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démie françoise, à la réception de M. de Montesquiou, en 1784,)

Former son goût afin de soigner son style, voilà tout le secret de l'art d'écrire: mais ce secret ne se devine pas; il est le fruit d'une attention suivie et d'une étude constante des meilleurs modèles.

C'est avoir profité, que de savoir s'y plaire.

Je ne serois pas étonné d'entendre dire à l'auteur même qui, depuis quelques années, a écrit les plus belles pages françoises, que l'épisode touchant de Paul et Virginie a donné naissance à celui d'Atala; et les Études de la nature, au Génie du christianisme, comme le style et la manière de MichelAnge avoient formé le Corrége.

Le langage le plus épuré vient naturellement se placer sous la plume de l'écrivain dont ⚫ l'oreille en a senti le charme. Il trouve, pour ainsi dire, sans le chercher, ce ton d'élégance, de politesse et de correction, qui ajoute infiniment de prix aux ouvrages les plus inté ressans et les mieux conçus; il n'a plus qu'à se garantir de cette recherche ennemie du naturel et de la gráce, ou de cette pruderie qui ne sait pardonner ni une négligence, ni le moindre écart: mais la littérature moderne a beaucoup moins à se plaindre de cette sévérité, que de la liberté peu scrupuleuse qui met le respect qu'on doit à l'innocence et aux

bonnes mœurs, au rang de ces usages surannés qu'on abandonne à la pédanterie.

La convenance du style ne s'entend guère que de l'accord qui doit exister entre le fond des pensées et la manière de les exprimer : mais il est une autre convenance qui préside aux pensées elles-mêmes, et qui devient une loi pour tout écrivain jaloux de l'estime publique; c'est le respect que les talens' doivent aux mœurs et à l'innocence. Sur l'infraction de cette loi nulle excuse ne peut être admise, nul exemple ne peut la justifier. La licence est la flétrissure du génie et le plus criminel abus de l'esprit. Les Grâces ne sont plus dignes de ce nom, quand elles perdent la décence; et c'est les insulter, que de les faire rougir.

Jeune écrivain, défiez-vous du piége que vous présentera la trompeuse renommée, en vous faisant prendre la célébrité pour la gloire. Voyez les écueils qu'elle a préparés au triomphe de ceux mêmes qu'elle a comblés de ses faveurs. Tous les lauriers du patriarche de notre littérature moderne ne couvrent pas la honte imprimée à son nom par un ouvrage licencieux; et le Tibulle de notre siècle a déshonoré la fin de sa carrière par l'alliance sacrilége de l'impudeur et de l'irréligion.

Une ame honnête et pure ne connoît pas le langage de la dépravation. Son expression est toujours vierge; et la pudeur est si déli

cate, que la gaze la plus adroite ne suffit pas pour la garantir des alarmes qu'elle redoute.

Ne perdez jamais de vue que le respect pour les mœurs, et l'estime de soi-même, ont toujours conduit la plume de nos meilleurs écrivains; que le cilice que porta si long-temps La Fontaine, n'a pu l'absoudre encore des écarts dont il eut de si profonds repentirs; que les principes religieux sont la sauvegarde de l'honnêteté publique ; et que, d'accord avec eux, celle-ci, sans égard pour le talent et le génie, ne pardonne jamais les outrages qu'elle

a reçus.

La postérité a, comme le Dante, son élysée et son enfer. Elle place pour toujours dans le premier les êtres distingués dont le génie n'a jamais dévié des voies de l'honneur et de la vertu; le second est l'éternel partage de ceux qui ont sacrifié la morale et la pudeur à la licence et à l'impiété.

Quid verum atque decens curo et rogo, et omnis in hoc sum. Horat. lib. 1, epist. I V. II.

CHAPITRE VI.

De l'Influence de la Mode sur les Sciences, la Littérature et les BeauxArts.

L'HISTOIRE des progrès de l'esprit humain, dans le système des connoissances dont sa perfectibilité le rend susceptible, présente une observation singulière ; c'est que la mode en a presque toujours dirigé la marche, et que ses variations en ont constamment marqué les époques.

Dans les sciences, la littérature et les arts, la mode a vivifié toutes les recherches et dirigé tous les esprits. Il n'y a peut-être que l'art de la guerre qui ait échappé à ses vicissitudes. La mode de tuer et de se battre remonte à l'origine des sociétés, et durera probablement jusqu'à la fin du monde : encore la tactique militaire, ou cet art de détruire l'espèce humaine, sur-tout depuis l'invention de la poudre, a-t-il subi beaucoup de variations où l'on pourroit dire que la mode a fait sentir son influence, si l'association de ces deux mots, la mode et la guerre, ne causoit pas une sorte d'effroi.

Pour ce qui concerne les sciences, nous ne pouvons guère remonter qu'aux Égyptiens, qui mirent à la mode la philosophie mystérieuse et la morale énigmatique. Elle se perdit, lorsqu'à force de secret il ne fut plus possible d'y rien entendre; et les Grecs qui voulurent s'en instruire, dégoûtés par l'incertitude, lui préférèrent la philosophie raisonneuse. Ils voulurent connoître la nature des choses, les causes de tout, et devinèrent assez mal, au lieu d'observer. Platon est peut-être le seul qui ait raisonné juste: il donna des bases à la morale; mais il mit tellement en vogué la manie d'alambiquer les idées, qu'elle se conserva dans les écrits philosophiques jusqu'à la destruction de l'Empire d'Occident. La mode alors fut de dédaigner les sciences; que la barbarie avoit effrayées; et la nuit de l'ignorance couvrit l'Europe presque entière jusqu'au XIV. siècle, où la mode remit Aristote sur le trône de la philosophie. Ses disciples furent long-temps comme des généraux d'armée, chargés de conquérir pour ses opinions les défenseurs les plus intrépides; et il s'en trouva dans toutes les classes. Florence avoit été le lieu de ses premiers triomphes dans le xv. siècle; et dans le XVI. on vit l'université de Paris accumuler tous les trophées de sa gloire. Lesparlemens et la justice en firent une affaire d'état, ce qui peutêtre fut la cause de sa défaite; car la mode

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