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III.

LETTRES INÉDITES

DE LA ROCHEFOUCAULD.

Les quatre lettres de la Rochefoucauld que nous publions, et dont nous devons la communication à M. Lud. Lalanne, sont conservées à la Bibliothèque impériale dans le tome XXVI de la collection Lenet (fonds français, n° 6728,- ancien supplément français, no 3000, 26, folios 141, 148, 157, 159). Elles ne sont point signées, mais le nom de la Rochefoucauld a été inscrit sur chacune d'elle par Lenet, à qui elles sont adressées; à défaut de cette indication, l'écriture et le cachet eussent pu, du reste, faire connaître leur auteur. La première est datée du 20 avril, la seconde du 30 avril, la troisième du 2 juin, la quatrième du 21 juin. Une seule, la première, porte l'indication du lieu où elle a été écrite, qui est Paris. Nous n'hésitons pas à compléter ces dates: la Rochefoucauld a écrit ces quatre lettres en 1652, pendant le séjour qu'il fit à Paris, et c'est à Bordeaux, où il dirigeait la Fronde, que Lenet les reçut.

Lorsqu'il écrit la première, il y a trois semaines. que la Rochefoucauld a quitté la Guienne. Il vient de traverser hardiment la France à la suite du prince de Condé, il a pris une part brillante au combat de Bleneau, et, neuf jours auparavant, il est entré à Paris au milieu des acclamations de la foule. Condé et ses amis ont jusque-là surmonté les difficultés que leur opposaient les incertitudes de Gaston d'Orléans, les dispositions peu favorables du parlement et de l'Hôtel de ville, le mécontentement des bourgeois : « Nous faisons des merveilles, » dit la Rochefoucauld.

La lettre qu'il écrit quelques jours plus tard (30 avril) ne marque pas la même joie et la même confiance. La séance de la cour des aides et les sévères paroles du président Amelot, les délibérations de l'Hôtel de ville et d'autres incidents ont par instants découragé le parti des princes et l'ont disposé à un acommodement avec la cour; le duc de Rohan, Chavi

gny et Lamothe-Goulas, envoyés en négociateurs à SaintGermain, sont revenus à Paris sans avoir rien conclu, l'avant-veille du jour où écrit la Rochefoucauld.

Le porteur de cette seconde lettre était l'abbé de Sillery, frère, si je ne me trompe, du marquis de Sillery, le gouverneur de Damvilliers et le beau-frère de la Rochefoucauld. L'abbé de Sillery allait retrouver à Bordeaux le prince de Conti, dont il était alors le maître de chambre1.

Le billet qui est daté du 2 juin accompagnait une lettre où le duc racontait les nouvelles du jour à Mme de la Rochefoucauld, qui était alors à Bordeaux. Peut-être lui parlait-il des derniers événements du siége d'Étampes; à coup sûr il lui disait la grande nouvelle du 2 juin, qui était l'entrée à Paris du duc de Lorraine. Ce singulier personnage, dont chaque parti désirait et espérait l'appui, après avoir promené pendant un mois en Champagne sa petite armée, s'était brusquement déclaré en faveur des princes, et avait fait avancer ses troupes : le 2 juin on l'attendait à Paris. Accourus à sa rencontre, le duc d'Orléans, Condé, la Rochefoucauld et les autres chefs de la Fronde, l'avaient trouvé au Bourget et lui avaient fait escorte dans Paris, où il avait été fort bien accueilli par le peuple. Le billet qu'écrivit la Rochefoucauld à Lenet, dans la matinée de cette journée bien remplie, porte la marque de la hâte avec laquelle il est tracé. «Tout se dispose à une furieuse guerre », y est-il dit. Une partie des troupes des princes s'était mise en mouvement le 30 mai pour aller construire au Port-à-l'Anglais, au-dessus de Charenton, un pont de bateaux qui permît à la cavalerie du duc de Lorraine de se joindre à elles; la jonction faite, on

1. Mémoires de Daniel de Cosnac, I, 83, 165. Ce fut Cosnac qui lui succéda dans sa charge auprès du prince de Condé.

2. Il fut écrit avant l'arrivée du duc de Lorraine, car ce ne fut qu'à dix heures du soir qu'il fit son entrée au palais d'Orléans, escorté de sa suite et des trois cents cavaliers qui étaient allés à sa rencontre jusqu'au Bourget, Sur la foi de quelques contemporains, de Dubuisson-Aubenay par exemple, plusieurs écrivains, et M. Chéruel parmi eux (Mémoires sur Fouquet, 1, 97), ont placé cette entrée à la date du 1er juin. Mais c'est e 1er juin que le duc de Lorraine reçut, à la Ferté-Milon, le message du duc d'Orléans qui l'appelait à Paris, et il ne se mit en marche que le lendemain. (Gazette de France, 1652, p. 563). Il laissa ses troupes à Lagny.

devait s'avancer «< contre l'armée de la qu'elle fût1.

cour, en quel endroit

La quatrième lettre est datée du 21 juin 2, lendemain de la séance où s'était ouverte au parlement une discussion sur la réponse que venait de faire le roi aux députés, et l'un des derniers jours que la Rochefoucauld put consacrer aux négociations, aux intrigues et aux machines, suivant sa propre expression, qu'il prenait plaisir à conduire; dix jours après, avait lieu le combat du faubourg Saint-Antoine, où il faillit perdre la vue.

En 1642, pendant les loisirs que lui avait faits la politique, la Rochefoucauld, alors prince de Marsillac, envoyait du vin en Angleterre, et, de l'argent qu'il tirait de ce « petit commerce »>, faisait acheter des chiens et des chevaux anglais. En 1652, il veut avoir des chevaux d'Espagne. Les circonstances ont fait naître ce désir. Chauvigny Saint-Agonlin, major du régiment de Persan, avait été envoyé en Espagne par le prince de Condé aux derniers jours de l'année 1651 et avait ramené à Bordeaux, au mois d'avril 1652, des chevaux qu'il avait achetés. Au mois de juin, une nouvelle mission en Espagne lui avait été donnée par Condé, ou plutôt par Lenet la nouvelle de ce voyage et cette considération qu'en Espagne devait se trouver de l'argent qui lui était destiné ont inspiré à la Rochefoucauld la lettre du 21 juin. D'autres eurent la même pensée et chargèrent Saint-Agoulin de former ou de compléter leur écurie. Il écrivait de Madrid à Lenet, le 3 août de la même année :

«<....

Dès que mon valet sera arrivé, je commenserois à acheter des chevaux, mes, au non de Dieu, envoyés moi des palefrenniers comme je vous en demende par toutes mes presedentes lettres. Je vous prie de faire mais beze mains à M. de Chavagnac. Je feres mon posible pour le contenter.

1. L'arrivée du duc de Lorraine à Paris, le 2 juin 1632, Paris, 1652, pièce in-4o de 7 pages.

2. Il semble, à la première vue, que la date doive être lue 2 juin; pour plusieurs raisons, cette date serait invraisemblable, mais il est superflu de les énumérer: l'examen attentif de la date met hors de doute Îa vraie leçon, qui est 21 juin.

3. Voyez le Bulletin de la Société de l'Histoire de France, 1835, IIe partie, p. 258.

J'aures pourtent bien de la penne à satisfaire tant de jens, Adieu1... >>

Les quatre lettres de la Rochefoucauld sont adressées a monsieur, monsieur L'Esné ou L'Esnet. Ce ne sont point les seules lettres qu'il ait écrites à Lenet; leur correspondance se continua jusqu'au départ de la Rochefoucauld pour la Flandre'. G. SERVOIS.

I

A Paris, ce 20me avril.

J'ay receu vostre billet, et je vous jure que j'ay plus d'impatience de vous voir que vous n'en avés de venir icy; nostre sejour y est encore sy incertein qu'on ne peut prendre aucunes mesures là dessus; nous y faisons des merveilles et vous nous y seriés fort utille, et vous devés estre satisfait des sentimens que l'on a pour vous. J'ay tous les subjets imaginables d'estre content de la manière qu'on veit avec moy, et il ne s'y peut rien adjouster. Je ne vous puis mander de nouvelles, car vous savés les publiques et les autres sont trop douteuses pour les mander; nous serons esclaircy sur bien des choses devant qu'il soit peu de temps et les affaires se disposent fort bien pour nous. Adieu,

1. Manuscrit 6728, déjà cité, du fonds français de la Bibliothèque impériale, fo 85. Sur l'ambassade de Saint-Agoulin, qui prend le titre de « résident pour M. le prince en Espagne, » voyez ce manuscrit et les Mémoires de Lenet, édités par M. A. Champollion, dans la collection Michaud et Poujoulat.

2. La Rochefoucauld écrit encore de cette seconde manière le nom de Lenet dans la minute d'un acte qui se trouve dans la même collection Lenet, et qu'a cité M. Cousin (Madame de Longueville pendant la Fronde, 1651-1652, p. 388). Le même nom est parfois écrit Laisné des contemporains. 3. Voyez les Mémoires de Lenet, éd. Champollion, p. 576 et sui

vantes.

par

croiés que je suis plus veritablement à vous que persone du monde.

II

Ce 30me avril.

Bien qu'il soit innutille d'escrire par un homme comme M' l'Abé de Sillery, je ne puis m'empescher d'adjouster à son instruction que vous n'avés jamais eu tant de subjet d'estre satisfait de S. A. et qu'elle parle de vous comme je scay que vous le pouvés desirer. Je commance à n'esperer pas sy tost de vous voir, car les choses mesme s'accomodant, vous courés fortune de faire un plus grand voiage que celluy cy. Les iresolutions sont plus crueles que jamais, et certeinement on ne vous peut encore rien mander d'assuré; croiés que rien ne le peut jamais davantage que la protestation que je vous fais d'estre plus à vous que persone du monde. Il s'est passé icy des choses sy extraordinaires de toutes façons depuis que je ne vous ay veu que je meurs d'envie de vous en entretenir 1.

III

Je vous remets à la lettre que j'escris à ma fame, car je n'ay que ce seul moment pour vous dire que

1. La dernière phrase a été ajoutée après coup.

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