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D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE

N° 15

13 Avril

1878

Sommaire : Notice sur M. DE LA BERGE, directeur de la Revue Critique. — 74. MAYERS, Chinese Reader's Manual. 75. Du Boys, Histoire du droit criminel de la France depuis le xvi• jusqu'au xıx* siècle. - 76. La Muze historique de Loret, P. p. LIVET.

Académie des Inscriptions.

CAMILLE DE LA BERGE

La Revue critique vient de faire une perte cruelle, que tous ses lecteurs ressentiront. Camille de la Berge, mort le 13 mars dernier, un mois avant d'accomplir sa quarante-et-unième année, avait été un de nos premiers collaborateurs. L'article qu'il publia dans le troisième numéro de la Revue sur la Colonne trajane de M. Froehner fut un de ceux qui contribuèrent le plus à appeler sur notre recueil l'attention du public savant. De la Berge, dont c'était le début, y montrait la sûreté de sa critique, la clarté de ses vues et l'étendue des informations qu'il possédait déjà sur l'histoire de l'empire romain. La réplique qu'il fit ensuite à la réponse passionnée de l'auteur qu'il avait censuré ne mit pas dans un moindre jour la finesse de son esprit et la modération de son caractère. Il continua depuis lors à nous donner, quoique trop rarement à notre gré, des comptes-rendus toujours remarquables, même quand ils étaient de petite dimension. Nous citerons ses articles sur : Mommsen, Le testament d'Auguste (1866, art. 124); Briau, Du service militaire chez les Romains (ib., 205); Perrot, la Galatie province romaine (1867, 173); Robert, Les Légions du Rhin (ib., 210); Brambach, Bade sous la domination romaine (ib., 242); Benndorf et Schoene, les Antiquités du Musée de Latran (1868, 202); de Longpérier, Recherches sur les insignes de la questure (1869, 77); Seemann, les Dieux et les héros de la Grèce (ib., 66); Urlichs, De la vie et des honneurs d'Agricola (ib., 142); Robert, Epigraphie de la Moselle (ib., 254); Liebert, De la science de Tacite (1870, 1); Kekulé, La Balustrade du temple d'Athena Niké et le Théséion (ib., 152), Mowat, Le nom de peuple Rhedones (ib., 155); Bouchard, les Finances de l'empire

Nouvelle série, V.

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romain (1872, 85); Renier et Perrot, Les peintures du Palatin (ib., 68); Schoene, Bas-reliefs grecs (ib., 215); Perrot, Exploration de la Bithynie (1873, art. 162). Quand, à la fin de l'année 1874, M. Charles Morel, appelé à Genève, dut quitter la direction. de la Revue, nous demandâmes à de la Berge de le remplacer. Il avait au plus haut degré les qualités qui devaient nous le faire rechercher pour ces fonctions délicates : une culture générale trèsétendue, un esprit vraiment philosophique, une érudition extrêmement sûre, et surtout l'amour désintéressé de la science. Malheureusement sa santé, à ce moment même, commençait à ressentir profondément les suites de l'atteinte que lui avaient portée les privations et les peines endurées pendant le siége de Paris. Un germe sans doute héréditaire, qu'on pouvait croire étouffé, se développa, à la suite d'une pleurésie, dans sa constitution de tout temps peu robuste. Il ne reconnut jamais la gravité de son mal, et vit ses forces décliner et ses souffrances s'accroître pendant trois ans sans vouloir recourir au remède héroïque de l'éloignement hivernal, que la bienveillance de ses supérieurs hiérarchiques lui aurait rendu facile. Mais il garda presque tout ce qui lui restait d'énergie pour l'achèvement et la révision de ses thèses de doctorat es lettres. Il ne donna à la Revue que de rares articles, parmi lesquels un seul est de quelque étendue et mérite d'être particulièrement signalé : c'est son compte-rendu du livre de M. Boissier sur la Religion romaine (1875, art. 101): ceux qui l'ont lu ne l'ont certainement pas oublié. Mais il ne faudrait pas mesurer à cette collaboration restreinte la part prise par de la Berge à la direction de notre recueil. Tant qu'il put braver, souvent au risque à peu près assuré de violents accès de toux, la traversée de la Seine, il vint à nos réunions hebdomadaires, et, par ses indications sommaires sur la valeur des ouvrages déposés, par la désignation des collaborateurs les plus compétents, par ses observations pleines de goût et de justesse sur les articles lus devant lui, il contribua largement à maintenir la Revue, surtout en ce qui concerne les antiquités classiques, ́au rang que la direction de M. Ch. Morel lui avait acquis dans l'estime du public lettré.

Camille de la Berge a peu produit. Il étudiait longuement une œuvre avant de l'exécuter, et il n'admettait pas que les travaux d'érudition eussent la permission d'être écrits avec négligence. Attaché depuis le mois de janvier 1866 au cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, il consacra d'ailleurs aux devoirs de sa place tout le temps qu'il passait à son bureau. Les inventaires du riche dé

pôt dont il était un des gardiens conserveront la trace de son labeur patient, intelligent et attentif, et lui vaudront dans l'avenir la reconnaissance des savants. Il avait acquis au plus haut degré l'estime de l'éminent administrateur de la Bibliothèque, M. Léopold Delisle; M. Chabouillet, conservateur du cabinet des médailles, était l'ami de de la Berge : c'est lui qui l'avait fait entrer à la Bibliothèque, et c'est lui qui, sur sa tombe, a exprimé, en paroles émues, les regrets ptofonds que sa mort prématurée laisse à ses collègues.

De la Berge a pu cependant achever trois ouvrages, qui préserveront son souvenir au-delà du cercle des amis qui l'ont connu. En 1865, l'Académie des Inscriptions ayant mis au concours une étude sur la Flotte romaine, il concourut et obtint le prix, qui ne fut décerné qu'en 1870. Il n'a pas publié ce travail, qu'il voulait toujours revoir et retoucher. M. Léon Renier, son maître et le plus compétent de ses juges, a conçu le projet de publier ce mémoire, dont il prise l'utilité et la valeur, en le mettant, s'il y a lieu, au courant de ce que la science a pu ajouter depuis dix ans aux matériaux réunis par l'auteur. Cet honneur rendu à la mémoire de notre ami dit assez dans quelle estime le tenaient ceux qui pouvaient le mieux l'apprécier.

Il y a presque aussi longtemps que de la Berge avait achevé, au moins dans les parties essentielles, son Essai sur le règne de Trajan et sa dissertation De rebus Byzantiorum ante Constantinum, thèses latine et française qui devaient lui valoir le grade de docteur es lettres. Laissés de côté pendant quelque temps, repris ensuite, approuvés, il y a près de quatre ans, par la Faculté, revus une dernière fois l'année dernière, ces deux ouvrages furent enfin imprimés dans les derniers mois de 1877, et de la Berge n'attendait, pour les publier, que d'avoir soutenu l'épreuve publique à laquelle il se figurait que sa santé lui permettrait de faire face au retour de la belle saison. La mort, que ses amis voyaient s'approcher de lui plus sûrement chaque jour, ne lui permit pas d'acquérir le titre que ses livres allaient lui valoir; ils vont être livrés au public, et justifieront l'attente qu'en avaient conçue tous ceux qui connaissaient l'auteur. On remarquera dans l'Essai sur Trajan, à côté d'une érudition exacte et complète, les vues et les idées qui remplissent les chapitres consacrés à la religion, à l'art, aux lettres, aux sciences, à la société du temps de Trajan. De la Berge envisageait l'histoire en philosophe : habitué à méditer sur la succession et le caractère respectif des phases diverses de la civilisation, il avait parfaitement compris que l'époque des Antonins, inaugurée par le grand règne dont il

traçait le tableau, est le point de départ d'une évolution capitale dans l'histoire du monde. Il a exposé, dans la forme sobre qu'il aimait à donner à ses réflexions les plus profondes, le rôle de l'Empire romain dans la fondation du monde moderne, et marqué avec une grande finesse les caractères par lesquels la civilisation de Rome se distingue de celle des Grecs. S'il n'a pas complètement résolu le grand problème des causes de la décadence presque subite, rapide et irrémédiable, qui s'empara, vers le 111o siècle, de tous les éléments de l'activité intellectuelle, il a ouvert, sur cette question si intéressante, plusieurs points de vue qui contribuent certainement à nous en permettre l'intelligence. Dans sa thèse sur Byzance, il a traité avec amour l'histoire d'une de ces admirables villes grecques dont aucune, comme il le dit au début, n'est sans avoir mérité un souvenir de la postérité, par l'éclat qu'elle a jeté à son heure ou les services qu'elle a rendus à la civilisation, aux arts et aux sciences. Son étude curieuse et critique a d'ailleurs l'intérêt particulier de faire pressentir, à travers les vicissitudes d'une existence millénaire, le rôle extraordinaire qui était réservé à la seconde Rome, à partir du Ive siècle, dans les annales du genre humain. La thèse française est dédiée à M. Léon Renier, la thèse latine à M. Egger: c'est un souvenir des leçons auxquelles il disait volontiers qu'il devait tout. M. Egger a voulu aussi donner un témoignage public du cas qu'il faisait de celui dont il avait encouragé les premiers efforts : il a écrit sur lui une notice qui paraîtra en tête de la thèse latine.

La vie de Camille de la Berge avait été de bonne heure assombrie par des malheurs que rien ne répare. Né à Paris, le 5 avril 1837, d'un médecin fort distingué, frère d'un peintre bien connu, et auteur d'un ouvrage pratique encore apprécié, il le perdit tout enfant; il ne conserva guère plus longtemps sa mère, petite-fille de Carle Vernet, par laquelle il tenait à une famille qui lui offrit plus tard le cercle intime et affectueux dont il avait besoin. Elevé à Sainte-Barbe, sous la direction de son oncle paternel, il se présenta à l'Ecole forestière, et, quoiqu'il eût peu de goût pour la carrière qu'il embrassait, il entra et sortit le premier. Il montrait ainsi dès lors la variété de ses facultés, qu'il préférait appliquer à l'acquisition des connaissances les plus variées et les plus précises, mais qu'il pouvait au besoin concentrer sur un sujet quelconque, de façon à ne pas craindre de rivaux. Il ne resta que peu de temps garde-général, et, profitant de ce que ses parents lui avaient laissé un modeste patrimoine, il donna sa démission pour se livrer tout en

tier aux sciences historiques, qui l'attiraient particulièrement, bien qu'il ait toujours gardé du goût et de l'aptitude pour les sciences mathématiques et physiques, qu'il avait cultivées dans sa première jeunesse. Il passa brillamment sa licence es lettres, et s'estima heureux, peu de temps après, d'entrer au Cabinet des Médailles. Il se mit dès lors, tout en continuant ses études plus spécialement historiques, à étudier l'archéologie et la numismatique : c'est ainsi qu'il put fournir plusieurs articles au Dictionnaire des Antiquités, dont il a apprécié ici les mérites exceptionnels (1875, art. 3). Il avait formé de grands projets de travail dans cette direction, et il n'est pas douteux que là, comme ailleurs, il n'eût prouvé sa rare capacité, et n'eût mérité, s'il avait vécu, de diriger à son tour le dépôt précieux qu'il gardait avec tant de soin et d'intelligence. Ainsi établi dans des fonctions qui lui plaisaient, marié en 1867 à une femme distinguée, il aurait suivi en paix et avec succès une carrière heureuse et profitable à la science, si la maladie, en jetant le trouble dans sa vie physique, n'était bientôt venue atteindre son caractère même et sa faculté de travail. Nature profondément sensible, poussant presque à l'excès la modestie et la méfiance de luimême, il n'aimait pas à se mettre en avant, mais il se livrait tout entier aux rares amis qu'il avait choisis et qui lui rendaient son affection. Ceux-là seuls ont pu apprécier la bonté exquise, la tendresse délicate de son cœur, et aussi le charme original de son esprit et la portée de sa pensée. La grandeur de la perte qu'ils ont faite leur apparaît mieux tous les jours; ils ne combleront jamais le vide que laisse à côté d'eux la mort de Camille de la Berge. Mais ceux mêmes qui n'ont connu que ses rares écrits ou le peu de luimême qu'il livrait au commerce habituel, ont su, en général, comprendre la valeur intellectuelle et morale de celui qui vient de mourir sans avoir pu donner tout ce qu'on se promettait de lui. La France a besoin aujourd'hui de tous ses hommes de mérite et de cœur il n'y a aucun de ceux qui aiment notre pays et la science qui n'ait éprouvé une émotion douloureuse à la cruelle nouvelle que nous annonçons, un peu tardivement, à nos lecteurs.

74. The Chinese Reader's Manual. A Handbook of Biographical, Historical, Mythological, and General literary reference. By William Frederick MAYERS, Chinese Secretary to Her Britannic Majesty's Legation at Peking, etc., etc. Shanghai: American Presbyterian Mission Press. 1874, in-8, p.p. xxIV-440.

Parmi les nombreux ouvrages que Fourmont l'aîné a composés et

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