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1878

Sommaire : 186. Euvres de Synésius, évêque de Ptolémaïs, dans la Cyrénaïque, traduites entièrement pour la première fois par DRUON. 187. DE CROZALS, Lanfranc, archevêque de Cantorbéry, sa vie, son enseignement, sa politique. HANAUER, Études économiques sur l'Alsace ancienne et moderne

salaires.

188.

denrées et

189. MEINARDUS, Les commencements de l'opéra allemand à Hambourg. - 190. PALM, Contributions à l'histoire de la littérature allemande du xvi et du XVIIe siècle. 191. Le comte de Fersen et la cour de France, extraits des papiers du grand maréchal de Suède, comte de Fersen, p. p. le baron de KLINCKOWSTRÖM.

186.

Œuvres de Synésius, évêque de Ptolémaïs, dans la Cyrénaïque, au commencement du ve siècle, traduites entièrement, pour la première fois, en français, et précédées d'une étude biographique et littéraire, par H. DRUON. Paris, Hachette, 1878, 632 p. in-8°. Prix : 7 fr. 50.

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Il semble que M. Druon ait voué sa vie littéraire à Synésius. Il a débuté par lui, et il apparaît de nouveau, soutenu par lui: Synésius est sa propriété. En 1859, il bâtissait sur ce fonds, non sans bonheur, sa thèse française de doctorat; aujourd'hui, à dix-neuf ans de distance, il nous donne une traduction française de Synésius tout entier. Grâce à son effort érudit, les premiers, je crois, nous possédons en notre langue les œuvres de l'évêque de Ptolémaïs.

Le volume ouvre par une étude biographique et littéraire de 185 pages. Je croyais ces pages nées d'hier, venues les dernières, après la traduction et le reste; elles datent de dix-neuf ans. M. D. s'est contenté de nous donner une seconde édition de sa thèse, de tout point semblable à la première : sa thèse est, paraît-il, son premier et dernier mot sur Synésius. Comment se fait-il qu'une intimité, un tête-à-tête de dix-neuf ans, ne lui ait rien appris de nouveau sur Synésius et ses alentours, sur le monde littéraire, ecclésiastique, administratif et militaire d'alors?

Je ne veux pas médire de la thèse de M. D.; d'autres s'en sont chargés. M. Volkmann la juge plus sévèrement qu'il ne convient : c'est, ditil, un travail extraordinairement superficiel et inexact. Il y a du vrai au fond de cette dureté. La meilleure des thèses n'est jamais qu'une thèse, c'est-à-dire, en général, le coup d'essai d'un jeune homme. Dix-neuf ans après, il faut corriger, ajouter, retrancher, faire autrement la même chose. M. D. sait mal ce qui s'est dit chez nous de Synésius, et il ne sait pas du tout ce qui s'en est dit ailleurs. Il existe, à cette heure, en comptant les diverses éditions complètes ou partielles, une quarantaine de volumes. sur Synésius. Mais M. D. se suffit. En 1859, il ignorait les utiles travaux de Krabinger, l'érudit de ce temps qui a le plus fait pour Syné

Nouvelle série, VI.

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sius, ses notices, éditions, traductions et annotations; il ignorait la monographie de Clausen, si nécessaire à qui s'occupe de Synésius ; il ignorait la lettre de Geel et l'intéressante découverte de M. Miller 2, qui, l'une et l'autre, touchent de si près Synésius. Depuis, M. D. a lié connaissance avec Krabinger, du moins avec son dernier travail (nulle part il ne s'aide des autres); il traduit sur son texte, en homme qui croit que le dernier paru doit être le meilleur. De M. Volkmann, venu plus tard, en 1869, il n'a pas entendu parler, à ce qu'il semble 3; il y a pourtant là de bonnes pages, des faits étudiés de plus près, plus savam. ment maniés et en quelque sorte renouvelés, surtout des morceaux de marque heureusement traduits ou commentés, qui ne lui eussent pas été inutiles 4.

Quant à l'«< étude biographique et littéraire », peut-être la goûteraisje davantage telle qu'elle est, si je songeais moins à ce qu'elle devrait être. Il y a dans les cinq premiers chapitres, c'est-à-dire dans la partie biographique (la meilleure, à mon avis), une variété, un luxe de faits qui impose; mais tout cela est vague. Il est peu de choses auxquelles l'auteur ne touche; il n'en est aucune qu'il approfondisse. Cependant, que de points intéressants à traiter dans une biographie de Synésius! La Cyrénaïque, autrefois si florissante, est ruinée aujourd'hui quelles ont été les causes de sa ruine? Sur ces barbares qui l'enveloppent et la pressent, sur leurs noms, leurs mœurs et leurs razzias, n'était-il pas possible d'étre plus précis et plus complet? Une étude sur la géographie générale, politique, ecclésiastique et même barbare de la Cyrénaïque est inévitable. Le régime municipal, la hiérarchie judiciaire, les trois grandes autorités provinciales le gouverneur civil (6 yeμáv), le gouverneur militaire (8 oτpatryós) et le métropolitain, leurs empiètements et leurs querelles, les rapports hiérarchiques de ces autorités avec Alexandrie et Constantinople, tout cela devait être discuté et éclairci en autant de chapitres. De même, l'église métropolitaine, métropolitain, suffragants, prêtres et fidèles, devait être traitée à part; là-dessus les matériaux abondent.

La partie littéraire de l'étude est tout à fait démodée; le goût n'est plus aux belles phrases esthétiques. Que Synésius, ennemi des sophistes, soit sophiste lui-même, cette contradiction importe peu. Ce qui importe, c'est de savoir pourquoi chacun l'était. Ces sophistes, j'entends ceux de l'espèce de Synésius, étaient de fort honnêtes gens, vivant du passé, in

1. Lettre à M. Hase sur le discours de Dion Chysostome, intitulé: Eloge de la chevelure, par J. Geel. Leyde, Hagenberg, 1839.

2. Eloge de la chevelure, discours inédit d'un auteur grec anonyme, en réfutation du discours de Synésius, intitulé: Eloge de la calvitie, etc., par E. Miller. Paris 1840.

3. Synesius von Cyrene, etc., von Dr Richard Volkmann. Berlin, 1869.

4. Peut-être les amis de Synésius me sauront-ils gré de leur signaler ici deux excellents petits volumes qui se font rares: Delle opere di Sinesio tradotte dal greco de Massimiliano Angelelli, etc. Bologna, 1827, 1828. L'auteur connaît Synesius et le traduit heureusement; ses notes sont pleines de recherches.

différents au présent et tournant le dos à l'avenir, plus utiles qu'on ne pense. Gardiens superstitieux de l'idiome hellénique, ils l'empêchaient de se gâter; ils le transmettaient, dégénéré sans doute, mais pur encore et harmonieux. Sectateurs arriérés des vieux dogmes, leur résistance provoquait la science et la parole chrétiennes. Les sophistes furent les maîtres du christianisme oriental. M. D. n'a pas pris garde à cela, non plus qu'à bien d'autres choses.

Il est aisé d'être neuf sur les œuvres de Synésius. Beaucoup de ces œuvres sont doubles, je veux dire qu'elles tiennent du passé et du présent du passé par le mythe, du présent par l'histoire. La fantaisie de l'artiste a mêlé ces deux choses; la sagacité du critique doit les démêler. Le traité De la Providence, p. e., se prête admirablement à ce triage. Du Discours sur la royauté, en épuisant le texte et les alentours, il n'est pas impossible de tirer un tableau très-ressemblant de l'empire d'Orient. Le Dion fournit la matière d'un très-curieux chapitre: l'éducation d'un homme de lettres. Il resterait à étudier les vicissitudes du goût à l'égard de Synésius: pourquoi il a plu, pourquoi il cessa de plaire, à qui il plaît encore aujourd'hui. En réalité, Synésius n'est ni philosophe ni poète; il est un témoin de son temps et un styliste, Deux sortes de personnes ont commerce avec lui: l'historien et l'helléniste. A-t-on pris garde à la prédilection des lexicographes pour Sy. nésius? Ils le citent à l'égal des plus grands; il n'est presque pas d'article où il ne soit allégué.

La traduction est la partie neuve du volume de M. D. Elle est fort convenable. Le sens y est, sinon les nuances du sens; quant à l'esprit, c'est autre chose. Tout Synésius n'est pas là; le meilleur est omis. On sent trop que M. D. traduit; il est gêné, lourd et diffus. Ce que je lui reproche surtout, c'est d'avoir oublié que Synésius tout entier, mots et pensées, n'est qu'un tissu de réminiscences; il était indispensable d'indiquer ses sources, M. D. ne l'a pas fait. Les notes, en petit nombre, sont trop souvent inutiles. M. D. a préféré le superflu au nécessaire. D'autres, venant après lui, s'aideront de sa traduction et traduiront mieux.

M. D. a dédié son livre à M. Egger, le mieux informé et le plus bienveillant des lettrés. Que ne l'a-t-il consulté davantage? M. Egger sait tout, et, s'il ignore quelque chose, son ignorance instruit encore. Aidé du maître, M. Druon eût fait une œuvre originale et complète qui n'aurait pas déçu la critique.

F. LAPATZ.

187. DE CROZALS. Lanfranc, archevêque de Cantorbéry, sa vie, son enseignement, sa politique. Paris, Sandoz et Fischbacher, in-8°, 270 p. Prix: 7 fr. 50.

Professeur en Italie, où il était né, prieur du grand monastère du Bec, en Normandie, abbé de Saint-Etienne de Caen, enfin archevêque de Can

torbéry en Angleterre, orateur, savant, politique, conseiller de Guillaume le Conquérant et ami du pape Grégoire VII, Lanfranc a été mêlé aux grands événements du xr° siècle, renaissance littéraire, réforme monastique, conquête et organisation religieuse de l'Angleterre.

On possède sur Lanfranc des documents nombreux. Tous ne sont pas également clairs; ils sont loin aussi d'avoir tous une valeur égale. Le premier devoir de l'historien ne serait-il pas, en pareil cas, de s'enquérir, avec un soin minutieux et en présence du public, de la valeur des témoins qu'il invoque? Une dissertation sur les sources, quelle que fût sa longueur, ne serait point un hors-d'œuvre en tête d'un travail qui a des prétentions à la science. Nous regrettons que M. de Crozals n'ait pas fait sur les textes qu'il cite des recherches approfondies. La liste qui figure à la fin de l'ouvrage ne présente aucun intérêt; l'Introduction, beaucoup trop abré gée, et qui devait cependant constituer une partie importante du livre, est inspirée, nous le craignons, par des travaux de seconde main. Elle semble figurer là pour la forme, quand elle devait compter, et compter beaucoup, pour le fond.

M. de C. a-t-il consulté tous les textes qui pouvaient éclairer son sujet? Assurément non. On s'étonnera sans doute que dans une série de chapitres consacrés à la conquête et à l'organisation de l'Angleterre ne figure aucun texte de lois. Ces lois existent cependant, et elles peuvent donner à l'historien des renseignements précieux sur l'état du clergé anglo-saxon, sur les prétentions des vainqueurs. Ajoutons que chez quelques historiens modernes de l'Angleterre, notamment Hook, M. de C. pouvait trouver soit une voie à suivre, soit une opinion à combattre.

L'étude incomplète des textes a nui aux premier chapitres de la thèse. Sur bien des points, les opinions de M. de C. ne paraissent point irréfutables. Par exemple, Lanfranc était-il d'origine patricienne ou plébéienne? Les documents ne nous donnent pas à cet égard de renseigne ments certains. Deux vers de saint Anselme font naître Lanfranc, il est vrai, de parents notables «< civibus egregiis et honestâ conditione. » Mais le plus grand nombre des Vies de Saints, en Occident comme en Orient, ne débutent-elles pas par un éloge plus ou moins mérité des ancêtres des bienheureux ? Trop souvent, à notre avis, M. de C. se contente du vraisemblable, et s'arrête à mi-chemin dans la recherche de la vérité. L'entrevue entre Lanfranc et le duc Guillaume, racontée page 71 et suivantes, est-elle bien la première qu'aient eue ces personnages? Un texte dit non; M. de C. dit oui, et les raisons par lesquelles il combat le biographe de Lanfranc ne nous paraissent pas décisives.

La thèse de M. de C. n'est pas tout entière consacrée à l'Angleterre. Des pages d'un intérêt plus général ont trait, par exemple, à l'état intellectuel de l'Occident au XIe siècle. Faisant un retour sur l'histoire littéraire du xe siècle, M. de C. n'accorde pas à la renaissance française toute l'importance que peut-être elle mérite: Arnulph d'Orléans, Durand de Castres, Hildemar de Sens, Gibuin de Châlons, Sanche de

Bordeaux, ont exercé cependant sur les écrivains de leur temps une. incontestable influence. Pouvait-on enfin ne point dire un mot du plus singulier esprit du x° siècle, de l'homme qui a été, dans l'ordre intellectuel, comme le précurseur de Lanfranc, Gerbert, le pape Sylvestre II? Un rapprochement entre ces deux personnages eût peut-être éclairé d'un jour nouveau la thèse de M. de C. On eût mieux compris l'état de la société au x1° siècle. Tour à tour moine et secrétaire d'un archevêque de Reims, précepteur d'un prince impérial et abbé d'un grand couvent d'Italie, archevêque de Ravenne et pape, né dans une chaumière de l'Auvergne et mort sur le trône de saint Pierre, Gerbert au xe siècle, comme Lanfranc au xi, est le symbole le plus éclatant de l'Eglise militante du moyen âge.

Nous préférons de beaucoup à la première partie de la thèse la seconde, dans laquelle M. de C. a étudié avec un soin particulier la conquête normande et l'histoire du clergé d'Angleterre, après 1066. Bien que le récit de la conquête, comme le dit M. de C. ne soit plus à faire, on pouvait cependant apporter quelques modifications aux théories émises. par l'illustre historien de Guillaume le Conquérant. Ces modifications, qui portent surtout sur le caractère romain de la conquête, ont été présentées par M. de Crozals avec une discrétion heureuse. Les derniers chapitres, les meilleurs peut-être de l'ouvrage, donnent des renseignements intéressants et nouveaux sur les discussions de toutes sortes qui divisèrent le clergé d'Angleterre après la conquête normande.

G. G.

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188.

Études économiques sur l'Alsace ancienne et moderne, publiées sous les auspices de la Société industrielle de Mulhouse, par l'abbé HANAUER, professeur au collège du Haut-Rhin. T. II. Denrées et salaires. Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1878, xxxvi, 616 p. in-8°. Prix : 9 fr.

M. l'abbé Hanauer est connu surtout en France par deux ouvrages sur les paysans de l'Alsace au moyen âge, qui valurent à leur auteur une couronne de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, au concours de 1865, et soulevèrent d'assez vives controverses dans les revues locales. La Revue critique y fût mêlée et nous parlons d'autant plus volontiers du présent travail que nous avons cru devoir combattre alors, avec quelque véhémence, les théories exposées dans ces deux volumes.

Depuis ce temps, M. H. s'est consacré tout entier à un nouveau travail, pour lequel il a réuni, pendant dix ans, les matériaux dans les archives les plus considérables de l'Alsace. Il a voulu retracer un tableau détaillé, mais scrupuleusement exact, des conditions de l'existence matérielle au moyen âge dans sa province natale. Tâche immense et d'autant plus ditficile que tout ou presque tout restait à faire en pareil sujet. L'histoire

1. Revue critique, 1866, II, p. 251.

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