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Nous terminons cette courte notice en faisant part au lecteur d'une nouvelle que M. T. de L. nous annonce dans la préface de la biographie de J.-P. de Mesmes. M. F. de Caussade, qui a déjà si bien mérité des lettres par l'édition qu'il poursuit avec M. Réaume des œuvres complètes d'A. d'Aubigné, a entrepris de reconstituer, pièce à pièce, dans la mesure du possible, le recueil de Colletet, tant à l'aide des cent quarante-sept notices du manuscrit Durand de Lançon acquis par la Bibliothèque nationale en 1872, qu'à l'aide des autres notices qui ont été publiées, copiées, ou analysées. Cette publication nous rendra à peine la moitié de l'œuvre de Collatet; du moins l'ancien bibliothécaire du Louvre, aujourd'hui bibliothécaire du ministère de l'instruction publique, cherchera à com penser les lacunes malheureusement inévitables de son œuvre, en complétant les notices de Colletet par un abondant commentaire. « Dans ce grand travail de M. de Caussade, dit modestement M. T. de L., tous les petits travaux de ses devanciers seront absorbés comme d'humbles ruisseaux dans un large fleuve. » Nous applaudissons de tout cœur à l'œuvre de M. de Caussade et en souhaitons le prompt achèvement; mais puisse M. Tamizey de Larroque nous donner auparavant bien d'autres notices comme celles que nous avons analysées; tout le monde y gagnera. A. DARMESTEter.

207.

Publications de la Société des Bibliophiles de Guyenne. Chronique bor. deloise par Jean de GAUFRETEAU. Bordeaux, imprimerie Gounouilhou, 18761878, t. I de xv-335 p. T. II de 478 p. - Prix: 15 fr. le volume.

La Revue critique, qui aime les bons travailleurs, me permettra de rendre tout d'abord à l'éditeur de la Chronique bordeloise, M. Jules Delpit, un hommage non moins reconnaissant que respectueux. Je ne serai que strictement juste en signalant le zèle, le dévouement, les mérites de tout genre avec lesquels M. D., pendant toute une vie déjà longue et qui, je l'espère bien, restera plusieurs années encore vigoureuse et féconde, a rendu les plus grands services à l'érudition. Non-seulement l'éditeur de la Collection générale des documents français qui se trouvent en Angleterre 1 a prodigieusement travaillé, mais encore il a prodigieusement fait travailler les autres, et son initiative ardente, généreuse, infatigable, se retrouve partout à Bordeaux, dans la Société des Archives historiques du département de la Gironde 2, comme dans la commission

1. Paris, Dumoulin, 1847, in-4°. Le volume est depuis longtemps épuisé. Le Journal des Savants exprimait, il y a plus de trente ans, le vœu que ce précieux recueil fût continué. De regrettables motifs n'ont pas permis à M. Delpit d'exaucer

cè vœu.

2. Cette Société, fondée en 1859, a publié près d'une vingtaine de volumes in-4° qui contiennent plusieurs milliers de documents inédits. Elle a été honorée, en 1875,

des archives municipales 1, dans la Société archéologique, comme dans la Société des bibliophiles de Guyenne 2. Si jamais on donne de sa province natale une histoire comparable à l'Histoire générale de Languedoc, ce sera surtout grâce aux innombrables matériaux réunis par lui et par ses disciples, et, presque à toutes les pages d'une telle histoire, on devra citer le nom de ce modèle des travailleurs.

Le texte original de la Chronique de Jean de Gaufreteau « cy-devant conseiller au parlement de Bourdeaux et commissaire aux requestes du Palais, » se trouve dans la bibliothèque du château de La Brède, laquelle, à côté des manuscrits de Montesquieu, possède, nous dit M. D. (Introduction, p. vII), « un grand nombre d'autres pièces d'une inestimable valeur. » Le savant éditeur, en cette même introduction (p. vi et vin), fait trop bien connaître l'intérêt de la Chronique, pour que je ne sois pas heureux de lui laisser, un moment, la parole: « Notre publication se recommande assez d'elle-même par le piquant et la diversité des anecdoctes qu'elle renferme et par l'utilité des faits qu'elle révèle ou qu'elle éclaire. Non-seulement ce recueil continue, complète ou rectifie les chroniques de G. de Lurbe et de J. Darnal; mais on peut dire qu'il est pour notre histoire locale quelque chose comme serait, pour l'histoire de France, une fusion des œuvres de Brantome, de Pierre de Lestoile, et de Tallemant des Réaux. Le style de l'auteur, quelque négligé et incorrect qu'il soit, n'est dépourvu ni de mérite ni d'originalité; ses inversions, même les plus risquées, ont un je ne sais quoi dont on lui sait gré. D'ailleurs, les locutions et les termes purement gascons qu'on y rencontre contribuent à lui donner une certaine valeur philologique; car tous ces idiotismes et toutes ces incorrections constatent ce qu'était à cette époque, dans la capitale de l'une des plus importantes provinces du royaume, la langue nationale parlée par un lettré, un magistrat d'un rang éminent, un gentilhomme dont l'éducation avait été formée par des voyages

d'une des trois grandes médailles distribuées, chaque année, par le Ministère de l'Instruction publique.Voir, en tête du t. XI (1869, p. vi-x), le discours dans lequel le président, M. R. Dezeimeris, a si éloquemment payé à M. Delpit la dette de la Société.

1. Trois beaux volumes in-4° ont déjà paru par les soins de cette commission le Livre des Bouillons (1867); les Registres de la Jurade, délibérations de 1406 à 1409 (1873); Bordeaux vers 1450, Description topographique (1874). Deux autres volumes vont prochainement paraître, et d'autres sont en préparation.

2. M. Delpit a inséré dans le t. I des Publications de cette Société (1868), d'après un exemplaire unique de 1577, un poëme intitulé: Plainte de la Guienne au Roy. Il a enrichi une autre collection bordelaise, les Tablettes des Bibliophiles de Guyenne, d'une remarquable étude sur les Origines de l'imprimerie en Guyenne (t. I, 1869) et de divers documents sur Michel de Montaigne recueillis par MM. Payen, Richou, Roborel de Climens, etc. Dans le t. III, dont la première partie vient de paraître (Poésies inédites de F. J. de Chancel-Lagrange, Paris, Rouveyre; Sauveterre, Chollet, 1878), entreront diverses mazarinades bordelaises des plus rares et des plus curieuses.

à l'étranger, et même par plusieurs séjours à la cour de France 1. » La publication de la Chronique bordeloise présentait bien des difficultés. Le manuscrit de La Brède est un recueil, sans commencement ni fin, de notes éparses, écrites au hasard et sans autre ordre que l'indication marginale des années, indication fort souvent trompeuse. La même main qui avait d'abord inscrit les dates trop légèrement, a biffé, surchargé, modifié les chiffres, de façon à rendre bien épineux le choix des époques définitivement adoptées par l'auteur. M. D. ne s'est pas laissé décourager par tant de désordre et d'obscurité. Aussi patient que sagace, il a fini par tirer du grimoire de l'écrivain bordelais un corps de chronique dont l'at trait n'est pas plus contestable que l'utilité. Ce travail de reconstitution, qui a coûté tant de peines et de soins à l'éditeur, lui vaudra les félicitations de tous les curieux, car c'est pour les curieux surtout que semblent avoir été publiés les deux volumes de la Chronique bordeloise, dont le premier embrasse la période comprise entre 1240 et 1599, et le second, la période comprise entre 1600 et 1638. Dès la première page, on rencontre une singulière historiette sur une relique de Saint-Martial, et elle est suivie d'une foule d'autres historiettes non moins singulières. La variété des récits de Gaufreteau est, pour ainsi dire, infinie. Le chroniqueur touche à tous les sujets. C'est ainsi qu'il nous parle successivement d'Arnauld de Villeneuve 2; de Richard II, roi d'Angleterre, dont M. H. Wal

1. Les philologues riront des étymologies données par Gaufreteau, et surtout de son étymologie du mot charivari (t. II, p. 211). Mais ils sauront gré à notre auteur de leur avoir conservé des expressions comme Floche (Je ne la puis oublier — il s'agit d'une remarque quelque floche qu'elle soit. T. I, p. 2) et comme Goffe (Cela estoit riche, mais goffe. T. II, p. 66). La première de ces expressions n'a été recueillie dans aucun de nos dictionnaires, et la seconde n'a été citée par M. Littré que d'après un seul exemple du xvi° siècle, exemple emprunté par Dochez à Duverdier. Je suppose qu'à la page 81 du tome II c'est par suite d'une faute d'impression que le sorcier est << en terme du pais » appelé ponsoué. C'est pousoué qu'il fallait dire et ce mot est encore employé aujourd'hui par les paysans de Gascogne.

2. Gaufreteau déclare (p. 2) que c'est « un des plus recommandables personnages de tous ceux qui ont prins naissance dans la patrie bourdeloise ». M. D. ajoute (p. 3, note 1): « La vie d'Arnaud de Villeneuve, chimiste, littérateur et théologien éminent, est assez mal connue. Gaufreteau avait sans doute quelques bonnes raisons pour le faire naître en Guyenne, au lieu de le qualifier de Catalan, comme l'ont fait quelques imprimeurs de ses œuvres. » J'objecte que ce ne sont pas seulement les imprimeurs qui on donné au célèbre médecin une origine espagnole : Arnauld de Villeneuve lui-même nous apprend dans un Traité de géométrie pratique, dont le manuscrit existe à la bibliothèque de Carpentras, qu'il naquit en Catalogne. Cf. Catalogue descriptif et raisonné des manuscrits de la Bibliothèque de Carpentras par feu M. LAMBERT grand in-8°, 1862, t. I, p. 169), et : De la médecine et des sciences occultes à Montpellier dans leurs rapports avec l'astrologie par M. A. GERMAIN, aujourd'hui membre de l'Institut (Montpellier, 1872, in-4°, p. 5, note 1). L'erreur ici rectifiée est des plus répandues, et on lit dans l'article Arnauld de Villeneuve de la dernière édition da meilleur de nos recueils biographiques, le Dictionnaire historique de la France de M. Lud. Lalanne (1877): « On ne sait s'il naquit en France, en Espagne ou en Italie, mais on le croit pourtant languedocien. »

lon a si bien raconté la vie ; d'un tremblement de terre survenu en 1425 2; de l'illustre archevêque de Bordeaux, Pierre Berland; du séjour de Louis XI à Bordeaux; de la mort dans le château du Ha de Charles, duc de Guyenne; du droit qu'avait (1468) le Captal de Buch de devancer ses vassaux en de délicates circonstances; du Te Deum chanté à Bordeaux pour célébrer l'entrée de Charles VIII en Italie; de la peste des années 14951500; du privilège qu'avaient les Bordelais condamnés à mort de n'être exécutés que par l'épée, ainsi que les gentilshommes; de la nomination de Guillaume Benedict au parlement de Bordeaux 3; de la fondation de la chapelle d'Arcachon par le frère Thomas Tlliricus; des barriques de vin défoncées par les bourgeois de Bordeaux afin que les Suisses qui escortaient François Ier, «< au retour de sa prison d'Espagne, en peussent boire à leur plaisir et à suffisance »; d'André Govea et d'Elie Vinet, réorganisateurs du collège de Guyenne; de la bibliothèque du président Nicolas Boyer, auteur des Decisiones, léguées par lui au Parlement; du conseiller Briand de Valée, «< personnage de rare et eminent sçavoir », fondateur d'une chaire de théologie; du voyage de Charles-Quint en France 4; du professorat de Marc-Antoine Muret au collège de Guyenne; de la révolte de 1548; de la naissance à Bordeaux d'Eymar de Ranconnet, « grandement fameux et renommé pour son excellent et rare sçavoir, » et dont on a fait souvent un Périgourdin 5; des commentaires du conseiller Arnaud de Ferron sur la coutume de Bordeaux et de ceux du président Christophe de Roffignac sur les matières bénéficiales; du premier président Jacques Benoist de Lagebaston, que l'on assurait être un fils naturel de François Ier; de la construction du château de Coutras par le maréchal de Saint-André ; de l'étymologie du mot huguenot (Huc nos); de l'excessive jalousie de Mme de Tingon, « qui cousoit, la nuict, un pan de sa chemise avec celle de son mari, pour cognoistre s'il ne se livreroit poinct à quelque larcin d'amour avec ses servantes et filles de chambre 6;

1. Paris, 1864, 2 vol. in-8°.

2. Gabriel de Lurbe a placé ce tremblement de terre en 1427. le jour de la Chandeleur. Il y aurait à chercher quel est celui des deux chroniqueurs qui a raison. 3. Voici ce que Gaufreteau nous apprend (t. I, p. 43) de ce jurisconsulte : « 1509. - En cette année, Guillaume Benedict, grand et fameux docteur en droit, et qui a si bien escrit, fut faict conseiller au parlement de Bourdeaux; mais, est à noter que, bien qu'il fut un si celebre magasin de science et de doctrine, neantmoins, lors qu'il fut examiné, il demeura muet tout à faict, sans pouvoir rien respondre, tant il se trouva estonné. Ce qui est advenu, despuis, en la personne d'un aultre grand docteur en droit, appelé Corras, estant examiné au parlement de Tholouse pour un office de conseiller. »

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4. La plupart des détails sur Charles-Quint en France ont été empruntés au livre IV de la Naissance, progrez et décadence de l'hérésie de ce siècle par Florimond de Raymond (1605, in-4°).

5. Voir : Un grand homme oublié. Le président de Ranconnet. Paris, 1871, gr. in-8°, p. 6, 7.

6. C'est l'occasion de noter que parfois les anecdotes racontées par le bon Gaufreteau sont d'une gauloiserię dont rien n'approche. M. D. (Introduction, p. ví) dit :

de la bûche de Noël ; de divers incidents des guerres de religion; du passage de Charles IX à Bordeaux; de l'expédition du capitaine Peyrot, le fils cadet de Blaise de Monluc, à l'île de Madère 1, et de l'expédition du capitaine Dominique de Gourgues à la Floride; de l'établissement de l'imprimerie de Simon Millanges; du massacre des huguenots à Bordeaux en 1572; du P. Edmond Augier, fondateur du collège des Jésuites en cette ville; de la mort, au siège de Gensac, du seigneur de Montferrand, maire et gouverneur de Bordeaux (1575); de la coqueluche de 1578 (le chroniqueur écrit conculuche); de l'invasion du mal de Naples (1579); de la condamnation à l'amende honorable d'un huguenot qui avait voulu faire gras en Carême; de la construction de deux galeries basses dans la cathédrale de Saint-André d'après les plans et sous la direction de Florimond de Raymond (1580); des opérations chimiques de François de Foix, évêque d'Aix; de la mort qui frappa le maréchal de Matignon (1599), « ainsin qu'il mangeoit à son disner d'une perdrix »; de Robert Balfour, gentilhomme écossais, principal du collège de Guyenne; du château de Cadillac, que le duc d'Epernon commence à élever (1600); d'une course de taureaux donnée par Lure, premier jurat de Bordeaux (1604); d'un cagot (Gauffreteau dit Gahet) enterré vif par mégarde; d'une bataille à coups de poings dans l'église de Saint-André pour la préséance (1608); des querelles entre le cardinal de Sourdis et les membres du chapitre (1609); du duel du comte de Barrault et du capitaine La Bordesière (1615); du mariage du vieux maréchal de Roquelaure, mariage qui, justifiant d'avance le mot spirituel de Corvisart, fut des plus féconds (1617); de la décapitation d'Argilemont, gouverneur des châteaux de Caumont et de Fronsac (1620); de l'ensorcellement de la dame de Bajaumont, châtelaine de La Fos, par un moine qui, précurseur d'Urbain Grandier, fut condamné à mort pour ce crime imaginaire (1620); de l'exécution de Lescun, « des premiers et plus habilles conseillers au parlement de Pau » (1622); de la chasse faite aux sorciers de Saint-Jean-de-Luz et des environs par le président Espagnet et le conseiller Pierre de Lancre (1623); du «< grand et insigne voleur » Guilleri pris à Saint-Jean-de-Blaignac et roué à La Rochelle (1624); de l'ambassade (1624) du comte de Barrault en Espagne, où son père était allé en la même qualité vingt ans auparavant 2; de la querelle entre l'archevêque

« Nous trouvant placés dans l'alternative de mutiler l'œuvre de l'auteur ou de lui laisser sa physionomie naturelle, nous avons pris ce dernier parti. »

1. Et non le fils aîné, comme le dit Gaufreteau (p. 134). Le fils aîné était MarcAntoine de Monluc, tué devant Ostie en 1557. Au sujet de l'expédition de Madère qui va être l'objet d'une étude spéciale de la part de M. Paul Gaffarel dans la Revue historique, je relève la particularité que voici les hardis compagnons de Pierre Bertrand de Monluc furent « desgollados, à l'espagnolle, le razoir par le gousier. »

2. Ces deux ambassades ont été ignorées de l'auteur de la liste des ambassadeurs de la cour de France près les puissances étrangères publiée dans l'Annuaire historique de la Société de l'Histoire de France pour l'année 1848 (p. 229).

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