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233. Sopra alcuni piombi sardi. Nota di Antonio MANNO. (Extrait des Atti della Reale Accademia delle Scienze di Torino, vol. XIII, séance du 17 février 1878.) Turin, 1878, 21 p. in-8°, 1 pl.

Dans ce court mémoire, M. Manno étudie et décrit toutes les bulles de plomb médiévales, encore fort rares en nombre, que l'on connaît de l'île de Sardaigne, soit de la juridiction de Cagliari, soit des trois autres régions de l'île. Non-seulement M. M. rectifie et donne à nouveau les descriptions des sceaux déjà publiés, mais il nous en fait connaître d'entièrement inédits. On sait l'importance qu'a pour la connaissance du moyen âge l'étude de ces petits monuments dont si peu sont parvenus jusqu'à nous, grâce à leur extrême fragilité et aux injures du temps. Cette importance devient tout à fait exceptionnelle, lorsqu'il s'agit comme ici de documents se rapportant à la période la moins connue de l'histoire d'un pays encore si peu exploré au point de vue archéologique. Jusqu'ici personne n'avait songé à réunir cette suite des anciens plombs sardes; c'est éparses dans divers médaillers italiens ou dans les « Ad Hist. Cassinens. Accessiones » de Gattola (Venise, 1734) que M. M. a retrouvé les onze bulles qu'il publie et qui toutes présentent un véritable intérêt; elles sont gravées sur une planche qui termine le mémoire.

Un premier plomb, déjà signalé en 1842 par le Dr A. Belli et que M. M. a réussi à retrouver après bien des recherches infructueuses, appartient à Théodore qui fut consul et duc impérial (Unatoç xzł doúxzg) en Sardaigne, en 590 et 593.

Les sceaux suivants se divisent en deux groupes entièrement distincts suivant la langue dans laquelle est écrite la légende; ceux à légende grecque appartiennent à la juridiction de Cagliari, ceux à légende latine aux trois autres régions de l'île.

Les bulles de plomb à légende grecque des juges de Cagliari (on sait que dans cette portion de l'île l'usage de la langue grecque se maintint beaucoup plus longtemps après la chûte du pouvoir byzantin) sont copiées sur les bulles vulgairement connues sous le nom de bulles byzantines; on y retrouve les mêmes invocations pieuses, les mêmes monogrammes du droit; les juges y prennent le titre d' ἄρχων μέρει καλάρεος, que leurs collègues des autres régions de l'île transforment en celui de roi, M. M. décrit les bulles de Constantin Ier, de son fils Torchitorio II, de son petit-fils Salusio di Lacon ou Constantin II, tous les trois juges de Cagliari aux x1o et xiie siècles.

Les bulles à légende latine des juges de Torres et d'Arborée (on n'en connaît pas encore de la quatrième région de l'île), outre la différence de langue, sont d'un type entièrement différent des précédentes; elles sont de module très-considérable et d'un travail infiniment plus barbare; les légendes du revers sont en grands caractères latins, grossièrement irréguliers; au droit, figure presque toujours la tête du juge, vue de face, d'un dessin si primitif que je ne saurais mieux la comparer qu'au naif

effort d'une main enfantine traçant l'image grotesque de la pleine lune, Je ne connais aucun autre exemple de ce type singulier sur des bulles de plomb du moyen âge. M. M. publie plusieurs de ces bulles ayant appartenu à divers juges de Torres ou d'Arborée qui, presque tous, ont porté le nom de Barisone; j'ai déjà dit que ces personnages y prennent le titre de roi; ils appartiennent principalement au xu° siècle, Sur une seule de ces bulles on déchiffre le nom d'Arborea.

Il est à désirer que M. Manno veuille bien continuer ses si fructueuses et intéressantes recherches et qu'il les étende également à l'étude des monnaies sardes, si peu connues encore malgré les travaux de quelques érudits, des Spano, des La Marmora et autres.

G. SCHLUMBERGER.

234.

Les premiers habitants de l'Europe, d'après les auteurs de l'antiquité et les recherches les plus récentes de la linguistique, par H, D'ARBOIS DE JUBAINVILLE, correspondant de l'Institut. x-350 p. in-8°. Paris, Dumoulin, 1877. Prix : 7 fr.

Ce livre est consacré à l'histoire, aux migrations et à l'ethnographie des peuples qui ont précédé les Celtes en Europe. C'est une introduction à l'histoire de la race celtique. M. d'Arbois de Jubainville s'occupe successivement de chacun de ces peuples: Ibères, Pélasges, Etrusques, Egyptiens, Phéniciens, Scythes, Thraces, Illyriens, Sicules, Liguses (dits vulgairement Ligures), Hellènes et Italiotes.

C'est l'ouvrage le plus important qui ait paru depuis longtemps sur cette obscure histoire, non-seulement en France, mais aussi en Allemagne, et il doit cette importance à la fois à l'originalité des recherches et à la pénétration ingénieuse de l'auteur. M. d'A. de J. n'a fait ni un livre de seconde main, ni une compilation : il s'est adressé directement aux sources, étudiant les écrivains classiques dans leurs œuvres, et non dans des citations de seconde main, et ajoutant souvent des textes ignorés ou négligés à ceux qu'on cite traditionnellement de génération en génération. Egalement familier avec la linguistique et l'histoire, doué de la plus fine perspicacité pour saisir les rapports les plus vagues et les plus obscurcis par le temps, M. d'A. de J. apporte sur de nombreux points des opinions nouvelles et qui paraissent solidement fondées. C'est ainsi qu'il a rendu vraisemblable la nationalité indo-européenne des Ligures, et qu'il a confirmé l'opinion de savants allemands d'après lesquels les Scythes seraient de la même race, et de la branche iranienne de cette race. M. d'A. de J. est de ceux dont la critique renouvelle le sujet qu'ils traitent, et dont les livres, malgré leurs défauts, font époque et autorité.

Malgré leurs défauts, avons-nous dit: nous sera-t-il permis de les

indiquer quand M. d'A. de J. est le plus ferme appui de notre Revue Celtique, et quand ses articles en sont l'honneur? Notre ami M. d'A. de J. ne se méprendra pas sur nos intentions; il sait en quelle estime nous tenons son érudition et son talent; c'est dans l'intérêt de la science que nous lui présenterons quelques observations sur sa méthode, en disant de notre critique :

... fungar vice cotis, acutum

reddere quæ ferrum valet, expers ipsa secandi.

Le principal défaut que nous nous permettrons de reprocher à M. d'A. de J., c'est la recherche et l'abus de l'étymologie. Il suffit qu'une hypothèse ingénieuse se présente à son esprit pour qu'il lui donne créance. Il y a dix ans, il nous expliquait par le basque le nom des affluents champenois de la Seine: aujourd'hui, avec la même ardeur et la même sincérité, il nous explique par des racines indo-européennes les noms des peuples les plus anciens de l'Europe. Cela est si séduisant et si aisé de choisir dans le répertoire des racines et des suffixes indo-européens, comme dans un trousseau de clefs qui ouvrent toutes les portes, quand il s'agit de mots dont on ne sait absolument rien, ni à quelle époque ils ont paru, ni dans quelles circonstances ils ont pris naissance, ni surtout à quelle langue ils appartiennent! Voici, par exemple, les Italiens: M. d'A. de J. nous apprend que leur nom vient de la racine I « aller », au moyen d'un suffixe talo, et qu'il paraît vouloir dire « celui qui a la capacité d'aller », « le voyageur ». « C'est, remarque ingénieusement M. d'A. de J., un nom très-bien choisi pour désigner le groupe d'hommes qui a fait la première invasion indo-européenne de la péninsule. » Pourquoi donc? Est-ce que la seconde invasion de la péninsule n'a pas été faite également à pied par des gens qui avaient « la capacité d'aller », par « des voyageurs »? Par le même procédé, les Sicules sont « ceux qui faucillent », les Rhoxolans, peuple scythe, sont « les brillants ». Pour les Ligures, M. d'A. de J. nous laisse indécis entre le sens propre et le sens figuré : «< Ligus est un nom indo-européen, et veut dire au sens propre «< celui qui va vite », au sens figuré «< celui qui réussit ». La corrélation de ces deux sens, propre et figuré, ne nous semble pas nécessaire; il y a nombre d'entreprises dans lesquelles on peut ne pas réussir, justement parce que l'on va vite. Nous accepterions ces étymologies préhistoriques, si M. d'A. de J. nous les donnait pour ce qu'elles sont en réalité, pour des jeux d'esprit; mais nullement: M. d'A. de J. est dupe de sa propre imagination, et il lui arrive de tirer des conséquences de cette sorte d'étymologies. En cela il commet deux erreurs : la première, de présenter comme un fait une étymologie qui n'offre aucune garantie et pour laquelle il n'y a pas de contre-épreuve possible; la seconde, de croire que cette étymologie, fût-elle vraie, prouve quelque chose sur la nationalité du peuple qui en est la victime. Il faudrait, en effet,

prouver qu'il s'agit là du nom que ce peuple se donnait à lui-même, non pas d'un des noms que lui donnaient ses voisins 1.

Le même manque de mesure se retrouve dans le chapitre des origines indo-européennes. M. d'A, de J. y passe en revue les mots communs aux différentes langues indo-européennes, et, à l'aide de ces mots, il trace le tableau de la civilisation indo-européenne, antérieure à la séparation des différentes branches de cette famille. C'est fort bien; mais, écrivant pour un public qui n'est pas un public de linguistes, M. d'A. de J. aurait dû soigneusement distinguer entre la concordance établie par l'identité des mots, qui est un fait, et l'étymologie de ces mots préhistoriques qui est une opinion. De plus, M. d'A. de J. demande seulement à une étymologie d'être conforme à la phonétique; à nos yeux, cela ne suffit pas, il faut qu'une étymologie soit aussi conforme au sens commun. A ce point de vue, que penser de ceci : « Fils, sunu, c'est « celui qui engendre »; fille, dhughtar, c'est « celle qui allaite »; le fils et la fille sont pour le père et la mère, les fondateurs de familles futures ». S'imaginet-on les premiers Aryens appelant leur fils le générateur, et leur fille la nourrice! Il semble bien, d'après une note, que M. d'A. de J. a pris cela dans Fick; mais ne devait-il pas laisser ces fantaisies à leur auteur allemand? Nous admettons jusqu'à un certain point que les linguistes se permettent des hypothèses peu vraisemblables dans des livres écrits pour les initiés entre confrères, on se passe ses élucubrations réciproques; mais, quand on écrit pour un public étranger, comme c'est ici le cas de M. d'A. de J., on doit redoubler de prudence, on doit ne donner que des faits, et, si on leur ajoute des hypothèses, prévenir que celles-ci sont des hypothèses. Autrement on fournit au public une occasion de se gausser de la linguistique et des linguistes.

Pourquoi M. d'A. de J. ne s'inspire-t-il pas des sages conseils que donnait M. Bréal dans son récent travail sur les racines indo-européennes? M. Bréal parle de la langue-mère indo-européenne : « Elle sortirait tout à fait des conditions ordinaires si tous les mots qui la composent étaient également transparents. C'est ce que paraissent avoir oublié quelquefois nos modernes linguistes, qui, non contents de poser la forme indo-européenne, veulent aussi en donner chaque fois l'étymologie.

1. Il nous semble aussi que pour ces époques préhistoriques on ne peut faire fond sur des rapprochements de noms homophones. Ainsi M. d'A. de J. veut identifier le Sicanos, ce fleuve ibérique sur les bords duquel Thucydide et Philiste mettent le plus vieil établissement des Sicanes », avec la Seine « appelée Sequana par les Gaulois qui auraient donné une forme celtique, c'est-à-dire indo-européenne, à un nom primitivement ibérien. » Il serait aisé de refaire l'ethnographie du monde avec des rapprochements de ce genre, qui ne sont en somme que des calembours. Notons, à propos de cet exemple, que M. d'A. de J. se met un peu en contradiction avec lui-même, car il a donné ailleurs (Revue Archéologique, nouv. série, t. XV, p. 153) une étymologie celtique (très-contestable du reste) du nom de la Seine qu'il décomposait en Sec-uan-a et qu'il expliquait comme signifiant « la rivière sèche ».

S'agit-il, par exemple, du mot avi-s, brebis? Ce substantif a existé dans la langue-mère, puisque nous le rencontrons en sanscrit sous la forme avi-s, en grec cis, latin ovis, lithuanien avis, irlandais oi. Mais s'il n'est nullement téméraire d'affirmer l'existence du mot dans un temps antérieur à la séparation de nos idiomes, la recherche de l'étymologie nous transporterait dans une période beaucoup plus reculée et sur un terrain moins solide : l'Indo-européen, qui nommait avis la brebis, pensait probablement, en la nommant ainsi, à une brebis, et à nulle autre chose. Si nous voulons connaître la racine renfermée dans ce substantif, nous franchissons une nouvelle série de siècles et nous faisons de l'étymologie ante-indo-européenne ... » C'est surtout dans le camp des celtistes qu'il faut montrer de la prudence et de la mesure, car il ne manquait pas et il ne manque pas encore de gens pour expliquer tout, mots et noms de tout temps et de tout pays, avec leurs racines bretonnes ou gaéliques. On peut commettre la même erreur, en employant les racines indo-européennes, quand on a également des explications pour toute chose. Prenons garde, écrivait un jour Siegfried, prenons garde de faire comme nos anciens, mais sans l'excuse de leur ignorance; prenons garde de massacrer les mots et les formes avec cette différence que nos couteaux coupent mieux 2.

Nous pensons que M. d'A. de J. n'aurait pas dû s'en tenir exclusivement << aux auteurs de l'antiquité et aux recherches les plus récentes de la linguistique ». Nous savons bien qu'il nous en prévient dans son titre, mais avait-il le droit de le faire? Nous admettons qu'un historien se confine dans les sources écrites lorsqu'il s'agit d'époques vraiment historiques; mais quand il est question d'époques obscures qui sont antérieures à l'histoire certaine et documentée, sur lesquelles on n'a que des renseignements fragmentaires et obscurs, peut-on s'entourer de trop de précautions, réunir trop de faits et consulter trop de sources? Or, l'archéologie, en faisant connaître le côté matériel d'une civilisation éteinte, ne fournit-elle pas des faits dont l'historien peut utilement tenir compte? On peut discuter sur la valeur de ces faits, sur la provenance et l'origine d'armes, d'objets artistiques, etc., comme on discute sur le témoignage d'un historien; mais ces faits n'en sont pas moins, eux aussi, des témoi gnages. Il y a pour l'historien des époques préhistoriques deux ordres de documents les documents écrits et les documents matériels. Les combiner est justement l'œuvre de l'historien; mais en ignorer systémati quement l'une ou l'autre moitié, c'est mutiler l'histoire. Est-ce que, par exemple, l'histoire des Etrusques, auxquels M. d'A. de J. consacre

1. Bréal, Mélanges de mythologie et de linguistique, p. 379.

2. Take care that we are not acting like the older men, but without their excase of ignorance, butchering words and forms, only with sharper knives. Cité par M. Whitley Stokes dans sa préface aux Miscellanea Celtica de Siegfried.

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