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être aussi bien qu'évesque de France. Le revenu de l'évêché est de 30 à 3100 livres et peut être augmenté. Son établissement pourrait être grand et commode s'il ne s'était mis dans l'embarras pour les autres. Effectivement l'abbé de Clermont-Tonnerre semble s'être mis sur les bras de fort méchantes affaires, dont la nature n'est pas expliquée dans la correspondance, mais dont les tracas abrégèrent certainement son existence. On avait même essayé de le faire chanter. Néanmoins il pense aux archives de son évêché, et trouve que toutes les pièces anciennes ont été envoyées à Paris chez un procureur, qui refuse de les rendre faute du paiement de 12 ou 14 pistoles. Il va les faire retirer, et les lui remettra ainsi que lui expédiera le peu qui reste à Fréjus. Sa maison est tenue sur le pied de 7 ou 8,000 livres par an, ce qui lui permet de consacrer le reste à l'acquittement de ses dettes. Il serait trop heureux de le voir à Fréjus, et de le mettre en rapport avec un chanoine de sa cathédrale qui s'occupe beaucoup d'antiquités. Dans ses visites. pastorales, il ramasse tout ce qu'il croit pouvoir l'intéresser. Enfin, il l'entretient avec mystère d'un véritable affront qu'on lui a fait subir dans son diocèse, et pour lequel il n'a reçu qu'une imparfaite satisfaction. Sa santé est ébranlée par toutes ces traverses, et il aura bien de la peine à s'en remettre. En effet peu de temps après le pauvre évêque était mort.

Telles sont en substance les lettres que M. le comte de Chastellux a bien voulu faire transcrire pour les archives de notre Société. On a pu juger de leur importance, et le donateur doit être hautement loué, et grandement remercié. Il est toutefois permis de regretter qu'elles ne donnent que peu de détails sur les travaux de Gaignières, et la manière dont s'est formée sa collection. On s'en étonnera pourtant très peu si l'on vient à songer que vers la fin du xvII® siècle le gothique était devenu l'abomination de la désolation, et que ceux qui s'en occupaient étaient considérés comme affligés d'un douce manie.

La seconde partie de l'envoi de M. le comte de Chastellux, se divise en deux parties elle-même, dont la première concerne diverses terres du Morvand, telles que Saint-Léger de Fourcheret, Beauvilliers, et qui ont dépendu tant de la seigneurie d'Epoisses que du comté de Charny, dont les archives, pour une raison que j'ignore, se trouvent au dépôt de la Préfecture de Seine-et-Oise. J'ai feuilleté tout l'inventaire de ce département, et ces documents ne s'y trouvent point encore; d'autres sont tirés des archives nationales et des collections de la rue Richelieu. Ils sont au nombre de dix-huit, en partie copiés et analysés, et vont de 1164 à 1626. Le premier de juin 1271, nous fait savoir que Thibaut,

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comte de Bar-le-Duc et sire de Saint-Fargeau, qui possédait le fief de Toucy du chef de sa femme, Jeanne de Bar, est tenu de porter l'Evêque d'Auxerre, auquel il doit foi et hommage, le jour de son intronisation. Cet acte en copie est extrait des archives nationales. Celui qui vient après, et qui a été copié également aux archives nationales est une confirmation donnée en 1164, et en français, par Guillaume, comte de Nevers, de la donation faite par Gibaud, sire de Saint Verain et son frère Renaud, aux religieux de Reigny, d'un bois et d'une métairie sur le territoire de Paxellières. Il est regrettable que M. de Chastellux ne nous ait pas fait savoir si cette pièce est en original ou en copie. La troisième est tirée de l'inventaire des titres d'Epoisses; elle contient une donation faite par Gibaud de Mello, sire d'Epoisses, à Guyotte de Vilbret, qui va épouser l'écuyer Georges Villain, de 50 livrées de terre à prendre sur sa terre de la Mothe près Rouvray, et sur celle de Sainte-Magnance, sous condition que, s'ils n'ont pas d'enfants, le tout lui reviendra ainsi qu'à ses héritiers (s. d.). Viennent ensuite, et tirées de la Collection de Champagne, des lettres de la Cour des Comptes de Paris, investissant du Comté de Joigny Emmanuel de Gondi, pourvu qu'il ait fait aveu et dénombrement selon les règles (1626); des lettres patentes de Henri III (1583) qui accorde ou plutôt confirme à Guy de Laval, marquis de Nesle et comte de Joigny, le droit de tenir le premier rang aux grands jours de Troyes, attendu qu'en sa qualité de comte de Joigny, il est le doyen et premier pair des sept comtes de Champagne. Suivent de nombreux actes de foi et hommage et dénombrements donnés : 1o A Gibault de Mello, par l'écuyer Pierre Dambre, pour le fief à la Demoiselle, situé à Cussy (6 décembre 1585); à Guillaume de Mello, par Pierre Dambre et Gabriel du Mont, pour les mêmes fiefs (même date); à Guillaume de Mello, fils du précédent, pour les mêmes fiefs (1399); au même seigneur, par la veuve de Guillaume du Mont, pour la partie du fief de Cussy qu'elle tient de lui comme tutrice de ses enfants(1399); les hommages se renouvellent jusqu'en 1404, et ces documents sont tirés de l'inventaire des titres d'Epoisses. Neuf actes sont extraits du fonds du Comté de Charny aux archives de Seine-et-Oise, et concernent spécialement Saint-Léger de Fourcheret, la terre de Vaugemoux près de Villanins en Duesmois, Souilly en Morvand, et autres terres, dépendant de Charny en Auxois, et non point Charny dans le département de l'Yonne. Ce sont des dénombrements et des ventes. A partir de 1364 les sires, puis comtes de Charny, près de Saint-Thibault en Auxois, sont Robert d'Apremont, auquel l'écuyer Girard de Bourbon prête foi et hommage pour terres diverses, situées à Saint

Léger de Fourcheret, à partir de 1387, les sires de Beauffremont. En 1499, apparaît messire Anthonin de Luxembourg, comte de Brienne et de Charny. En 1540, Philibert le Bourgoing, seigneur de Beauvilliers et de Grésigny, fait dénombrement aux héritiers de Thibault de Châlon. Ce seigneur fait l'énumération de tous ses fiefs. Il en est qu'il tient en franc alleu, d'autres en fief du comte de Charny et du comte de Chastellux, comme la seigneurie de Railly par exemple. En 1541, le comte de Charny, titre qui apparait pour la première fois en 1456 dans les copies de Chastellux, était Philippe Chabot, amiral de France. En somme ces documents présentent une contribution importante à l'histoire des communes de Saint-Léger de Fourcheret, Cussy-les-Avallon et Sully. On y trouve la confirmation du singulier privilège qu'avait l'évêque d'Auxerre de se faire porter à l'église le jour de son intronisation, et qui ne fut aboli que sous le règne de Louis XIV. On y apprend aussi qu'au XVIIe siècle, le comte de Joigny était considéré comme le premier pair du comté de Champagne. M. le comte de Chastellux en faisant transcrire ces actes, a entrepris une œuvre très utile à notre histoire. Il ne me reste qu'à le prier très humblement, s'il veut bien faciliter l'œuvre de son rapporteur, de mettre en tête de chacune de ses copies une note qui en contienne l'abrégé, ainsi qu'il est d'usage chez nous à l'Ecole des Chartes.

Outre les chartes dont je viens de parler, M. de Chastellux nous envoie comme en 1888, trois paquets d'arrêts criminels du Parlement sur lesquels il convient de s'arrêter un peu. Comme ceux de 1888, ces documents ont l'avantage de nous renseigner sur l'état moral des populations de l'Yonne, de 1494 à 1624. Ils sont au nombre de vingt-et-un, et parmi eux, on remarque des pièces d'autre nature, telles que le contrat de mariage de Claude de Chassy et de Claire de Sennevoy (1567), l'érection de la terre de Tanlay en marquisat (1678), en faveur de Louis Philippeaux; des lettres de garde gardienne pour l'église métropolitaine de Sens (même date); la permission à M. de Courtenay, abbé des Écharlis, de couper du bois de sa réserve pour la réparation de quelques bâtiments de son abbaye (même date), ainsi que des quittances diverses des gages du sergent du guet et des sergents à cheval du bailliage de Sens en 1554; en outre quelques extraits d'arrêts civils importants.

DANS LE PREMIER PAQUET :

Le premier en date contient un deffault accordé à Pierre Etanlon, lieutenant de la prévôté d'Auxerre,contre Guyon Duchamps, écuyer, et Mathurin Travaille, son complice dans les voies de fait et excès

commis contre ce magistrat. Ce procès est suivi de l'appel du sieur André Delahaye, seigneur de Chaumont, qui se plaint que les terres qu'il tient à cens de toute ancienneté, de l'archevêché de Sens et du prieuré de Saint-Sauveur-de-Bray, aient été pillées par Pierre, Jean et Guillaume Leclerc, et lui-même battu par eux et leur comitive. Delahaye récuse le bailli de Sens et son lieutenant, soupçonnés de partialité pour les coupables. Est à signaler aussi, en 1500, une plainte des frères Barrault, seigneurs pour un tiers de la baronie de Saint-Bris, contre Étienne de Sallezart, gouverneur d'Auxerre, et soit-disant seigneur de toute la terre de Saint-Bris, dont les officiers avaient forcé la maison des demandeurs, et pris foin et avoine pour leurs chevaux.

Puis viennent en 1504 et en 1510 deux appels des jugements du Bailli de Sens, l'un de Jean Coin, qui prétend que ce magistrat lui a fait tort à l'instigation des officiers de la comtesse de Tonnerre; l'autre de Loubin Cuillau, qui prétend que ce juge a été influencé par le seigneur de Thorigny et les sergents de cette seigneurie.

Parmi tous ces arrêts, un des plus curieux sans contredit est le procès que les religieux de Molosmes eurent en 1494 avec Guillaume de Sennevoy, Jean de Lamen, écuyer, et Pierre Le Monisier. Voici de quoi il s'agissait : Les moines qui possédaient la terre de Gland avec droit de justice firent juger et condamner à mort les malfaiteurs, qui accusèrent avant leur exécution un des notables de cette seigneurie. Celui-ci voyant la malemparée céda tous ses biens à Jean de Sennevoy. Le procès fut porté au bailliage de Sens qui décida contre les religieux, dont appel au Parlement.

Une grosse affaire aussi, paraît avoir été le meurtre de Nicolas de Blondeaux, seigneur de Villefranche et de Dicy, par Guillaume de Crèvecœur, Anthoine de Certains, dit le bâtard de Vienne, et leurs serviteurs, en 1495. Guillaume de Crèvecœur détestait la victime, parce qu'il était en procès avec elle pour la limite de leurs seigneuries respectives. A la requête de la veuve Jeanne de SaintQuentin, les assassins sont condamnés par défaut.

Le 2 août 1496, Claude de Ragny s'étant mis en voyage pour Paris, sur l'ordre du roi, accompagné seulement de trois ou quatre hommes, fut assailli au sortir de Moret par les seigneurs de Pruneaux et de Bèze qui l'avaient suivi à la trace depuis Sens. Le guet apens eut lieu dans un endroit fort dangereux, appelé les BassesLoges; après lui avoir cherché querelle, le seigneur de Pruneaux porta à la tête de Claude de Ragny un coup d'épée qu'il para avec le bras, où il reçut une blessure si considérable qu'il sera impotent toute sa vie; un de ses serviteurs fut aussi grièvement blessé.

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RAPPORT SUR LES COPIES DE M. DE CHASTELLUX.

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Il put à peine échapper à ses persécuteurs. La raison de cet attentat est que les seigneurs de Pruneaux et de Bèze étaient parents et alliés de certains prisonniers, et que le voyage du seigneur de Ragny ayant lieu à leur sujet, ils avaient intérêt à le supprimer. Le seigneur de Ragny se fit panser à Melun, où le lieutenant du bailliage parvint à faire arrêter six de ses assassins. Ledit de Ragny qui, avant tout, se porte partie civile, réclame tout d'abord une provision de 300 livres pour parer aux frais faits et à faire, tels que par exemple le paiement de dix chirurgiens et médecins qui l'ont accompagné jusqu'à Paris. Le procureur du seigneur de Pruneaux et de Bèze nie absolument toutes les accusations du seigneur de Ragny, déclarant que le seigneur de Pruneaux a été au contraire blessé d'un coup de javeline au flanc, et que toute l'affaire est venue d'un débat entre leurs domestiques et ceux du seigneur de Ragny qui furent les agresseurs, et que lui a été blessé en voulant pacifier la chose.

Parmi les procès civils, je crois devoir noter celui que le chantre les chanoines et le Chapitre de Notre-Dame de la Cité soutint en 1587 contre les frères Desoing au sujet d'une maison et de ses appartenances. L'affaire jugée d'abord par le prevôt d'Auxerre, fut portée en appel au bailliage et de là au Parlement.

Citons encore pour terminer, une procédure où il est constaté qu'en 1593 Chablis tenait pour le duc de Guise, les poursuites faites en 1594 contre Bénigne Leclerc, moine dominicain, pour crime de lèse-Majesté, sans désignation de fait; les procédures faites la même année contre Claude Cirebon, dit la Montaigne, natif de Grimault près Noyers en Bourgogne, pour rapt et violences contre Jeanne Moreau, et qui appelle de la sentence de mort prononcée contre lui par le bailli de Saint-Florentin; la confirmation de la condamnation par le maire de Saint-Florentin au fouet et au bannissement de Jean Gondrée, tisserand en toiles, et de Anne Henry sa femme. Celle-ci avait commis adultère avec le soldat Pélisson, dit Lasseure, en présence et du consentement de son mari; et enfin d'une sentence du prévôt des marchands d'Auxerre, qui, en 1616, condamna Claude Barats pour blasphême, à faire amende honorable sous le porche de l'église Saint-Étienne, et aux galères pour trois ans.

Tels sont, Messieurs, les faits que j'ai glanés dans les extraits que nous a adressés M. le comte de Chastellux. Comme vous le voyez, si peu nombreux qu'ils soient, ils mettent en vive lumière les mœurs de nos ancêtres aux xv, xvi et xvIIe siècles.

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