Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

devrait avoir dans sa maison une chapelle où, trois fois par jour, il adresserait des prières à sa femme, à sa mère et à sa fille, même si elles sont vivantes. C'est non seulement la femme devenue l'objet d'une religion, c'est cette religion elle-même élevée jusqu'au mysticisme.

On en a bien rabattu à l'heure présente, et ce n'est point précisément sous des couleurs mystiques que la plupart des romanciers de notre temps nous peignent la femme. Mais les protestations qui se sont fait entendre à travers tous les siècles contre son abaissement d'autrefois, ne seraient pas moins légitimes contre celui que lui infligent dans ce moment, en spéculant sur une curiosité malsaine, un si grand nombre d'écrivains. Sous prétexte de progrès, ils retournent dans la nuit du passé et renouvellent sous un autre nom, celui de naturalisme, la tradition défigurée que j'ai essayé de combattre.

Il y a ici deux opinions à éviter qui sont également contraires à la justice, à la raison, à la vérité morale, à l'intérêt bien entendu de la société La femme n'est pas d'essence divine ou d'une composition plus rare que celle de l'homme, ainsi que le répètent quelques-uns des survivants de don Quichotte. La femme n'est pas non plus cette mère du péché, cette conseillère du mal, cette personnification de la séduction et du vice que se plaisent à nous peindre sous ces traits les théologiens de la vieille école et les romanciers de la nouvelle. Elle n'est ni supérieure ni inférieure a l'homme; elle est son égale, mais elle n'est pas exactement son semblable; je veux dire qu'elle n'est pas et ne doit pas être sa copie. Les facultés qu'elle partage avec lui ont un autre emploi que celui qu'il leur donne. Elle n'est faite ni pour la vie des camps, ni pour les discussions du barreau, ni pour les luttes de la tribune, ni pour les rudes travaux de l'industrie et de l'agriculture, ni, je pense, pour les cris sauvages qui retentissent dans les clubs et les meetings politiques: elle s'y enrouerait et ferait mentir ce joli mot de Labruyère : « La plus douce harmonie est la voix de celle qu'on aime. » A-t-elle été créée pour les fatigues d'esprit qu'on lui impose de nos jours, pour être bachelière, doctoresse, agrégée; pour être gorgée d'algèbre, de physique et de philologie comparée ? je ne le crois pas. Ce serait un crime,

sans doute, et une ingratitude de lui interdire l'accès de l'arbre de la science, puisque c'est elle qui nous a excités à en faire usage; mais, renonçant à en creuser les racines, qu'elle se borne à en cul-tiver la fleur et à en goûter les fruits qui se laissent cueillir à la main.

La destinée de la femme est d'être, dans la mesure des moyens dont elle dispose et suivant le milieu où le sort l'a placée, la divinité du foyer, la providence des faibles et des petits, l'ange de la charité, la consolatrice des affligés, la messagère de la conciliation et du pardon, la gardienne du feu sacré, non pas de ce feu matériel que l'antique Rome confiait à la vigilance de ses Vestales, mais de la flamme divine à laquelle s'allument la piété, le patriotisme, l'esprit de sacrifice, l'amour de toute beauté morale, les saintes et vivifiantes espérances.

Que la femme se présente devant nous, revêtue de cette parure, nous ne répéterons pas les paroles prononcées par Adam quand il vit pour la première fois sa compagne : « C'est l'os de mes os et la chair de ma chair »; mais nous lui dirons, nous mettant à la place de l'humanité : « Tu es l'âme de mon âme, la vie de ma vie, la plus chère et la plus précieuse moitié de moi-même ».

Mesdames, Messieurs, je finis sur ces mots. Si quelques-uns d'entre vous me reprochent d'avoir été trop favorable à une partie de cette réunion, ils m'accorderont du moins, en raison de mon âge, le mérite du désintéressement.

RAPPORT

SUR LES PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ

PENDANT L'ANNÉE 1884-1885

LU A L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU 17 DÉCEMBRE 1885

PAR M. THÉODORE REINACH, SECRÉTAIRE'

MESDAMES, MESSIEURS,

Chaque année, au mois de décembre, le Conseil d'administration de la Société des Études juives vient apporter ici, avec un tableau d'ensemble des publications de l'année, qui est une sorte d'examen de conscience, quelques paroles de remerciement pour nos collaborateurs et un pieux hommage à ceux de nos collègues qui ne sont plus. La mort, l'an passé, nous avait été clémente; cette fois elle nous a enlevé un de nos fondateurs les plus jeunes et les plus distingués, Henry Aron, ancien rédacteur du Journal des Débats et de la Revue politique et littéraire, ancien directeur des journaux officiels. Esprit lettré, plume ferme, polémiste redoutable par l'énergique sincérité de ses convictions, Aron n'avait que le seul tort, dans ce siècle ultra-démocratique, d'attacher en littérature,

L'année littéraire de la Société commençant désormais au 1er janvier, d'après une récente décision du Conseil, le présent rapport comprend l'analyse de tous les travaux parus dans les numéros 17 à 22 de la Revue. Toutefois, les articles encore incomplets sont renvoyés au Rapport de l'année prochaine.

RAPPORT SUR LES PUBLICATIONS DE LA SOCIETÉ

XXI

comme en amitié, plus de prix à la qualité qu'à la quantité des suffrages. Il ne m'appartient pas de faire ici le portrait de l'écrivain et de l'homme, dont la physionomie fine et triste restera gravée dans la mémoire de tous ceux qui l'ont connu. Je tiens seulement à adresser, en votre nom, un dernier adieu au collègue estimé de la première heure, dont l'adhésion nous a été d'autant plus sensible qu'il n'était ni hébraïsant, ni historien, ni en passe de le devenir. En venant à nous, Aron croyait faire simplement œuvre de curieux et œuvre d'israélite : c'est un exemple qui, Dieu merci, a trouvé des imitateurs.

Ce fait même l'adhésion à notre société de tant d'Israélites qui ne sont pas des savants et de tant de savants qui ne sont pas israélites-me paraît propre à inspirer quelques réflexions salutaires. Lorsqu'on nous demande si la direction que nous avons imprimée à la Société est bien celle qu'avait en vue, au moment de sa constitution, l'universalité ou la majorité de ses membres, lorsqu'on nous demande si nous usons véritablement dans l'intérêt commun des pouvoirs que vous nous avez délégués et des ressources que votre générosité met à notre disposition, c'est ce fait, il me semble, qui doit fournir la réponse.

L'intérêt de la science, l'intérêt du judaïsme, deux mots qui n'ont jamais juré de se voir accoupler ensemble une parole plus autorisée que la mienne vous le démontrait naguère voilà le double objet que nous nous sommes proposé en fondant la Société des Études juives. Il serait aussi inutile que maladroit de dissimuler que les souscripteurs qui ont répondu à notre appel appartiennent aussi à deux catégories différentes, qui se touchent sur bien des points, qui se confondent dans bien des esprits, mais qui n'en doivent pas moins être soigneusement distinguées.

[ocr errors]

La première catégorie a vu surtout dans notre entreprise une œuvre scientifique, une œuvre d'érudition qui allait combler une lacune dans notre presse savante, et contribuer à jeter la lumière sur un des côtés les plus intéressants de l'histoire de l'humanité. C'est comme curieux, c'est comme amis des études historiques ou philologiques, que ces souscripteurs nous ont apporté leur obole.

La seconde catégorie, et elle n'est pas la moins nombreuse

[blocks in formation]

a eu surtout en vue l'œuvre juive : œuvre détachée, par principe, de toute pensée de propagande ou même d'édification, puisque nous ouvrions aussi largement nos colonnes aux non israélites que nous les fermions aux polémiques religieuses, mais enfin œuvre essentiellement juive néanmoins, parce qu'elle était fondée par des Israélites, parce qu'elle était consacrée à l'étude du passé israélite, parce qu'il est difficile de s'intéresser aux annales d'une nation ou d'une foi sans une secrète sympathie pour elle, parce qu'enfin tout le monde, doctes ou ignorants, pressentait que le judaïsme n'avait rien à craindre et tout à espérer des lumières que nous appelions sur son origine et sur son développement trente fois séculaire.

Ainsi, Messieurs, un double public, dont nous sollicitions le concours, une double tâche dans notre programme servir les intérêts de la science sans trahir ceux du judaïsme, servir le judaïsme sans manquer aux devoirs envers la science tel fut, dès le début, notre mot d'ordre. Ce mot d'ordre, y sommes-nous restés fidèles ? Ce double programme, comment l'avons-nous rempli ? C'est ce qu'il me reste à examiner brièvement avec vous.

I

Un simple coup d'œil jeté sur la Revue de cette année suffira, je l'espère, à vous convaincre que nous continuons, au point de vue scientifique, à nous montrer dignes des suffrages de tous les hommes compétents; chaque nouveau volume apporte sa pierre à l'édifice, à toutes les parties de l'édifice que nous avons convié l'Europe savante à construire sous nos auspices.

Les découvertes épigraphiques les plus récentes sont, aussitôt connues, mises à profit dans notre recueil afin d'en extraire tout ce qui présente un intérêt immédiat pour nos études. Dans ces dernières années, des explorateurs courageux, au premier rang desquels figure notre compatriote M. Huber, mort victime de son dévouement à la science, ont rapporté d'Arabie de nombreuses inscriptions rédigées en araméen, en nabatéen ou en arabe archaïque.

« VorigeDoorgaan »