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au cœur d'une nation: Dieu, patrie et coutumes, et la pieuse tenacité pour leur religion qu'ont montrée les exilés de Juda cent et quelques années après! Cette comparaison seule aurait dù faire hésiter M. Wellhausen à estampiller les Ephraïmites comme pieux et zélés Iah wistes. Malheureusement, le savant critique a suivi une méthode qui ne me semble pas appelée à donner un résultat satisfaisant. Au lieu d'étudier l'époque éphraïmite en elle-même dans les écrits des auteurs contemporains ou très peu postérieurs, il a cherché à la dégager à l'aide de certains documents pentateutiques qui lui paraissent réfléchir l'esprit de cette époque. Ce sont le Livre de l'Alliance et le Recueil jéhoviste que M. Wellhausen consulte pour avoir le mot de l'état religieux d'Israël, et, l'oracle à la main, il n'accepte des témoins oculaires que ce qui s'y adapte; mais tout oracle, comme on sait, a besoin d'interprétation, c'est-à-dire d'une bonne dose de vues personnelles. Il me suffira d'en donner un exemple caractéristique. Les versets, Exode, xx, 24-26, prescrivant que l'autel de Iahwé soit bâti de terre ou de pierres non taillées et dépourvu de degrés, sont rapportés par ce savant au culte des haux lieux et à la multiplicité des sanctuaires que cette législation aurait permis sans restriction notable'; et cette base admise, il en tire cette conclusion qu'Amos et Hosée firent l'étonnement de leurs contemporains quand ils déclarèrent illicite cette façon légale de pratiquer le culte 2. D'autres trouveront peut-être que le précepte dont il s'agit ne fait que désigner la façon de bâtir un autel quelconque, sans nul

בכל המקום אשר אַזְכִּיר égard à son emplacement, et que l'expression -Deuté) המקום אשר יבחר יהוה veut dire la méme chose que את שמי

ronome, XII, 5), qui vise l'unité du sanctuaire. Quelques-uns trouveront même que l'autel du Tabernacle mosaïque et celui du temple de Salomon qui, pour plus de solidité, étaient enchâssés, l'un dans une boîte de planches, l'autre dans une caisse d'airain, ne laissaient rien à désirer au point de vue de l'orthodoxie. On marche sur un terrain plus solide quand on étudie l'histoire à part et le Code à part. Une législation codifiée constitue toujours une agré

› L. c, p. 30.

2 Une minutie tout aussi singulière se révèle dans cette autre affirmation du même auteur, selon laquelle Hosée et Isaïe ont seulement polémisé contre les images sculptées et fondues et que la défense des images de bois et de pierre a été prononcée pour la première fois par Jérémie (Geschichte Israels, 2 éd., p. 49, note). Avec un peu de bonne volonté, on pourrait alléguer que les idoles fabriquées en terre cuite, en fer ou en plomb, n'ont jamais éte défendues par les prophètes. Une scène devant le tribunal qui représenterait, d'une part, Isaïe ayant brisé une statue qu'il croyait être en fonte, d'autre part, le propriétaire de la statue soutenant qu'elle était battue au marteau et demandant des dommages et intérêts, une telle scène ferait tableau et les traits désappointés du prophète seraient curieux à observer.

gation désordonnée de coutumes et de théories dont on ignore à la fois la provenance, la date et les transformations successives. Elle ne peut être d'aucun secours pour l'historien. Et pour revenir à l'histoire cultuelle des dix tribus, j'avoue que, en faisant abstraction de certaines hyperboles inséparables du langage imagé des prophètes, les quelques propos que je trouve dans Amos et Hosée m'apprennent infiniment plus que tous les documents pentateutiques que la critique moderne fait surgir après la chute de Samarie.

VII

LE VERSET D'HOSÉE, IX, 4.

Ce verset, dont le début a été cité dans l'article précédent, présente de sérieuses difficultés d'interprétation. Nous nous proposons de les discuter ci-après en tenant surtout compte de la traduction que MM. Kuenen et Wellhausen en ont récemment donnée. L'importance de ce passage pour l'histoire du royaume éphraïmite est telle que la nécessité d'en établir le sens exact se fait vivement sentir. A cette nécessité générale, s'ajoute pour nous le devoir personnel de montrer que notre point de vue sur la religion des dix tribus non-seulement ne reçoit aucune atteinte par le contenu de ce passage, mais qu'il en est considérablement fortifié. Enfin, outre son intérêt propre, le rétablissement du vrai sens nous offrira une vue des plus instructives sur la question de la loi sacerdotale, si ardemment débattue dans les derniers temps.

Pour simplifier cette tâche passablement compliquée, nous traiterons d'abord chacune des parties qui composent le verset; le résultat général permettra de comprendre la portée de l'ensemble.

Première partie : 1. Cette phrase forme la proposition principale du verset, les autres groupes de mots qui suivent dépendent de celle-ci et ont pour but de la déterminer et de la soutenir. Le sens en est clair, sauf sur le point de savoir s'il faut traduire «ils (les Israélites) n'offrent pas de libations de vin à Iahwé », ou bien : « ils n'offriront pas des libations de vin à

Volksreligion und Weltreligion, p. 310 suiv.
Geschichte Israels, 2e édition, p. 22, note.

Iahwé»; le caractère vague de l'aoriste hébreu rend douteux s'il s'agit d'une action présente ou d'une action future. Dans l'article précédent, j'ai admis la première manière de voir; les savants cités ci-dessus se sont prononcés en faveur de la seconde. On comprend facilement la grande portée de cette divergence d'opinion pour l'histoire religieuse. Dans le premier cas, il résulterait que les Israélites avaient cessé de rendre un culte à Iahwé; dans le second, il résulterait au contraire que les Israélites n'auraient cessé le culte de Iahwé que par suite de leur exil sur une terre étrangère. En effet, les interprètes susnommés relient notre verset 4 au verset 3 et traduisent ainsi qu'il suit : « Ils ne resteront pas dans le pays de Iahwé, mais Ephraïm retournera en Égypte et en Assyrie, ils mangeront une nourriture impure. Ils n'offriront pas de libations de vin à Iahwé, etc. » Au premier aspect, cette interprétation ne laisse rien à désirer; après mûre réflexion, il devient impossible de s'y arrêter. D'abord, le verbe retourner » n'exprime pas l'idée d'une transportation violente, mais celle d'un retour naturel et, pour la plupart du temps, volontaire, et le fait qu'Hosée entend parler ici d'un retour volontaire est prouvé par le verset vii, 11: « Ephraïm ressemble à une colombe étourdie et insensée; ils appellent au secours l'Égypte, ils s'en vont en Assyrie ». Pareillement, dans la confession finale que le prophète met dans la bouche du peuple amendé, se trouvent ces mots : « Assur ne sera plus notre aide et nous ne monterons plus les chevaux (venus d'Égypte) ». Le doute ne saurait donc exister au verset 3 il ne s'agit nullement de menacer les Ephraïmites d'un double exil dans deux pays aussi différents et géographiquement aussi opposés l'un à l'autre que l'Égypte et l'Assyrie, mais, au contraire, de les dissuader de demander du secours à ces deux grandes puissances de l'époque contre leurs voisins ou leurs rivaux. On sait qu'en général les prophètes étaient partisans du recueillement national et n'auguraient rien de bon des alliances politiques avec les peuples qui luttaient pour l'empire du monde. Le verset 3 veut donc dire en réalité : « Ils ne restent pas dans le pays de Iahwé, mais Ephraïm retourne en Égypte (pour demander du secours), et en Assyrie (où ils se rendent dans le même but) ils mangent une nourriture impure », c'est-à-dire : les viandes défendues par la loi ou venant de sacrifices payens (Ezéchiel, IV, 13, 14). Ceci étant, le sens du passage en question du verset 4 ne peut être que ils ne répandent pas le vin en l'honneur de Iahwé, leur dieu, pour obtenir son secours, lequel, contrairement à celui des puissances mondaines, est toujours efficace et ne se retire jamais de ses fidèles. Du reste, l'idée même que les

interprètes attribuent au prophète relativement à l'illégalité d'offrir des sacrifices à Iahwé ailleurs qu'en Palestine, a certainement une origine postérieure à l'époque d'Hosée. Bien des années après, un disciple d'Isaïe estima comme une action très pieuse et très méritoire l'élévation d'un autel en l'honneur de Iahwé sur le terri

toire de l'Égypte (Isaïe, XIX, 18-21), et il n'y a aucune raison pour supposer qu'Hosée n'eût pas vu avec un égal plaisir le culte de Iahwé s'établir en Assyrie. Ce qui est vrai au sujet des prophètes l'est encore davantage à propos de la masse des exilés, qui ne manquaient jamais d'importer, dans leurs nouveaux établissements, le culte de leur pays, sauf à y ajouter celui de la divinité régionale. Les colons transportés en Samarie par les Assyriens n'ont pas agi autrement (II Rois, XVII, 24-33); de même, les colonies phéniciennes en Europe et en Afrique ont fidèlement conservé les divinités de la mère-patrie. Cette considération seule aurait déjà dû empêcher ces savants de donner au verbe un sens futur.

de la יסכו Parallele a .ולא יערבו לו זבחיהם : Deucieme partie

proposition précédente, le verbe a ne peut être pris que pour un conditionnel présent: et leurs sacrifices (s'ils lui en apportaient) ne lui seraient pas agréables. C'est le sens manifeste de cette phrase et je ne puis m'expliquer comment M. Kuenen a pu y trouver une difficulté l'obligeant à changer en 2, mot qu'il transcrit d'ailleurs inexactement jéereku. Le prophète aurait voulu dire que les Israélites sur la terre étrangère ne rangeront pas (sur l'autel) les offrandes devant Iahwé; mais le placement des parties de la victime sur le bois rangé sur l'autel n'est qu'un acte préparatoire sans caractère cultuel, et l'expression propre ici devrait

que les Septante ,יערבו En réalité, la legon .יגישו ou יקריבו יעלו etre

rendent déjà par óvavto, loin d'être due à une sorte d'entraînement causé par Jérémie, vi, 22b, comme l'affirme M. Kuenen, non seulement est celle qui convient le mieux d'après le contexte, mais elle offre un parfait parallèle à la proposition d'Amos

(v, 22). M. Kuenen se trompe encore quand il trouve notre passage en contradiction avec Hosée, 11, 4, où il serait prévu qu'Israël restera sans sacrifices; c'est le résultat d'une confusion de deux situations toutes différentes ici il s'agit de sacrifices qu'on néglige d'apporter en l'honneur de Iahwé, là, de ceux qu'on cessera d'apporter à l'intention des faux dieux. Je m'étonne que M. Wellhausen n'ait pas réexaminé ces passages avant d'accepter la conjecture de M. Kuenen dans la seconde édition de son Histoire d'Israël (p. 101, note 1).

Troisième partie

s pribs. Cette proposition complète

le sens de la phrase précédente. Iahwé repousserait les sacrifices éventuels d'Israël, qui seraient à ses yeux aussi abominables que le pain qu'ils mangent à l'occasion de leurs festins de deuil. Ces festins païens, destinés à célébrer la déification du mort étaient défendus par la législation monothéiste, qui déclarait éminemment impure la nourriture qu'on y prenait. L'expression b N << deuil à eux » équivaut à 8 « leur deuil », qui n'est pas usité. L'accentuation massorétique a parfaitement indiqué ce sens en donnant au mot une place en vedette entre les deux propositions : «<leurs sacrifices ne lui seraient pas agréables; ils seraient comme leur repas de deuil ». Cette phrase, on le voit, ne souffre aucune difficulté; cependant M. Kuenen trouve qu'une faute s'y est glissée « doit être changé, dit-il, en nb, ou suivi par ce mot »; le sens en serait : comme nourriture de deuil (leur) est leur nourriture ». Pareillement M. Wellhausen: « Wie Trauerbrot ist ihr Brot ». Cette interprétation détruit l'unité du verset dont la première moitié parlerait des sacrifices et la seconde du pain destiné à l'usage commun. Cela suffirait déjà pour en faire voir l'invraisemblance; mais il y a plus le pain ordinaire n'était pas présenté au sanctuaire avant d'être mangé; le défaut d'une telle consécration ne peut donc pas le rendre impur. M. Wellhausen (ibid., p. 102) cherche à échapper à cet inconvénient en disant que les prémices qu'on offrait du blé, au début de la moisson, consacraient tout le produit; il semble perdre de vue que, entre les deux extrêmes de p et 2, il y avait une catégorie moyenne nommée b, et c'est précisément à cette catégorie qu'appartient le pain ordinaire (I Samuel, XXII, 5, 6; Ezéchiel, XLV, 15; Lévitique, x, 10). Je crois donc que la nécessité de rejeter la prétendue correction de ben bb ne restera pas douteuse.

Quatrième partie b. Le contexte rend absolument certain que nous sommes en présence d'une proposition relative où la particule est sous-entendue. Les sacrifices d'Israël seraient aux yeux de Iahwé comme le pain de deuil, qui souille tous ceux qui le mangent. Les savants dont nous nous occupons rap

comme il לחם אונים non pas a,אוכלין portent le suffixe régime de

ressort du texte, mais à leur création hypothétique Danb. Le sens qu'ils obtiennent de cette nouvelle coupe est assez singulier le pain des Israélites est impur, quiconque en mange se souille; mais quels sont donc ces autres personnages qui se souilleront en mangeant du pain israélite? La tournure de la phrase ne manque donc pas d'être embarrassée, dans cette supposition; l'analyse de la

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