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faisante à ces diverses demandes, car la Chambre des comptes ignorait elle-même d'où lui venait ce dépôt.

Cinq jours après, Louis XIV écrivait aux gens de la Chambre des comptes la lettre suivante, qui prouve qu'on ignorait même de quoi se composait au juste le dépôt en question :

Lettre du Roi aux gens tenant la Chambre des comptes, pour leur ordonner de remettre au directeur de l'Imprimerie royale une layette renfermant des poinçons de caractères grecs.

Louis, etc. à nos amés et féaux les gens tenant notre Chambre des comptes à Paris, salut. Ayant été informé qu'il y a dans le greffe de notre dite chambre une layette remplie de poinçons ou matrices de lettres grecques et autres, déposées audit greffe depuis longtemps, lesquelles pourroient s'y gâter', et qu'elles peuvent servir à notre imprimerie pour en faire des caractères, voulant qu'elles soient mises entre les mains de notre amé Sébastien Mâbre-Cramoisy, directeur de notre dite imprimerie, et pour cet effet tirées du greffe de notre dite Chambre;

A ces causes, nous vous mandons et ordonnons de faire incessamment remettre cesdits poinçons et matrices entre les mains dudit Cramoisy, desquels il se chargera au bas du procès-verbal que vous en ferez faire, pour, par lui, être conservés en notre dite imprimerie; car tel est notre plaisir.

Donné à Versailles, le quinzième jour du mois de décembre, l'an de grâce mil six cent quatre-vingt-trois, et de notre règne le quarante-unième.

Signé LOUIS. Et plus bas : Par le roi, Colbert.

Avant de s'exécuter, la Chambre des comptes exigea trois lettres de cachet, une pour la compagnie, une pour le premier président, et une pour les avocat et procureur généraux. Ces formalités remplies, la layette fut remise. Elle consistait en buit paquets de poinçons, dont on fit faire presque aussitôt des matrices; c'est du moins ce qu'il est permis de conclure des inventaires de l'Imprimerie royale qui furent dressés par la veuve de Sébastien Mâbre-Cramoisy, pour être remis au nouveau directeur,

Ce dépôt aurait probablement péri dans l'incendie de la Chambre des comptes, en 1727, s'il y fût resté. ly

Jean Anisson, nommé le 15 janvier 1691. L'inventaire signé par ce dernier le 29 janvier nous apprend, en effet, qu'il y avait alors à l'Imprimerie royale deux assortiments de matrices des deux plus petits caractères, c'est-à-dire l'assortiment provenant de Genève et celui exécuté récemment à Paris.

Voici les chiffres donnés par cet inventaire, où on voit figurer le gros-parangon, qui ne se trouvait pas dans les matrices de

Genève :

Gros-parangon.. 82 poinçons..

Gros-romain ... 447 poinçons..

Cicéro....

2 poinçons..

497 matrices.

1er assortiment... 614

2 assortiment... 537

er

1 assortiment... 481

2 assortiment... 350 (désassorties).

Dans un inventaire général du 8 février 1691, signé Muguet et Cognard, on retrouve le même détail de poinçons et de matrices des caractères grecs; malheureusement on n'a fait que copier le premier, et nous ne pouvons par conséquent rectifier les erreurs de celui-ci.

Dès le début de la direction de Jean Anisson, on songea à réparer ce qui pouvait manquer dans les caractères grecs du roi. Le 7 février 1692, dit de Guignes 3, M. de Pontchartrain passa avec le graveur Grandjean un marché par lequel celui-ci « s'engagea de faire cent cinquante-six poinçons de lettres grecques de gros-romain, plus d'en frapper deux matrices de chacun en beau cuivre rouge, avec une fleur de lis marquée, ainsi que sur le poinçon. L'une de ces matrices sera justifiée au premier assorti

1 Ce chiffre est évidemment inexact; il a été emprunté à un état où on a fait suivre d'un p certaines lettres, comme devant indiquer celles dont on avait des poinçons, mais où l'on a omis tout le gros de l'alphabet. Il y avait certainement plus de 300 poinçons pour le gros-parangon.

2 Ici on a mieux fait que de se tromper de chiffre, on n'en a point mis du tout. Il y avait plus de 300 poinçons de ce corps.

3 Notices et extraits des manuscrits, etc. t. I, p. XCIII.

ment des matrices de gros-romain grec, et l'autre au second assortiment du même gros-romain grec."

On se proposait aussi de faire plusieurs autres corps de grec, comme on le voit par un marché détaillé de Grandjean; mais ce marché ne reçut qu'un commencement d'exécution. Grandjean commença un quatrième corps de grec de même style; mais ce caractère, plus fort que les autres, est resté imparfait, et le nombre de poinçons qu'on en possède est très-restreint. Il grava aussi des majuscules et quelques lettres longues raccourcies, destinées à permettre de fondre le gros-romain sur le corps Saint-Augustin, afin de remplacer un caractère de ce nom que possédait l'Imprimerie royale, mais dont elle n'avait ni poinçons ni ma

trices.

Nous avons vu que l'Angleterre n'avait pu s'approprier les matrices grecques de Robert Estienne, malgré les démarches de son ambassadeur à Genève. Plus tard, l'université de Cambridge, qui déjà s'était procuré en France de vieilles fontes des deux plus petits caractères des grecs du roi, avec lesquelles elle imprimait ses livres, désira s'en procurer de nouvelles fontes plus considérables. Les curateurs de l'imprimerie fondée dans cet établissement s'adressèrent pour cela à Clément, garde de la Bibliothèque du roi, et demandèrent quatre ou cinq cents livres de chacun de ces caractères, offrant de reconnaître cette faveur dans une préface des premiers ouvrages qu'ils imprimeraient, et d'en payer le prix en livres. De plus, ils s'offraient de s'entremettre pour faire obtenir à l'Imprimerie royale de France, en telle quantité qu'elle voudrait, et aux conditions auxquelles l'obtenait l'université de Cambridge, une encre à imprimer particulière, luisante, dont le secret appartenait à une société anglaise1.

1

Voyez les différentes pièces relatives à cette affaire dans mon livre intitulé Les Estienne, etc. p. 40 et suivantes.

Si l'on en croit M. de Guignes, cette affaire échoua parce que M. l'abbé Bignon ne voulut pas se relâcher de la condition imposée, c'est-à-dire qu'outre la préface où l'on s'offrait de mentionner la concession faite par l'Imprimerie du Louvre, chaque volume de la collection porterait sur le titre : Characteribus græcis e typographeio regio parisiensi. L'amour-propre national des curateurs de l'imprimerie universitaire de Cambridge ne crut pas pouvoir l'accepter. J'ai fait de vains efforts pour éclaircir ce point intéressant de l'histoire des types grecs de François I. Il paraît qu'il ne reste plus aucune trace de cette négociation dans les archives de l'université de Cambridge, où on a bien voulu faire quelques recherches, sur ma demande 1.

Nous avons vu que, lorsqu'on retira les poinçons grecs de la Chambre des comptes en 1683, on ignorait leur origine. Un fait plus extraordinaire, c'est que, quarante ans après, l'administration elle-même avait perdu de vue ce retrait, au point de demander de nouveau à la Chambre des comptes ces poinçons, dont l'existence lui avait sans doute été révélée plus tard par quelque document officiel. C'est ce que nous apprenons par une lettre de M. de Foncemagne, datée du 30 septembre 1727, et dont M. de Guignes avait vu l'original au dépôt de la Bibliothèque royale. N'ayant pu retrouver cette pièce, non plus que celles qui s'y rapportaient, je transcris ici littéralement ce que dit sur cette affaire M. de Guignes lui-même : « M. de Foncemagne, dit-il, s'exprime en ces termes, qui sont positifs, mais contraires à tout

C'est ce que m'a appris M. J. Power, principal bibliothécaire de l'université de Cambridge, dans une lettre datée du 20 octobre 1851, dont voici un passage relatif à la personne du principal négociateur de cette affaire : « I conclude you have seen the letter of M. Prior from your mention of Whitehal (probably the palace of White Hall), which name does not occur in printed history to which you refer me. I have no doubt this person was Matthew Prior, our celebrated comic poet, who was a great favourite at the French court, and particularly patronised by Louis XIV, on which account he was much employed as a diplomatist by the English government.

ce que je viens de dire «Celui des greffiers de la Chambre

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des comptes que M. le premier président avoit chargé de traiter avec M. Anisson pour la restitution du dépôt des poinçons grecs que j'ai decouverts à la Chambre est en campagne depuis quelque temps. Cette affaire n'est point finie, et ce délai, que je < n'avois pas prévu, a reculé la réponse que je dois à M. Grand« jean. » M. de Foncemagne, qui savoit que François I avoit déposé es poinçons grecs à la Chambre des comptes, aura parlé de ce dépôt, et en aura sollicité la restitution; on les aura cherchés, parce qu'on a pu avoir oublié alors ce qui s'étoit passé quarante ans auparavant. Je n'ai trouvé, sur cette demande de M. de Foncemagne, que cette simple lettre : il y auroit eu alors des lettres patentes et diverses formalités dont je ne découvre aucune trace 1."

N'est-il pas surprenant, en vérité, que des savants comme Foncemagne, qui avaient tous les jours sous les yeux les livres imprimés au Louvre, n'aient pas reconnu dans ces caractères les types grecs de François Ier? L'insuccès bien naturel de la démarche de M. de Foncemagne ne fit pourtant que donner plus de consistance à l'opinion déjà répandue de la perte des types royaux. Cette opinion devint à peu près générale dans le XVIII siècle. En 1768, Fournier le jeune, habile fondeur et graveur de Paris, auteur de plusieurs ouvrages sur l'origine de l'imprimerie, déplore vivement cette perte dans son Manuel 2; Pierre Didot exprimait le même regret en 1786, dans une épître sur les progrès de l'imprimerie3. Il est vrai que, pendant tout le xvII° siècle, l'Imprimerie royale n'eut que fort peu d'occasions de

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3 A la suite d'un Essai de fables nouvelles par Didot fils aîné (Paris, 1786, in-18), p. 105:

Et ses beaux types grecs ne se retrouvent plus!

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