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semble jusqu'ici avoir passé inaperçue 1, est d'une facture infiniment supérieure. Il importe donc, avant de prononcer sur la valeur relative des artistes des deux cités rivales, de procéder à un plus ample informé.

L'explication des scènes ou des figures du tombeau de Placidie a donné lieu à des théories bien diverses. Il nous suffira de dire ici qu'en ce qui concerne la composition représentée dans la lunette du fond, M. R. a adopté le système de M. de Rossi; il y voit saint Laurent marchant au supplice, et non le Christ jetant au feu les livres des hérétiques. Au sujet des huit figures de la coupole, M. R. a, par contre, émis une hypothèse nouvelle. Il les considère comme représentant les apôtres, et non, comme on l'avait cru jusqu'ici (sauf pour deux d'entre elles), des prophètes. Les quatre personnages représentés dans une autre partie du mausolée, au milieu des rinceaux, correspondraient, d'après lui, aux quatre apôtres manquant, et serviraient à compléter le chiffre traditionnel.

M. R. fait remarquer avec raison, à propos du Bon Pasteur, que la brebis de gauche, la plus rapprochée du spectateur, est une restitution moderne. Mais ce qu'il ne dit pas, c'est que cette restitution est absolument arbitraire, bien plus, qu'elle est en désaccord avec les reproductions ou les témoignages anciens. Dans la gravure de Ciampini (Vet. Mon., I, pl. 65), du temps duquel cette partie de la mosaïque était encore intacte, la brebis est couchée; le restaurateur moderne, au contraire, l'a représentée debout. Il ne s'est point aperçu qu'il commettait ainsi une faute choquante contre toutes les règles de la vraisemblance. En effet, pour faire tenir dans l'espace devenu vide une brebis debout, il a fallu lui donner des proportions beaucoup plus réduites que celles de la brebis couchée; il en est résulté que cette brebis placée au premier plan est sensiblement plus petite que celles du fond. On ne saurait trop s'élever contre de pareilles entreprises; elles sont vraiment indignes d'un pays qui a des prétentions en matière d'archéologie.

DOMINATION DES GOTHS. Les mosaïques de cette période décrites par M. R. sont celles du baptistère des Ariens (S. Maria in Cosmedin) et une partie de celles de S. Apollinare Nuovo. Autour de ces compositions se rangeaient autrefois le portrait de Théodoric, incrusté sur la façade de son palais 2, et les mosaïques de la façade et de la tribune de Sainte-Marie-Majeure, exécutées sous l'archevêque Ecclesius, entre 521 et 534 3.

Dans le chapitre consacré aux mosaïques du Baptistère, M. R. constate qu'on chercherait en vain quelques traces de dissemblance entre l'art arien et l'art chrétien orthodoxe. L'inspiration même ne semble pas diffé

1. Un estampage de cette tête, exécuté il y a peu de temps par les soins de M. Gerspach, se trouve à la Direction des Beaux-Arts.

2. Agnelli, loc. cit. Cf. les Jahrbücher für Kunstwissenschaft, 1873, p. 3. 3. Agnelli, loc. cit. Rossi, Hist. rav., pp. 153, 154.

rer. C'est ainsi que les compositions qui ornent la coupole du baptistère arien de Ravenne contiennent des motifs absolument analogues à ceux du baptistère des Orthodoxes. On allait même jusqu'à dire qu'elles les reproduisaient textuellement. Mais M. R. fait remarquer que les termes de reproduction, de copie sont exagérés. Si tel était le rapport, dit-il, des deux cycles, il faudrait admettre que rien dans l'art byzantin n'est original. Les mosaïques du baptistère arien ont, pour le moins, la valeur de variantes. Il est regrettable que les nombreuses restaurations auxquelles elles ont été soumises leur ait enlevé tout caractère : on s'exposerait à de graves erreurs en les considérant comme un spécimen de l'art du temps de Théodoric.

L'expression de cet art, nous la trouvons cependant encore à Ravenne. C'est dans les mosaïques de Sant'Apollinare Nuovo qu'il faut la chercher. Depuis longtemps on savait que la décoration de cette basilique datait en partie du règne de Théodoric, en partie de celui de Justinien. Mais l'honneur d'avoir le premier établi une ligne de démarcation bien nette entre les deux cycles revient tout entier à M. R. Rahn, dont nous avons déjà signalé le remarquable travail dans notre compte rendu de l'ouvrage de M. de Rossi 1. M. Rahn a montré que, dans les scènes de la vie du Christ, qui forment la partie supérieure de la décoration de S. Apollinare Nuovo, ainsi que dans la Vierge et dans le Christ de la rangée inférieure, il fallait voir des créations contemporaines de l'illustre roi des Goths. Cette découverte a une portée très-grande: nous savons aujourd'hui que, sous le règne de Théodoric, l'art s'est maintenu à un niveau fort élevé. Les scènes de la vie du Christ demeurent, en effet, le modèle le plus achevé du style narratif dans la peinture chrétienne des premiers siècles. M. R. a repris le travail de M. Rahn sur S. Apollinare Nuovo, il l'a développé et y a ajouté une foule d'observations intéressantes.

DOMINATION BYZANTINE. Avant de passer en revue les mosaïques décrites par M. R., nous indiquerons ici, comme nous l'avons fait précédemment, celles qui n'existent plus et qui, par conséquent, ne sont pas étudiées dans le travail du savant allemand. Ce sont celles des bains du palais archiepiscopal, exécutées entre 539 et 546 2, de la basilique de Saint-Etienne, exécutées entre 546 et 556 3, de l'église Sainte-Euphémie, appartenant à la même époque 4, des chapelles de S. Mathieu et de S. Jacques (556-569) dans l'Ecclesia petriana de Classis 5, des chapelles de SS. Marc, Marcellus et Felicula (574-595) à S. Apollinaire in Classe “.

1. Revue critique, 1875, no 33. Le travail de M. Rahn est intitulé : Ravenna, Eine kunstgeschichtliche Studie. (Leipzig, 1869, in-8°, grav.)

2. Agnelli, p. I

3. Id., p. 106.

4. Id., p. 125.

5. Id.

6. Id., p. 126.

Quant à la basilique de la Sainte-Croix, il n'est point certain qu'elle ait été ornée d'incrustations, comme l'a prétendu Quast. Agnelli, en effet, ne parle que de simples peintures 2. Citons enfin la mosaïque de S. Michele in Affricisco transportée à Berlin en 1848 et, depuis cette époque, entièrement perdue pour l'étude. Comme on le voit, cette période a été d'une grande fécondité.

Aucune des mosaïques de Ravenne n'offre moins de problèmes à résoudre que celle de Saint-Vital. La date de ces peintures (règne de Justinien), leur signification, leur valeur comme œuvre d'art, tous ces points sont depuis longtemps fixés. M. R. a néanmoins réussi à enrichir le chapitre consacré à ce chef-d'œuvre de l'art byzantin de plusieurs observations nouvelles et d'un grand intérêt.

Les mosaïques de la chapelle archiepiscopale par contre feront, sans doute longtemps encore, le désespoir des archéologues. Sont elles du v siècle, comme le prétend M. Tarlazzi 3, du vi°, comme l'affirment MM. Crowe et Cavalcaselle 4, ou même d'une époque postérieure ? C'est là un point qui n'a pas été résolu jusqu'ici. M. R., plus sceptique que ses prédécesseurs, évite de se prononcer. Nous ne lui ferons pas un crime de cette réserve, justifiée par l'absence de témoignages écrits; mais nous croyons qu'il s'est montré trop sévère pour une œuvre encore toute imbue des traditions du grand art.

La fixation de la date des mosaïques de Sant'Apollinare in Classe donne également lieu à de grandes difficultés. Construite sous le pontificat d'Ursicinus (535-538), cette basilique a été consacrée par l'archevêque Maximien en 549. Mais la décoration n'était très-certainement pas achevée à ce moment. Nous lisons en effet, dans la biographie de Reparatus (672-677), par Agnelli, que ce prélat fit exécuter dans l'abside le grand tableau en mosaïque dans lequel est représentée la concession de privilèges faite à l'église de Ravenne par Constantin, Héraclius et Tibère. Or la composition nous montre précisément l'empereur Constantin († 685) avec ses deux frères. Aucun doute ne saurait donc subsister sur l'âge de cette partie de la mosaïque 5. La mosaïque qui lui fait pendant, le sacrifice d'Abraham et de Melchisédech, n'est pas non plus, selon toute vraisemblance, antérieure au vir° siècle. Resterait à fixer la date de la

1. Die altchristlichen Bauwerke von Ravenna, p. 10.

2. In fronte ipsius templi introeuntes pili januas desuper depicta quatuor Paradisi flumina, versus exametros et pentametros, si legetis, invenietis :

« Christe patris verbum, etc. >>

3. Memorie sacre di Ravenna, pp. 72, 73.

4. De la Peinture italienne, éd. ital., t. I, p. 42.

5. M. Rahn a essayé d'établir un rapprochement entre ces mosaïques et celles qui ornent les absidioles latérales de Sainte-Constance à Rome. Mais nous croyons avoir établi que ces dernières sont, non pas du vii, mais du iv° siècle, et peut-être même contemporaines de Constantin le Grand. Cf. la Revue archéologique, 1875, t. II, PP. 224-230, 273-284, et 1878, t. I, pp. 353-367.

mosaïque de la concha (Transfiguration; portraits d'archevêques) et de celle de l'arc triomphal (portraits du Christ, de S. Mathieu, de S. Luc, symboles évangéliques, archanges, etc.). M. R. considère la première de ces deux parties comme l'ouvrage le plus ancien qui ait été exécuté dans la basilique. Quant aux figures de l'arc triomphal, il voit en elles un produit de l'art byzantin de la seconde période (spätbyzantinische Kunst). C'est là un terme bien vague, mais l'état dans lequel se trouvent les mosaïques de S. Apollinaire ne justifie que trop cette ré

serve.

Les mosaïques de Sant'Apollinare in Classe marquent à Ravenne la fin de la période vraiment créatrice, vraiment originale, de l'art chrétien primitif. A partir de ce moment la capitale de l'exarchat perd toute importance. Si les mosaïques du xIIe siècle, autrefois conservées dans la cathédrale, si les fresques de Giotto à Saint-Jean-l'Evangéliste, présentent encore un intérêt considérable, elles n'ont plus rien qui les distingue des autres productions contemporaines de l'Italie.

Dans un dernier chapitre, rempli d'observations excellentes, M. Richter a résumé les résultats auxquels il est arrivé dans le cours de son travail et a établi l'importance des mosaïques de Ravenne au point de vue de l'histoire générale des beaux-arts.

Eug. MüNTZ.

210.

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Die æltesten franzosischen Mundarten, Eine sprachgeschichtliche Untersuchung von Gustav LÜCKING. Berlin, 1877, 1 vol. in-8°, Iv-266 p.

M. Gaston Paris, dans l'étude de philologie française qui forme l'introduction de son édition de l'Alexis, avait admis que la langue de ce vieux poëme appartenait à un dialecte neutre, indifférent entre le français et le normand, d'où devaient un peu plus tard se dégager, par suite d'évolutions phonétiques, l'un et l'autre dialecte. Cette conclusion fut mise en doute par M. Lücking. Il ne pouvait se persuader que la langue de l'Alexis fût considérée comme la source du français central, de la langue commune. Amené à reprendre le problème, il se demanda si l'on avait le droit de retrouver la source du français propre dans les plus anciens documents de notre littérature (les Serments de Strasbourg, la Cantilène de sainte Eulalie, le Fragment de Valenciennes, les poëmes de la Passion et de Saint Léger), si ces documents ne présentaient pas des caractères dialectaux particuliers. C'est le résultat de cette recherche qu'il consigne dans le remarquable ouvrage dont nous venons de transcrire le titre. Donnons-en une analyse.

Dans l'introduction, l'auteur commence par faire un rapide historique des théories de Fallot et de Burguy sur les dialectes français pour arriver à celles qu'a exposées M. Paris dans la préface de son Alexis. Après cela, il cherche à résoudre plusieurs questions préliminaires sur l'établissement

du texte critique des documents. C'est à cette solution qu'est consacrée la seconde partie de l'introduction (p. 14-61).

Il étudie d'abord le rapport du latin et du français dans le Fragment de Valenciennes. Il établit qu'à part quelques mots, le latin est écrit en notes tironiennes, et que la partie écrite en caractères ordinaires est du français, ce qui prouve bien que l'auteur de cette homélie sur le prophète Jonas l'avait conçue en français, et que, quand il voulait sténographier sa pensée, il recourait à des signes qui n'étaient employés que pour le latin. M. L. corrige en même temps quelques fautes échappées à Bartsch dans la publication de ce texte.

Il arrive ensuite au Saint Léger et dresse d'abord un errata très-étendu de l'édition critique de M. Paris. Il consacre vingt pages à établir minutieusement les corrections « inconséquentes », « fautives » ou «< inutiles >> que s'est permises cet éditeur, et celles qu'il a oublié de faire. La plus grande partie de ces observations sont justes, et témoignent de la minutie extrême avec laquelle a été étudié le texte.

Après l'établissement critique du texte du Saint Léger, l'auteur aborde celui du texte de la Passion, Ici le travail est plus délicat et plus difficile encore; car, si le texte du Saint Léger demande une attention minutieuse et toujours en éveil, celui de la Passion exige d'abord la solution de questions philologiques fort graves. Quelle est la langue du poëme de la Passion? Du français ou du provençal? ou, comme l'admettent Diez et M. Paris, une langue mixte, appartenant à un dialecte demi mixte, et où l'auteur, suivant le caprice ou le besoin de la métrique, emploie à la fois du français et du provençal? M. L. veut démontrer que l'original du poëme est français, qu'un scribe n'a fait qu'affubler son texte de formes méridionales, mais qu'à travers ce travestissement il est possible de reconnaître et de retrouver l'original; ce que se refusait à admettre M. Paris. M. L. est donc amené à étudier les assonances du texte ; il prétend démontrer qu'elles peuvent toutes se ramener à des formes françaises normales, et, fort de ce résultat, il n'hésite pas à donner une restitution française du poëme de la Passion analogue à celle qu'avec beaucoup plus de raison, M. Paris a donnée du Saint Léger. Nous disons, avec beaucoup plus de raison, car la tentative de M. L. a soulevé et soulèvera les réclamations des romanistes compétents. Déjà M. Paris, dans une longue discussion des théories de M. L. (Romania, VII, p. ш140), a démontré que ses restitutions violent les lois de la vieille langue, en présentant soit des assonances inadmissibles, soit des constructions non françaises. Nous renvoyons le lecteur à cette réfutation. Il faut donc admettre que l'effort de M. L., si vigoureux qu'il soit, afété ici à peu près stérile.

Cette restauration téméraire du poëme de la Passion termine l'introduction. L'auteur n'a pas examiné la Cantilène de sainte Eulalie, ni les Serments de Strasbourg dont le texte est bien établi.

Le premier chapitre de cette première partie (p. 63-139) étudie les plus

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