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CHAPITRE II.

Esquisse d'un Tableau chronologique des révolutions dans les Sciences, la Littér rature et les Beaux-Arts.

L'ORIGINE, les progrès, le développement successif des productions de l'esprit humain dans les sciences, la littérature et les beauxarts, peuvent se présenter comme un tableau où l'on verroit paroître, dans une suite d'époques séculaires, les hommes de génie. et de talent qui les ont illustrées. Ce seroit, pour ainsi dire, une image mouvante des variations alternatives de vive lumière et de profonde obscurité, mettant successivement dans le jour et dans l'ombre les différentes parties du globe que les sciences et les arts ont parcourues. La couleur et la vie qu'un pinceau poétique répandroit sur ce tableau, le graveroient dans la mémoire et l'y conserveroient mieux qu'une sèche nomenclature.

Pétrarque m'en a donné l'idée dans la troisième partie de son poëme intitulé le Triomphe de la Renommée [ il Trionfo della Fama]. La copie est bien inférieure au modèle, mais elle offre un champ bien plus vaste; et pour donner aux jeunes lecteurs l'idée

générale de tous les objets que l'esprit humain est capable de parcourir, j'ai crayonné cette esquisse, en supposant que je leur adressois ce discours.

L'origine de toutes les connoissances humaines ressemble au chaos avant la création. Les recherches les plus laborieuses n'en ont rien appris de positif. Dans un épais brouillard et sur un océan sans lumière, l'esprit humain semble se porter à tâtons sur tous les objets qui l'environnent. Peu à peu l'obscurité se dissipe; une île favorisée des premiers rayons du jour produit quelques fruits que l'observation fait éclore. Comme l'arche, elle contient le choix précieux des dons et des richesses de la nature intelligente. Une tourmente l'engloutit, et l'Atlantide disparoît sans laisser de traces de son existence que dans la belle imagination de M. Bailly (1). Cette île, qui, selon lui, a été le berceau de toutes les connoissances humaines, ne peut donc figurer dans ce tableau que comme le fantôme qui, dans la Lusiade du Camoëns, apparoît à Vasco de Gama avant que celuici ait aperçu les Indes Orientales.

Etablissons sur de plus solides fondemens le théâtre où nous verrons passer le cortège brillant des hommes célèbres, dont les talens et les profondes connoissances font la gloire

(1) Voyez Lettres sur les sciences.

de l'espèce humaine et méritent un éternel souvenir.

C'est en vain qu'on a prétendu que les hommes avoient d'abord étudié la philosophie, et que de là ils avoient passé à la poésie et à l'érudition (1). Si le sentiment est la source de toutes les idées et de toutes les connoissances humaines, l'homme a dû exprimer d'abord ce qu'il éprouvoit, et se retracer ensuite les événemens qu'il observoit. Ainsi l'expression de la reconnoissance envers l'auteur de la nature, dont les merveilles et les bienfaits frappoient ses yeux et fournissoient à ses besoins, a dû être la première, comme la mémoire des événemens a dû produire la seconde aussi voyons-nous que les plus anciens ouvrages qui nous soient parvenus, appartiennent à la poésie et à l'histoire.

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Ce raisonnement a peut-être plus de poids qu'une discussion chronologique, et nous ne risquons que d'approcher un peu plus de la vérité, en mettant à là tête de ce cortége Job et Moïse, l'un comme le plus ancien poète, et l'autre comme le plus ancien historien du monde.

Les premiers écrivains dont les fastes littéraires fassent ensuite mention, sont, parmi les Chinois, Fohi, leur premier empereur et leur premier astronome, et Confucius,

(1) D'Alembert, Disc. prelim. de l'Encyclopédie.

leur plus illustre philosophe. L'Inde et la Chaldée, l'Égypte et la Phénicie, présentent ensuite à vos yeux, l'une son Zoroastre et des livres mythologiques auxquels on donne cinq mille ans d'antiquité, que le savant Meiners regarde comme un peu suspects); l'autre, son Sanchoniaton; les deux suivantes, Moeris, inventeur de la géométrie, et peutêtre aussi de l'astronomie, qui fit tant de progrès en Égypte; Hermès et Cadmus, dont

les noms se rattachent au berceau de toutes les sciences.

La Grèce recueille bientôt le fruit de toutes les connoissances répandues dans l'Asie et dans l'Égypte. L'expédition des Argonautes, la guerre de Thèbes et celle de Troie, fertilisent les germes de la civilisation et des lettres. Un groupe de précurseurs essaient la trompette poétique et présagent l'épopée. Linus, Orphée, Darès, Hésiode et Musée ont déjà touché la lyre harmonieuse; ils annoncent le génie brillant qui va paroître, comme les suaves couleurs de l'aurore précèdent l'astre éclatant du jour. C'est Homère, véritable dictateur de la littérature ancienne, et qui n'eut qu'un imitateur étranger, sans avoir jamais eu de modèle; peintre également

(1) Voyez les Mémoires de la Société de Gottingue.

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sublime et des passions et des mœurs antiques, et de tous les sentimens magnanimes : primo pittor, dit Pétrarque, de le memorie antiche (1).

Que de beaux génies marchent à la suite de celui-ci, dans la noble carrière de la poésie! Pindare, Alcée et Simonide chantent les dieux et les héros, que Myrtis et Corinne célèbrent avec un égal talent. Quel nouveau Corrége saura peindre ce charmant tableau de Myrtis donnant des leçons de poésie au jeune Pindare, sous les yeux de Corinne, sa rivale et son amie, la plus belle et la plus aimable des femmes de la Grèce?

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Les jeux, les ris et les amours suivent en folâtrant les pas cadencés d'Anacréon et de Sapho heureux accord des Muses et des Grâces, qui enlacent de guirlandes immortelles leurs plus illustres favoris! Parmi eux, vous distinguerez Callimaque il sut, dans brillantes compositions, donner au sentiment toute l'expression du génie et tout le charme de l'esprit; caractère que lui a si bien conservé son estimable et savant traducteur (2).

ses

De nouveaux essais annoncent des succès non moins heureux dans un autre genre. Les jeux scéniques s'ouvrent à peine, et déjà l'enthousiasme et la gloire leur promettent

(1) Trionfo della Fama, c. 3. (2) M. de la Porte du Theil.

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