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ger, car outre que le marquis de Rambures qui y commandoit, fermoit depuis longtemps les yeux sur les excez de son régiment, et qu'il étoit son ennemy particulier, c'est qu'il n'étoit guerre possible d'en faire venir du secours à temps, non plus que d'appeller les milices; attendu le péril pressant, et que le signal qu'on leur donneroit, en pourroit servir aux conjurez pour avancer l'heure de l'entreprise. Dans cette inquiétude, qui devoit être d'autant plus cruelle, que chaque instant devenoit précieux, le marquis manda à petit bruit quelques unes des meilleures testes et des plus accréditées d'entre les habitans, et après leur avoir témoigné son embarras qui ne les intéressoit pas moins que lui, il tint conseil avec eux et les officiers suisses. Il y fut résolu de jouer à quitte ou double, puisque dans l'extrémité où l'on étoit réduit, on ne voyoit pas d'autre parti à prendre. Mais pour ne rien négliger de la prudence, et prévenir autant que faire se pourroit les plus facheux accidens, on fit avant toutes choses et avec toute la circonspection imaginable retirer dans la tour de la paroisse les vieillards, les femmes et les enfans, et généralement tous ceux qu'on jugea trop foibles pour pouvoir se servir de l'épée et de la pertuisane. On donna des armes à feu à ceux d'entr'eux qui pouvoient s'en aider, et on leur assigna leurs postes aux fenêtres et le long de la gallerie de la tour pour faire feu quand il en seroit temps. Tout cela fut exécuté peu après la fermeture des portes avec autant de promptitude et avec un secret si heureusement gardé, qu'après Dieu, c'est à ces sages précautions que la ville dut son salut. Plusieurs femmes d'entre le peuple refusèrent généreusement d'entrer dans la tour et demandèrent des armes, pour vaincre ou mourir à côté de leurs maris, ce qu'on ne put leur refuser.

Cependant les Rambures, qui comptoient sur leur réconciliation platrée avec le gouverneur, s'étoient retirez de fort bonne heure dans leurs quartiers pour être en état le lendemain d'agir avec plus de vigueur, et cette fatale circonspection fut justement la cause de leur perte, parce qu'elle les empêcha de s'apercevoir du moindre des mouvements qui se faisoient dans la ville. Aussy s'étant mis sur les quatre à cinq heures du matin en devoir de défiler par pelottons de leurs casernes pour se réunir sur la place et s'y mettre en bataille, et de là, commencer par envoyer débusquer les suisses, à qui la garde de la porte avoit été confiée, ils furent fort surpris de se voir, à mesure qu'ils arrivoient, canarder du haut de la tour à grands

coups de mousquet, et de voir fondre de tous cotez sur eux des détachements de bourgeois, qui les ayant enveloppés, les attaquèrent si brusquement la bayonnette au bout du fuzil, après leur première décharge et se comportèrent avec tant de bravoure et de vigueur, secondez par les suisses, qu'il ne se sauva pas un seul officier du carnage; le pauvre amant de Françoise Roze qui sans doute n'avoit pas voulu se rendre suspect à ses camarades, dans la crainte apparemment d'être la première victime de leur fureur, fut trouvé parmi les morts. Je n'entreprendrai pas de vous faire un détail de cette action à jamais mémorable. Tout ce que je vous en dirai, c'est que si pareil événement étoit arrivé à Calais, vous n'auriez pu trouver à votre fantaisie dans notre langue de termes propres à le célébrer. Quoiqu'il en soit, et pour en parler avec désintéressement, pour peu qu'on y reffléchisse, et qu'on se mette devant les yeux qu'en ce temps là, comme en celuy-cy, l'enceinte d'Ardres ne contenoit qu'aux environs de cent feux, il est aisé de concevoir, que cette affaire, proportion gardée, n'est pas moins glorieuse que celle de Crémone, si mesme elle ne la surpasse dans ses circonstances. Quelques bourgeois peu considérables restèrent sur le carreau, mais une perte irréparable fut celle du généreux Antoine du Bosc de Tassencourt, lieutenant de Roy, qui voulant s'opposer à ce qu'un détachement de conjurez s'emparât de la porte pour y introduire les ennemis qui commençoient à descendre du bois de la Montoire où ils étoient embusquez, reçut d'un sergent, dans le bas-ventre, un coup de hallebarde dont il mourut le lendemain. Sa veuve extrêmement aagée vit encore actuellement en la présente année 1717, et nous l'avons vue à Calais il n'y a pas plus de trois ans. Ce brave officier est enterré au milieu du chœur de la parroisse d'Ardres, entre la balustrade et le lutrin, et l'on voit son épitaphe en lettres d'or sur un marbre noir cramponný contre la muraille du sanctuaire du côté de l'épitre. On voit encore le portail et les murs de la tour du côté du midy criblez de mousquetades, parce que les rebelles, qui se sentoient fort incommodez de ce côté là, y tournèrent leurs armes pendant quelque temps. Les Espagnols n'eurent que la peine d'être venus à faux et la honte de s'en retourner de mesme. Une partie des soldats, qui étoient res tez de la défaite, finit par la corde, le reste fut envoyé aux galères, et nous ne nous souvenons pas que depuis ce temps-là aucun régiment en France ait porté le nom de Rambures. Marie Magdeleine

Roze, sœur cadette de Françoise, étoit alors aagée de seize à dixsept ans. Elle existe encore, veuve du sieur Alexandre-Marie (1), dit Parmezan, médecin de l'hôpital militaire d'Ardres. C'est d'elle et de plusieurs autres de ses contemporains, dont tous les récits se sont trouvez uniformes, qu'on a appris toutes les circonstances de cette malheureuse affaire, aussi bien que celle du siège dont nous parlerons bientôt.

Le marquis de Rouville voulut solemniser la feste du Roy et la sienne le 25 d'août 1657, et pour cet effet, il invita les officiers de la garnison à souper avec les principaux de la ville et leurs femmes. Le repas fut suivi d'un bal, au milieu duquel, le s Philippe Mallet, commandant de la basse-ville, luy fit annoncer que les ennemis commençoient à paroitre sur les hauteurs du côté de Saint-Omer, et qu'ils pourroient bien se rendre dans peu au pié de la palissade. C'étoit la grande armée d'Espagne commandée par le grand Condé et par dom Jean d'Autriche en personnes. Il fallut faire cesser les violons et songer à une autre danse. Les dehors de la place n'étoient alors revétus que d'un simple gazonnage, et, come vous le remarquez vous mesme, la garnison étoit très foible. L'entrée de de Baures, d'Artagnan et de Moncornet n'étoit pas d'un grand secours. Trois testes de plus dans une ville assiégée n'en augmentent guère les forces, et ne peuvent tout au plus payer que d'exemple. Il falloit donc ajouter à votre relation un trait de vérité, qui est que si les bourgeois n'avoient pas suppléé au petit nombre des militaires avec toute l'intrépidité qu'ils avoient fait paroitre quatre ans auparavant contre les Rambures, la garnison n'auroit jamais pu pousser la résistance jusqu'à l'arrivée de M. de Turenne qui fit lever le siège. La ville étoit perdüe, et le marquis couroit risque de porter sa teste sur un échaffaut, parce qu'en ce temps-là, au moyen des contributions que le Roy abandonnoit entièrement aux gouverneurs des places frontières, ils étoient obligez d'entretenir et de payer une garnison

(1) Cette femme n'est morte qu'en avril 1722, agée d'environ 85 à 86 ans.

suffisante, devoir auquel la cupidité les faisoit souvent manquer. Dans cette crise délicate, on vit la marquise elle-mesme, avec les comtesses d'Estoges et d'llenneveux, ses deux filles, suivies des dames et des autres femmes de la ville, porter ou broüetter les armes, les instrumens, la nourriture et les rafraichissemens dont avoient besoin le soldat et le bourgeois qui étoient en action. On y perdit quelques habitants, mais pas un seul militaire. D'entre les notables, le s de Martigny fut tué à l'attaque du chemin couvert.

LE CHATEAU DE RIHOULT.

SA DESTRUCTION

DÉCRITE EN VERS LATINS PAR UN MOINE DE CLAIRMARAIS.

Communication de M. IIri DE LAPLANE.

Rihoult ou Ruhout est diversement désigné par les chroniqueurs sous l'orthographe de Ruholt, Rehou, Roffold, Rohout, etc., selon les variantes; d'après quelques modernes étymologistes, ce mot aurait une origine germanique ou teutonique et se composerait de ces deux monosyllabes, Ruh inégal, et holt, holz ou hout, bois, forêt, ou terrain accidenté complanté en bois (1).

Quoiqu'il en soit, Rihoult dont une vaste et épaisse forêt (2) garde jusqu'ici le nom et le souvenir, était situé près du lieu où, au XIIe siècle (1440–1148), à la voix de St-Bernard s'élevait, par la libéralité des princes, riche monastère cistercien (3) dans les eaux de Clairmarais, à peu de distance de la ville de St-Omer.

un

Cet antique manoir, résidence des comtes de Flandre

(1) Grand cartul. de St-Bertin.

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Mémorial du Pas-de-Calais,

Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie, t. IV - Voir aussi les divers chroniqueurs.

(2) Cette forêt, appartenant à l'Etat, est encore désignée aujourd'hui sous le nom de Forêt de Rihoult ou Forêt du Roi.

(3) Anciennes archives de Clairmarais. - M" inédit de Dom Bertin de Wissery, t. I, bibliothèque de St-Omer, no 850.

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