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LITTÉRAIRE,

ANNÉE M. DCC. LV.

Par M. FRÉRON, des Académies d'Angers
de Montauban & de Nancy.

Parcere perfonis, dicere de vitiis. Martial.

TOME VII.

C

A AMSTERDAM..

Et fe trouve à Paris,

Chez MICHEL LAMBERT, Libraire,
rue & à côté de la Comédie Françoife,
an Parnaffe.

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L'ANNÉE

LITTERA IR E.

LETTRE I.

Lettres Cabaliftiques.

Ans le deffein, Monfieur, de donner une critique générale des peuples anciens & modernes, M. le Marquis d'Argens a imaginé de faire voyager un Juif & un Chinois qui entretiennent leurs correfpondans de tout ce que l'Europe, l'Afrique & l'Afie leur offrent de plus fingulier. C'eft l'idée des Lettres Juives dont je vous ai parlé * & des Lettres Chinoifes qu'on réimprime, & dont je ne tarderai pas à vous rendre compte. Quant aux peuples & aux hommes que nous ne connoiffons que par l'hiftoire, l'auteur a cru devoir les in

* Voyez l'Année Littéraire 1754, Tome V, pages 169 &318.

AN. 1755. Tome VII.

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A ij

troduire eux-mêmes fur la fcène, & les faire parler les uns avec les autres com

me s'ils étoient encore vivans. L'idée de deux Cabaliftes en relation avec des Sylphes, des Gnomes & des Salamandres lui a paru propre à fournir les dialogues qui compofent fes Lettres Cabaliftiques, ou Correfpondance philofophique, hiftorique & critique, entre deux Cabaliftes, divers Efprits Elémentaires, & le feigneur Aftaroth: nouvelle édition, augmentée de nouvelles lettres & de quantité de remarques fept volumes in 12, petit format, imprimés à la Haye, & dont on trouve quelques exemplaires à Paris.

L'auteur fuppofe qu'un fameux Cabalifte, qu'il appelle Abukibak, inftruit fon difciple Benkiber de tout ce que lui apprennent à lui-même des Efprits Elémentaires avec lefquels il eft en commerce de lettres. Voici ce qu'il lui dit d'abord de ces fortes d'Efprits: la région du feu eft le féjour des Salamandres; les Sylphes voltigent dans les airs; les Gnomes font les gardiens des tréfors renfermés dans le centre de la terre, & les Ondins vivent dans le fond des eaux. Leurs ames font mortelles comme celles

des fimples animaux: il eft vrai qu'elles fubfiftent beaucoup plus long temps, & Dieu a permis que ceux d'entr'eux qui contracteroient alliance avec les hommes participeroient à l'immortalité. Ainfi une Nymphe ou une Sylphide devient immortelle, quand elle eft affez heureuse pour fe marier avec un fage; un Sylphe ou un Gnome jouit du même bonheur, quand il époufe une de nos filles. Delà vient le defir extrême qu'ont ces Efprits de s'allier avec la nature humaine; & les Cabalistes qui feuls ont la connoiffance de tous ces myftères, renoncent fans peine au commerce des femmes, pour ne s'occuper qu'à immorvalifer des Nymphes & des Sylphides. Comme celles-ci leur font redevables d'un fi grand avantage, l'excès du bienfait eft un für garant de leur reconnoiffance & de leur tendreife. Les Auguftins, les Férômes, les Ambroifes ne fe font déclarés contre le mariage, que parce qu'ils connoiffoient les myftères de la Cabale, & qu'après avoir defabufé les hommes du commerce des femmes, ils prétendoient leur faire rechercher la poffeffion du fèxe Elémentaire. C'eft le plus grand bonheur qui puiffe arriver à un fage que

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