LITTÉRAIRE. ANNÉE M. DCC. LXXVII. Par M. l'AbbéGROSIER &M. FRÉRON A PARIS, Chez MÉRIGOT le jeune, Libraire, M. DCC. LXXVII, L'Egoïfme, comédie en cinq actes & en vers, représentée par les comédiens François ordinaires du Roi, le jeudi 19 Juin 1777, par M. Cailhava, avec cette épigraphe, Mes portraits déplairont par trop de reffem blance. A Paris, chez la veuve Duchefne, N attribue communément la dé O cadence de la comédie parmi nous à la difette des fujets. On prétend que Molière & fes imitateurs fe font emparés des caractères les plus fail lans, & que la fociété n'offre plus à no poëtes des originaux qui foient digne du pinceau de Thalie. Cependant j ne puis croire que la nature foit 1 bornée, & que nous foyons aujour d'hui moins ridicules que du temp de Molière. Je fuis perfuadé, au con traire, que fi notre fcène comique ef aujourd'hui fi pauvre, il faut s'e prendre uniquement aux auteurs qu s'exercent dans ce genre. Les uns n'ont point le coup-d'oeil affez jufte pour diftinguer à travers l'apparente uniformité de nos mœurs & de nos ufages les traits particuliers qui décè lent le caractère. Répandus plus que jamais dans le monde, ils s'appliquent moins à obferver les foibleffes & les folies des hommes qu'à les imiter; ils font acteurs fur un théâtre où ils ne devroient être que fpectateurs, & remportent des fociétés qu'ils fréquentent tous les défauts qu'ils devroient cenfurer. Les autres, plus fages, ont affez de difcernement & de fagacité pour faifir un caractère, mais ils manquent du génie néceffaire pour l'expofer heureufement fur la fcène; ils l'envifagent fous un point de vue purement philofophique, & n'ont point l'art de le présenter du côté ridicule; ils ne favent point imaginer des incidens & des fituations propres à le faire reffortir & à le mettre dans tout fon jour : c'eft précisément le cas où fe trouve l'auteur de l'Egoifme, il a fait choix d'un fujet excellent; le caractère qu'il s'eft propofé de peindre eft particulier à nos moeurs, & malheureusement trop commun au jourd'hui; c'est le fruit de la philofophie moderne & du dogme de l'inté rêt perfonnel que nos nouveaux docteurs n'ont pas inutilement prêché.. Un poëte comique ne pouvoit fans doute mieux employer fes talens qu'à ridiculifer un vice f dange reux: il paroît que M. de Cailhava a fait des réflexions profondes fur l'égoïfme, il l'a bien défini, il en a distingué habilement toutes les nuances, il le confidère dans toute fon étendue, & d'après les obfervations inférées dans fa préface, on voit qu'il eût été en état de compofer fur ce caractère, & les fuites funeftes, un |