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Sa besogne n'a pas été difficile, car les fossés étaient bien vides.

Froid la nuit, chaleur le jour, voilà la caractéristique d'une partie de Ventose, pendant lequel nous constatons le matin, des températures de -7° à 9° et plus 10° et 12° le jour, différence 21°.

Les laboureurs peuvent se réjouir car le 4, par un beau temps, les Freux formant un premier volier de plus de 150 oiseaux tournent dans les airs en poussant de grands cris au-dessus de notre jardin. D'autres, du nombre de plusieurs centaines, accourent de tous côtés, forment une bande innombrable, décrivant d'immenses cercles qui leur permettent de s'élever jusqu'à ce qu'ils aient trouvé un courant favorable, et cela à 100 mètres près de l'endroit où chaque année on voit les rassemblements se former, puis le tout disparaît, des cris seuls se font entendre dans la direction du N.-E., et un autre départ s'organise le lendemain.

Ces départs ont habituellement lieu de 9 heures du matin à 2 heures du soir au plus tard, et nous en avons vu jusqu'à trois se succéder à intervalles l'un de l'autre de 1 heure à 1 heure 1/2. Dès le 5, les Freux ont disparu complètement, et en se reportant aux notes de l'année dernière, on trouve que le 13, un volier de 200 à 300 Freux a effectué les mêmes manoeuvres de départ aux mêmes lieux et à peu près à la même heure.

Le lundi 9, vers 2 heures du tantôt, un immense vol de Choucas, Freux, Etourneaux, étagés en plusieurs couches, arrive sur Maligny, venant du N.-E. Il était facile d'en conclure que ces oiseaux que l'on avait vus partir quelques jours auparavant, avaient dû se heurter à une forte bourrasque qui leur avait fait faire volte-face.

Et cette conclusion était juste, car le 10, pendant la nuit, une violente tempête s'abattait sur nos régions.

Il nous a été donné de constater pendant ces deux derniers mois que :

Les oiseaux vivant à l'état sauvage n'ont pas eu seuls à souffrir des froids de l'hiver; ceux de la basse-cour, n'ont pas été épargnés. Si grâce à leur plumage, les oiseaux qui la composent, poules, coqs, dindes, canards et oies, résistent plus que d'autres animaux au refroidissement qui altère leur santé générale, il n'en est pas de même pour leurs pattes qui sont souvent gelées. Les palmipèdes eux-mêmes ne supportent pas mieux que les autres le froid aux extrémités inférieures quand il dépasse une certaine limite.

C'est ici tout particulièrement que l'on peut voir combien la

nature sait toujours être bonne mère, et ajoutons mère prévoyante. Aux flancs du palmipède qu'elle a condamné à d'interminables stations sur la neige ou sur la glace, elle a mis de longues et larges plumes sous lesquelles l'oiseau au repos sait trouver un foyer de chaleur pour ses pattes qu'un contact prolongé avec la glace pourrait compromettre.

Tel l'écolier, le collégien aux jours, aux heures de récréation, de vives luttes, de bonnes parties, s'empresse de donner un abri, un refuge à ses mains, à ses doigts engourdis, raidis par le froid, en les plongeant dans les profondeurs des poches de son haut de chausse.

Rien n'y manque chez l'oiseau qui, comme l'enfant, sait par une saccade débarasser la main ou la patte des quelques parcelles de neige qui peuvent y adhérer.

A l'oiseau qui perche, qui branche, elle a su donner aussi des moyens de défense contre la gelée, contre le froid, qui, pendant les nuits d'hiver, et surtout pendant les longues heures d'affût à l'attente d'une proie, aurait paralysé ses moyens d'attaque, et rendu ses armes inutiles.

Chez la Buse particulièrement, chez le Rapace nocturne encore, nous voyons les plumes pectorales et celles qui garnissent le haut des cuisses se développer en longues touffes serrées, de façon à former une sorte de couverture, de tablier tombant jusque sur les doigts, et sous lequel l'oiseau, quand il en éprouve le besoin, sait trouver un foyer de chaleur pour réchauffer ses serres engourdies.

On dirait des femmes de nos campagnes qui, ignorantes des douceurs du manchon, le dos en double, transies de froid, cherchent sous leur tablier qui abrite le Couvet, assez de calorique pour leur permettre de faire au coin des rues de respectables stationnements consacrés à deviser des cancans du village, tout cela pour le plus grand bien de leur prochain.

Si les oiseaux de basse-cour, auxquels une nourriture suffisante est assurée par des aliments très azotés (avoine, maïs, viande hachée, etc.), peuvent affronter presque impunément les grands froids, c'est à la condition qu'ils trouvent pour se rassembler, se serrer les uns contre les autres, un endroit bien exposé au soleil, et débarassé de neige; leur ponte alors se trouve singulièrement ralentie et même suspendue pendant de longues semaines, à tel point que, fort de cette expérience, nous n'hésiterions pas à garnir notre poulailler d'un poële, si nous devions traverser encore un hiver semblable à celui de 1890-91. Avec les toiles grillagées, il serait facile d'établir une zone de protection contre les brûlures, autour du foyer de chaleur.

Les Freux n'ont pas reparu depuis la dernière tempête; ils ont été forcés de prendre une autre direction.

De tous les animaux vivant à l'état sauvage dans les bois, et qui ne se nourrissent pas de chair, il en est peu qui résistent autant au froid que le lapin de garenne, sans pour cela avoir recours

à son terrier qui, presque toujours rempli de puces, ne lui fournirait qu'un abri peu agréable. Maitre lapin ne s'embarrasse pas pour si peu. Si son abri souterrain n'est pas habitable, il sait s'en creuser un sous la neige pour se blottir au fond d'un boyau, long d'un mètre, dans lequel il peut se créer une petite atmosphère plus chaude que sous la terre parfois très humide. Les parois de cette grotte, transformée en glace, ne laissent pas échapper la chaleur produite par notre lapin qui vit là-dessous comme les Esquimaux dans leurs maisons de glace.

Puis toujours dans les mêmes lieux, c'est-à-dire aux environs de la gare de Maligny, comme dans les années précédentes, le Bruant Proyer commence son chant.

L'Alouette Lulu suit son exemple, et le Troglodyte, qui, pendant tout l'hiver était resté absolument muet, croit devoir enfin se mettre de la partie.

Les Grues, les Milans, regagnent leurs quartiers d'été.

Le mouvement de retour vers le Nord de tous ces oiseaux que la mauvaise saison force à abandonner les régions glaciales, continue et s'accentue de plus en plus, brûlant pour ainsi dire les étapes, au lieu de s'y arrêter pendant un temps plus ou moins long comme à l'arrivée, et parfois séjournant seulement tout juste le temps de se ravitailler au plus vite, ou de prendre un peu de repos dans un endroit à peu près convenable et capable de leur fournir gite et nourriture. C'est qu'il n'y a pas de temps à perdre. Le moment de la ponte arrive, le besoin d'obéir à la nature, d'accomplir le grand acte de la reproduction ne leur permet pas de s'attarder, il faut regagner au plus vite les marais, les rochers, les plages où les pontes auront lieu.

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Mais déjà les époux se sont choisis, distingués entre mille, les ménages sont constitués; pendant le voyage d'hiver accompli côte à côte, à la suite des dangers affrontés en commun et auxquels on a pu échapper ensemble à tire d'aile, on a eu le temps de s'apprécier, de se connaitre. Aussi s'il n'arrive pas d'accidents de route qui peuvent amener la disparition de l'un et même des deux fiancés, les couples d'ores et déjà sont formés, lorsqu'ils passent dans nos pays.

Aux palmipèdes dont l'avant garde s est déjà montrée depuis longtemps, vont succéder les Echassiers, qui accompagnent sou

vent l'arrière garde des Harles, Cormorans, etc., toutes espèces qui ont poussé plus avant dans le midi.

Mais parfois, pendant ce retour, il arrive que plusieurs couples de ces émigrants trouvant dans nos pays un endroit convenable pour y établir leurs pénates, voyageurs trop attardés, pressés par la fièvre de reproduction, s'y arrêtent, pensant que la saison est déjà trop avancée pour leur permettre de regagner les plages du Nord.

. C'est ce qui nous permet de voir les Guignottes et Beccassines, plus rarement quelques Bécasses établir leur installation dans nos marais, nos bois humides. Les progrès de la culture amenant le dessèchement d'un grand nombre de ces lieux de retraite, où nos amoureux pouvaient en toute sécurité se livrer à leurs épanchements, nous ne voyons plus que de plus en plus rarement ces oiseaux s'arrêter chez nous.

Cette observation s'applique tout particulièrement aux Bécasses qui sont revenues dès les premiers jours de mars.

Pour la reproduction, et par suite la conservation de cet oiseau, bien qu'il soit considéré comme étant de passage, il n'est pas difficile de se convaincre que la chasse qui s'en fait dans ce retour de printemps, au moment précis de la fécondation, de la reproduction, est le plus gros contre-sens que l'on puisse imaginer. C'est l'époque du tir à l'affût, à la passée le soir, du tir à la croûle, nom qui provient assurément du cri que ces oiseaux font entendre dans les airs, tit croù- croù. Et quel amateur n'a pas pratiqué la chasse à l'affût au passage de la Bécasse! Qui n'est pas allé à la croûle?

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Nous avons même tué plusieurs de ces pauvres oiseaux, et, comme les autres, nous avons commis ce meurtre sans grand profit, car, combien est grande la différence entre la qualité de la chair d'un oiseau tué au passage de novembre, et celle d'un autre tué au retour du printemps. Fatiguée par les abstinences de l'hiver, amaigrie, en mauvais état par suite de la disposition dans laquelle elle se trouve en ce moment, notre bécasse est incapable de fournir le succulent rôti, le délicieux pâté qu'elle vous aurait procuré à l'automne.

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Etonnons-nous donc maintenant que cet oiseau devienne de plus en plus rare. Notre imprévoyance en est la cause, — et ce qui n'est encore que rareté peut prochainement devenir disparition. Que les pouvoirs publics y pensent, la chasse de la bécasse devrait être fermée au 1er mars! On éviterait ainsi ces assassinats de lièvres tués au gite, par des chasseurs peu scrupuleux, dans les bosquets isolés, les petits bois abandonnés à la chasse banale.

Ces porteurs de fusil, ne méritent que le nom de stupides braconniers.

Vers le 17, notre jeune oie de Guinée détruit toute sa ponte qui se composait de douze ceufs.

Il est curieux de comparer les premières nichées d'oiseaux, celles des pigeons en particulier; aux premiers nés de nos jeunes ménages, il est facile alors de remarquer, de se convaincre que les premiers produits arrivent difficilement à bonne fin, quand des gens d'expérience ne sont pas là pour guider, conseiller la: jeune mère. Bien entendu, nous ne voulons pas ériger cette observation en règle absolue, c'est une simple remarque que dans notre vie de médecin, nous avons été malheureusement trop souvent à même de faire.

Au 19, nous n'avions pas encore pu constater la présence dans notre vallée d'un seul oiseau insectivore. Cette remarque, nous n'avons pas été seul à la faire. Aux mêmes jours nous lisions dans le journal le Temps: « Dernièrement, après avoir signalé la rareté des retours des petits oiseaux migrateurs, le Figaro a exprimé le vœu que cette année, l'administration veillât strictement au respect et à la conservation de leurs nids; ce vœu, nous venons nous y associer. Notre confrère n'a rien exagéré; vivant à peu près au milieu des bois, nous n'avons encore revu aucun des hôtes ailés que nous étions habitués à saluer dès le commencement du mois de mars; les moineaux francs, quelques pinsons, sont seuls à peupler nos environs, mais nous n'avons encore vu apparaître aucun de nos oiseaux insectivores. Ce n'est pas le froid qui les retient au sud, nous les avons vus transiter par des températures autrement basses; ils doivent avoir été non seulement cruellement, mais généralement décimés par ce cruel hiver qui n'a épargné aucune latitude; il s'agit donc de sauvegarder les débris de nos petits auxiliaires. Ce n'est pas par sensiblerie ou pour l'agrément qu'il nous procurent, que nous réclamons une protection efficace pour ceux qui auront échappé au désastre; il y a là une question d'intérêt général de premier ordre assez sérieuse pour exiger des mesures spéciales, si elles sont nécessaires. Toutes nos productions sont tour à tour ravagées par les infiniments petits; après la vigne, après le blé, après la betterave, voici le pommier que les Normands défendent contre les attaques de l'anthonôme. M. le Ministre de l'Agriculture doit aviser; n'estce pas déjà trop que l'on autorise à l'automne, dans nos départements de l'Est, la destruction en règle de tous les insectivores ». Est-il possible de jamais trouver meilleur appui aux idées que nous avons émises depuis si longtemps, et nous sommes heureux

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