ΧΧΙΧ. ΒATAILLE. JOURNEE DE JARNAC, Où le PRINCE DE CONDI feu Омм la faignée de cette bataille de faint: Denys alluma plûtôt qu'elle n'éteignit le de la guerre civile, dans les cœurs de nos gene reux François; auffi les deux partis n'eurent aprés cela d'autre soin, que de se fortifier des armes do: leur patrie desolée, & même du secours des étran-gers, afin de faire leurs derniers efforts : le Roy avec ses sujets fideles & Catholiques, pour être abfolu dans ses Etats, & n'y souffrir plus qu'une Foy & qu'une Loy; les Heretiques rebelles, pour jouïr de la liberté de conscience en seureté, comme ils protestoient ; mais en effet pour donner la loy au Monarque, & fous ombre de reformation, détruire entierement la Monarchie, avec la Religion Catholique. Les commissions du Roy & du Prince de Conde voloient par toute la France, afin d'armer de côté & d'autre en toutes les Provinces. L'Italie & l'Efpagne furent folicitées de donner secours au Roy, L'Angleterre au Prince, l'Allemagne à tous deux. Après avoir donc assemblé de grandes forces, il y eut divers pourparlers de paix, mais fans effet, divers fieges de Villes comme de Chartres de la part du Prince, de la Rochelle de la part du Roy mais qui furent levez. Il y eut enfin diverses ren- 1568 contres, principalement en Auvergne, où les Seigueurs de Terrides, de faint Orent, de Monsales & de la Valette, qui menoient des troupes au Roy de la part du Maréchal de Montluc, défirent celles que les Vicomtes de Pontsenac & de Verbelay menoient au Prince.. Le Duc d'Anjou qui regna aprés sous le nom d'Henry III. étant à l'âge de seize ans fait General des armées du Roy, & de tout le Royaume, par la faveur de la Reine Mere, qui l'aimoit uniquement, eut pour conseil les Ducs de Nemours & de de Lor Longueville ; le Maréchal de Cofse, les Vicomtes de Tavannes & de Martigues, & les Seigneurs de Lofle & de Carnavalet, par l'avis desquels il fit marcher son armée contre les Rebelles, pour les combattre avant leur jonction avce les forces d'Allemagne... La premiere rencontre des deux armées fut au prés de Châteleraut, de Jaffeneüil & de Loudun, Où quelques troupes combattirent pour le logement: mais la rigueur de l'hyver, qui étoit alors fort afpre, au mois de Janvier 1569. engourdit fi fort les gens de guerre, & la glace empêcha tellement l'usage des chevaux, qu'il ne fut pas possible d'en venir à une bataille. Il arriva pourtant à Jasleneuil une longue & rude efcarinouche, qui fut entretenuë jusqu'à la nuit, où entre autres le Comte de Montgommery ayant enfoncé une troupe conduite par Monsales, celuy-cy fut fi bien foutenu par la Valette, que non seulement il se rallia en diligence mais encore rompit l'escadron du** Comte, & tailla en pieces deux cens chevaux des plus avancez. Il semble que l'afpreté du froid, qui arrête tout, ne pouvoit arrêter l'ardeur martiale de nos François, malheureusement armez les uns contre les autres. Le Comte de Tende vint en même temps s 7169. en l'armée du Roy, avec trois mille hommes de pied, & quelques cornettes de Cavalerie qu'il luy amena de Dauphiné & de Provence. Le Comte de Joyeuse s'y rendit aussi du Languedoc, avec une autre troupe qui n'étoit pas moindre ; & le Ringrave arriva encore fort à propos avec le Seigneur de Baffompierre, & deux mille Raîtres.. Ce renfort ayant enflé le courage au Duc d'Anjou & aux Capitaines Catholiques, l'armée Royale se mit en campagne avant la fin de l'hiver, affiégea & prit Loudun, & poursuivit les ennemis, ne cherchant desormais que l'occasion de les combattre en corps d'armée, ou de les défaire par troupes, fr elles vouloient entreprendre de se joindre, afin d'en venir à une bataille. D'ailleurs, le Prince de Condé n'attendant rien. moins de la generosité des Catholiques, se mit pareillement en campagne pour s'éloigner de l'en. nemy. beaucoup plus fort, & prit sa route droit à Cognac, adeffein de passer la Charente à Châteauneuf, & de recueillir les troupes de Piles, avec celIes des Vicomtes de Borniquet, de Monclar, de Paulin & de Gordon, qui venoient de Guyenne & de Languedoc, avec esperance de recevoir aussi bien-tôr le Duc de Deux-Ponts, qui avoit déja paflé le Rhin, & venoit à grandes journées au secours du Prince, afin de faire la partie égale. Les Ducs d'Aûmale & de Nemours, & le Baron des Adrets, ayant été envoïez avec dix mille hommes, & douze cens chevaux en Lorraine, pour luy empêcher le paslage, l'armée Catholique en demeura autant affoiblie, & n'eut plus qu'environ cinq mille chevaux, & dix mille fantassins, qui faisoient en tout quinze mille hommes. L'armée des Rebelles. n'étant que de trois mille chevaux pour le plus, se trouvoit moins puissante en Cavalerie, quoi que pour l'Infanterie elle ne fût pas beaucoup plus infe xieure en nombre à celle des Catholiques. L'Admiral qui ordonnoit de toutes choses en l'ar- 135號 mée du Prince, se sentant poursuivi de prés par le Duc d'Anjou, le saisit du bourg de Jarnac, & allant à Château - neuf, dont la Citadelle étoit gardée par foixante hommes sous un Capitaine Ecossois de fon parti, y fit paffer la plus grande partie de sestroupes, & fit rompre le pont, aprés leur paslage du côté de la Guyenne. L'ordre qu'il donna, fut que le Prince de Condé logeroit à Jarnac avec la bataille, la Cavalerie legere à Triac, & luy-même à Baffac avec l'avant garde, laiffant à la garde du pont de Château-neuf Montgommery, Soubife & la Nouë. Or le poste de Châ teau-neuf étoit fi étroit, ou fi- mal pourvû, ou plu tôt les gens de guerre laissez à la garde du paflage," étoient fi mal difciplinez, & fi accoûtumez à la licence, que ne craignant rien de leur côté, où le pont étoit rompu, & croyant que l'autre bout feroit bien gardé par le Capitaine Ecoflois, ils l'abandonnerent pour s'élargir au long & au large par les villages & les bourgs prochains; ce qui fut la principale cause de la défaite de leur armée.. Le Duc d'Anjou, après avoir pris Meste & Ruffec en chemin-faisant, s'avança jusqu'à Château-neuf, & donna un tel effroy à l'Ecoffois, qui étoit la garde, qu'il se rendit à difcretion. Apres quoy il tourna bride vers Cognac, afin de lever toute défiance aux ennemis, & donna charge à Biron premier Maréchal de camp, ou felon quelques-uns, au President de Birague, de refaire le pont en diligence, & d'en dreffer un de bateaux au même endroit. Cequi futexecute fi promptement, que le Duc à fon retour y fit paffer la riviere, la nuit du 12. au 13. de Mars, à une par -tie de ses troupes, & le jour d'aprés au reste de foma armée. Il laissa seulement quatre cens chevaux & huit cens hommes de pied, pour couvrir le bagage far une colline, afin d'aimuser l'ennemi, & de lug faire croire que toute l'armée y étoit 3369. Cette ruse militaire, aussi peu prevûë par l'Admiral, qu'elle fut entreprise par le Duc d'Anjou, & heureusement conduite par Biron & par Tavaneş, contribua grandement à faciliter aux Royaux: le paflage du pont. Mais ce qui est bien plus confiderable, est que le Duc non content de se recommander à Dieu dés le matin, selon sa loüablo coûtume, voulut encore communier le même jour,, & plusieurs Princes, Seigneurs & Capitaines en firent autant à fon exemple. Les Rebelles ayant pris l'alarme, commence-rent à s'entredonner des avis, & l'Admiral à rappeller ses troupes éparses de tous côtez, & à les raffembler à la hate, ou, comme disoit du depuis le Duc de Rohan, à la Huguenote, pour faire tête aux premiers venus, qui furent le Duc de Guise,. le Comte de Briffac, le Vicomte de Martigues, les Seigneurs de Malicorne, de Pompadour, de Lansac, de Fervaques, de Fontaines, & autres Catholiques, qui donnerent d'abord avec grande. furie dans les bourgs de Baflac & de Triac, & fi-rent un horrible carnage de quelques compagnies de gens de pied. Neanmoins le Capitaine Pluviaut avec son Regiment fit sa retraite vers Jarnac avec grand defordre, mais peu de perte, à la faveur d'un. ruifleau à bords escarpez, & non guéable en plufleurs endroits à la Cavalerie, & où l'Admiral avoit envoyé mille arquebusiers, avec quelques gens de cheval commandez par la Nouë, afin d'en garder le passage. Fontrailles & Languillier firent ferme quelque temps le long du même ruiffeau ; toutefois à la fin ils furent rompus par la Cavalerie Roya le, & contraints de se servir plus de leurs éperons que de leur épées- La Nouë & d'Andelot se trouverent aussi des premiers à cheval, & foûtinrent le shoc des Royaux avec grand courage. L'Admiral furvenant encore à leur secours, rendit la partie beaucoup plus forte. Mais d'ailleurs |