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D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE

N° 45

9 Novembre

1878

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206. TAMIZEY DE LAR

Sommaire : 205. Lürze, Sur l'infini d'Anaximandre. ROQUE, Plaquettes gontaudaises, Vie d'Eustorg de Beaulieu et Vie de Jean-Pierre de Mesmes par Guillaume Colletet, et un cantique inédit de Charles Sévin. — 207. Chronique bordeloise, par Jean de Gaufreteau, p. p. DELPIT. Variétés : La bataille de Muret, d'après les chroniques contemporaines, à propos d'un livre de M. DELPECH sur la bataille de Muret et la tactique de la cavalerie au x111° siècle. Académie des Inscriptions.

205. — Ueber das "Añɛtpov Anaximanders. Ein Beitrag zur richtigen Auffassung desselben als materiellen Princips, von D' Friedrich Lützɛ. Leipzig, Druck und Verlag von Julius Klinckhardt, iv et 135 p. in-8°.

Comme la courte Introduction (p. 1) de M. Lütze nous l'apprend, nous avons seulement ici une partie détachée d'une étude inédite sur tout ce qu'on sait des doctrines d'Anaximandre; le présent traité (133 pages in-8°) se propose uniquement de donner quelques éclaircissements sur la notion que ce philosophe se formait de ce qu'il appelait l'infini (ăñeιроv), principe matériel de l'univers, comme l'indique avec raison le titre même. Cette monographie se divise en deux parties.

La première (S1-15, p. 2-51), toute historique, concerne d'abord l'unique fragment textuel, court et peu important, qui nous reste d'Anaximandre (S 1, p. 2-3); puis la situation prise par Aristote à l'égard d'Anaximandre en général, mais en particulier les quatre manières dont Aristote, suivant M. L., a compris l'infini de ce philosophe, manières qui consistent à considérer cet infini soit 1° comme une nature indéterminée et existant outre les éléments, soit 2o comme un être intermédiaire (tò petažú) entre ces éléments, soit 3° comme un mélange (piyua) de ces mêmes éléments entre eux, soit 4° et surtout comme un être en puissance (dováμet ŏv) analogue à la matière d'Aristote ($ 2, p. 3-5); et enfin les opinions exprimées sur ce point par les disciples et commentateurs d'Aristote, savoir surtout par Théophraste, Porphyre et d'autres partisans de la première des quatre interprétations; par Alexandre d'Aphrodisias, Jean Philopon et Asclepius, qui se prononcent pour la seconde; par Thémistius et Simplicius, qui hésitent entre les deux premières; par saint Irénée et saint Augustin, qui se déclarent presque seuls pour la troisième, et enfin par le faux Origène (saint Hippolyte), le faux Plutarque et d'autres, qui hésitent entre la première et la quatrième ($ 3, p. 5-10). Ensuite M. L. passe en revue, avec beaucoup plus de développements (SS 4-15, p. 10-51), les interprètes modernes de cette notion

Nouvelle série, VI

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d'Anaximandre, savoir: Schleiermacher et ses prédécesseurs, qui repoussent la seconde interprétation, et pour qui l'infini d'Anaximandre est l'indéterminé, à peu près tel que l'entendent les panthéistes (S 4-6, p. 10-22); les nombreux partisans modernes de la troisième interprétation, si peu suivie dans l'antiquité (S 7-10, p. 22-38); enfin les partisans modernes de la première interprétation et de la quatrième, qui essaient de les concilier entre elles, et qui approchent de la vérité en reconnaissant, comme Zeller par exemple, que l'infini d'Anaximandre est moins indéterminé que la matière d'Aristote, qui n'existe qu'en puissance, et en admettant que ce même infini du philosophe ionien est conçu par lui comme un être réel, corporel et sans bornes dans l'espace (SS 11-15, p. 38-51).

La seconde partie du traité de M. L. (SS 16-24, p. 51-133), partie critique et interprétative, est la plus étendue et la plus importante. L'auteur y examine d'abord un texte de la Métaphysique d'Aristote, ci, après Schleiermacher, il déclare avec raison que ce texte est altéré par la transposition des noms Αναξαγόρου et Αναξιμάνδρου mis l'un à la place de l'autre, et par l'insertion d'une glose marginale dans le texte sous forme de parenthèse ($ 16, p. 51-57). Ensuite il examine ($ 17, 57-67) un passage de la Physique, qui est rendu intelligible par l'explication du texte précédent, mais dont il nous paraît tirer, contre l'interprétation d'Aristote, une conséquence exagérée : ce que ce passage prouve, c'est que l'infini d'Anaximandre est réel et n'est pas dépourvu de qualités. Puis il discute les interprétations de Théophraste (§ 18, p. 67-78) et de Simplicius ($ 19, p. 78-91), et conclut que cet infini n'est ni un mélange des éléments, ni un intermédiaire entre eux tous. Revenant à Aristote lui-même, il compare ensemble les textes de ce philosophe qui peuvent concerner Anaximandre et son infini, même ceux où Anaximandre n'est pas nommé. Tels sont ceux où un être infini, qui est bien celui de ce philosophe, est donné comme intermédiaire, suivant lui, entre l'eau et l'air, tandis que d'autres philosophes voulaient, comme l'indique Aristote, un principe intermédiaire entre l'air et le feu. Pour justifier le parti qu'il a tiré de textes d'Aristote, M. L. soutient que cet habile et savant critique des systèmes antérieurs au sien a été cependant influencé dans ses interprétations par ses opinions personnelles dans les deux textes déjà cités de sa Métaphysique et de sa Physique, et de plus dans d'autres textes, dont la discussion occupe les SS suivants (SS 20-23, p. 91-121). Cela peut être vrai jusqu'à un certain point et dans certaines circonstances; mais ici cette influence des doctrines d'Aristote sur ses interprétations des doctrines d'autrui nous semble avoir été exagérée.

Dans sa Conclusion ($ 24, p. 121-132), qui se termine par un aperçu des questions auxquelles il a dû se soustraire (p. 132-133), M. L. s'applique d'abord (p. 121-128) à montrer qu'il faut savoir distinguer, d'une part, ce qui est chez Aristote un vrai témoignage concernant la

doctrine même d'Anaximandre sur l'infini considéré comme premier principe de toutes choses; d'autre part, ce qu'Aristote se croit en droit de regarder comme une conséquence de cette doctrine, soit pour la condamner, soit au contraire pour l'assimiler trop à la sienne. Mais la question est de savoir si M. L. a fait toujours convenablement cette distinction, sans aller trop loin dans un sens ou dans l'autre. Enfin M. L. prétend (p. 123-132) prouver, par l'histoire des spéculations cosmologiques en Grèce jusqu'à l'époque d'Anaximandre, que son infini conçu par lui comme un être réel, masse uniforme, intermédiaire entre l'eau et l'air. Sur ce dernier point, nous croyons que l'auteur a raison. Nous voudrions seulement qu'à l'appui de sa thèse il eût ajouté qu'après Anaximandre son infini, matériel et sans bornes dans l'espace, est devenu à peu près celui de Xénophane, philosophe ionien à moitié idéaliste, qui fut le fondateur de l'école idéaliste d'Élée. Mais, sur d'autres points que M. L. a traités précédemment et qu'il n'a pas résumés ici en finissant, nous avons dû faire plus haut nos réserves, qu'il est temps d'expliquer, précisément parce que nous pensons que les thèses soutenues par lui méritent une sérieuse attention.

était

Nous ne croyons pas que ces thèses soient toujours parfaitement exactes, et il nous semble que c'est surtout Aristote qui peut avoir à s'en plaindre. L'ardeur excessive à poser partout des distinctions, trop souvent subtiles, fait qu'ensuite bien des choses paraissent plus obscures et plus contestables qu'elles ne sont ($ 24, p. 121-128). Ainsi, entre les formules diverses employées par Aristote pour exprimer ses jugements sur une même doctrine, sur celle d'Anaximandre par exemple, il est vrai qu'on doit noter avec soin les différences, surtout celles qui iraient usqu'à la contradiction; mais il ne faut pas exagérer les différences, et surtout il ne faut pas négliger les ressemblances et les conciliations possibles. Or nous croyons qu'il est permis de douter que réellement SS 21 et 23) Aristote ait voulu attribuer à Anaximandre la notion d'un nfini absolument dépourvu de toute qualité. En effet, par quoi donc, inon par ses qualités, indistinctes peut-être, mais certainement supposées éelles, cet infini aurait-il pu être intermédiaire entre l'eau et l'air, comme Aristote le déclare (§ 23)? Nous pensons d'ailleurs que ce n'est pas sans uelque motif grave qu'Aristote (§ 17, surtout p. 65) a prêté au philosophe onien, comme il paraît l'avoir fait (surtout Phys., 1, 4), l'opinion d'arès laquelle l'être primitivement un et infini avait possédé des qualités onfuses, dès avant l'époque où ces qualités contraires entre elles, qui trouvaient dans cette masse intermédiaire entre l'eau et l'air, mais qui vaient y être imperceptibles aux sens, se furent séparées les unes des Atres (ἐνούσας ἐναντιότητας ἐκκρίνεσθαι) et se furent produites ainsi stinctement dans les éléments et dans les corps qui résultent de leurs élanges (utypata), dont Anaximandre ne pouvait pas manquer de connaître l'existence dans l'ordre actuel de l'univers.

Il aurait été trop long de discuter ici en détail les interprétations

données par M. Lütze aux textes d'Aristote et de ses commentateurs sur l'infini d'Anaximandre. Mais c'est déjà beaucoup pour lui d'avoir réuni ces textes et de les avoir comparés et discutés, sinon avec une justesse irréprochable, du moins avec beaucoup d'intelligence et de savoir. Tel est le mérite de cette dissertation, qui, lue et critiquée avec indépendance d'esprit, peut contribuer, comme son titre l'annonce, à faire comprendre avec justesse l'infini d'Anaximandre. C'est une monographie comme i y en a beaucoup en Allemagne, et comme il serait à désirer qu'il y en eût encore un plus grand nombre, pourvu qu'elles eussent autant ou plus de mérite que celle-ci. Trop longs pour entrer en entier dans une histoire de la philosophie, de pareils travaux servent beaucoup aur historiens de cette science, qui font acte de justice en les citant avec honneur, lors même qu'ils n'en adoptent pas toutes les conclusions, e lors même que sur certains points ils les contredisent. D'ailleurs, en les citant, ils mettent leurs lecteurs en état d'approfondir certaines questions, et quelquefois de faire ainsi des découvertes historiques, qui peuvent même être utiles à des théories modernes. C'est avec raison et succès qu'en France M. Victor Cousin a donné l'impulsion à des recherches de ce genre, qui ont produit depuis un demi-siècle et continueront sats doute de produire de bonnes et utiles thèses pour le doctorat ès-lettres. Car la mine est inépuisable pour les chercheurs intelligents, qui saven choisir le terrain et prendre la peine de le creuser à fond.

Th. H. MARTIN.

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206. Ph. TAMIZEY DE LARROQUE. I. Plaquettes gontaudaises, n° 1°√k d'Eustorg de Beaulieu par Guillaume Colletet, publiée d'après le manuscrit aut graphe de la Bibliothèque du Louvre avec notes et appendice, une plaquette inde 49 pages. Paris et Bordeaux, 1878.

II. Vie de Jean-Pierre de Mesmes par Guillaume Colletet. Paris, Alphonse Picard 1878, in-8°, p. vii-28.

- III. Un cantique inédit de Charles Sévin, chanoine d'Agen, et précédé d'une notic sur l'auteur par L. Jarry. Auch, 1878, in-8°, p. 18.

Voici trois petites brochures que nous envoie de Gontaud, l'aimabla savant si connu des lecteurs de la Revue critique. Elles touchent queques points obscurs de l'histoire littéraire du xvIe siècle.

La dernière de ces trois plaquettes fait connaître un petit poëme ine: de Charles Sévin, chanoine d'Agen. Les rédacteurs du catalogue des ma nuscrits français de la Bibliothèque nationale avaient mentionné (t. I p. 386) dans un recueil de rondeaux, ballades, chants royaux en l'honnest de la Vierge (F. franc., no 2206, fol. 256-257), une pièce intitulée Le cat tique virginal MAGNIFICAT, paraphrasé par M. Charles Sévin, chancis d'Agen, envoyé à sa niepce Marie, religieuse, 1546. C'est ce cantiq qu'il publie d'après une copie due à M. A. Boyer. Comme Sévin était nå tif d'Orléans, M. Tamizey de Larroque demanda des renseignement

biographiques sur son personnage à un érudit bien connu de l'Orléanais, M. Jarry. Celui-ci lui envoya une notice que M. T. de L. a publiée en tête du cantique. La notice renferme quelques détails curieux et intéressants sur ce personnage, qui jouissait de son temps de quelque réputation littéraire, et qui n'est plus guère connu aujourd'hui que par l'amitié intime qui l'unissait à l'illustre Jules-César Scaliger. La paraphrase du Magnificat est assez faible: elle n'a guère d'intérêt qu'au point de vue de la langue. M. T. de L. l'accompagne de notes philologiques et littéraires où l'on retrouve la sûreté d'érudition de l'éditeur.

Les deux autres pièces ont rapport à Colletet. Il a été parlé plusieurs fois dans cette Revue du vaste travail que Guillaume Colletet avait composé sur les anciens poètes français. On sait que son manuscrit, conservé à la Bibliothèque du Louvre, périt avec cette bibliothèque dans l'incendie du mois de mai 1871. On n'ignore pas non plus que la perte n'était pas aussi irréparable qu'on l'avait cru d'abord, et, si l'on se rapporte à l'étude que feu Pannier avait publiée en 1871 sur une restitution fragmentaire possible de l'ouvrage de Colletet, on voit que certains érudits avaient déjà publié ou copié des notices détachées sur divers poètes. M. T. de L. qui avait donné de 1866 à 1873 treize de ses Vies et en gardait en portefeuille quatre autres, nous en donne deux aujourd'hui (J. P. de Mesmes et Eustorg de Beaulieu) et nous en promet deux encore, ce qui portera à dix-sept les biographies extraites du manuscrit autographe de Colletet qu'il aura ainsi arrachées à la destruction.

Eustorg de Beaulieu, né à Beaulieu dans le Bas-Limousin, ruiné par un tuteur malhonnête ou maladroit, vécut d'abord de ses fonctions d'organiste à Lectoure, et de leçons de musique; puis, pour sortir d'une misère à laquelle ses habitudes pantagruéliques n'étaient pas tout à fait étrangères, il entra dans les ordres. Mais il ne put obtenir de cure, et, poussé par le dépit, il quitta son pays et sa religion pour embrasser le calvinisme à Genève. Ecrivain de troisième ou de quatrième ordre, il a laissé des poésies religieuses et profanes, quelques-unes très-profanes même, d'un style facile et faible.

Jean-Pierre de Mesmes est un caractère bien différent. Membre de la noble famille des De Mesmes, si honorablement connue au xvi et au XVIIe siècle, il occupa les loisirs d'une vie riche à des études scientifiques et littéraires. Il publia des travaux sur les mathématiques et l'astronomie, une grammaire italienne et française, des poésies fugitives en italien ou en français, et une traduction des Suppositi de l'Arioste. Il naquit vers 1525 et vivait encore en 1558. Il était lié avec les principaux poètes du temps. Les vers que cite de lui Colletet n'offrent rien de bien remarquable.

Si les deux biographies de Colletet que M. T. de L. publie sont pleines de détails curieux, ce sont surtout les notes dont les accompagne le savant éditeur qui sont intéressantes et riches en faits nouveaux; M. T. de L. y réunit tout ce que l'on peut savoir sur ces écrivains obscurs et jusqu'ici à peu près délaissés.

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