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LE COUP DE VENT DE METZ

DANS LES VOSGES

PAR M. BELLEVOYE,

Membre titulaire.

(Lu à la Séance du 24 juin 1880.)

A Raon-l'Etape commence une petite vallée charmante et solitaire, garnie de pins gigantesques, comprise entre deux contre-forts des Vosges qui se terminent par le Donon; à moitié chemin de cette vallée, près du village de Celles qui est environ à dix kilomètres de Raon, on remarque sur une hauteur un immense banc de roches en grès Vosgien (') sur lequel on voit encore les ruines d'un ancien château jadis assiégé par l'un de nos anciens évêques de Metz. C'est le château de la Pierre-percée. Au-dessus du village de Celles, se trouvent des hauteurs chargées de magnifiques sapins; l'une de ces hauteurs est maintenant dégarnie sur une étendue de plusieurs hectares, et cette place se nomme dans le pays : le Coup de vent de Metz.

(1) Ces roches en grès Vosgien, avec leurs couches horizontales dont les arêtes sont arrondies par les pluies, sont d'un aspect tout différent de celles de notre pays Mosellan, dont les pierres oolithiques plus dures résistent mieux à l'action du temps.

Voici l'explication de cette appellation.

Ceux de nous qui ont eu le malheur d'assister au blocus de Metz se rappellent, la nuit du 25 au 26 octobre 1870, avoir été témoins d'un ouragan terrible; au moment même où les autorités militaires discutaient les termes de la capitulation, les éléments semblaient furieux des actes qui se tramaient. Or, cet ouragan se faisait sentir aussi dans les Vosges, mais surtout sur l'un des monts qui dominent le village de Celles. Dans la soirée du 25 octobre et toute la nuit, un vent terrible brisait les énormes sapins de cette montagne; ils descendaient pêle-mêle dans la vallée. Les habitants croyant entendre le canon s'imaginaient être proches d'une grande bataille; tous se levant effrayés sortirent de leurs maisons et furent témoins du cataclysme qui menaçait d'ensevelir leur village sous une avalanche de sapins d'environ 40 à 50 mètres de hauteur, mais, heureusement, aucun accident ne se produisit.

Quelques jours après, la nouvelle de la capitulation arrivant, les habitants nommèrent l'énorme place dénudée de leur montagne le Coup de vent de Metz.

Tous les marchands de bois du pays eurent à exploiter pendant plus de trois années cette coupe faite d'une façon si extraordinaire.

DIVINITÉS GAULOISES.

PAR M. CH. ABEL,

Membre titulaire.

(Lu à la Séance du 24 juin 1880.)

Par une singulière bonne fortune archéologique, trois divinités gauloises inédites viennent de se révéler dans notre région de la Moselle par trois inscriptions curieuses. La plus facile à interpréter, mais non la plus facile à lire, est celle trouvée près de Creutzwald non loin de l'endroit où a été déterrée la colonne restée peu déchiffrable de Merten. Cette inscription que M. Schlincker et M. Ledain n'ont pas pu expliquer, me semble pouvoir se lire ainsi :

DEO.C

ISSON

IO.P.

L. S.

Ce que je traduis par P(ublius) Q(uintus) a élevé avec plaisir cet autel au Dieu Cissonius; ou a accompli

un vœu.

Il s'agit bien d'un autel. La forme du monument l'indique assez. De plus il s'agit d'un autel portatif comme le prouve l'anneau de fer qui surmonte ce petit autel. Il devait servir à l'emporter en voyage ou au moins à le déplacer.

On savait déjà par Festus que les Romains se servaient d'autels portatifs, mais on n'en connaissait pas la forme. Elle est donnée par le monument de Creutzwald. M. de Caumont et d'autres antiquaires croyaient que les autels portatifs des Romains et les anclabris étaient le même objet.

Ant. Rich a démontré avec des gravures d'après Pompéii que l'anclabris était la table creuse en bronze sur laquelle on saignait les victimes. Cet ustensile religieux se rapprochait des berces sur lesquels nos paysans lorrains saignent leurs porcs.

Le dieu Cissonius est une divinité celtique dont le nom est parfois accouplé avec celui de Mercure. Ici Cissonius est invoqué tout seul. Il était donc le dieu tutélaire du commerce chez les Gaulois, comme Mercure chez les latins mercis curator.

Je ferai remarquer qu'il ne s'agit pas ici d'un taurobole. La tête d'animal sculptée est celle d'un bélier. Or on sait que le bélier était consacré à Mercure.

La lettre L rappelle le lampda grec. Nous retrouvons cet L sur les graffiti de Pompéii, sur des poteries gallo-romaines, et chose curieuse sur l'autel de la déesse DIRONA trouvé en 1749 à Sainte-Fontaine, dans le vallon de la Rosselle, à quelques lieues de l'endroit où a été trouvé l'autel de Cissonius.

Au Sablon on a déterré deux inscriptions en l'honneur de la DEA ICOVELLAVNIA. Ces inscriptions sont gravées sur des plaques de bronze à oreilles. L'une est intacte, l'autre brisée par le milieu. C'est l'exécution d'un vou accompli avec plaisir par Genialis Salvaninus, en l'honneur de cette déesse gauloise dont on n'avait pas encore entendu parler.

Il en est de même de la DEA MOGVNTIA. Je lui suppose une certaine parenté avec le DEVS MOGVNTVS

dont nous connaissons plusieurs monuments. En 1750 on a trouvé près de Colmar un autel élevé par Quintus Licinius aux dieux APOLLINI GRANNO MOGOVNO, Schoepflin, le père de l'archéologie alsatique y a vu un monument rappelant une dédicace au dieu latin Apollon et aux deux divinités gauloises GRANNVS le patron des sources thermales d'Aix-la-Chapelle et MOGOVNOS la rivière le Mein. On a rencontré en Angleterre et en Ecosse des autels dédiés DEO MOGONTI qui semblent se rapporter aussi au MEIN. J'explique le nom de Mayence comme ayant été un enclos gaulois surveillant le confluent du Mein et du Rhin, Mogonti-ac, enclos du Mein; Mogontiacense

castrum.

Il se pourrait que la DEA MOGVNTIA ne fut d'autre personnage que la rivière le MOGVNTVS dont on a fait une femme. Les païens ont fait des hommes avec leurs grands cours d'eau, le Rhin, le Rhône, le Nil, le Danube, et des femmes avec les rivières qui se jettent dans les bras des fleuves comme la Saône, la Moselle.

Il serait à désirer que ces trois monuments de MOGVNTIA, ICOVENAVLLA, CISSONIVS prissent place dans notre Musée à côté de nos autels de DIRONA, EPONA, ROSMERTA.

Je propose à l'Académie de faire des démarches en conséquence (').

(1) Ces démarches ont eu lieu, et elles ont abouti en 1882 à doter le Musée de Metz de ces antiques qui depuis ont été décrits en détail par M. Prost en français, par M. Moller, en allemand.

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