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NOTE

SUR

L'AVENTURINE VERTE ARTIFICIELLE

OU

AVENTURINE DE CHROME

PAR M. A. MARCUS

Membre honoraire.

(Lu à la Séance du 29 janvier 1880.)

Il y a quelques années, à l'occasion d'une note insérée au Bulletin de l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg (*), sur une Aventurine verte naturelle de l'Inde, dans laquelle la coloration était due à de l'oxyde de chrôme, j'ai eu l'honneur de présenter à l'Académie (3) de très-brèves observations sur l'Aventurine verte artificielle, aussi à base de chrome, obtenue, il y a environ 40 ans, à la cristallerie de Saint-Louis.

(1) Mikroskopische Beschaffenheiten des grünen Aventurins aus Indien, von Herzog N. von Leuchtenberg. Bull. de l'Acad. imp. des sc. de Saint-Pétersbourg. t. XXI, no 3; 1876.

(2) Procès-verbaux des séances de l'Académie. 25 janvier 1877.

Dans l'intérêt de l'histoire des arts en Lorraine, j'ai pensé qu'il ne serait pas sans utilité de constater dans les Annales de la Compagnie la découverte de ce produit; et, après avoir recueilli les faits et leurs dates, je viens les exposer à l'Académie et soumettre à son appréciation l'opportunité de l'insertion de la Note suivante dans ses Mémoires.

Au mois de septembre de l'année 1840, alors que les cristaux doubles (1) jouissaient d'une grande vogue, j'entrepris à la Cristallerie de Saint-Louis, des essais suivis pour obtenir des nuances variées de couleur verte par l'emploi simultané du peroxyde de cuivre, qui communique au cristal la teinte vertbleuâtre et du sesqui-oxyde de chrôme, qui lui donne une couleur vert-jaunâtre.

Dans la cristallerie, où le chrôme est très-employé pour la coloration de ses produits, on ne se sert pas du sesqui-oxyde ou oxyde vert de chrôme, bien que ce corps soit l'agent colorant. Cette substance étant d'un prix relativement élevé, on la remplace toujours par un sel d'acide chrômique, le chromate de plomb, le chromate ou le bichromate de potasse, et, de préférence, ce dernier, parce qu'il est à la fois le moins cher et le plus riche en acide chrô

(1) Les cristaux dits doublés, triplés, etc., dans le langage de la verrerie, sont des pièces où le cristal blanc, ou coloré dans la masse est revêtu d'une, de deux, etc., couches de cristal de couleur, transparent on opaque, ce qui permet d'enrichir la surface de ces objets de dessins variés, par la taille et la gravure qui enlèvent, par parties, une ou plusieurs des couches superposées.

mique. Dans l'opération de la fonte des matières du cristal, mélangées de bichromate de potasse, il se fait deux décompositions: d'abord celle du bichromate en potasse et en acide chrômique, puis celle de cet acide en oxygène et en sesqui-oxyde de chrôme qui, en se fondant, produit la couleur verte dans la masse vitrifiée.

Je m'aperçus bientôt que ce sesqui-oxyde est d'une fusibilité très limitée et qu'il n'était pas possible de fondre, en bichromate de potasse, plus de 1 p. 0/0, en poids, de la quantité de composition (1) de cristal à colorer. Si cette proportion était dépassée, on remarquait dans la masse colorée en vert, et uniformément disséminées, une quantité de paillettes très-nettes et d'un grand éclat, dont le nombre augmentait à mesure qu'on forçait le dosage de bichromate, et qui ne sont autre chose que du sesqui-oxyde de chrôme à l'état cristallisé et ayant résisté à l'action des fondants.

Toutefois la limite de 1 p. 0/0 n'a rien d'absolu : elle est corrélative de l'emploi d'une composition de cristal, où il entre moyennement 3 parties de silice à l'état de sable, 2 parties de minium et une partie de carbonate de potasse; de la température du four où se fait la fusion et de la durée de la fonte, qui est habituellement d'environ 12 heures. Si ces conditions viennent à changer, le quantum de bichromate qu'il est possible de fondre change avec elles; c'est ainsi qu'en prolongeant la fonte pendant une durée de 24 heures, au lieu de 12, on arrive à introduire dans

(1) En terme de verrerie, on appelle composition le mélange des matières qui entrent dans la préparation du verre ou du cristal.

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le cristal 11, p. 0/0 de bichromate de potasse, sans qu'il y reste des parcelles d'oxyde de chrôme en suspension.

Dans les circonstances que je viens d'indiquer j'ai obtenu, après quelques essais de dosage de bichromate de potasse, un verre vert, convenablement chargé de paillettes de sesqui-oxyde de chrôme, vifs reflets de lumière, pouvant se travailler seul, ou s'allier de différentes manières au cristal blanc ou coloré. Ce produit nouveau offrant, sauf la couleur, les apparences de brillant et d'éclat de l'Aventurine de Venise, découvert comme l'avait été celle-ci, par hasard, par aventure, reçut le nom d'Aventurine verte (1).

(1) On admet assez généralement que l'Aventurine des Vénitiens a retenu son nom de cette circonstance, que sa composition ayant été trouvée par hasard, c'était un verre d'aventure; mais on est moins d'accord sur l'époque du fait.

Lazari, directeur du musée Correr, de Venise, et placé à bonne source pour être exactement informé, ne lui assigne pas de date. Parlant des divers progrès de la verrerie vénitienne au XVIII° siècle, il se contente d'écrire que « la fabrique des Miotti a acquis une << grande renommée par l'invention de l'aventurine... » (Gazette des beaux-arts, t. Ix, oct. 1861, p. 337);

P. Larousse, dans son Grand dictionnaire universel du XIXe siècle (t. 1o, au mot Aventurine), dit que c'est vers 1750 que le docteur A. Miotti réalisa la découverte.

Dans une conférence sur le verre, au Trocadéro, en juillet 1878, M. Clémandot en fait honneur à un nommé Vincenzo Miotti et la fixe à l'année 1720 (Bull. de l'assoc. scientif. de France, no 624, 19 oct. 1879, p. 40).

Peut-être faudrait-il remonter plus haut encore, si, comme le rapporte M. Littré dans son excellent dictionnaire de la langue française, l'étymologie du mot Aventurine est due à Ménage, qui est mort en 1692.

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