qu'une seule éducation, une seule nourriture. Ils se contentent d'un seul soleil et d'un air pour tous: pourquoi la même portion et la même quantité d'aliments ne suffiraient-elles pas pour chacun d'eux? » Ces citations résument la doctrine des babouvistes. Cette doctrine, qui à sa naissance passa presque inaperçue, et fut renouvelée dans ces derniers temps, se heurtera toujours contre l'état actuel de la société, et contre la nature même de l'homme. >> Dans le projet de Babeuf, dont le Manifeste n'est que l'exposé des motifs, on trouve un article premier, aux termes duquel nul membre de la communauté ne peut jouir que de ce que la loi donne par la tradition réelle du magistrat. Là est tout le communisme; l'individu, cette réalité vivante, doit s'effacer, disparaître, devant une abstraction qu'on appelle l'État; l'individu, pris isolément, n'est rien, l'État est tout: seul il subsiste, dirigeant le corps et l'âme de chacun de ses membres. Ce système léviathanique, dont la conséquence immédiate serait le despotisme le plus intolérable (car l'état des communistes finirait toujours par n'être qu'un homme), n'a pas même le mérite de la nouveauté : quelques peuples obscurs de l'antiquité, comme les Nabathéens, qui ne vivaient que de brigandage dans l'Arabie Pétrée, l'avaient pratiqué en partie; et certaines théories prêchées en 1848, d'après lesquelles l'État devait être le commanditaire général de la société, étaient depuis longtemps pratiquées, au grand abrutissement d'un peuple industrieux, par un pacha turc, par Méhémet-Ali, vice-roi d'Égypte. Les saint simoniens ont cherché en Orient la femme libre; les babouvistes, plus heureux, y trouvent leurs maximes de gouvernement. L'erreur de tous les systèmes, c'est de n'avoir jamais pu garder l'équilibre entre deux extrêmessi ailleurs on a exagéré le spiritualisme, on pousse ici le matérialisme jusqu'à ses dernières limites. D'après le chef du communisme, l'homme n'est qu'une espèce de mécanique; c'est l'automate qui se meut géométriquement, et que l'on préserve seulement de la rouille pour le faire vivre plus longtemps: «< Un logement sain, commode et proprement meublé ; des habillements de travail et de repos, de fil ef de laine, conformes au costume national; le blanchissage, l'éclairage et le chauffage; une quantité suffisante d'aliments en pain, viande, volaille, poisson, œufs, beurre ou huile, vin ou autres boissons usitées dans les différentes régions; légumes, fruits, assaisonnements et autres objets dont la réunion constitue une médiocre et frugale aisance. » Quant à la nourriture intellectuelle, elle n'est qu'une superfétation inutile; l'homme automate, qui ne pense pas pour se diriger, peut s'en passer parfaitement : « Ni philosophie, ni théologie, ni poésie, ni roman, ni peinture, ni statuaire, ni gravure, sinon comme délassement. Sera artiste qui voudra, à la condition de redevenir laboureur, et de laisser le pinceau ou le ciseau pour retourner à la charrue. >> « Nul ne pourra émettre des opinions contraires aux principes sacrés de l'égalité. Avant d'être inscrit au livre des citoyens, il faudra confesser publiquement la croyance communiste. » Dans le code de la nature de Morelly on trouve la même prescription, mais avec une sanction plus sévère : « Celui qui osera prononcer le mot propriété sera enfermé comme fou furieux dans une caverne. »> les D'après le babouvisme, l'éducation est commune, égale; les sexes sont élevés dans des établissements distincts. Point de grands centres de population; peu ou point de villes; point de palais, des maisons commodes et uniformes; les vêtements seront nuancés suivant les âges, sexes et les travaux ; mais à part cela, uniformité. Les théories qui précèdent non-seulement ne tiennent aucun compte de la nature humaine, mais elles seraient d'une impuissance absolue à faire le bien. C'est pourquoi elles ne sont que des utopies. Il est incontestable que, dans tout état de société, des améliorations sont nécessaires et possibles. Mais tout système qui voudra anéantir la liberté individuelle, le libre arbitre, et faire table rase du passé de l'humanité tel que l'histoire nous l'a légué, choquera la raison et le bon sens. Les siècles écoulés témoignent de cette vérité, et le temps présent la confirme. On a de Babeuf: Cadastre perpétuel, ou démonstration des procédés convenables à la formation de cet important ouvrage ; Paris, 1789, in-8°; Du système de dépopulation, ou la vie et les crimes de Carrier; Paris, 1794, in-8°. Buonarotti, Conspiration pour l'égalité dite Babeuf, suivie du procès auquel elle donna lieu, et des pièces justificatives; Bruxelles, 1828, 2 vol. in-8°. — Encyclopedie nouvelle, article BABEUF, par Buonarotti.- Le Bas, Dictionnaire encyclopédique de la France. Reybaud. Études sur les reformateurs contemporains.Sudre, Hist, du Communisme, p. 232; Paris, 1849. BABEUF ( Émile), né le 29 septembre 1785, fils du précédent, fut, à la mort de son père, adopté par Félix le Pelletier de Saint-Fargeau; puis, après la déportation de son bienfaiteur, |