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de Bordeaux, Henri de Sourdis, et le duc d'Epernon (1634); de la sédition appelée la Commune et des massacres et incendies qui la rendirent si tristement célèbre (1636), etc.

A la suite de la Chronique, M. D. a publié (p. 253-284) des vers latins, français et gascons composés ou recueillis par Jean de Gaufreteau. On y remarque un Noël en langue populaire et des vers français à Monsieur de Toiras sur l'envie que les grands portent à sa vertu et à sa valeur, considérée dans cette action admirable de la deffence de la cytadelle de Roschelle, assiégée par les Anglois 1.

L'ouvrage est complété : 1o par un Essai généalogique sur la famille Gaufreteau (p. 287-432); 2° par une excellente Table des matières (p. 433-478); 3° par un Tableau généalogique portant rectification des numéros d'ordre dans les différents degrés de la famille Gaufreteau.

M. D. ne se flatte pas d'avoir entièrement débrouillé le chaos généalogique qu'il lui a fallu traverser; du moins n'a-t-il rien négligé pour tirer le plus de lumière possible des innombrables documents qui ont passé par ses vaillantes mains. Ces documents proviennent de la Bibliothèque nationale (Cabinet des titres), de la Bibliothèque publique de Bordeaux, des archives départementales de la Gironde, de diverses collections particulières, etc. M. D. a pris deux bonnes précautions pour nous faire marcher d'un pas plus sûr dans un dédale où personne encore n'avait sérieusement cherché à s'orienter : il a classé par ordre chronologique (de 1498 à 1765) tous les renseignements qu'il a pu se procurer sur chacun des individus qui ont porté un nom aujourd'hui tout à fait éteint, et il a indiqué avec une minutieuse exactitude les diverses sources où ces renseignements ont été puisés. Signalons, dans l'Essai généalogique, le curieux chapitre consacré à Jean VI de Gaufreteau, le principal rédacteur de la Chronique (p. 330-349), lequel Gaufreteau, après avoir enterré ses trois femmes, quitta la toge pour prendre la soutane et devint curé de la paroisse de Libourne 2.

1. Dans la Chronique (t. I, p. 118-128) ont été reproduites des stances en vers français contenant l'histoire de Caillou et de sa femme, et les maux et malheurs que le jeu cause, tant aux femmes qu'aux hommes, qui l'ayment par excès et non par déduict. Au sujet de cette longue complainte, Gaufreteau dit naïvement (p. 117) : « J'ai jugé que je n'ennuyerois pas les lecteurs si je leur attachois [ces vers] au pied de la susdite histoire, bien que la poesie n'en soit pas tant delicate. »

2. C'est le titre qu'il prend dans un rare volume que j'ai consulté à la Bibliothèque nationale (L. 36/b, no 2674) : La digue ou le siege et prinse de la Roschelle, livre premier dedié au Roy par maistre JEAN DE GAUFRETEAU, ci-devant conseiller du Roy et commissaire aux requestes du palais de la Cour de parlement de Bourdeaux, et a present prestre et curé de l'Eglise de Libourne (à Bourdeaux, par Pierre de La Court, rue Saint-Jammes, 1629, in-8. de 420 p). C'est un prolixe et aride commentaire de certaines prophéties qui, selon l'auteur, se sont réalisées dans le siège et prise de la Rochelle. Le travail du commentateur ne mérite aucun des éloges qui lui sont prodigués dans deux pièces liminaires, l'une en dix vers latins, l'autre en quatre pages, pièces signées 1. de Bavolier, nepos obsequentiss. et Petrus Trichetus, Advoc. Bur

M. Delpit, dont la vieille et sincère amitié m'a donné tant de bons conseils, m'a parfois reproché d'apporter quelque excès dans mes annotations. Me sera-t-il permis de lui adresser un reproche contraire et de me plaindre du trop petit nombre de notes dont il a éclairé la Chronique bordeloise? Nul mieux que lui, qui connaît à fond l'histoire de la Guyenne et qui possède, dans ses admirables collections, une si riche série de documents bordelais imprimés ou manuscrits, ne pouvait expliquer, rectifier ou compléter les récits de Jean de Gaufreteau. Sans doute la surabondance a ses inconvénients, mais doivent-ils être comparés à ceux de la disette ?

T. de L.

VARIÉTÉS

La bataille de Muret, d'après les chroniques contemporaines. 2

La bataille de Muret fut, sans contredit, la plus importante de la guerre des Albigeois; elle eut l'avantage d'être décisive; le seul allié effectif des princes méridionaux y périt et le triomphe de Simon de Montfort devint par suite inévitable. De ce fait d'armes nous avons de nombreux récits anciens, dont plusieurs émanent d'écrivains contemporains, quelquesuns même de témoins oculaires; toutefois les péripéties même de l'action sont loin d'être encore entièrement connues; la disproportion énorme entre les forces des deux armées fait de la victoire des Français une sorte de miracle, et l'on comprend mal comment neuf cents cavaliers, si bien armés, si bien disciplinés qu'on les suppose, aient pu disperser si com

dig. La prose du curé de Libourne est précédée de bien mauvais vers adressés au lecteur, au cardinal de Richelieu, etc. Voici les six derniers vers de l'Epitre au cardinal datée de Libourne ce 1 de may 1629:

Recevez donc, prelat insigne,

Ce livre, que j'estime digne

Du S. Autel de vos genous:
Vos actions sont un vous-mesmes;
Vous les offrant j'offre vous mesmes,

Plus grand présent où prendriés-vous ?

1. Dans une note du t. II (p. 110), M. D. se demande s'il s'agit, à l'occasion du récit de la prise de l'abbaye de Clairac et de l'arrestation du conseiller Le Duc, de Jacques Du Duc. Il aurait trouvé une parfaite solution du petit problème dans les Archives historiques du département de la Gironde, (t. II, p. 6, 199). De même, s'il avait voulu faire mieux connaître une des héroïnes de Jean de Gaufreteau, Catherine de Tarneau (t. II, p. 71), il aurait pu analyser une lettre de Mme de Tarneau à Louis XIII, du 2 janvier 1620 (même recueil, t. XVII).

2. Le présent travail, est en grande partie extrait de la nouvelle édition de l'Histoire de Languedoc, de D. Vaissette, Toulouse, in-4°, en cours de publication.

plètement et en si peu de temps une armée de plus de quarante mille hommes. Ce problème, à la fois militaire et historique, a tenté un érudit de Montpellier, M. Henri Delpech, qui, dans un travail paru tout récemment, a essayé d'éclaircir ce que le fait avait d'obscur et de peu compréhensible. C'est aux manœuvres de cavalerie bien dirigées par Simon de Montfort, qu'il attribue l'honneur de la victoire, et, grâce à une suite de raisonnements ingénieux et appuyés en plus d'un cas sur des preuves, il essaie de reconstituer la topographie du champ de bataille et de retrouver les différents mouvements qui s'y succédèrent en 1213. Son système, qui peut paraître excessif à certains points de vue, n'en est pas moins ingénieux, et, si l'on peut reprocher à l'auteur de faire de Simon de Montfort un général de cavalerie comme Murat ou Sherman, il faut reconnaître que, sur plus d'un point, il a atteint la vérité. Nous allons, aidé de ses recherches, reprendre à notre tour l'étude de ce problème historique, en tâchant de tirer des textes contemporains toutes les lumières qu'ils nous pourront fournir.

La première chose à faire est de rechercher les sources de l'histoire de la bataille 2. Au premier abord, elles paraissent fort nombreuses et il n'est pas de chronique du xm° siècle qui n'ait consacré quelques lignes à un fait d'armes aussi important. Mais il suffit de réfléchir un instant pour comprendre que tous les auteurs ne peuvent indifféremment nous fournir les renseignements que nous cherchons. Autre chose est de raconter brièvement le combat de Muret et d'en faire connaître l'issue, autre chose d'en indiquer toutes les péripéties, et de montrer les positions des deux armées. Aussi devrons-nous nous borner aux trois ou quatre chroniques plus importantes écrites par des contemporains. M. Delpech a cru qu'elles se contredisaient et a sacrifié l'un des témoignages à l'autre ; nous croyons, au contraire, qu'on peut concilier leurs récits et ce sera l'objet du présent mémoire.

De tous les chroniqueurs contemporains, le plus important, celui dont le témoignage est le plus sûr, est Pierre, moine de Vaux de Cernay. En effet, malgré son emphase, malgré sa passion, cet écrivain a généralement raconté avec une grande exactitude les faits de guerre, dont il a été le témoin et c'est le cas pour la bataille de Muret; son récit de cette action, qui peut paraître un peu bref, a été écrit deux ans au plus après l'évènement ; de plus, quoique partisan fougueux de Simon de Montfort, il

1. La bataille de Muret et la tactique de la cavalerie au xпr siècle; avec deux plans topographiques. Par Henri Delpech, membre du conseil de la Société pour l'étude des langues romanes. Paris et Montpellier, in-8°, XVI-155 pp.

2. On les trouvera dans les collections suivantes: Pierre de Vaux Cernay, Hist. de France, t. XIX, p. 84-88; la Relation officielle des prélats, ibid., p. 88-89; Guillem de Puilaurens, ibid., p. 208-209; pour la Canso, édition de M. Meyer pour la Société de l'histoire de France. Pour les autres auteurs, nous donnerons des renvois particuliers.

3. La première partie de la chronique de Pierre de Vaux Cernay fut dédiée par lui à Innocent III, mort en 1216.

n'avait aucune raison de travestir tous ces faits, si honorables, si glorieux pour son héros.

De Pierre de Vaux de Cernay, il convient de rapprocher un certain nombre de chroniqueurs qui lui ont emprunté tout ou partie de leurs renseignements. Tel est Guillem de Puilaurens, chapelain de Raimond VII, qui écrivait vers 1270; il n'a fait qu'abréger le récit du moine cistercien, en y ajoutant quelques circonstances à lui rapportées par le comte de Toulouse, Raimond VII qui, âgé de seize ans en 1213, assista à la bataille du haut d'une colline voisine. Il faut encore rapprocher de Pierre de Vaux de Cernay, Baudouin d'Avesnes dont la chronique, écrite vers 1270, outre une traduction presque littérale du chroniqueur cistercien, renferme quelques détails dont la source nous est aujourd'hui inconnue, mais qui paraissent authentiques. Enfin mentionnons la compilation historique de Bernard Gui, dont cette partie est connue sous le nom de Præclara Francorum facinora.

Possédant un chroniqueur tel que Pierre de Vaux de Cernay, nous ne pouvons attribuer grande valeur à des auteurs, comme Guillaumele Breton. Ce dernier, en effet, n'écrivit cette partie de sa Philippide et de sa chronique en prose que plusieurs années après l'événement, et vivant loin du pays, les renseignements qu'il nous fournit n'ont que peu d'importance dans le cas qui nous occupe.

La chronique dite du roi Jayme est une source beaucoup plus importante. On n'en connaît pas sûrement le véritable auteur, mais, quel qu'il soit, il connaissait fort bien les événements de cette époque et nous rapporte plusieurs détails intéressants sur les différentes phases de la bataille. Mais il faut pourtant reconnaître que ces détails ne sont pas de telle valeur qu'on puisse opposer son témoignage à celui de Pierre de Vaux de Cernay ou de la Canso; on ne peut guère que lui emprunter quelques indications sur le nombre des combattants et les noms des chevaliers aragonais et catalans qui périrent dans l'action.

Vient ensuite la seule source qu'on puisse réellement opposer à Pierre de Vaux de Cernay, la Canso. L'auteur anonyme qui a écrit cette partie du poëme, écrivait vers 1219; il a connu les principaux chefs de l'armée, il paraît avoir connu les lieux. Toutefois, ici comme chaque fois qu'il raconte des faits dont il n'a pas été témoin oculaire, il est assez confus, et surtout très-bref. A peine accorde-t-il cinquante vers au récit de cette action si importante, alors qu'il consacrera plusieurs centaines de vers à tel petit combat sous Toulouse. Quant à la version en prose, comme elle n'a fait que copier le poëme, en y ajoutant des détails imaginaires, nous ne la mentionnerons que pour mémoire.

Enfin la circulaire officielle, écrite par les évêques après cette victoire inespérée, renferme quelques détails utiles. Elle a été insérée par

1. Peut-être aussi Guilhaume de Puilaurens a-t-il connu l'e récit de la Canso. C'est du moins l'opinion de M. Paul Meyer, le juge le plus autorisé en pareille matière.

Pierre de Vaux de Cernay dans sa chronique; peut-être même est-ce lui qui la rédigea. En tout cas, il faut admettre qu'il l'a lue avant de rédiger son récit et elle doit servir à compléter celui-ci, partout où elle n'est pas en contradiction avec lui. Toutefois, elle ne peut nous fournir sur la bataille même que deux ou trois traits utiles, le reste n'étant qu'une longue amplification de rhétorique, émaillée de citations des Écritures. Le premier problème à résoudre, problème que D. Vaissette a longuement examiné, est la détermination de la force respective des deux armées. Entre les différentes versions des chroniqueurs, il y a de grandes divergences, et il faut évidemment interpréter leurs termes. Il est assez facile de fixer le nombre des soldats de Montfort. M. Delpech 2 montre péremptoirement que les Français ne comptaient pas plus de huit cents à mille cavaliers, et sept cents fantassins; ces derniers restèrent à Muret pendant l'action pour garder la ville. En effet, Pierre de Vaux de Cernay dit que trente chevaliers entrèrent dans la ville avec Simon qui y trouva un nombre égal de chevaliers laissés auparavant par lui dans la place; en outre, dans la soirée, il fut rallié par le vicomte de Corbeil, à la tète d'une troupe de cavalerie, dont l'écrivain ne précise pas la force. Si l'on compte quatre-vingt-dix chevaliers ou cavaliers nobles, on trouve, en calculant d'après les données du temps, un total de huit cent quarante à neuf cents cavaliers, chiffre qui répond assez exactement à celui que nous fournit la chronique de Jayme.

Reste à déterminer la force des contingents vasco-aragonais. Grâce à un examen attentif des chiffres des troupes aragonaises et catalanes, qui prirent part à la bataille de Navas de Tolosa et plus tard à la conquête de Valence, M. Delpech en arrive à admettre que la Catalogne seule pouvait fournir mille hommes de cavalerie, seule troupe que Pierre d'Aragon paraisse avoir amenée en Languedoc. Ce qu'il faut remarquer, c'est qu'il résulte de pièces inédites, citées par M. Delpech 3, que le roi avait pris tous ces chevaliers à sa solde. La noblesse catalane, en effet, put éprouver quelque répugnance à suivre volontairement Don Pèdre dans une expédition assez peu orthodoxe et qu'il n'entreprenait que dans un but d'ambition toute personnelle. Il se passa là quelque chose d'analogue à ce que l'on peut remarquer plus tard, lors des croisades de Louis IX; ce dernier prince dut aussi prendre à sa solde les nobles. français que la dévotion ou l'amour des aventures ne suffisaient plus à entraîner en Orient. Quoiqu'il en soit, ce chiffre (mille chevaux) est indiqué à la fois par la Canso et par un auteur purement espagnol, Rodéric de Tolède, ce qui rend le raisonnement de M. Delpech d'autant plus probant.

Quant au contingent méridional, il comprit tous les chevaliers dépos

1. Voyez Histoire de Languedoc, nouvelle édition, t. VII, note xvII, p. 49 et suiv. 2. P. 16 et suivantes

3. P. 18-19, note.

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