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dans la langue des édits. M. B. trouve bien en gujarâti et dans d'autres dialectes modernes des exemples de adhi représentant ardhadvi 1; mais ce sont là des formes bien jeunes vis-à-vis d'un texte du me siècle avant notre ère, et il est permis de se demander si, en l'absence des données du Mahavamso, M. B. eût pensé à proposer cette interprétation. Adhitisâni ou (avec un léger changement nullement nécessaire, mais parfaitement légitimé par l'état d'incorrection de ces textes 2) adhatisáni répond, en effet, si bien à un pâli addhatimsâni, qu'à première vue on doit être tenté de le traduire par 30 1/2. En ce cas, nos inscriptions ne s'accorderaient plus aussi bien avec les données numériques de la chronique de Ceylan, et les chiffres de détails que celle-ci donne pour le règne d'Açoka redeviendraient plus ou moins sujets à caution. Mais le point essentiel n'en resterait pas moins acquis, à savoir que le nombre de 218 années qu'elle indique comme s'étant écoulées du Nirvâna au sacre d'Açoka, repose sur un souvenir authentique et contemporain, et qu'il ne saurait plus être question de lui faire subir des réductions. Par un hasard doublement regrettable, nous n'avons pour ce terme adhitisáni qu'un seul des trois textes, celui de Rûpnâth; il a disparu dans les deux autres.

En résumé donc, nous pensons, avec M. B., que ces nouvelles inscriptions sont du même auteur que les édits déjà connus d'Açoka, le promoteur du bouddhisme; qu'elles sont datées de l'ère du Nirvâna, et qu'elles permettent de déterminer, à quelques années près, la place de cette ère dans notre chronologie. Mais en même temps nous sommes obligés de convenir que ces résultats d'une importance sans égale parmi les découvertes de ces dernières années ne sont toujours encore que des probabilités très-fortes, il est vrai, mais qui ne sauraient constituer la certitude 3.

A. BARTH.

1. Il convient de remarquer que la manière dont ardha se joint, en sanscrit et en pâli, indifféremment à tous les noms de nombre, obligerait de voir dans le composé adhitisâni 1/2 32, non 2 1/2 + 30; cela rendrait la contraction encore plus dure. 2. Dans le texte de Rûpnâth, par exemple, on trouve dans la même ligne une fois vadhisati et deux fois vadhisiti.

3. Il est à remarquer que les expressions chiffrées contenues dans ces inscriptions tendent à confirmer la théorie du Pandit Bhagvânlâl Indraji, dont M. B. s'est fait l'interprète (Ind. Antiq., vi, 43), et d'après laquelle les chiffres indiens ne seraient autre chose que des axaras ou signes syllabiques plus ou moins abrégés. Dans le texte de Rûpnâth, en effet, le signe pour 200 est très-distinctement la syllabe su, dans celui de Sahasrâm au contraire, il se rapproche d'un signe déjà connu d'autre part et qui, en partie du moins, procède d'une autre convention. S'il ressemble à quelque chose, c'est à la lettre so renversée et armée d'un crochet qui la distingue du signe exprimant 100. Le fait de la coexistence de ces deux notations montre une fois de plus combien le caractère de l'écriture est à lui seul un indice peu sûr pour déterminer l'âge d'une inscription. On remarquera, en outre, que dans le texte de Bairât les centaines ne sont pas exprimées. L'usage de cette abréviation remonte donc pour le moins au Ie siècle.

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197. Histoire de la guerre de Crimée, par Camille ROUSSET de l'Académie française. Paris, 1877, Hachette, 2 vol. in-8°, xш-460-474 p. avec un atlas.

Comme l'indique son titre, l'ouvrage de M. Camille Rousset est une Histoire de la guerre de Crimée et non une Histoire de la question d'Orient, de 1853 à 1856. C'est un livre tout militaire, puisé aux archives du ministère de la guerre et dont l'intérêt est à la fois dans les documents inédits habilement mis en œuvre par l'auteur et dans le tableau d'ensemble qu'il présente de cette longue et glorieuse campagne. M. R. n'a point prétendu composer une œuvre technique; il n'est entré ni dans le détail, ni dans la discussion spéciale des opérations militaires; il a eu le bon goût de ne point refaire, à sa façon, les batailles dont il raconte les épisodes. Il s'est mis à la portée du grand public. Il a cherché surtout à dégager le caractère des acteurs de ce drame et l'esprit qui animait les armées. Cet esprit était noble; M. R. l'interprète avec un entrain et une chaleur patriotiques qui augmentent encore l'intérêt, si vif en soi, des événements qu'il raconte. Il a eu entre les mains des lettres inédites et pleines de saveur du maréchal Saint-Arnaud, d'autres lettres, souvent saisissantes, du maréchal Vaillant. Il les a encadrées dans son texte. L'exposition est claire et rapide ; un atlas, fort bien dessiné, permet de se représenter les choses. Je regrette seulement que M. R., qui a été très-avare de notes, n'ait pas plus souvent indiqué les pages de l'atlas auxquelles le lecteur doit se reporter. Il ressort de ce récit une belle image de l'armée française et des vertus militaires dont elle est capable. Il en ressort aussi des enseignements bien tristes et bien graves. M. R. jette une lumière nouvelle sur les causes de nos désastres de 1870, causes beaucoup plus anciennes et plus profondes qu'on ne se le figure en général. Je n'ai point la compétence nécessaire pour entrer, à ce propos, dans une discussion technique; je me borne, par quelques exemples, à montrer le genre d'intérêt que présente cette partie de l'ouvrage de M. R. Il nous montre le gouvernement impérial modifiant, en pleine guerre, l'organisation de l'armée. « Une loi nouvelle apparaît en 1855... une loi de l'Empire, avec ses tendances, ses préoccupations, ses appétits, ses amorces, l'exonération d'une part, la caisse de la dotation de l'autre, et, pour achever, une garde impériale. Presque aussitôt, le caractère de l'armée change!... » (p. rx). Ce qui apparaît comme le symptôme le plus grave, c'est l'anarchie et l'incohérence de la direction supérieure; par-dessus tout, l'insuffisance des préparatifs. « C'est peut-être la guerre de Troie qui recommence! s'écriait un jour le maréchal Vaillant. Il y avait, en effet, bien des rapports avec la guerre de Troie, notamment les dissensions des grands chefs (p. vii). » A Marseille, lors du premier départ, << il y eut comme un confluent de choses désordonnées : les détachements expédiés des corps ou des dépôts à la hâte y arrivaient pêle-mêle, le matériel, les approvisionnements, les munitions, un jour par fragments, le lendemain par masses; c'était le chaos accumulé. Quoique le ministère

de la marine, depuis près d'un an tenu en haleine, n'eût pas été surpris au même point que l'administration de la guerre, il avait épuisé, pour entretenir les forces navales de la France en Orient, la plus grande partie de ses ressources » (p. 89). Le pire est que ces cruelles leçons répétées, à chaque instant, pendant deux années de guerre, furent absolument perdues. Il faut rapprocher le livre de M. R. d'un ouvrage qui a paru à peu près en même temps, et qui contient, à côté de bien des détails inutiles et d'observations très- discutables au point de vue politique, des renseignements militaires du plus haut intérêt : le tome II des Mémoires du maréchal Randon 1. On voit se reproduire en 1859 toutes les fautes commises en 1854 et qui se reproduisent en 1870. Les faits de 1870 sont dans toutes les mémoires. Je rapproche seulement 1854 et 1859. Le maréchal Saint-Arnaud écrivait le 26 mai 1854, de Gallipoli, deux mois après l'envoi des premières troupes : « Je le dis avec douleur, nous ne sommes pas constitués ni en état de faire la guerre tels que nous sommes aujourd'hui. Nous n'avons que 24 pièces d'artillerie attelées prêtes à faire feu. Notre situation est encore plus triste sous le rapport des approvisionnements. J'ai pour dix jours de biscuit; il m'en faudrait pour trois mois au moins. On ne fait pas la guerre sans pain, sans souliers, sans marmites et sans bidons... On a embarqué les hommes sur des bateaux à vapeur, et les approvisionnements sur des bateaux à voiles les hommes arrivent, et ce qui leur est indispensable ici, ils ne le trouvent pas (p. 114). » Le 15 mai 1859, l'empereur Napoléon III écrivait d'Alexandrie au ministre de la guerre : « Nous avons réuni en Italie une armée de 120,000 hommes avant d'y avoir réuni des approvisionnements... Je ne puis être en repos que lorsque j'aurai à Alexandrie vingt jours d'approvisionnement en réserve. L'administration de la guerre a été bien coupable. Il y a des corps qui n'ont pas encore de marmites pour faire la soupe (Randon 1, p. 7). » Si en 1854 et 1859 on se << tira d'affaire, » et si l'on s'en tira avec honneur et avec gloire, c'est qu'en 1854 la guerre était lente et se faisait loin, que l'ennemi était encore moins bien outillé et moins mobile que nous ne l'étions nous-mêmes, que, par suite, on eut le temps de réparer en partie les fautes du début, et que le caractère des opérations permit à la vaillance des hommes et à la constance de leurs chefs de suppléer à l'insuffisance de la direction supérieure et des préparatifs; c'est qu'en 1859 on envahissait, au lieu d'être envahi, qu'on avait affaire à un adversaire pour lequel la procrastination est un principe de stratégie, que, la maladresse des généraux autrichiens aidant, l'élan du soldat français put enlever la victoire et qu'enfin la paix se conclut au moment où la guerre allait devenir difficile. En 1870, on fut envahi, on eut affaire à l'armée la plus rapide, la mieux outillée, préparée et commandée de l'Europe; ce qui avait pu, tant bien que mal être suppléé en 1854 et 1859, ne put l'être;

1. Paris, Lahure, 1877.

ce qui n'était alor que désordre devint confusion; toutes les causes de désastre qui n'avaient apparu que successivement et partiellement dans les guerres précédentes se rassemblèrent, s'accumulèrent, précipitèrent leurs effets et nous conduisirent à la catastrophe. Il y a dans l'enchaînement de ces faits un légitime sujet de sollicitude.

Si je m'en tenais à l'objet principal de l'ouvrage de M. R., je devrais m'arrêter ici. Je ne puis toutefois me défendre de présenter quelques observations à propos d'une partie secondaire de l'Histoire de la guerre de Crimée. M. R. s'est borné à résumer les négociations qui ont précédé, accompagné et suivi la guerre (introduction; livre VI, ch. 1; livre VII, ch. Î, ïv, v; livre XII, ch. 1v 1). Il ne l'a fait que dans la mesure où ce résumé était nécessaire pour l'intelligence des événements militaires. Tandis que dans le récit des opérations de guerre il s'est servi surtout de lettres privées et de documents confidentiels, il s'est contenté ici de l'exposé général et officiel des faits. Il rend pleine justice (I, p. 43) au rôle très-honorable, joué par la diplomatie française, « au langage élevé, ferme, modéré, sans jactance ni bravade », que lui firent tenir M. Drouyn de Lhuys et M. Thouvenel; mais il n'entre point dans l'étude des causes réelles de la guerre, ni dans le détail des négociations trèscomplexes qui en ont été la conséquence. Je méconnaîtrais la pensée de M. R. et je comprendrais mal le plan de son livre, si j'exprimais ici le regret qu'il n'ait point donné plus de développement à la partie des négociations. Toutefois certains passages et, en particulier, une page de la chaleureuse dédicace au général Trochu, contiennent des appréciations politiques qui, par leur caractère même, sont un sujet de discussion. Il s'agit de savoir si la guerre de Crimée a été une œuvre politique et comment il convient de la juger, tant en elle-même d'abord, que dans l'ensemble de la politique française pendant le règne de Napoléon III. Je n'ai point la prétention de trancher ici une question aussi vaste et aussi délicate: toucher à la question d'Orient, à quelque époque que ce soit, c'est toucher à l'ensemble des rapports, des oppositions et des alliances entre les grands Etats de l'Europe. Je me borne à citer et à commenter l'opinion de M. R. « Ce que les critiques reprochent à la guerre de Crimée, dit-il (p. x), c'est qu'elle aurait aliéné la Russie de la France. Ils ont tort. Non-seulement il y a eu, au milieu même des hostilités, entre l'armée française et l'armée russe, une sympathie notoire, mais, fait aussi notoire et plus considérable, jamais la France et la Russie n'ont été aussi près de s'entendre qu'après le traité de Paris. Il a fallu les fautes politiques de Napoléon III, particulièrement sa connivence malheureuse à l'insurrection de Pologne, pour détourner le gouvernement du tsar et obliger celui-ci à chercher

1. Ce dernier chapitre est un résumé très-sommaire du Congrès de 1856. M. R. a omis d'y mentionner le traité signé le 15 avril entre la France, l'Angleterre et l'Autriche pour garantir l'indépendance et l'intégrité de l'empire ottoman.

autre part une alliance. Ce qu'il est vrai de dire, c'est que la guerre de Crimée a eu pour suite, du fait seul de l'empereur, non par conséquence forcée, la guerre d'Italie; que, du consentement de l'empereur, la guerre d'Italie a produit la guerre de 1866, et celle-ci, fatalement, la guerre de 1870. Après l'unité italienne, l'unité allemande, c'était logique; mais, en vérité, la guerre de Crimée faite, rien n'obligeait Napoléon III à jouer le jeu de M. de Cavour »>.

Je ne crois point que la critique dont M. R. essaie ici de justifier la guerre de Crimée, soit une critique fondée. Considérée en elle-même et dans le temps où elle se produisit, la guerre de Crimée fut, de la part de Napoléon III, une œuvre très-politique; considérée dans l'ensemble de son règne, elle semble une œuvre absurde, car son seul résultat fut de devenir inutile. En 1853, la situation de Napoléon III était loin d'être brillante il n'avait point d'alliés, et l'Europe se méfiait de lui. Il se présenta une occasion de prendre rang parmi les souverains et de sceller l'alliance à la fois la plus profitable pour les intérêts pacifiques de la France et la plus rassurante pour l'Europe. Un Napoléon, qui avait conspiré en Italie et s'était élevé au trône par une révolution militaire, ne pouvait faire une œuvre plus habile que de prendre la défense du droit public de l'Europe et de se faire le champion de l'équilibre : cette diplomatie, jointe à une politique libérale en matière de commerce, pouvait fournir à un souverain sage et modéré une carrière suffisante.

Le succès, en 1856, fut éclatant: il faut remonter aux dernières années de la Restauration pour retrouver la France à ce degré de puissance et de considération. Ajoutons que l'alliance anglaise l'événement le prouva - n'était nullement incompatible avec le grand dessein de Napoléon III sur l'Italie. Ce qu'il faut donc regretter, c'est que Napoléon III ait rompu cette alliance, et la faute qu'il lui faut reprocher, ce n'est pas d'avoir fait la guerre de Crimée, mais de n'en avoir point retiré les avantages qu'elle contenait et d'avoir abandonné une politique aussi ferme que simple, pour l'ombre d'une diplomatie fantasque et paradoxale, au bout de laquelle il n'y avait que l'isolement. Ce n'est pas ici le lieu de rechercher comment et pourquoi l'empereur, même durant la guerre, fut conduit à s'éloigner peu à peu de l'Angleterre pour caresser la Russie. Je me contente de poser cette question: était-ce une politique sensée que de faire la guerre aux Russes dans l'unique dessein de devenir leurs alliés ? Valait-il la peine de sacrifier la vie de 80,000 Français, de 22,000 Anglais, de 2,200 Piémontais, de 35,000 Turcs et de 110,000 Russes, pour le seul plaisir d'offrir au tsar, sur un plat d'argent, le traité qu'on lui avait imposé après deux années d'une guerre acharnée ? Si ce n'était sage, était-ce au moins possible? Quel intérêt Napoléon III pouvait-il trouver à détruire son œuvre de ses propres mains et à livrer aux Russes la péninsule des Balkans, ce qui a été, ce qui était, ce qui est encore la condition nécessaire de toute alliance entre une puissance occidentale et la Russie? Ce n'était point sans doute l'affranchis

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