1495. 5. de de pied s'arrêterent. Les Stradiots qui avoient de ja paffé outre avec les hommes-d'armes, apprenans que leurs compagnons étoient occupez à un exercice moins perilleux & plus utile, abandonnerent leurs Capitaines, afin d'avoir part à cette curée. La gendarmerie Italienne denuée de l'apuy de sa Cavelerie legere ere & de son infanterie, n'étant pas égale en vigueur ny en addresse, à la Françoise, quoy que plus forte en nombre, fut rompuë aprés un rude combat, où le Roy fit merveilles de sa personne, & faillit à étre fait prifonnier, poursuivant les ennemis, avec le batard de Bourbon qui fut emporté plus loin par son cheval, aprés avoir rompu sa bride, tellement que si le batard d'Urbin ou les Stradiots fussent venus au combat, fur ce defordre des Nôtres, qui couroient aprés les ennemis, le Roy qui se trouva seul avec un valet de chambre, eût été pris, ou tué, & fonarmée mise en deroute. Mais Dieu permit que les Stradiots furent retenus par la douceur du butin, & que le batard d'Ur bin demeura toûjours en son poste, soit par faute de courage, ou qu'il attendit en vain le commandement de Rodolphe de Mantouë, qui avoit été abbatu par terre d'un coup de pique, dés les commencement de la mélée. Quant à ceux qui attaquerent nôtre avant-garde avec le Comte de Cajaze, ils furent recûs si rudement, que les premiers, aprés avoir été auli abbatus, tout le reste prit la fuite avec unelâcheté incroyable. Mais neanmoins le Marêchal de Gié défendit de les poursuivre, dans l'ap prehenfion que ces corps de reserve, que l'on voyois encore entiers au camp des ennemis, ne vinflent fondre fur luy, & le trouvans en quelque defordre ne le taillaffent en pieces. Ainfi la Cavalerie Françoise renversa par tout celle des ennemis, sans en faire pourtant grand Carnage. Mais les chevaux legers en tuerent bon nombre, les choisissans au defaut de la cui- 1495. rafle, & les valets fuyans de la fuite du bagage, en firent encore un plus grand meurtre. Car ils rompoient la visiere des Italiens abbatus par terre, puis les egorgeoient comme des moutons à coups de hache. Lamélée dura fort peu de temps, & les Italiens ne tenans pas leur retraite aflurée dans leur propre Camp, la plus-part prirent la fuite jusqu'à Reg. gio, & jusqu'à Parme, à trois ou quatre lieuës delà, & toute leur armée en eut fait autant, fi le Comte de Petillane n'en eût retenu une partie par ses conjurations, & fes remontrances. Philippes de Commines qui estoit present, & combatit à cette Journée, affure qu'il y demeura du côté des Italiens plus de trois mille cinq cens hommes, parmy lesquels il y avoit trois cens cinquante hommes d'armes, & entre ceux-là dix-huit Sei gneurs de condition, particulierement quatre ou cinq du Nom de Gonzague, parens du General de leur armée: & que les François n'y perdirent que vingt hommes-d'armes, neuf Archers de la Garde Efcofloise, & foixante ou quatre-vingt valets qui furent tuez à la suite du bagage. Les Venitiens ne laiflent pas de s'attribuer l'honneur de cette victoire, sous ombre qu'ils prirent quelques prifonniers François avec leur bagage, & que les François ne toucherent point au leur, ny ne prirent pas un seul homme. Mais ces raisons font manifestement frivoles. Car outre que les ennemis n'emmenerent point d'autres prifonniers, que le batard de Bourbon emporté par fon cheval, qui avoit rompusa bride, & le Chapelain du Roy avec quelques autres malades, les François qui estoienten petit nombre, ne s'amusoient pas à pren. dre des prifonniers, dont la garde les cût d'autant occupez & affoiblis. Encore moins pouvoient ils toucher au bagage des ennemis, qui estoit en sureté dans leur Camp de-là la riviere. Joint que 1495. les François crioient les uns aux autres durant le combat: Souvenez-vous de Guinegate, afin de fe souvenir de la perre qu'ils firent à la Journée de Guinegate en Picardie, combattans sous le regne de Louis XI. contre Maximilian d'Autriche, pour s'être jetté à la hate, & avec précipitation sur le bagage des ennemis ; de maniere que voulans reparer leur faute, ils ne toucherent pas même icy aux dépoüilles de ceux qui furent tuez au champ de bataille, qu'aprés que les autres qui resterent, eurent pris la fuite , ou fait la retraite dans leur Camp. Voicy donc de meilleures marques de la victoire, pour les François, le nombre des morts trente fois plus grand du côté des ennemis, leur déroute suivie de leur fuite, le champ de bataille qui demeura aux nôtres avec les morts & leurs dépoüilles, la retraite du Roy en prefence des ennemis, qui ne combattirent que pour empêcher le paffage, au lieu que sa Majesté voulant seulement paffer chemin, vint heureusement à bout de son entreprise, qui étoit la fin, & comme le fruit de sa victoire. 211 ION XX. BATAILLE. JOURNEΈ DE NOVARE, Où le Duc DE MILAN fut vaincu & pris par C Ce grand Roy voyant que toute la France jouïfloit d'un profond repos, sous les aufpices de son heureux regne, jugea sagement qu'il ne falloit pas laiffer croupir le courage de sa Nobleffe dans l'oifiveté, ny roüiller les armes de ses soldats, qui avoient fait n'agueres trembler l'Italie. Il étoit porté d'une paffion particuliere, pour le recouvrement de fon Duché de Milan, sur lequel il avoit eû de justes prétentions, du Chef de Valentine fille de Jean Galeas Duc de Milan son ayeule paternelle, laquelle ayant survecu Jean & Philippe Marie ses freres décedés fans heritiers, le Duché appartenoit de droit aux Ducs d'Orleans defcendus d'elle. D'ailleurs Alphonse Roy de Naples prétendoit 1499. avoir été inftitué heritier par Philippe-marie, & Francisque Sforce homme vaillant & hardy, aprés avoir épousé Blanche fille naturelle de Philippemarie, se porta pour Duc de Milan & se maintint avec sa famille en cette poslession, jusqu'au regne de Loüis douziéme. Or le teftament de Philippemarie en faveur d'Alphonse, estoit grandement fufpect, & méme on le foupçonnoit d'eftre faux, joint que le frere ne pouvoit traduire en une famille étrangere le droit de sa scœur legitime. Car encore que le droit Romain permette cela entre personnes privées, toutefois il ne le permet pas en la fucceffion des Princes, à cause que la domination étrangere est ordinairement odieuse. Pour le regard de Francisque Sforce, fon ufurpation n'étoit qu'une violence, & sa joüiflance qu'une tirannie, veu que sa poffeffion n'étoit appuyée que sur le droit d'une bâtarde. Mais le droit de Louis étoit visible & inébranlable, à raison de la proximité du sang, n'y ayant point d'autre successeur legitime ny collateral defcendant que luy. Aussi la poffeffion des Sforces n'a pas esté paisible, & souvent elle s'est trouvée interrompuë par nos Roys; neanmoins à cause des guerres civiles & Angloises qui agiterent longuement la France, durant l'ufurpation des Sforces, les Ducs d'Orleans n'eurent pas le moyen ny le pouvoir de rentrer en leur heritage. C'est pourquoy en l'an 1448. sous le regne de Charles 7. Charles Duc d'Orleans Pere de nostre Loüis, s'estant avancé jusqu'en la ville d'Aft contre Francisque ufurpateur de fon heritage, fut contraint de retourner en France avec ses forces, à cause du renouvellement de la guerre des Anglois. Or avant l'execution de son entreprise de Milan, Loüis voulut avoir la paix avec ses voisins, & particulierement avec le plus dangereux qui ésoit Philippe Archi-Duc d'Autriche Comte de |