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PRÉFACE.

PRÉFACE.

La province est morte, voici le moment bon pour écrire son histoire. Certains vieillards se souviennent encore de l'a-voir vue vivante. On sait quelle était sa figure et quel était son esprit. Les villes condamnées à périr par le monde nouveau sont encore debout; leurs ruines gardent intactes leurs richesses; mais ces richesses seront anéanties ou dispersées demain.

Je n'accuse personne : les municipalités veillent assez soigneusement sur les monuments publics; et quant à ceux religieux, presque tous les évêques de France exigent maintenant que leurs curés prennent des notions étendues sur l'histoire de l'architecture, de la peinture et de tous les arts dont ils trouveront dans leur paroisse des monuments à conserver. D'ailleurs, Jésus qui chassa les marchands du Temple, ne permet pas aux brocanteurs d'approcher de ses églises. Mais les demi-ignorants sont comme des enfants, qui commettent bien lestement une étourderie irréparable; un

préjugé contre telle époque ou telle œuvre d'art peut s'éta

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blir vite et avec passion, le meilleur siècle, la meilleure foi, la meilleure école, ont et doivent avoir leur préjugé. Le badigeon court comme la passion folle, et non pas comme la réflexion prudente. Nous estimons-nous un peuple plus éclairé sur la peinture que les Florentins, et ne voilà-t-il pas des Giotto, ne voilà-t-il pas des Raphaël, que l'on découvre par hasard à Florence, sous le plâtre et sous l'ordure? S'il eût fallu défoncer la muraille, pensez-vous que le maçon eût hésité? Vous voyez donc qu'il faut connaître et décrire au plus tôt les richesses d'art de la France et surtout de ses provinces où se courent les plus pressants dangers.

La grande illustration du royaume est présentement dans la peinture, et non ailleurs. Ses littérateurs n'ont, dès l'origine du siècle, proclamé qu'un but et qu'un désir, celui d'y introduire l'élément des littératures étrangères qu'ils ont toutes et successivement calquées. Poëtes et prosateurs n'ont plus observé le génie de la nation. Et observez comme euxmêmes sont tournés vers la peinture. Ceux que l'on préfère sont ceux dont les procédés se rapprochent le plus des opérations et des procédés des peintres, les écrivains colorés, pittoresques. Et combien peu ont échappé à la manie (inexplicable et inouïe jusque-là chez les poëtes français) de se faire critiques de peinture, historiens et traducteurs de peintres! C'est que Dieu n'a presque jamais donné à un peuple qu'une seule manière à la fois de traduire sa pensée et sa grandeur; aux uns, l'architecture; aux autres, la parole; aux autres, les écrits; aux autres, la peinture. Ainsi, la Flandre n'a jamais

eu que des peintres, et Rubens est son véritable Homère. L'Italie, quoi qu'en disent Arioste et le Tasse, n'a eu dans le seizième siècle que des faiseurs de fresques et des sculpteurs. L'Angleterre et la France ne s'étaient manifestées jusqu'à nos temps que par la lettre écrite, par Shakspeare, Milton, Corneille et Molière. Puis, la France, il y a déjà cinquante ans, se fit peintre; et elle dirigea et elle absorba la peinture. européenne 1. C'est la peinture qui est en ce moment la vraie manifestation de notre génie, de notre esprit, de nos amours, de nos instincts. Voilà comment s'explique l'entraînement de tous vers elle, et pourquoi il intéresse et importe de rechercher ses premiers, ses anciens germes dans la terre de France.

Ce qu'on appelait avant nous l'école française a été assez longtemps négligé, et je pourrais presque dire bafoué. Aujourd'hui qu'elle est sans conteste la première du monde, on commence à s'inquiéter de ses précédents. Cependant, à peine connaît-on une vingtaine de ses maîtres. Rien qu'en feuilletant quelques catalogues et quelques livres, j'ai compté quatre cents et plus de ses travailleurs, depuis Jean Cousin jusqu'à Louis David. Elle était innombrable.

Par un courant naturel, la peinture française nous remontait de l'Italie, tout de même que la langue française nous

1 La peinture allemande de notre temps ne contredit point ce que j'avance, elle l'explique. Cette peinture n'est point la pensée de l'Allemagne. L'Allemagne de ce siècle fait de la poésie et des abstractions; son école de peintres traduit ces poésies et ces abstractions. Lebrun, sous Louis XIV, traduisait aussi Boileau et Racine.

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