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Après la lettre de Mme Geoffrin, vient une instruction pour le vidame de Chartres, si célèbre depuis sous le nom du duc de Saint-Simon. Ce morceau est publié d'après un manuscrit petit in-8° richement relié en maroquin rouge, qui a fait partie de la belle bibliothèque de M. le baron Pichon. Il contient des conseils adressés au futur auteur des Mémoires, lorsqu'il n'était âgé que de huit ans et demi et portait le titre de vidame de Chartres. Le volume lui fut présenté le jour de sa fête, c'est-à-dire le jour de saint Louis ou le 25 août 1683, par l'auteur lui-même, qui n'était autre que son précepteur. L'intéressante préface mise par M. le baron Pichon en tête de l'opuscule, constate un fait assez curieux, c'est que dès l'année 1721, c'est-à-dire bien avant la mort de l'auteur des Mémoires, le manuscrit à lui offert était sorti de ses mains et se trouvait dans celles d'un autre possesseur. Ce petit traité est surtout remarquable par le ton de sévère franchise qui y règne et par les excellents conseils de morale que le maître y donne à son élève. Mais il n'est pas dépourvu de tout intérêt au point de vue de la langue. C'est ainsi que, moins de vingt ans avant la fin du xvme siècle, on y trouve le mot libertin encore employé comme synonyme de libre penseur, homme d'une morale relâchée 2. Quelques lignes plus bas il est dit que le joug de la religion est doux à porter quand on l'accoutume (c'est-à-dire, quand on s'y accoutume) dès l'enfance. On reconnaît ici une tournure de Montaigne : << Pratiquons-le, accoutumons-le 3 ».

Je ne mentionnerai que pour mémoire une lettre d'André Thevet à Ronet, avocat au parlement de Paris. Cette lettre, datée du 24 avril 1584, est extraite des riches archives de M. le duc de la Trémouille. Elle a rapport aux Vies des hommes illustres du polygraphe angoumoisin et au portrait de Louis de la Trémouille le chevalier sans reproche, et prouve le soin que Thevet mettait à obtenir de la ressemblance dans les effigies destinées à décorer son grand recueil.

Nous arrivons, enfin, à la pièce capitale du volume: Choix de lettres françoises inédites de J. A. de There; ce choix, qui remplit près de cent cinquante pages, a été préparé par Le Roux de Lincy, complété en ce qui concerne l'annotation et publié par M. Paulin Paris. II comprend cinquante-cinq lettres adressées à Pierre Pithou, à Claude et Pierre du Puy, et à Isaac Casaubon, etc., plus deux autres écrites au prince de

1. Voyez le Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés de la bibliothèque de M. le baron J. P*****, Paris, 1869, grand in-8° no 149. Ce manuscrit qui compte 20 feuillets, fut vendu au prix de 405 francs.

2. « Le Roy qui les donne (les grands emplois dans les armées, les grandes charges, les grands gouvernements) a de l'aversion pour les gens qui n'ont point de véritable piété. Il est persuadé que les libertins ne donneroient que de mauvais exemles aux peuples et aux troupes qu'il leur confieroit, et que l'on ne pourroit vivre qu'en désordre dans des lieux où commanderoient des personnes qui sont dans le plus pernicieux de tous les déréglemens. » Cf. Littré, verbo libertin, no 1 et Remarque.

3. Apud Littré, I, 39 a.

Condé et à une abbesse de Maubeuge. Le savant éditeur a réservé, pour un autre recueil, celles des lettres inédites de célèbre bibliophile qui ont trait aux événements politiques du temps, se bornant pour le moment, sauf une ou deux exceptions, à choisir dans la correspondance recueillie par L. R. de L. les lettres qui se rapportent à la bibliographie ou à l'histoire littéraire. Ces lettres sont on ne peut plus curieuses par les nom breuses indications qu'elles renferment sur le caractère, les goûts dominants et les préoccupations du noble et savant amateur. On y trouve presque à chaque page des preuves de l'amour de l'auteur pour sa précieuse bibliothèque, du zèle qu'il mettait constamment à l'enrichir, de ses soucis de bibliophile en ce qui concernait la bonne exécution matérielle des ouvrages nouveaux dont il songeait à l'augmenter. Dans sa correspondance, de Thou a mentionné, en passant, quantité de circonstances et de personnages de son temps parmi lesquels il en est d'assez peu connus aujourd'hui. Il est parfois difficile de reconnaître des allusions que l'écriture des copistes a dû rendre encore plus obscures. Le savoir de deux éditeurs s'est exercé très-heureusement sur plusieurs de ces énigmes historiques ou bibliographiques. Dans d'autres cas, il nous paraît avoir échoué. De plus, quelques notes du premier commentateur portent la trace d'un peu de précipitation. Mais on ne doit pas oublier qu'il ne lui a pas été donné de mettre la dernière main à son travail. Dans la note du 20 novembre 1582, de Thou mentionne la nomination de son beau-frère, le président de Harlay, au poste de premier président du parlement de Paris. Une note (no 7, page 9) fait observer qu'il s'agit d'Achille de Harlay, dont M. de Thou avait épousé la sœur Catherine de Harlay. Mais il y a là une énonciation erronée. C'est par sa femme (Catherine de Thou), et non par sa sœur, qu'Achille de Harlay se trouvait beau-frère de Jacques-Auguste de Thou 1. Dans la suite de la même note, il est dit qu'Achille de Harlay mourut le 26 octobre 1616. C'est, à trois jours près, la date qu'indique la Biographie universelle des frères Michaud (23 octobre 1616). Mais, dans une note de sa belle édition des Mémoires inédits de Michel de la Huguerye (t. Ier, p. 429, n. 3), M. le baron Alphonse de Ruble place la mort d'Achille de Harlay le 21 octobre 1619, date que donne la Biographie générale de Didot et qui paraît plus exacte, au moins en ce qui concerne l'année. Dans la même lettre du 20 novembre 1582, de Thou, après avoir parlé de l'accablement où l'a plongé la mort de son père, ajoute quelques mots latins qui ont été lus et reproduits ainsi par l'éditeur: Non erit ea dens navis. Sur ce passage on trouve la note que voici : « Cela n'arrêtera pas ma barque. » Il semble que de Thou entende ici rappeler le vers de Virgile, Enéide, VI, v. 5, qui présenterait pourtant un autre sens.

1. Cf. Les lettres d'Etienne Pasquier, livre VII, x, t. II, colonne 188 B. de l'édition de 1723.

Tum dente tenaci

Anchora fundabat naves....

Mais au lieu de ea dens, leçon qui n'est pas admissible, dens étant du masculin et ne pouvant conséquemment se construire avec un pronom au féminin, ne faut-il pas lire cadens et traduire : « mon navire ou ma barque ne fera pas naufrage? » En effet, on voit dans le Dictionnaire français-latin de M. L. Quicherat (verbo naufrage) que le verbe cadere a parfois le sens de faire naufrage.

Plus loin, p, 64, note 3, à propos de la préférence donnée sur de Thou. à Nicolas de Verdun, pour la charge de premier président vacante par la retraite d'Achille de Harlay, il est dit qu'il eût dû obtenir cette charge dès l'année 1582, avant Achille de Harlay. Mais, en 1582, de Thou était encore bien jeune pour une pareille charge et bien peu avancé dans la carrière des emplois de judicature, puisqu'il n'était encore que conseiller au parlement, tandis que son beau-frère avait le titre de troisième président. Nous savons, de plus, par de Thou lui-même que, lorsqu'il prêta serment au parlement comme successeur désigné de son oncle, le président Augustin de Thou, la cour ordonna qu'au cas que le titulaire mourût avant que son neveu, qui n'avait encore que trente-trois ans, eût at teint l'âge porté par les ordonnances, de Thou ne pourrait opiner comme président, qu'il ne fût entré dans sa quarantième année, ce qu'elle fit pour ne pas préjudicier à ses règlements ni à sa discipline. On lit dans le Borboniana ou fragment (sic) de littérature et d'histoire de Nicolas de Bourbon « Le défunt président de Thou eût bien voulu être premier président du parlement de Paris, après son beau-frère le premier président de Harlay; mais deux choses l'en empêchèrent: 1° qu'il n'eût pas voulu donner cinquante mille écus et plus de récompense à M. de Harlay, comme fit le président de Verdun ; 2° que le Pape ne le vouloit pas, à cause de son Histoire. Il eût été bien empêché aux audiences, car il ne pouvoit pas bien prononcer les arrêts; mais il étoit fort sçavant. On disoit que M. de Verdun feroit mieux cette charge que lui; vû que M. de Verdun sçavoit aller et parler. La reine-mère l'appela de Toulouse à Paris, comme un grand justicier et fort digne de cette place 2. »

La lettre de J.-A. de Thou, dans laquelle il est fait allusion à la préférence donnée sur lui à Nicolas de Verdun, est datée du 23 mars 1611. Cela confirme l'exactitude de la correction indiquée dans l'article consacré par la Biographie Universelle au célèbre magistrat historien 3, comme devant être faite à un article antérieur (celui d'Achille de Har

1. Mémoires de la vie de Jacques-Auguste de Thou. Rotterdam, 1711, in-4°, p. 114. 2. Mémoires historiques, critiques et littéraires, par feu M. Bruys, Paris, J.-Th. Herissant, 1751, in-12, t. II, p. 276 277. On peut voir sur Nicolas de Verdun des détails intéressants dans L'hôtel de la présidence, actuellement hôtel de la préfecture de police. Recherches historiques, par M. E. Labat, Paris, 1844, grand in-8°. p. 21. 3. L. XLV, p. 504, note 10.

lay), où l'événement dont il s'agit avait été placé en 1616 seulement '. Dans la lettre XXXVIII, écrite de Poitiers, le 8 janvier 1616, on lit : « M. le C. de S. est ici à la cour, et interdiction signifiée au parlement de B. » Le nom indiqué par des initiales serait, selon l'éditeur, celui du comte de Soissons. Mais ce prince avait alors à peine douze ans, et l'on ne voit pas ce qu'il aurait pu avoir à démêler avec le parlement de Bordeaux. Il est évidemment question du cardinal de Sourdis et de la querelle que ce bouillant prélat eut avec le parlement de sa ville archiépiscopale 2. Dans la même lettre (page 180), de Thou recommande à Du Puy d'avoir << soin du P. Mimus et d'en retirer encore un exemplaire pour nostre escholier, voulant qu'il ait ce livre familier. » La mention du P. Mimus est suivie d'un point d'interrogation. Mais je ne doute pas qu'il ne soit question de Publius Syrus et de son recueil de sentences, seul débris qui nous reste de ses Mimes, si célèbres au temps de César 3. Dans la lettre précitée, de Thou a sans doute en vue l'édition de ce recueil publiée en 1611, à Paris, chez Libert. - Page 102 et 105, il est fait mention d'un seigneur Thomas Ramoîski ou Ramoîski tout court. Mais il faut lire Zamoîski 4. - Page 120, note 14, il est question de Benjamin Aubry, sieur du Maurier. Il faut lire Aubéry. L'éditeur remarque avec raison qu'on peut s'étonner de ne pas trouver le nom de ce personnage dans les Biographies dites universelles. Il figure cependant, mais incidemment et à propos de son fils, dans le supplément de la Biographie Michaud 5, et il a été bien dédommagé de ce silence relatif par une curieuse thèse de doctorat, qui lui a été consacrée par M. H. Ouné 6.

Page 121, il est question d'un personnage qui donnait prise sur lui par des discours prolixes et inconsidérés. L'éditeur suppose qu'il s'agit là

1. Il était d'autant plus à propos de faire cette observation que l'erreur de la Biographie Universelle a été servilement reproduite dans la Biographie Générale de Didot, t. XLV, 401.

2. Voir l'Histoire de France sous Louis XIII, par A. Bazin, Paris, 1838, in-8°, t. I, p. 382-383, l'Eloge du cardinal de Sourdis, par F. J..... (Jouannet), Périgueux, 1613, in-8, p. 30, 70; et le curieux opuscule de M. Tamizey de Larroque, Louis XIII à Bordeaux, Relation inédite publiée d'après un manuscrit de la Bibliothèque nationale, Bordeaux, 1876, in 8', p. 31. 32.

3. On peut voir sur Publius Syrus et son recueil, un curieux article inséré par Boissonade au Journal de l'Empire, n° du 30 décembre 1811, et reproduit en premier lieu dans le volume qui a pour titre : Publii Syri mimi sententiæ et prologus Laberú..... cura Francis Levasseur, editio secunda. Parisiis, 1825, in-12, p. 1-1x, puis dans le recueil intitulé: Critique littéraire sous le premier empire, publiée par F. Colincamp. Paris, 1863, in-8°, t. I, p. 294, suiv.

4. On peut voir sur ce personnage, fils du fameux chancelier de Pologne, Jean Zamoiski, et qui parvint lui-même à cette dignité, un article de douze lignes, dans la Biographie générale de Didot, t. XLVI, 942.

5. L. LVI, p. 517-518, colonne A.

6. Documents inédits sur l'histoire du protestantisme en France et en Hollande, 1566-1636. Aubéry du Maurier, Ministre de France à La Haye. Paris, Aug. Durand, 1853, in-8°.

d'Etienne Pasquier, mais la lettre étant datée du 24 mars 1616, et Pasquier étant mort le 31 août 1615, c'est-à-dire près de sept mois auparavant, cette supposition pèche par la base. Page 143, dans une lettre datée du 20 janvier 1615, de Thou rappelle que, près de quarante ans auparavant, il alla voir à Bruxelles le président Vignus. Ce nom est altéré il faut lire Viglius, ainsi qu'on peut s'en assurer en recourant aux Mémoires de la vie de M. de Thou, déjà cités 1.

Nous ne voyons rien de particulier à dire à propos du morceau qui suit les lettres de J. A. de Thou et qui a pour titre : Etat de distribution des présents de la corbeille de Madame la Dauphine (Marie-Antoinette). Mais, comme le fait observer l'éditeur, ce document doit intéresser les familles dont des membres ont été admis à cette distribution, et aussi les musées et les amateurs qui possèdent des boîtes et des montres de cette époque. La dernière pièce du volume est intitulée : Une entrevue de mariage sous Louis XIV. C'est un récit, sous forme de lettre, emprunté à un recueil manuscrit en quatre volumes, qui a pour auteur François de la Fosse, écuyer, sieur de Valpendant, valet de garde-robe du roi, et valet ordinaire de Monseigneur le duc de Bourgogne. François de la Fosse, né en 1654, a été marié au moins deux fois. L'entrevue dont il s'agit eut lieu avec la fille d'un contrôleur des rentes de l'hôtel de ville de Paris, M Petit, que l'éditeur (M. le baron Pichon) suppose avec toute vraisemblance avoir été sa première femme, dès avant 1690. En 1700, il était remarié avec Mile Roberdeau, après avoir essayé de conclure d'autres mariages, dont un avec une demoiselle Quartier, qu'il appelle la reine du clavecin et sur la beauté de laquelle ses louanges sont intarissables, soit en vers, soit en prose. Quant à son entrevue avec Mlle Petit, elle se passa à répondre à des questions qu'on lui adressa sur la cour et sur les occupations ordinaires du roi, à rendre compte des heures de son lever et de son coucher, de sa présence d'esprit à l'égard de tous ceux qui l'abordaient, de la manière gracieuse dont il donnait, tout en sachant renvoyer contents et pleins d'espérance ceux qu'il refusait. Il n'oublia pas de célébrer la bonté, la douceur et la familiarité de Monseigneur le Dauphin, son ardeur infatigable pour la chasse, le mérite et la vertu de Mme la Dauphine. Enfin, il termine ainsi son récit : « On me fit des questions sur les grands seigneurs, sur leurs dignitez, leurs rangs, la diversité des charges, des honneurs qui y sont attachez, de leurs fonctions, de leurs émoluments, de la beauté des dames et des plaisirs de la cour. Je rendis compte de tout cela, non pas toujours également bien selon la dignité du sujet, mais en homme qui aime son maître, qui lui rend justice et qui n'est pas tout à fait novice à la cour. L'écueil où j'échouai, ce fut sur la beauté des dames. Les uns disoient que celle-ci estoit la plus belle, les autres vouloient que ce fust celle-là, je ne contestay point et je laissay à chacun la liberté d'en juger selon son goust. Je dis seulement

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