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en un écolier âgé de 9 ans, ne sait pas encore que la personne chez laquelle il se rend, est un maître d'école. Comme dans nos contes encore, certaines expressions pittoresques qui tranchent sur la monotonie du fond, ne sont pas toujours amenées par le récit; elles sont devenues en quelque sorte elles-mêmes des facteurs du récit et tel détail qui n'a pas de raison d'être dans l'état actuel de la narration, a survécu sous la forme d'un mot heureux. Le roi s'enquiert par exemple d'un certain Somaçarman: la réponse qu'on lui fait n'est pas autrement motivée, sinon qu'elle est plaisante: «< Il y a ici beaucoup de Somaçarmans, de borgnes seuls plus de 500 ». Je ne veux pas suivre plus loin ces analogies, quelque intéressantes qu'elles soient; les amateurs de folk-lore en découvriront à chaque pas. Je ne veux pas non plus en exagérer la portée, ni faire de notre anonyme jaïna une sorte de Grimm hindou notant religieusement ces récits tels qu'ils sortaient de la bouche du peuple. Tout ce que je veux dire, c'est qu'un auteur se piquant de littérature ne les eût pas racontés ainsi et que, mieux que la plupart des œuvres analogues, celleci, autant que nous pouvons en juger, a conservé le cachet populaire. Cela suffit pour lui assurer l'attention de tous ceux qui prennent intérêt à cette branche des études comparatives. Je dois ajouter que la traduction de M. Weber suit le texte de si près, elle en rend si fidèlement les moindres nuances, qu'elle en donnera une idée tout à fait exacte même à ceux qui ne peuvent pas le lire dans l'original.

A. BARTH.

154.

O' CURRY. On manners and customs of the ancient Irish, edited with an introduction, appendixes, etc., by W. K. SULLIVAN. Londres, Williams and Norgate, in-8°, 3 vol. in-8°, DCXLIX, 392 et 711 pages. Prix 52 fr. 60.

Cet ouvrage, qui a pour fondement principal la littérature épique irlandaise, aurait dû être précédé d'une étude critique dans laquelle

1. P. 50, 1. 6, skamdhe grihîtvá grihtivá nrityamtibhih (s'il n'y a ni transposition ni lacune dans le texte, ce qui est probable) pourrait signifier << s'étant mises à danser en se tenant l'une l'autre par l'épaule ». Dans ce cas, il est vrai, la répétition tomberait mieux snr skamdhe et l'expression propre serait plutôt árabh, anvárabh que grih. Mais la propriété n'est pas la qualité maîtresse du style de l'auteur. L'interprétation de M. W. rappelle du reste une coutume en usage chez les aborigènes de Chotia Nagpour, mais que je ne me souviens pas d'avoir rencontrée ailleurs. Chez les Urâons et les Hos la fiancée et le fiancé (qui chez ces peuples sont toujours des adultes) prennent part aux danses et sont introduits dans l'enceinte où a lieu la cérémonie nuptiale, portés à dos de femme. Voir le récit de Dalton ap. Hunter, Statistical Account of Bengal, vol. XVI, p. 285 et XVII, p. 45. — Pour le tour de jonglerie exécuté p. 44, cp. les témoignages réunis par Yule dans son Marco Polo, I, 281, et un article de l'Edinburgh-Review, janvier 1872, p. 28-30. La correction, comme dans toutes les publications de M. W., est exemplaire; dans la partie allemande seulement il y a quelques coquilles, par exemple p. 51, 1. 5 et 6, verso et sona, pour

verse et soma.

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serait autant que possible fixée la date des documents dont cette littérature se compose. Mais la foi absolue d'O'Curry et de M. Sullivan aux doctrines historiques professées par les Annales des quatre maîtres enlève à leur livre une grande partie de la valeur qu'à première vue on pourrait lui attribuer. Citons un exemple: les deux batailles de Magh-Tuireadh sont, suivant les Annales des quatre maîtres, des faits militaires et ethnographiques d'une importance considérable, qui auraient eu lieu l'un 1897 ans, l'autre 1870 ans avant JésusChrist. Il est, au contraire, évident que ces deux batailles sont des faits purement mythologiques, comme les luttes des Dêvas et des Asuras sanscrits, comme la guerre de Zeus contre Kronos et contre les Titans. Donc les traits de mœurs, les usages que l'on peut recueillir dans le récit des batailles de Magh-Tuireadh se reportent, non aux années 1897 et 1870 avant J.-C., comme le croient O'Curry et M. Sullivan, mais à la date, beaucoup plus rapprochée de nous, où a été fixée, dans sa forme irlandaise actuelle, la légende de ces deux batailles 2.

Autre exemple: Les cycles de Cû-Chulainn et d'Oisin (Ossian) semblent avoir pour centre des personnages historiques, comme le cycle français de Charlemagne; mais Cû-Chulainn vivait peu avant l'ère chrétienne, Oisin deux siècles plus tard. Or les rédactions les plus anciennes que nous ayons de leurs aventures paraissent dater d'une période qui commence au ve siècle pour finir au vii, être par conséquent postérieures à la mission de saint Patrice; donc, malgré la place considérable que les croyances et les mœurs païennes occupent dans ces monuments littéraires, on ne doit faire usage de pareils documents qu'avec de grandes précautions, quand on veut en faire la base d'une étude historique.

La véritable utilité de la publication d'O'Curry et de M. Sullivan consiste dans les notions qu'elle fournit sur la littérature ancienne de l'Irlande. Certainement, cette littérature ne deviendra jamais, comme celles de la Grèce et de Rome, le modèle éternel du goût. Mais malgré bien des longueurs, malgré l'absence fréquente de mesure et de proportion, elle intéresse parce qu'elle est pleine de vie, d'originalité et qu'elle possède

1. Prononcez Moytura si vous adoptez la prononciation moderne, qui représente un état de la langue tout différent de celui auquel nous fait remonter l'ancienne littérature de l'Irlande. Math-ghamhain qui paraît composé de mất (en anglais pig) et de gamhain, en anglais «year old » littéralement « in the month of november» (Sanas Cormaic, p. 85, 110), est l'ancienne orthographe du nom qui se prononce aujourd'hui Mahon. Le nom de l'épique con-chobar (= cuno-caburos) se prononce aujourd'hui Connor. Cumhail (= Camuli) se prononce coole (coul). Ces quelques mots peuvent donner une idée de l'histoire de l'irlandais et des difficultés que cette langue présente à ceux qui croient qu'il suffit de savoir l'irlandais moderne pour comprendre l'irlandais ancien.

2. Les éléments toutefois qui se retrouvent dans les littératures épiques de l'Inde, de la Perse et de la Grèce, sont du domaine de la mythologie indo-européenne, comme de la mythologie irlandaise, et doivent, par conséquent, nous faire remonter beaucoup plus haut que l'année 1897 avant J.-C.

surtout l'art d'émouvoir profondément. Elle nous présente le côté mondain du milieu où se sont formés ces moines irlandais qui ont tenu une si grande place sur le continent européen, les Colomban et les Scot Eringène. Après avoir obtenu, dix siècles plus tard, sous la forme empruntée que lui a donnée le savoir faire de Mac-Pherson, un succès de mauvais aloi, elle est tombée dans un oubli injuste, qu'expliquent seules les difficultés d'une langue, depuis longtemps inintelligible, même en Irlande, et dont la patience allemande a pu seule, tout récemment, péné trer les secrets. Plus ancienne que la poésie épique française du moyen âge, elle pourra aussi, aux yeux de certains critiques, lui paraître esthétiquement supérieure. De même ceux de ses monuments qui subsistent forment un ensemble infiniment plus considérable, plus varié, plus intéressant que les compositions analogues d'origine germanique écrites au moyen âge dans diverses langues germaniques et que nous possédons encore aujourd'hui. Mais tandis que les Nibelungen, par exemple, ou Beowulf ont eu tant d'éditions et provoqué tant de commentaires, la plupart des compositions épiques irlandaises sont encore inédites, et celles qui ont été publiées l'ont été de telle façon, qu'on ne les trouve pas en librairie, et qu'en France elles sont à peu près inabordables. Nous conseillons donc vivement la lecture du livre d'O'Curry où l'on trouve réunis un grand nombre d'extraits et d'analyses de ces compositions épiques. Toutefois, les acquéreurs de cet ouvrage feront bien de reporter sur les marges de leur exemplaire l'errata que M. Whitley Stokes, membre du gouvernement de l'Inde, a donné dans la Revue celtique de M. Gaidoz, t. III, p. 90-101. La science des académiciens de Dublin n'est pas toujours à l'abri des contre-sens et c'est à Calcutta que ces contre-sens sont relevés à l'usage des lecteurs français, allemands et irlandais.

H. D'ARBOIS DE JUBAINVILLE.

155. — P. HENNIG. Aristophanis de Eschyli poesi Judicia. Dissertatio inauguralis. Leipzig, B. G. Teubner.

L'auteur a recueilli les passages d'Aristophane (presque tous dans la dernière partie des Grenouilles) où il est question d'Eschyle; il les a distribués méthodiquement, et éclaircis par un commentaire que ne distingue précisément ni la finesse ni l'originalité des vues. Les objections que l'on peut faire sur le détail sont d'ailleurs assez peu nombreuses. P. 5 : le vers 612 d'Hippolyte (« La langue a juré........... ») peut être répréhensible, comme prêtant à des applications immorales, mais il n'est pas immoral en lui-même; M. Hennig qui paraît bien au courant de la littérature philologique

éloge que nos jeunes docteurs de ce côté des Vosges sont

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loin de mériter tous ne devrait pas ignorer l'interprétation donnée par un helléniste tel que Henri Weil. P. 6: l'auteur indique une des raisons pour lesquelles il est à peine question de Sophocle dans les Grenouilles c'est que, si Euripide forme avec Eschyle un parfait contraste, il n'en est pas de même de Sophocle, qui est plutôt comme un moyen terme entre ces deux rivaux. Il aurait pu ajouter qu'une parodie de Sophocle ne se conçoit guère, pas plus qu'une parodie de Virgile. Par exemple, p. 8 il est bien probable que si Eschyle avait écrit les Sept au temps d'Aristophane, son enthousiasme guerrier n'aurait pas trouvé le poète comique plus indulgent que les fanfaronnades belliqueuses de Lamachus. Seulement, la question est de savoir si un patriote aussi éclairé qu'Eschyle aurait pu tenir le même langage à deux époques aussi différentes, et voir la guerre du Péloponèse du même il que les guerres médiques. P. 9: M. H. a quelquefois le tort, particulièrement grave quand il s'agit d'Aristophane, de prendre au sérieux des plaisanteries manifestes; lorsqu'il dit, par exemple : « Difficile autem est creare artis «< iudicem, cum ne Athenienses quidem, ingeniosissimus ille populus, « Aeschylo iudices iusti sint visi, ac tantum afuerit, ut cum his ille con<< sentiret, ut multos inter eos esse putaret perfossores parietum. » P. 10-11 l'ingénieuse fiction par laquelle Aristophane transporte à la personne d'Eschyle les traits distinctifs de sa poésie aurait pu donner lieu à quelques observations intéressantes. Je ne nie point qu'Eschyle ait été « summi impetus animi », comme le dit M. H. Mais cela ne me paraît point résulter de la pièce d'Aristophane, qui, en représentant ainsi l'humeur de l'homme, doit avoir pensé surtout au génie du poète. P. 1:: est-il bien juste de dire qu'en faisant appliquer à Eschyle les mots « illus tre Achille » empruntés à une de ses pièces, Aristophane a voulu le louer plutôt que se moquer de lui? Du moment qu'il mettait en scène Eschyle, Aristophane ne pouvait se dispenser d'en faire un personnage comique. Ce qu'il faut remarquer seulement, c'est le ton d'innocente malice que prend sa raillerie, dès qu'elle s'adresse au poète qu'il admire et qu'il aime. P. 29: le vers 1122 des Grenouilles me paraît faiblement défendu contre les soupçons de Bergk et autres. P. 39: quand Euripide compose une sorte d'amphigouri avec des lambeaux empruntés à diverses pièces d'Eschyle, c'est vraisemblablement pour opposer au fameux Xyzú0tov ámóλecev un argument du même genre et d'égale valeur. M. H. aurait dû s'en tenir à cette observation, et ne pas ajouter qu'Aristophane a voulu par là représenter Euripide comme un «< ineptus sophista. P. 41 les vers 928-929 ne font certainement pas allusion à la pompe déployée sur la scène par Eschyle, mais seulement à celle de son langage. P. 45 l'interprétation proposée du vers 1465 ne me paraît pas admissible. P. 47 le composé burlesque capacрomituozápпta: fait très-clairement allusion à Sinnis: comment il renferme de plus l'idée d'un tire sarcastique, c'est ce qui ne se voit pas bien nettement.

Çà et là je rencontre, dans la thèse de M. Hennig, des idées justes et

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heureuses, dont je ne saurais dire si elles sont nouvelles; celle-ci, par exemple (p. 45), que les tragiques modernes s'étendent plus volontiers que les tragiques anciens sur la peinture du vice et du crime, sans que la moralité de leur théâtre en souffre nécessairement.

E. T.

156. L. KLEE. Gudrun, ein altdeutsches Heldengedicht übersetzt, in-8. Leipzig, Hirzel, 1878, 179 p. Prix 2 m.

:

M. Klee, déjà avantageusement connu par une excellente dissertation inaugurale sur la Légende d'Hilde (in-8°, Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1873), a cru devoir publier une nouvelle traduction du poëme de Gudrun. Le besoin ne s'en faisait pas précisément sentir. Il en existe déjà, à notre connaissance, au moins neuf: les unes embrassant le poëme tout entier, les autres se bornant à ce que certains critiques sont convenus d'appeler les parties authentiques. Si toutes sont loin d'être irréprochables, quelques-unes, celle de Simrock par exemple, dont la dixième édition a paru l'année dernière, attestent par un succès durable les qualités qui les distinguent.

Quoi qu'il en soit, après avoir, sur un ton assez tranchant pour un jeune homme, déclaré que tous ses devanciers (sans en excepter même Simrock, qu'il semble avoir particulièrement en vue) ou bien ont aveuglément suivi un critique renommé, ou bien ont traduit vers pour vers, pêle-mêle et sans critique, l'amas indigeste des parties authentiques et apocryphes, M. K. nous donne la traduction de la portion qu'il considère seule comme originale. Je ne sais si les critiques qui se sont essayés successivement sur le poëme de Gudrun sont jamais parvenus à se faire une idée nette et précise de ce qu'ils entendent par la portion originale du poëme : à quelle époque y a-t-il eu un poëme original de Gudrun; à quelle époque ce poëme a-t-il commencé à être altéré, interpolé et remanié? C'est ce que nul d'entre eux ne pourrait établir d'une manière irréfutable. Mais cette question nous conduirait trop loin revenons à l'ouvrage de M. K.

De la traduction en elle même nous n'avons pas grand'chose à dire : il s'est acquitté de sa tâche d'une manière suffisante, ni mieux ni plus mal que ses devanciers. Si, en plus d'un endroit, il a rencontré une tournure heureuse, souvent aussi on trouvera qu'il n'a pas réussi à nous rendre la naïveté de l'original, le tour simple et familier, mais vigoureux et fortement imagé de son style, avec cette fidélité et cette souplesse de formes qui font le mérite des traductions de Simrock.

Mais, comme il le proclame bien haut, M. K. ne traduit pas tout sans discernement. Marchant sur les traces de Müllenhoff, d'Ettmüller, de Plönnies, il refait un poëme de Gudrun, d'où il a éliminé toutes les strophes qu'il regarde comme interpolées. Dans un appendice de neuf

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