Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

<< mots analogues » que donnent MM. C. et de R. Tout en tenant compte de cette distinction, il ne semble guère logique de rapprocher flassa, couverture, sesteira, sétérée, de l'anc. prov. flessa, sestaira, — rouar et agulia du lat. rotulare et agolum. En effet, le d tombant entre deux voyelles, nous avons affaire à aguliana (aculeata), rouDar (rotare), sesteirava, flassada. On peut supposer, pour les mots latins enata, des formes archaïques flassaa, sesteiraa, etc. Comme on peut voir çà et là, MM. C. et de R. ont connu Brachet (Dict. étymol.), c'est à lui sans doute qu'ils empruntent l'étymol. de piscatorem pour pescaire; à contre-temps, puisque tout au rebours du français, les mots du latin en ator se sont conservés en provençal au cas direct, pescaire, cantaire, quelques-uns seulement ont gardé par cumul la forme de l'ancien cas indirect, pescadou, travayadou. Mistral (Armana prouvençau, 1877, p. 77-8) et V. Lespy (Gramm. béarn.) ont voulu voir une différence d'intensité dans la signification de ces doublets; ils se sont contredits et trompés, sans doute, tous les deux. On pourrait, par de nombreux exemples pris dans les poésies de Mistral lui-même, lui prouver que troubadou, pescadou, lauradou, etc., ne veulent, au moins aujourd'hui, dans la plupart des cas, rien dire de plus que troubaire, etc. On lit s. v. brot : « Au Queyras comme en Grèce, au radical br se rattache l'idée de germination ». Quelle idée de germ. y a-t-il dans bramar, mugir, bren, son de farine? Le patois du Queyras, disent MM. C. et de R., s'est conservé plus pur que celui des vallées voisines; au moins, à en juger par le dictionnaire, y trouve-t-on, fort heureusement, peu de mots corrompus par le français, armeio, assambleio, danreio, bien au contraire, il s'y rencontre quelques bons vieux mots, tombés ailleurs en désuétude, ou quelques formes rares: ando, tante, disandes (dies sambati, et non sabbati), laus, lac; marate, malate, malade; ounço, articulations des phalanges des doigts; pallioro, temps où une femme est en couches; à rage, à l'abandon; donno, dame (dans le Briançonnais); apiliar, apiglar, attacher; puro, pourtant. Ces deux derniers ne sont rapprochés que de l'ital. appigliare et pure, il eût été plus intéressant de rappeler que ces mots, omis dans le Lexique roman 2, se trouvent dans

tiennes-Briançonnaises... Grenoble, 1856, 2 vol. in-8') qui s'est imaginé voir dans le patois de ce pays des traces espagnoles du passage des Sarrasins. Pierquin de Gembloux (Hist. litt. des patois, p. 308) a composé un mémoire inédit sur les traces laissées par le phénicien, le punique, le grec et l'arabe dans les dialectes vulgaires du Dauphiné!

1. Le mot palhola se trouve dans Ramon Feraut. Il a été bien traduit par Raynouard et ensuite par Sardou, mal par K. Bartsch (Chrestom. prov.) qui commet deux ou trois contre-sens dans l'extrait qu'il donne de la Vida de S. Honnorat. 2. Pour un motif ou pour un autre, Raynouard me paraît avoir intentionnellement négligé les poésies vaudoises pour la composition de son L. r. Réis, racine (C. et de R.), était aussi à rapprocher de l'anc. vaudois reicz (Rayn., Choix, II, 126). Malate a été employé par Perrin, cité par Gilly (édit, de l'Evangile de S. Jean, p. xxIII,

les poésies vaudoises du xv s. (Rayn., Choix, II, 113 et 126, 127). S. v. reduire les auteurs font observer que « le mot i s'emploie pour l'article masculin lou dans quelques expressions, telles que su i couel, sur le col; su i pra, sur le pré, etc. » Cet i est l'ancien art. appuyé, sul col, sul prat, qui ne se trouve plus dans ce patois, qu'à l'état de fossile (Cfr. dei, ei, c'est-à-dire del, el, « du », « au », qui existent à côté de dou, ou). De même dans quelques patois du bas Languedoc, dai, ai, = dal, al. (Rev. des L. R., 2o s., 1, 134). Pourquoi MM. C. et de R. ne citentils pas B. Chaix (Préoccupations statistiques, géographiques, pittoresques et synoptiques du département des Hautes-Alpes. Grenoble, F. Allier, impr., 1845-1846, 8o) qui a donné avant eux, p. 318-28, un Petit catalogue de mots, de termes du patois du ressort de Briançon? - Le dictionnaire paraît avoir fait, à la faune et à la flore, une part plus restreinte que de raison. L'ordre alphabétique est parfois étrangement

troublé.

3o Les vallées vaudoises appartiennent depuis longtemps déjà à l'Ita lie, et leur patois s'éloigne peu à peu du type provençal 1. L'ancien vaudois de la Nobla Leyczon vit encore, mais c'est dans le patois du Queyras. MM. Ch. et de R. n'ont pas connu l'article de Willhelm Grüzmacher Waldensische Sprache (dans les Archives de Herrig, xvi, 1854, p. 369-407). Ils ne citent pas davantage Ladoucette (Histoire, topographie, antiquités, usages, dialectes des Hautes-Alpes, 3e éd., Paris, 1848, in-8°); ils le connaissent bien cependant, puisqu'ils lui ont pris la traduction de la Parab. de l'Enf. prod. en patois de Monêtier et en patois d'Embrun 2, ainsi que la phrase qui termine la p. 5 et commence la p. 6 de leur ouvrage (Ladoucette, p. 610). Chaix avait donné,

n. 5). Pur ne s'emploie pas, je crois, dans le provençal contemporain proprement dit, mais il était usité à Aix, fin xvre, commencement xvII S. :

« Caminen pu, que veiren Berro. »

(Cl. Brueys, Iardin deys musos provensalos, t. I, p. 298 de l'édit. Mortreuil; et encore pp. 240, 257. 258, 264, 306, 337). Cet auteur a aussi employé la loc. à ragi (I, 255). Les félibres tendent à faire revivre dono : Mistral, par ex., dans la lettre de faire part de son mariage, Junior Sans dans l'Armana de Lengadò, 1877. p. 64. Verdié, de Bordeaux, l'employait encore au commencement de ce siècle.

1. Biondelli va même (p. xxvII, 473, 481) jusqu'à ne pas le comprendre parmi les dialectes alpins occitaniques et à l'adjoindre au domaine de la plaine du groupe piémontais. A. Muston (Valdésie, poème. Paris, Hachette, 1803, in-12) a fait entrer dans son français quelques-uns des mots usités dans les vallées vaudoises. Diez (Gr. I, p. 100 de la trad.) dit à tort que les Vaudois habitent « le territoire jadis piémontais, aujourd'hui français. >>

2. On trouve dans Ladoucette, p. 540-604, mœurs et usages, p. 605-26, dialectes, notamment des traductions de la parabole de l'enfant prodigue en patois de Gap, du Dévoluy, de Veynes, de Serres et d'Orpierres, du Queyras, du Monétier, p. 618-9, d'Embrun, p. 619-20, de Chorges. Ces traductions, dont quelques-unes se trouvent dans l'Annuaire du dép. des Hautes-Alpes pour 1808, avaient été primitivement communiquées par leurs auteurs à la Société d'Emulation des Hautes-Alpes dont les Mélanges littéraires, 1807, ne se trouvent pas à la Bibliothèque nationale.

p. 335-6, la trad. de la parab., la même qui se trouve dans Ladoucette, et p. 337-8, un conte (patois) d'un habitant de la vallée du Querras, ainsi que des proverbes, p. 341-7. Le saggio de M. Biondelli sui dialetti gallo-italici, n'est pas davantage mentionné, et cependant, il donne des traduct. de la parab. de l'enf. prod. en patois des vallées de Pragelas, d'Oulx, etc., En outre, la trad. de cette parab. en patois vaudois qui figure dans Ch. et de R. se trouve déjà dans Biondelli (p. 510). Dans l'une comme dans l'autre édition, on ne paraît pas avoir saisi le mécanisme du pronom sing. de la 3o pers. : aL devant une voyelle, a devant une consonne 1 (aLa dessipà et non a L'ha dessipà).

I

4° Pour l'anc. dial. vaud., ils n'ont pas connu l'article de M. P. Meyer (Revue critique, 1866, premier sem., p. 36-42 2). Ils auraient pu toutefois, grâce à une revue qui s'adresse au grand public, ne pas dater du xin s. les poésies vaud. (Hudry-Menos, l'Israel des Alpes ou les Vaudois du Piémont, dans la Revue des Deux Mondes, 15 novembre 1867, 1er avril et 1er août 1868, 1er janvier 1869). La parab. de l'enf. prod., extraite du ms. de Grenoble, avait déjà été publiée mais moins bien, par Champollion-Figeac 3, Ollivier Jules 4, Chaix et Favrat 5. Le Mystère de saint Pons, dont MM. Ch. et de R. annoncent la publication prochaine par M. Long, n'était encore connu que par son titre 6.

J. BAUQUIER.

VARIÉTÉS

J'ai pensé que les lecteurs de la Revue liraient avec plaisir la lettre suivante de Christine, reine de Suède, qu'un heureux hasard vient de me faire découvrir dans un manuscrit de la bibliothèque d'Aix. Cette lettre est-elle originale? Je ne saurais le dire; l'absence de date et de signature, la suscription qu'elle porte, pourraient en donner à croire qu'on n'a ici qu'une copie; pourtant je dois faire remarquer que, dans le recueil où je l'ai trouvée, les quelques lettres non originales qu'on rencontre portent

1. De même dans le patois de Queige en Savoie.

2. Outre l'art. déjà cité de Grüzmacher, il faut ajouter du même savant die waldensische Bibel (p. 392-402 du Jahrbuch fur rom, und engl. Phil., IV, 1862). 3. Nouv. recherches sur les patois. Paris, 1809, p. 113-5.

4. Essai sur les dialectes vulg. du Dauphiné. Valence et Paris, 1838, p. 23-5. 5. En appendice au Glossaire du patois de la Suisse romande par le doyen Bridel. 6. P. Meyer, Revue des soc. sav. 6o s. Ill, 1o sem. 1876. Il se rencontre dans les textes publiés dans ce n° de la Revue deux mots qui ont arrêté M. P. Meyer, l'un pour le sens, rastillar restellar (p. 431), l'autre par la forme, duves (p. 434). Le premier paraît signifier recrépir (cfr. rastecar dans Garcin ou dans Honnorat qui le cite); le 2° s'emploie journellement pour deves dans la Provence méridionale et levantesque (Gramm. fr. expliquée au moyen de la langue prov. Marseille, 1826, 8o, p. 78).

en général la mention « copie », et qu'il en est une ou deux qui, bien que évidemment originales, ne sont cependant ni datées, ni signées. Quoi qu'il en soit, cette lettre de Christine ne se trouve ni dans ses Lettres choisies, ni dans ses Lettres secrètes, ce qui me fait supposer qu'elle est restée inconnue, et me décide à la publier 1. Un mot maintenant du manuscrit où je l'ai découverte. C'est le premier des trois volumes d'une collection de lettres adressées à M. de Basville, intendant du Languedoc. Cette collection a appartenu au marquis de Méjanes et porte de sa main la mention suivante : « Ce recueil de lettres originales ecrites à M. de Baville, lors de son intendance en Languedoc, est pretieux et renferme des particularités interessentes pour la guerre des Cevenes. Ce manuscrit vient de M. le marquis d'Aubais et m'a été procuré par M. Seguier de Nismes. La datte de ces lettres est depuis 1709 jusqu'en 1717. Acheté 36 1. le 5 août 1780. » Cette notice, reproduite en substance dans le catologue des manuscrits de la bibliothèque d'Aix, est de tout point inexacte et prouve que ni le marquis de Méjanes, ni l'auteur du catalogue, M. Rouard, n'avaient parcouru avec soin le manuscrit en question. La plupart des lettres qu'il renferme se rapportent, en effet, non à « la guerre des Cévennes >> il faudrait dire aux affaires du Languedoc, mais à la guerre de la succession d'Espagne, et sans parler de la lettre de Christine, antérieure évidemment à 1709, on en trouve une de Vauban de 1686, une de Louis XIV de 1698 et d'autres de 1703, 1705, 1706, etc.

Charles JORET.

-

Réponse de sa Majesté serenissime la Reine Cristine de Suede à la lettre de Mons le Chevalier Tesson.

<< Puis que vous désirés savoir mes sentimens sur la prétenduë extirpation de l'heresie en France, Je suis ravie de vous les dire sur un sujet si grand. Comme Je fais profession de ne craindre et de ne flatter personne, Je vous avouerai franchement que Je ne suis pas fort persuadée du succés de ce grand dessein, et que Je ne saurais m'en réjoüir comme d'une chose avantageuse à nôtre sainte religion au contraire Je prevois bien des prejudices qu'un procédé si nouveau fera naître par tout. De bonne foi étes vous bien persuadé de la sincérité de ces nouveaux convertis? Je souhaite qu'ils obéissent à Dieu et au Roy sincerement; mais Je crains leur oppiniâtreté. Je ne voudrais pas avoir sur mon compte tous les sacrileges que commettent les catholiques forcés par des Missionnaires qui traittent trop cavalierement nos saints Mysteres. Les gens de guerre sont d'étranges Apôtres, je les crois plus propres à tuer, violer et voler qu'à persuader aussi des relations desquelles on ne peut douter nous apprennent qu'ils s'acquittent de leur mission fort à la mode. J'ai pitié

1. La Biographie universelle parle encore, il est vrai, de Lettres de la reine de Suède (recueillies par P. Colomiès), in-12, sans date, mais je n'ai pas ce recueil, indiqué d'ailleurs comme peu authentique.

des gens qu'on abandonne à leur discretion, Je plains tant des (!) familles ruinées, tant d'honnêtes gens réduits à l'aumône, et Je ne puis regarder ce qui se passe en France, sans en avoir compassion. Je plains ces mal heureux d'étre nés dans l'erreur; mais il me semble qu'ils en sont plus dignes de pitié que de haine : et comme Je ne voudrais pas pour l'Empire du monde avoir part à leur erreur, Je ne voudrais pas non plus étre cause de leur malheur. Je considere aujourd'huy la France comme un malade à qui on coupe bras et jambes pour la guerir d'un mal qu'un peu de patience et de douceur auroit entierement gueri; mais Je crains fort que ce mal ne s'aigrisse, et qu'il ne se rende incurable, que ce feu caché sous les cendres ne se rallume un jour plus fort que jamais, et que l'heresie masquée ne devienne plus dangereuse. Rien n'est plus loüable que le dessein de convertir les heretiques et les infideles; mais la maniere dont on s'y prend est fort nouvelle, et puis que nôtre Seigneur ne s'est pas servi de cette methode pour convertir le monde, elle ne doit pas étre la meilleure. J'admire et ne comprens pas ce zele et cette politique qui me passent, et suis d'autant plus ravie de ne comprendre pas. Croyés vous que ce soit à présent le tems de convertir les huguenots et de les rendre bons Catholiques dans un siecle où l'on fait des attentats si visibles en France contre le respect et la soumission qui sont deus à l'Eglise romaine qui est l'unique et l'inébranlable fondement de nôtre religion, puis que c'est à elle que nôtre Seigneur a fait cette magnifique promesse que les portes de l'enfer ne prevaudront pas contre elle? Cependant jamais la scandaleuse liberté de l'Eglise gallicane n'a été poussée plus pres de la rebellion qu'elle (n'est à présent. Les dernieres propositions signées et publiées par le clergé de France, sont telles qu'elles ne donnent qu'un trop apparent triomphe à l'heresie; et je pense que sa surprise doit avoir été sans égale se voyant peu de tems apres persecutée par ceux qui ont sur le point fondamental de nôtre religion des dogmes et des sentimens si contraires aux siens. Voila les puissantes raisons qui m'empêchent de me réjouir de cette pretenduë extirpation de l'heresie en France. L'interêt de l'Eglise romaine m'est sans doute aussi cher que ma vie; mais c'est ce même intérêt qui me fait voir avec douleur ce qui se passe, et Je vous avoüe aussi que J'aime trop la France pour ne pas plaindre la desolation d'un si beau Royaume. Je souhaite de tout mon cœur de me tromper dans mes conjectures, et que tout se termine à la plus grande gloire de Dieu et du Roy vôtre maître, Je m'assûre même que vous ne douterés pas de la sincérité de mes vœux et que Je suis. »

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES

Séance du 22 février 1878.

Lecture est donnée d'un décret du Président de la République, par lequel est approuvée l'élection de M. le marquis d'Hervey de Saint-Denys,

« VorigeDoorgaan »