Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE

N° 1

- 5 Janvier

1878

Sommaire : A nos lecteurs. — 1. Oppert, Origine commune de la Chronologie cosmogonique des Chaldéens et des dates de la Genèse; Les dates de la Genèse; Salomon et ses successeurs. 2. Fragments nouveaux de St. Clément de Rome,

P. p. LIGHTFOOT. 3. JOBEZ, La France sous Louis XVI. 4. HALL, Sur les adjectifs anglais en able. — VARIÉTÉS : Les restes mortels de Christophe Colomb. - Académie des Inscriptions.

A NOS LECTEURS

Nous avons la coutume, au début de chaque année, de faire devant nos lecteurs notre examen de conscience, de leur exposer ingénûment quels sont les progrès que nous avons réalisés, et quels sont les points sur lesquels notre œuvre ne répond pas à nos désirs et à notre volonté. En commençant une douzième année, nous ne pouvons nous empêcher d'éprouver un certain sentiment de fierté en regardant les vingt volumes que nous avons déjà publiés, en voyant la place prise par la Revue dans la presse scientifique de l'Europe, au milieu de tant de difficultés, et même de tant d'hostilités. La période de lutte est aujourd'hui terminée, et nul ne songe plus à contester à notre recueil son droit à l'existence ni son utilité. Nous n'avons plus besoin comme naguère de nous excuser pour l'attention que nous accordons aux productions de la science étrangère, ou pour la franchise un peu rude avec laquelle nous jugeons les œuvres sans nous préoccuper de plaire ou de déplaire aux auteurs. On nous reproche même parfois aujourd'hui de laisser percer un secret penchant à l'indulgence et de nous relâcher de la sévérité qui scandalisait tant autrefois. Il est possible, en effet, que l'apaisement des résistances et des hostilités que nous suscitions jadis, ait involontairement adouci l'âpreté de notre humeur et que nous sentions moins la nécessité d'accentuer notre manière de comprendre la critique, maintenant que tout le monde semble admettre que c'est la bonne; mais nous croyons aussi que si nos critiques sont moins sévères, cela vient de ce que les bons livres sont plus nombreux. Les études sérieuses ont fait de rapides progrès en France depuis quelques années; la Revue critique a été une des premières manifestations du mouvement qui porte les esprits vers les travaux d'érudition; elle a contribué pour une bonne part à le fortifier; aujourd'hui elle y applaudit et en profite. Elle a été la première à sonner la diane, quand l'aurore blanchissait à peine; maintenant que les combattants arrivent nombreux de tous côtés, et que le champ de bataille se remplit de mouvement et de bruit, elle n'est plus seule à se

Nouvelle série, V.

I

faire entendre; mais elle n'abandonne pas sa place dans la lutte. Il n'est pas une seule des créations nouvelles qui, depuis dix ans, ont fortifié en France les études supérieures qui n'ait trouvé à la Revue critique une partie de son personnel ou l'appui des plus chaleureuses sympathies. L'École des hautes Études, l'École archéologique française de Rome, les enseignements nouveaux introduits dans les Facultés, les Revues d'érudition récemment fondées, ont avec la Revue critique des liens étroits, nonseulement d'affection, mais même de parenté. Elle peut se dire, sans faux orgueil, qu'elle n'a pas nui à leur création, et elle sait par expérience que tout ce qui développe les études d'érudition en France lui apporte des recrues nouvelles et étend le cercle de ses lecteurs. Aussi, après avoir été naguère accusée, bien à tort, d'être systématiquement hostile à l'Université, compte-t-elle aujourd'hui un grand nombre d'universitaires parmi ses collaborateurs. Ce n'est pas elle, mais l'Université qui a modifié ses tendances et son esprit.

Nous avons cherché à rassurer l'an dernier les esprits timorés qui craignaient que la formation de tant de nouveaux centres de production scientifique ne nuisît à la Revue critique et que les diverses branches de la science n'y fussent pas aussi bien représentées que par le passé. Nous pouvons prouver aujourd'hui que notre confiance était bien fondée par le rélevé des articles publiés en 1877. Sur deux cent cinquante articles, l'histoire moderne en compte quarante-trois, l'histoire du moyen âge vingt-neuf, l'histoire ancienne huit, la philologie classique trente-quatre, la philologie romane onze, la philologie germanique douze, la littérature allemande seize, la littérature française treize, la littérature anglaise quatre, la philologie, l'histoire et la littérature de l'Orient ancien et moderne trente, la littérature et l'histoire des peuples slaves seize, la philosophie huit, le droit dix, la géographie et l'ethnographie neuf, la théologie deux, les beaux-arts deux, et la bibliographie trois. On voit que l'existence de la Revue historique, malgré la large place qu'elle fait à la critique des livres, n'a point diminué celle qui est faite à l'histoire par la Revue critique, puisque quatre-vingts articles sont consacrés à des œuvres historiques; l'influence de la Romania s'est peut-être fait sentir davantage sur la part réservée aux langues romanes ; cela n'a rien qui doive étonner, puisque le nombre de travailleurs dans ce domaine est beaucoup plus restreint; cependant vingt-quatre articles sur la philologie romane et la littérature française prouvent que la Revue critique tient à ne pas négliger une branche d'études qu'elle a naguère cultivée avec une préférence marquée; la Revue de philologie, bien loin de nuire à la Revue critique pour les articles de philologie classique, lui a servi au contraire en excitant le zèle des humanistes, d'autant plus qu'elle ne publie pas de comptes rendus. Aussi la philologie classique, pour laquelle nous nous plaignions il y a peu de temps de manquer de collaborateurs, a-t-elle été l'objet cette année d'articles nombreux et excellents. Nos zélés collaborateurs, MM. Thurot, Weil, H. Martin, Tournier, Graux, Bonnet, Chate

lain, nous permettront de les remercier ici publiquement. Les études orientales, pour lesquelles nous avons, pendant de longues années, déploré notre pauvreté, occupent aujourd'hui dans notre recueil une place presque royale. Quelques personnes ont même trouvé que cette place était excessive, et que nous tendions à devenir une revue orientale. La statistique que nous venons de donner prouve que ces reproches sont peu fondés. Il est naturel que nous fassions la part plus large aux branches de l'érudition qui ne trouvent point place ailleurs, et nul parmi nos lecteurs ne se plaindra de voir trop souvent des articles signés de MM. Deren. bourg, Barth, Barbier de Meynard, Maspero, Guyard, J. Darmesteter. Nous avons aussi accordé un espace relativement assez vaste aux articles de philologie germanique et introduit les premiers dans le champ de l'érudition française une science qui jusqu'ici n'y était pas représentée. Le jour n'est pas éloigné sans doute où la philologie germanique sera enseignée dans nos Facultés comme la philologie romane l'est dans les Facultés allemandes. Quand ce progrès aurait été réalisé, la Revue critique pourra s'honorer d'avoir contribué pour sa part à attirer l'attention sur des études trop négligées jusqu'ici. Les trente-deux articles consacrés l'année dernière à la philologie germanique et aux littératures anglaise et allemande sont parmi les plus solides et les plus approfondis que nous ayons publiés. Ils constituent sans contredit une des originalités de notre recueil. Nous marquons l'importance que nous attachons à ce coté nouveau de notre rédaction en choisissant M. Chuquet, un germanisant, pour remplacer au secrétariat de la Revue M. Calame, que ses nombreuses occupations obligent à renoncer aux fonctions de secrétaire, mais en restant notre collaborateur.

Si nous sommes satisfaits à certains égards de la marche de la Revue, il s'en faut pourtant que notre satisfaction soit sans mélange. Les desiderata que nous signalions il y a deux ans, subsistent encore en grande partie, et les progrès que nous faisions espérer ne se sont pas tous réalisés. Beaucoup de livres qui devraient être critiqués sont passés sous silence; la longueur des articles est rarement proportionnée à l'importance des ouvrages; les comptes rendus sont souvent trop tardifs; les suppléments n'ont pas été aussi nombreux que nous l'aurions voulu; enfin l'analyse des périodiques sur la couverture n'a pas été fait avec toute la régularité désirable. Nous voudrions pouvoir chaque mois publier un numéro double contenant une bibliographie des ouvrages d'érudition et une chronique des faits, des découvertes qui intéressent la science. Ce serait un moyen de donner à notre Revue l'élément de vie, de nouveauté, d'actualité qui lui fait défaut. Nous sommes prêts, en outre, à recueillir et à examiner toutes les idées qui pourraient nous être suggérées par nos collaborateurs et nos lecteurs sur les développements qui pourraient être donnés à la Revue. Mais, pour accomplir ces perfectionnements, il faut des ressources nouvelles. Le cercle de nos abonnés n'a pas diminué, mais il ne s'est pas non plus étendu aussi rapidement que nous l'avions espéré.

Les études sérieuses ont subi, comme toutes les autres manifestations de l'activité du pays, les conséquences des agitations publiques que nous venons de traverser. Aujourd'hui que des temps plus calmes paraissent s'ouvrir devant nous, et que la réforme du haut enseignement, si nécescessaire pour le développement de l'érudition et du mouvement scientitifique, va enfin être reprise, nous croyons que la Revue critique sera la première à profiter des progrès qui vont s'accomplir, et nos lecteurs en profiteront avec nous.

1.

Origine commune de la Chronologie cosmogonique des Chal. déens et des dates de la Genèse, par J. OPPERT. In-8°, 4 p. 1877 (Extrait des Annales de Philosophie chrétienne, Février 1877).

Die Daten der Genesis von J. OPPERT (tiré des Nachrichten von der K. G. der Wiss. und der G. A. Univ. zu Gottingen, Mai 1877, p. 201-223).

Salomon et ses successeurs, Solution d'un problème chronologique par J. OPPERT. Paris, Maisonneuve, 1877, in-8°, 102 p. (Extrait des Annales de Philosophie chrétienne, t. XI et XII, 1876).

Les trois dissertations de M. Oppert ont été écrites pour prouver : 1° Qu'il n'y a pas de chronologie dans le livre de la Genèse;

2° Que, depuis Salomon jusqu'à la chute du royaume de Juda, dans les livres des Rois et des Chroniques, il y a une chronologie reposant sur des données certaines.

I. En comparant le comput biblique au comput babylonien tel que nous le connaissons par Bérose et par les documents cunéïformes, on

trouve:

Pour le temps de la création :

Dans le comput chaldéen.....

Dans le comput biblique..

168 myriades (1680000) d'années, 168 heures ou sept jours, en d'au

tres termes, une myriade d'années du comput chaldéen pour une heure du comput biblique;

A partir de la création jusqu'au déluge:

Dans le comput chaldéen, 10 rois ayant régné 432000 ans;

Dans le comput biblique (texte hébreu, Vulgate), 10 patriarches avec 1656 ans.

Ces deux nombres, 432030 et 1656, ont un diviseur commun, 72, et sont dans la proportion de 6000 à 23. 23 ans font 8400 jours ou 1200 semaines. Les Chaldéens mettaient donc 60 mois (un sosse de mois) ou un lustre (5) d'années, où la Bible ne compte qu'une semaine les 86400 (72X6000) lustres du comput chaldéen répondent aux 86400 (72X23) semaines du comput biblique.

Depuis le déluge jusqu'aux débuts des temps chronologiques, c'est-à-dire, pour les Juifs, jusqu'à la mort de Joseph :

Bérose donne...

La Bible donne.

39180 ans ou 653 sosses d'années; 653 années.

Conclusion. Les deux computs sont calqués l'un sur l'autre et ne sont pas plus authentiques l'un que l'autre.

II. M. Oppert trouve dans la Bible, depuis la mort de Saul jusqu'à la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, cent soixante et onze données chronologiques empruntées aux livres de Samuel, des Rois, des Chroniques, de Jérémie, d'Isaïe, d'Ezéchiel et de Daniel (Salomon et ses successeurs, p. 4-8). Selon lui, tous les faits qu'elles concernent « se rattachent à une même ère, celle du Temple, qui se relie à l'époque ‹ de l'Exode ». — « Dans la pensée des chronologistes judaïques, l'épo« que de cette ère était :

• La néoménie du jeudi, 17 avril julien, 4 avril grégorien de l'année 1493 avant l'ère chrétienne;

« L'Exode eut lieu quatorze jours plus tard, le jeudi 2 mai julien, 19 « avril grégorien de la même année » (p. 15). L'existence de cette ère au temps de Salomon est indiquée dans le passage (Il Rois, vi, 1), où il est dit que la construction du temple fut commencée « la quatre cent « quatre-vingtième année après la sortie d'Egypte des fils d'Israël, dans « la quatrième année, dans le mois de Ziv qui est le second mois de l'an« née, du règne de Salomon sur Israël ». M. Oppert se refuse à reconnaître dans le numéro 480 un chiffre cyclique (p. 10-11). Les années des rois se comptaient à partir du jour de l'avénement et se terminaient au jour de la mort. La place chronologique des règnes devait être déterminée dans l'ère.

Cela posé, on doit se demander quel sens les rédacteurs des livres historiques attachaient aux deux expressions dont ils se servaient d'ordinaire pour introduire les faits :

A Tel événement arriva dans telle année de tel roi,

в Tel roi a régné tant d'années (p. 8-9), ou, d'une manière plus générale, que signifient :

« Dans la ne année;

<< n années» (p. 16)?

A. « Dans la nTM année signifie que, depuis tel événement signalé, << y compris les règnes des rois, (n-1) années, plus une fraction d'une « année, se sont écoulées, quelle que soit la grandeur de la fraction >> (p. 16). Si, par exemple, on dit que, dans la xxII° année de Joas de Juda, Jéhu d'Israël mourut, la plus petite valeur de cette expression en années et en mois sera (n-1)+tz, soit (23-1) années + 1 mois, et la plus grande (n-1) + soit (23-1) années 11 mois.

B.

Une durée de n années peut vouloir dire :

a, Qu'il y a juste n années écoulées. C'est le cas le plus rare.

b, Qu'il y a n années plus une fraction d'années qui ne peut être supérieure à année ou 6 mois. Ainsi, « Ozia régna (II Rois, xv, 2; « II Chron., xxvi, 3) 52 ans; dans sa 52e année, Pékah arrive au << trône, et il meurt lui-même dans la seconde année de Pékah. Cela

« VorigeDoorgaan »