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Cette espèce de tènement ne peut avoir lieu que par la mort de la personne de qui l'héritier devait naître. La loi suppose, jusqu'à cette mort, la possibilité d'un héritier, même quand les donataires seraient l'un et l'autre centenaires (Blackstone, liv. 2, chap. 8).

SECT. 2.DES SUBSTITUTIONS PROHIBÉES.

96. L'art. 896 c. nap. porte: « Les substitutions sont prohibées. Toute disposition par laquelle le donataire, l'héritier institué, ou le légataire sera chargé de conserver et de rendre à un tiers, sera nulle, même à l'égard du donataire, de l'héritier institué, ou du légataire. » — - L'explication de cette disposition, les règles diverses dont son application est susceptible, feront la matière de cette section, que nous subdiviserons en six articles.

37. Faisons-le observer tout d'abord: ce que la loi prohibe, ce n'est pas le fideicommis lui-même, c'est ia substitution fidéicommissaire. Quant au fidéicommis, soit pur, soit à terme, soit même conditionnel, il ne tombe pas sous le coup de la prohibition, à moins cependant, dans ce dernier cas, que la condition ne soit que l'appelé survivra au grevé. Tous ces points seront développés dans le cours de cette section.

ART. 1.- Des caractères constitutifs de la substitution prohibée. 98. A ne consulter que les termes du code (art. 896), il semblerait que « toute disposition par laquelle le donataire, l'héritier institué, ou le légataire sera chargé de conserver et de rendre,» renferme une substitution. Cette notion, fort incomplète, manque aussi d'exactitude: dans toute substitution il y a bien charge de conserver et de rendre; mais dans toute disposition contenant cette charge, il n'y a pas substitution. On peut citer, entre autres exemples, les legs faits sous une condition suspensive ou résolu toire, les donations avec le droit de retour, etc.: dans ces divers cas, une personne est gratifiée, et elle conserve pour rendre. La loi ne les autorise pas moins, bien qu'en outre on y remarque la plupart des inconvénients qui, comme nous le rappellions dans nos observations préliminaires (no 17), ont motivé la prohibition générale des substitutions: incertitude de la propriété, facilité de tromper les créanciers par les fausses apparences d'une propriété incommutable, obstacle à la prospérité de l'agriculture, en ce que le possesseur n'a pas une qualité de propriétaire assez fixe pour

(1) Espèce :- (Hérit. Paulhiac C. de Lascoups.) La dame veuve Pourquery de Gardonne est décédée en 1788, laissant un testament mystique où on lit les dispositions suivantes :

« Je donne et lègue à M. l'abbé Paulhiac la tierce, partie de mes biens, meubles et immeubles..., en payant le tiers de mes dettes...-Je veux que la tierce partie léguée audit sieur abbé Paulhiac soit jouie par lui d'abord après mon décès, par indivis des deux autres tierces, avec mon héritière ci-après nommée, qui pourra seule faire cesser, quand bon lui semblera, l'indivisibilité des jouissances...- Si madite héritière laisse des enfants habiles à succéder, ils pourront réclamer la tierce donnée à l'abbé Paulhiac, pour les immeubles seulement, après sa mort, en comptant par eux, à ses héritiers, la somme de 4,000 liv... Voulant que ledit sieur ait le choix parmi les enfants susdits pour donner ladite tierce; au défaut duquel choix, l'ainé des mâles, ou, n'y on ayant pas, l'aînée des filles jouira seul ou seule du droit de retour pour ladite tierce. Tout comme au cas de prédécès de mondit sieur abbé Paulbiac avant mon héritière, le droit de retour aura lieu en faveur de cette dernière, aux conditions susdites... Je nomme, crée, institue pour mon héritière générale et universelle en tous mes biens, meubles et immeubles, non donnés ni légués, demoiselle Marie de Pourquery, ma chère fille, en, par elle, payant les deux tiers de mes dettes. >> Ce testament a été exécuté d'un commun accord par la demoiselle Pourquery et l'abbé Paulhiac. - Ce dernier est décédé en 1815, laissant un testament, à la date de 1809, par lequel il léguait à la demoiselle Pourquery l'usufruit de tous les immeubles et la propriété de tout le mobilier qu'il possédait à Livrac, lieu du domicile commun. demoiselle Pourquery est décédée elle-même en 1823, laissant pour héritier universel le sieur de Lascoups.

La

Celui-ci jouissait de la totalité des biens, lorsque en 1831, les héritiers de l'abbé Paulhiac ont intenté contre lui une action tendant: 1o au partage de la succession de la dame Pourquery, en trois portions, dont une leur serait attribuée du chef de l'abbé Paulhiac, en vertu du testament de 1788, lequel, suivant les demandeurs, devait être validé quant

se livrer sans inquiétude et de plein gré à tous les genres d'amé. lioration.

29. Quels sont donc tous les éléments constitutifs de la sub stitution prohibée? Avec celui que le code indique (c'est-à-dire la charge de conserver et de rendre), on la distinguera bien de ces manières de disposer par lesquelles une stipulation est fait au profit d'un tiers, en vertu de l'art. 1121, et qui renferment la charge de rendre, sans celle de conserver. Mais à quels autres signes la reconnaîtra-t-on entre toutes les dispositions, quelles qu'elles soient? Le trait, anciennement distinctif, qu'il ne fau pas un instant perdre de vue, c'est l'ordre successif, dans lequel doivent être appelés le premier et le second institué. C'est à celle marque surtout que le préambule de l'ord. de 1747 signalait les substitutions comme formant «un nouveau genre de succession, où la volonté de l'homme prenait la place de la loi. »

30. Toutefois la notion de cet ordre successif est elle-même complexe; et il est besoin de démêler les conditions diverses qu'elle implique ou dont elle suppose le concours. Il faut, 1o la coexistence de deux donations ou libéralités; 2o un certain laps de temps, tractus temporis, entre les ouvertures des droits respectifs : on a ajouté que le grevé devait n'être tenu de rendre les biens qu'à son décès. Ce caractère est celui de tous qui complète le mieux l'idée de l'ordre successif, qui simplifie le plus l'explication des substitutions; mais il n'a pas été unanimement admis par les auteurs. Nous en démontrerons plus loin la justesse et la nécessité. 3o Enfin la propriété doit reposer sur la tête du premier institué, de manière qu'elle ne soit révocable qu'en cas de survie et de capacité du substitué. - Tels sont, en résumé, les caractères généraux des substitutions prohibées. On n'en trouve le type formel dans aucunes de nos lois anciennes ou nouvelles ; mais ils se sont offerts ainsi à la pensée du législateur (ord. de 1747, préambule; M. Bigot-Préameneu, Exposé des motifs, V. Disposit. entre-vifs et testam., p. 32, note, no 9) comme à nos jurisconsultes de tous les temps (Ricard et Thévenot, chap. 1; MM. Rolland de Villargues, chap. 4; Grenier, des Donations, t. 1, p. 114 à 116; Toullier, t. 5, nos 21 à 24; Proudhon, de l'Usuf., t. 2, nos 440 et 441; Duranton, t. 8, nos 66, 72, 86; Coin-Delisle, sur l'art. 896, nos 7 et suiv.; Troplong, t. 1, nos 104 et suiv.). Il a été jugé que la disposition qui contient à la fois trait de temps et charge de conserver et de rendre a les caractères d'une substitution prohibée (Cass. 22 janv. 1839) (1).

31. Une simple énonciation des caractères de la substitution

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à l'institution de leur auteur comme ayant obtenu son plein et entier effet, mais devait, au contraire, être annulé relativement à la clause qualifiée droit de retour, comme constituant une substitution fidéicommissaire abolie par les lois de la révolution; 2o Au payement d'une somme de 15,000 fr., représentative des fruits qui auraient été indûment perçus par la demoiselle Pourquery, comme usufruitière des biens de l'abbé Paulhiac, en vertu du testament de ce dernier, en date de 1809, sur des biens qu'il avait personnellement acquis depuis ce testa→ ment, et qui, dès lors, n'entraient pas dans la disposition.

27 août 1835, jugement du tribunal de Bergerac qui rejette le premier chef de demande, et ordonne, sur le second, que les parties instruiront plus amplement quant à la date des diverses acquisitions faites par l'abbé Paulhiac. - Appel principal des héritiers Paulhiac; appel incident du sieur de Lascoups.

16 juill. 1855, arrêt de la cour de Bordeaux, qui repousse les prétentions des héritiers sur les deux chefs à la fois par les motifs suivants : « Attendu que la demande des héritiers Paulhiac n'est fondée que sur la supposition que le legs fait à leur auteur contenait une substitution fideicommissaire, éteinte à leur profit par la loi du 14 nov. 1792;

Mais que cette interprétation est repoussée à la fois par la lettre et par l'esprit des clauses testamentaires; qu'en effet, la testatrice y stipule le retour ou la faculté de reprise au profit de son héritière univer selle pour un cas prévu et arrivé depuis; Que le retour conditionnel, au profit des héritiers du donateur, pouvait, dans l'ancien droit francais, ètre stipulé dans une donation à cause de mort, comme dans tout autre acte de libéralité, ainsi que l'attestaient l'art. 4 de l'ord. de Mou lins et plusieurs auteurs recommandables, qui parlent des legs sujets à retour, et un arrêt du parlement du 22 janv. 1712, rendu pour fixer les effets d'un legs de cette nature;-Que ce droit de retour conventionnel ne fut pas atteint par la loi rétroactive sur les substitutions, comme le prouvent l'art. 74 de la loi du 17 nivôse et l'art. 5 de la loi du 25 vent. an 2;

» Attendu qu'on ne saurait voir un fideicommis déguisé sous cette

prohibée ne répand pas un grand jour sur cette matière, la partie la plus difficile et la plus importante de notre travail. Il faut faire connaître nettement la nécessité de chacun de ces caractères, sa nature, et les conséquences diverses qu'on en peut tirer. Il faut donc entrer dans des détails, en venir aux exemples. Or, les applications particulières que nous offrent la doctrine et la jurisprudence, nous les avons rangées, pour éviter la confusion, sous trois paragraphes, où nous traiterons séparément : 1o de la disposition faite au profit du grevé; 2o de la disposition faite au profit du substitué; 3° des dispositions conditionnelles permises, comparées aux substitutions prohibées.

§1.-De la disposition faite au profit du grevě.

32. Toute substitution suppose une première disposition faite au profit d'un grèvé. C'est ce qui résulte formellement de l'art. 896 c. nap.; de là aussi la maxime, fondée sur plusieurs textes: Nemo oneratus, nisi honoratus (L. 6, § 1, ff., De leg. 3o; L. 9, C., De fideicom.).—Mais quelle doit être la nature de cette disposition? A quels caractères la reconnaît-on? Quelles sont les conséquences du principe qui fait dépendre la substitution d'une première disposition? C'est à ce triple point de vue que se rapporteront les observations contenues sous ce paragraphe.

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33. Et d'abord, quelle doit être la nature de la disposition qui profite au grevé? L'art. 896 la fait assez connaître, en supposant tour à tour lè grevé, ou donataire, ou héritier institué, ou légataire. En vertu de l'une ou l'autre de ces qualités, et par un effet de l'ordre successif entre les deux transmissions, le grevé conserve la chose à rendre, non comme débiteur ou exécuteur d'un legs fait à terme ou sous condition, mais comme un propriétaire dont le droit n'est résoluble qu'autant que le tiers appelé survivra, et sera capable à l'époque fixée pour l'ouverture de la substitution (V. conf. Fusarius, Quæst. 274; Thévenol, no 90; MM. Coin-Delisle, sur l'art. 896, no 10; Troplong, t. 1, no 107). De cette première notion découlent plusieurs soluqualification de retour, parce que la testatrice n'avait aucun motif de prendre une voie détournée pour faire une disposition fort licite et d'un usage très-fréquent; - Qu'on ne trouve pas dans ses dispositions les caractères particuliers qui distinguent les substitutions; la faculté de reprise y est stipulée au profit de l'héritière universelle qui continue la personne du défunt, et se trouve saisie de tous les biens à l'instant même du décès, et par la seule force de son titre universel; -Qu'ainsi, cette héritière ne peut être considérée comme un tiers gratifié en second ordre; enfin le legs ne donne droit immédiatement qu'à des jouissances communes, et ne contient pas la charge expresse de conserver et de rendre, sans laquelle il ne peut exister de fideicommis;-Attendu que, si les ressemblances qui pourraient exister entre le fidéícommis et le retour conventionnel, les expressions et conditions contenues dans le testament de la veuve Pourquery, pouvaient faire naître quelque doute sur la véritable nature du legs contesté, ce doute devrait toujours être interprété dans le sens qui conserverait un plein effet à la volonté bien connue de la testatrice, surtout lorsqu'il s'agit, comme dans l'espèce, de préserver cette volonté sacrée des atteintes d'une loi rétroactive et dont les effets violents devraient être restreints plutôt qu'étendus;

» Attendu, d'ailleurs, que, de l'ensemble des dispositions du testament de la dame Pourquery, particulièrement de l'obligation imposée au légataire de jouir indivisément des biens donnés, et de l'interdiction absolue de provoquer aucun partage pendant la vie de l'héritière, réSulte la volonté la plus manifeste de subordonner l'étendue et l'importance du legs contesté à deux conditions alternatives et casuelles; Que ce legs ne devait comprendre que la jouissance du tiers des biens et une somme de 4,000 fr. dans le cas où l'héritière survivrait au lėgataire, et que la nue propriété de la tierce partie léguée ne devait être unie aux jouissances qu'autant que l'abbé Paulhiac survivrait à l'héritière, ce qui n'est point arrivé; - Qu'ainsi, et après les événements accomplis, Pierre Paulbiac n'eut jamais droit personnellement qu'aux jouissances et à l'usufruit, pendant sa vie, du tiers des biens laissés par la testatrice, et que l'héritière universelle est restée investic, après la mort du légataire, de tout l'émolument de la succession de Pourquery, à la charge de payer aux héritiers Paulhiac une somme de 4,000 fr.;

» En ce qui touche l'appel incident: Attendu qu'il résulte des diverses clauses du testament fait par l'abbé Paulhiac le 20 juill. 1809, notamment de celle qui renferme le legs d'usufruit fait au profit de la demoiselle Pourquery et de Jacques Paulhiac, que le testateur donne à l'un comme à l'autre de ses légataires l'usufruit de tous les biens qu'il laisserait à son décès dans la commune de Livrac; qu'en conséquence, la demoiselle Pourquery prit possession de tous les biens au décès du |

tions que nous appliquerons successivement au grevé simple ministre et au grevé fiduciaire.

34. Une personne a été chargée de rendre des biens légués à une autre; mais le testateur ne l'a choisie que pour exécuter ses volontés, sans entendre la gratifier, duntaxat ut ministrum elegit (L. 17, ff., De leg. 20). On conçoit qu'il n'y a pas là de substitution dans le sens que l'art. 896 donne à ce mot. La propriété n'a pas reposé un moment sur la tête du grevé. En cas de caducité, ce n'est pas à lui, mais à l'héritier du testateur qu'eût appartenu la chose. Telle est la doctrine de tous les auteurs (Ricard, chap. 10, no 5; Thévenot, no 538; M. Troplong, no 109), appuyée sur des lois expresses (L. 49, ff., De donat. int. vir, et ux.). C'est une sorte de mandataire ou d'exécuteur testamentaire, comme le fait remarquer Toullier (V. no 35), qui est, en cas pareil, constitué par le testateur.

35. Supposons même que le testateur se soit ainsi exprimě: « Je lègue à Pierre tel fonds, et je le charge de rendre ce fonds à Paul. » Cette espèce peut souvent se présenter. MM. Toullier, t. 5, no 30; Grenier, t. 1, p. 116, 2o éd.; Rolland de Villargues, no 131; Vazeille, sur l'art. 896, no 5; Poujol, sur les art. 896 et suiv., no 3; Coin-Delisle, sur l'art. 896, no 22, décident, avec raison, qu'elle ne tombe pas sous la prohibition de l'art. 896. Le disposant ne déclare point ici que le grevé conservera les biens qu'il doit restituer; qu'il en sera propriétaire pendant sa vie. Il n'y a pas cet ordre successif, résultant d'une double transmission, telle que le second institué ne jouisse des biens qu'après qu'ils auront été recueillis par le premier. La disposition dont il s'agit est un fideicommis pur (L. 79, ff., De cond. et demonstr.), et le droit qui en résulte pour l'appelé s'ouvre au moment même du décès du testateur (L. 5, § 1, ff., Quandò dies leg. ced.; V. aussi M. Troplong, no 95). Le grevé alors, selon l'expression de M. Toullier, «n'est qu'une sorte d'exécuteur testamentaire; il ne fait que prêter son ministère. » En vain essayerait-on d'induire, des circonstances et de termes ambigus, la volonté, dans le disposant, de faire profiter des biens le grevé. Il

testateur, et que plusieurs actes prouvent que la possession paisible, publique et à titre d'usufruit a été connue des héritiers Paulhiac et n'a point été interrompue par eux...>>

Pourvoi des héritiers Paulhiac : 1° Violation des lois abolitives des substitutions et notamment de la loi du 14 nov. 1792. 20 Fausse application de l'art. 549 et violation des art. 1019 et 1372 c. civ. Arrêt (après dél. en ch. du cons.).

LA COUR;- Sur le moyen tiré de la violation prétendue des art. 1019 et 1572 c. civ., et de la fausse application de l'art. 549 du même code: -Attendu que la cour royale de Bordeaux a interprété, comme elle en avait le droit, la disposition du testament de l'abbé Paulhíac, et que, par cette interprétation, fondée tout à la fois sur les termes dans lesquels la disposition est conçue, sur le sens dans lequel elle a été entendue par les parties, et sur l'ensemble des faits et circonstances dont l'appréciation lui appartenait, elle n'a violé aucune loi; - Rejette ce moyen;

Mais, sur le moyen fondé sur la violation de la loi du 14 nov. 1792; - Vu l'art. 2 de cette loi; - Attendu que, quant à la tierce partie de ses biens immeubles, donnée et léguée par la dame de Pourquery à l'abbé Paulhiac, ce dernier a été chargé de conserver et de rendre, puisque la testatrice, prévoyant le cas où son héritière laisserait des enfants habiles à lui succéder, a voulu que, moyennant le payement d'une somme de 4,000 fr., les héritiers de l'abbé Paulhiac fussent tenus de remettre les immeubles à lui légués, soit à l'héritière de la testatrice, soit, en cas de prédécès de celle-ci, à l'aîné des enfants de l'héritière, soit même à celui qu'il aurait la faculté d'élire en sorte que, dans aucun cas, l'abbé Paulhiac n'avait la libre disposition de la portion d'immeubles à lui léguée; -Que cette condition, inséparable de la disposition testamentaire de la dame de Pourquery, contient à la fois trait de temps et charge de conserver et de rendre, ce qui imprimé à la disposition le caractère d'une véritable substitution;

Que ce caractère ne peut être effacé par les mots droit de retour écrits dans le testament, puisque ce retour n'est stipulé ni au profit de la testatrice, ni même au profit de ses héritiers en général, mais, dans l'un des cas prévus par la testatrice, au profit d'un seul individu désigné soit par sa qualité d'aîné, soit par le choix déféré par la testatrice au lègataire; Que, dans ces circonstances, en décidant que la clause litigieuse ne contenait pas une substitution, et en rejetant par ce motif la demande des héritiers Paulhiac à fin de partage des biens de la succession de la dame de Pourquery, l'arrêt attaqué à violé la loi du 14 novembre 1792; Casse.

Du 22 janv. 1839.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Moreau, rap.Laplagne, 1er av, gén., c. conf.-White et Ledru-Rollin, av.

suffit qu'elle ne soit pas clairement énoncée; en vertu d'un principe qui trouvera fréquemment son application, aucun acte équivoque ne doit s'interpréter dans un sens qui en vicie ou annule la disposition. On voit que même l'ord. de 1747, qui cependant se montrait bien plus favorable aux substitutions, rejetait celles dites conjecturales, ou fondées sur de simples présomptions (art. 19 et 21). — Il a été décidé en ce sens que la clause par laquelle un testateur charge un légataire universel de partager la succession entre ses héritiers n'est point prohibée par la loi (Paris, 31 juill. 1819, aff. Bruère, V. Disp. entre-vifs et testam., no 3493).—V. aussi no 64.

36. Mais supposons qu'un terme ait été fixé à la restitution: «Je veux que le fonds légué soit remis à Paul dans dix ans.>> Il ne résulte pas encore de là que la propriété doive reposer sur la tête du grevé. Selon les circonstances et les expressions de l'acte, on le considérera ou comme légataire d'un usufruit à temps, disposition parfaitement compatible avec celle de la nue propriété (898 c. civ.), ou comme grevé de fiducie (V. les numéros suivants). La disposition dont il s'agit renferme ce qu'on appelle un fideicommis à terme (V. Conf. MM. Troplong, no 95; CoinDelisle, sur l'art. 896, no 22); le droit du fidéicommissaire « est acquis au même instant et aussi invariablement que celui du grevé; la délivrance seule est retardée par le terme. Cedit dies, sed nondùm venit » (M. Toullier, t. 5, no 51). L'ordre successif manquant, cette manière de disposer n'a jamais été, même sous l'ord. de 1747, comprise dans la classe des substitutions (V. M. Rolland de Villargues, loc. cit.). Il en serait autrement, comme nous l'expliquerons plus loin, § 2, si le terme fixé pour la remise était le décès du grevé; la disposition prendrait le caractère non plus d'un legs sous condition suspensive, mais d'une substitution véritable. C'est ce que remarque aussi le dernier des auteurs cités, no 152.

37. Les conséquences que nous déduisions tout à l'heure, à l'égard du grevé simple ministre, ne s'appliquent pas moins au grevé de fiducie. Sous cette dénomination ou celle d'héritier fiduciaire, l'usage désigne, selon Merlin, Rép., vo Fiduciaire (héritier), «la personne que le testateur a chargée, en l'instituant héritière pour la forme, d'administrer la succession, et de la tenir en dépôt jusqu'au moment où elle doit la remettre au véritable héritier. » Telle est la définition qu'en donne aussi la cour de Toulouse, dans son arrêt du 18 mai 1824 (Aff. Anglas, V. infrà, no 45; V. également MM. Troplong, n° 109; Coin-Delisle, p. 39, note, 2e col.; Saintespès-Lescot, Des donat. et testam., t. 1, no 93).— Par la fiducie, on préfère, en général, aux dangers d'une tutelle les soins et l'attachement d'un ami, d'un parent, qui nous inspire plus de confiance que le tuteur pour la régie des biens dont on a disposé. «Le grevé, dit aussi Thévenot, no 541, est héritier fiduciaire, quand il paraît que la restitution du fidéicommis n'a été différée par le testateur que pour l'avantage du substitué, et non pour rendre le fideicommis conditionnel; en telle sorte que le testateur ait entendu confier l'administration au grevé dans l'intervalle, pour ainsi dire à titre de tutelle. » (Tutelam magis quàm incertum diem fideicommissi constituisse....; L. 46, ff., Ad S. C. Treb.). Un objet déterminé peut, aussi bien qu'une hérédité, être donné en fiducie (L. 43, § 3, ff., De legat., 2o; Merlin, loc. cit.).

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38. Mais quels sont les droits de l'héritier fiduciaire? Il faut les connaître pour le distinguer du grevé de substitution; car, comme le dit Merlin, loc. cit., no 2, « la loi du 14 nov. 1792, tout en abolissant les substitutions fidéicommissaires, n'a porté Aucune atteinte aux simples fiducies; et aujourd'hui encore les fiducies peuvent avoir lieu, nonobstant l'art. 896 c. civ. »> Les notions du droit romain et de l'ancienne jurisprudence sur les droits de l'héritier fiduciaire, telles qu'elles sont présentées par les auteurs, se résument en ce peu de mots : 1o n'étant héritier que de nom, et comme simple administrateur, il ne fait pas siens les fruits de l'hérédité, et il doit la rendre à l'époque réglée par la disposition. Telle était notamment la jurisprudence du parlement de Bordeaux, attestée par un acte de notoriété du 20 juill. 1783, que rapporte Salviat, p. 287 (L. 78, § 12, II., Ad (1) (Broussard C. Broussard.) - LA COUR; · Considérant que lorsque Jean Pialoux a, dans son testament de 1754, institué héritier Claude

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S. C. Treb.; L. 3, § 3, ff., De usur.; V. aussi Merlin, Rép., vo Fiducie; Maynard, liv. 5, ch. 85; MM. Troplong, no 109; Saintespès-Lescot, t. 1, no 93). - 2o L'héritier fiduciaire était traité par les lois romaines citées avec moins de rigueur que le tuteur; il pouvait, sans autorisation de justice, exiger les capitaux dus à son pupille (Parlement de Bordeaux, arrêts des 21 janv. 1657 et 21 fév. 1658; La Peyrère, lettre H, no 20), et il ne devait pas, en cas de retard, les intérêts des intérêts (Salviat, loc. cit.). - 3° De ce que l'héritier fiduciaire n'a pas la propriété des biens, il suit qu'en cas de prédécès de la personne à qui la remise en devait être faite, c'est l'héritier du disposant qui les recouvre (L. 46, if., Ad. S. C. Treb.). · 4° Du même principe il suit encore qu'il ne doit point de son chef les droits d'enregistrement pour la mutation opérée par le décès de l'instituant. Il les payera comme détenteur de la succession; mais ses avances lui seront remboursées par le véritable appelé, qui ne sera point assujetti à un nouveau droit lorsque les biens lui seront restitués. Telle est l'opinion de MM. Merlin et Rolland de Villargues, loc. cit., confirmée par la cour suprême (Rej. 23 nov. 1807, aff. Baral, citée au numéro suivant). C'est ainsi que, sous le régime féodal, il n'était tenu d'aucun des droits seigneuriaux auxquels donnait lieu l'ouverture des successions. Henrys, liv. 3, quest. 22, cite un arrêt conforme du parlement de Paris, du 14 août 1634. 39. A quels caractères une simple fiducie se distingue-t-elle d'une substitution? Toute la question se réduit à savoir si le disposant n'a consulté que les intérêts de l'appelé, en différant la remise, ou s'il a institué le grevé pour son propre avantage. Entre les règles diverses proposées par les auteurs pour l'interprétation de la volonté du disposant, la plus sûre, celle qui, comme telle, a la préférence de MM. Merlin, Rép., vo Fiduciaire (héritier), no 3; Rolland de Villargues, no 134; et Troplong, no 110, se puise dans la loi 46, ff., Ad S. C. Treb. Henrys, liv. 5, quest. 22, la reproduit en ces termes : « Comme l'institution fiduciaire est toute conjecturale, et qu'elle dépend des termes du testament, c'est aussi de la prudence des juges àjuger quelle a été l'intention du testateur, et s'il a plutôt voulu instituer la mère pour les enfants et à leur considération, que pour elle-même. >> Il a été décidé que la question de savoir si une disposition offre une fiducie ou un fidéicommis, est une simple question de volonté dont la solution est abandonnée à une appréciation entièrement libre des termes employés par le disposant. Il n'est aucun terme que les lois romaines regardent comme un caractère nécessaire de la fiducie (Rej. 25 nov. 1807, aff. Baral, V. Enreg., no 4117; Toulouse, 18 mai 1824, aff. Anglas, V. n® 45).

40. Différents caractères de la fiducie ont bien été posés par les lois romaines; mais ces caractères, comme l'a jugé l'arrêt déjà cité de la cour suprême (aff. Baral), n'ont rien d'obligatoire. C'est ce que reconnaissent ces lois elles-mêmes.-Par exemple, il n'est pas nécessaire, 1° que l'appelé soit l'enfant du disposant (L. 78, § 3, Ad S. C. Treb.); 2o que le substitué soit parent de l'un ou de l'autre (L. 4 et 48, § 13, eod. tit.; arrêt du parlement de Bordeaux, rapporté par Salviat, p. 288); 3° que l'appelé soit en bas âge, tel qu'il ait besoin d'un tuteur (L. 46, ff., Ad S. C. Treb.; et L. 45, § 3, De legat., 2o); 4o que l'institué soit chargé de rendre l'hérédité entière: en l'autorisant à retenir un fonds, l'instituant, selon la loi 3, § 4, ff., De usur., ne change pas lá nature de la fiducie; 5o que la remise soit effectuée avant la majorité, quoique cette circonstance seule forme une grave présomption; c'est ce que décide la loi précédente. Il a été décidé: 1o qu'on avait pu voir une fiducie dans la disposition par laquelle un père, ayant des enfants mineurs, avait disposé en faveur de son frère, à charge de remettre à ses enfants, sans fixer d'époque à la remise (Rej. 23 nov. 1807, aff. Baral, V. Enreg., 4117); 2o Que la disposition par laquelle un testateur a institué un tiers pour son héritier universel, à la charge de remettre l'hérédité à son fils, lorsqu'il aurait atteint un certain âge, peut être considérée comme une simple fiducie, et non comme une substitution prohibée (Grenoble, 9 janv. 1815) (1).

41. Y aurait-il fiducie si la restitution avait été ajournée

Broussard, à la charge de remettre son hérédité à Jean-André Pialoux, quand il aurait atteint sa dix-huitième année, il est censé, aux termes

jusqu'au décès de l'institué? Non, ce serait une substitution prohibée. Alors tout porte à croire que la disposition a été faite pour l'avantage personnel du grevé non moins que du substitué. La loi 1, § 2, ff., De cond. et dem., la déclare un fidéicommis conditionnel ordinaire. Maynard, liv. 5, chap. 85, rapporte un arrêt conforme du parlement de Toulouse, du 17 avril 1751. Tel est le sentiment de MM. Merlin et Rolland de Villargues, loc. cit. On voit aussi que les lois romaines, quand elles parlent de l'époque de la remise, la supposent toujours faite avant que l'appelé ait atteint ou sa quinzième année ou un âge déterminé, certam àtatem.

48. Quid si l'institué avait reçu du testateur le pouvoir d'élire entre les appelés ?-Merlin, Rép., vo Fiduciaire (héritier), no 3, voit, dans ce cas, une substitution. Il invoque un arrêt du parlement de Toulouse, du 18 avril 1787 (rapporté par Dejuin, t. 1, § 108), qui a jugé non fiduciaire l'institution d'une mère et d'un frère « chargés de rendre à deux enfants du testateur,tels

de la loi 46, ff., Ad senatús cons. Trebellian., avoir voulu, en éloignant le temps de l'entrée en jouissance de la succession de son fils, lui donner un tuteur fiduciaire et non pas avoir voulu apposer à son testament une condition de l'événement de laquelle dépendait le sort de son héritier; que d'après la doctrine des auteurs il ne reste aucun doute sur la volonté du testateur, lorsque, comme au cas présent, c'est en faveur d'un fils en bas âge que la substitution est faite; que l'héritier institué est un proche parent ou un homme de confiance du testateur, que cet héritier est obligé de rendre la totalité de la succession, enfin, lorsqu'il y a jour déterminé pour remettre la succession; Que cette volonté se trouve encore manifestée dans la précaution qu'a prise le testateur de donner à son fils sa légitime de droit, puisqu'il a voulu, par cette disposition, prévenir la demande en nullité de son testament pour vice de prétérition, qui, si elle eût été accueillie, aurait privé son fils de l'avantage d'un administrateur de confiance, et l'eût soumis à tous les inconvénients d'une tutelle ordinaire;

Que, dès lors, aux termes de la même loi, la propriété de l'hérédité de Jean Pialoux a résidé dès le jour de son décès, sur la tête de JeanAndré Pialoux, son fils; d'où il suit que celui-ci a eu le droit d'en disposer, comme il l'a fait par son testament de 1751;- Confirme, etc. Du 9 janv. 1815.-C. de Grenoble, 1гe ch.-MM. Brun, pr.-Corréard et Repitton, av.

(1) Espèce: (Dumas C. Pagès.) - Par son testament en date du 30 avr. 1773, le sieur Malignon institua pour ses héritières universelles par égales parts Marie Malignon, sa mère, et Hélène Chalvet, son épouse, à la charge de remettre son hérédité à celle des deux filles du testateur qu'elles choisiraient lorsqu'elle aurait atteint sa vingt-cinquième année, ou plus tôt si bon leur semblait, les dispensant de toute reddition de compte; «et, en cas, y était-il dit, où l'une de ces deux héritières vint à décéder avant l'élection, il sera permis à l'autre de la faire seule. >> En 1787, l'une des filles du testateur contracta, avec Pierre Pagès, un mariage, lors duquel Hélène Chalvet, sa mère, sans la participation de sa belle-mère vivante, fit élection de sadite fille, mais pour prendre possession seulement lorsque sadite fille aurait atteint sa vingtcinquième année; cette élection fut approuvée par la veuve Malignon, le 25 juill. 1793, avant la loi du 17 niv. an 2. - En l'an 4, la seconde fille se maria avec Jean Dumas.

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- Après le décès de la mère et de la femme du testateur, arrivé en l'an 8, et en 1831, il s'élevà la question de savoir si l'élection faite par Hélène Chalvet était valable.

Le tribunal de l'Argentière se prononça pour la validité de l'élection. Appel par les époux Dumas ou leurs héritiers. On agite les questions ci-dessus indiquées. Les appelantes ont soutenu qu'il ne pouvait pas y avoir simple fiducie dans le testament de Joseph Malignon, parce que l'héritier qui devait recueillir directement des mains du testateur n'y était pas nommé. Ils se fondaient sur la loi 32, ff. De hæredibus instituendis, rigoureusement observée dans le parlement de Toulouse, et qui déclarait nulle toute institution d'héritier dont le choix était confié à un tiers, et ils disaient que si l'institution n'eût été que fiduciaire, Ja faculté d'élire n'aurait pu valablement être exercée après la loi du 7Í mars 1793; ils s'appuyaient, à cet égard, d'un arrêt de la cour de cassation, rapporté par M. Merlin, Rép., vo Choix, et d'un autre arrêt du 18 janv. 1820, V. Disp. entre-vifs et testam. - Arrêt.

LA COUR;

Attendu que la question de savoir si une institution offre une fiducie ou une substitution fideicommissaire, se décide par l'intention qu'on découvre avoir dirigé le testateur; Que si le testateur est un père qui institue un héritier, à la charge par lui de rendre cette hérédité aux enfants du testateur, on présume déjà que, dans cette institution, le père n'a voulu se donner qu'un héritier de nom, et pour la forme, un simple administrateur de cette hérédité; mais cette présomption se réduit en certitude lorsque ces trois circonstances concourent, savoir, que les enfants sont en bas âge, que la remise de l'hérédité doit leur être faile, au plus tard, à la fin de leur minorité, ou autre temps

qu'ils voudraient choisir. Ce droit d'élection, dit l'arrêtiste, a fait conclure que l'hérédité était véritablement sur la tête des héritiers nommés, et que les enfants n'étaient que substitués. »

Merlin ajoute: « L'art. 19 de la loi du 9 fruct. an 2 confirme expressément cette décision. »>-La question s'est présentée plusieurs fois devant les tribunaux, et elle y a été diversement résolue. Ainsi il a été décidé: 1o qu'une disposition par laquelle un père, ayant des enfants mineurs, a disposé en faveur de son frère, à charge de remettre à ses enfants, sans fixer d'époque à la remise, et en lui donnant la faculté d'élire, peut être qualifiéo fiducie (Rej. 23 nov. 1807, aff. Baral, V. Enreg., no 4117); 2° Que l'institution de deux héritiers par portions égales, à la charge de remettre l'hérédité à celui des deux enfants du testateur qu'ils choisiront, lorsqu'il aura atteint sa vingt-cinquième année, ou plus tôt, si bon leur semble, renferme une simple fiducie, et non une substitution (Nimes, 16 déc. 1833) (1).

43. Au contraire, il a été jugé qu'il y a substitution prohibée

certain et limité, et que c'est la mère ou autre personne de confiance qui a été instituée héritière. Alors l'intention du testateur se révèle pleinement. C'est une véritable fiducie qu'il a voulu faire, et non pas une substitution fideicommissaire. Les lois romaines sont précises à ce sujet. Un tel héritier est nommé par elles hæres fiduciarius, l'hérédite, hæreditas fiduciaria. Elles ne voient aussi qu'une véritable fiducie dans l'institution d'héritier faite d'un de ses proches parents par une mère, à la charge de rendre son hérédité à la fille de la testatrice, quand cette fille serait parvenue à un âge certain et déterminé, afin de confier la fortune de sa fille à l'intérêt qu'y prendrait un parent plutôt qu'un tuteur. La jurisprudence du parlement de Toulouse est constante sur ce point; on ne saurait la contester, et ce sont les lois romaines et cette jurisprudence qui régissent la cause;

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Attendu que le testament de Joseph Malignon respire la fiducie de la manière qui caractérise le plus formellement cette institution : il institue sa femme et sa mère ses héritiers d'égales parts, pour remettre son héritage à tel de ses enfants que bon leur semblera lorsqu'ils auront vingtcinq ans, ou plus tôt si bon leur semble. Le père est le disposant; Les enfants sont en bas âge. Il n'institue leur mère et leur grand'mère que pour remettre son héritage à tel d'entre eux que bon leur semblera lorsqu'ils auront vingt-cinq ans, terme certain, qui n'est pas prolongé au delà de leur minorité, ou même plus tôt si bon leur semble; toutes ces dispositions sont dans l'intérêt des enfants; les héritiers institués ne les ont que de nom, et pour la forme, afin que l'héritage soit confié à l'amour maternel qui ne connaît point d'égal, plutôt qu'à des tuteurs. C'est l'enfant qui sera élu qui sera le véritable héritier; l'hérédité ne repose pas un seul moment sur la tête de cette mère et de cette aïeule. Celui des enfants qu'elles éliront est héritier non ex nunc (du moment de l'élection), mais ex tunc (du jour du décès de son père); la remise de cette hérédité n'est prorogée, par le testateur, que dans l'intérêt de cet héritier, et jusqu'à l'époque où il sera capable de l'administrer par lui-même; et en attendant, et dans son seul intérêt, la mère et l'aïeule l'administreront (administration qui ne constitue évidemment qu'une véritable fiducie);

Attendu que ce qui le prouve d'autant mieux, c'est que pour manifester qu'il ne défère que cette administration, cette espèce de tutelle à cette mère et à cette aïeule, Joseph Malignon les décharge expressément de rendre aucun compte ; le véritable héritier fait les fruits siens; lo simple administrateur en fait compte. Il doit les restituer quand vient la remise de l'hérédité dont l'administration lui est confiée, à moins que le testateur ne l'ait dispensé de cette reddition de compte et de cette prestation de reliquat de compte, de cette restitution de fruits qui n'incombent qu'à l'administrateur; il n'y a donc ici qu'une véritable fiducie ;

Attendu qu'on oppose vainement que le droit d'élire laissé par Malignon à sa femme et à sa mère de remettre son héritage à celui de ses enfants que bon leur semblera, convertit ici la fiducie en fidéicommis. C'est un pur ministère nudum ministerium, qu'il a conféré par là à cette mère et à cette aïeule, toujours dans l'intérêt de ses enfants, pour que l'espèce de cette élection fût pour chacun d'eux un encouragement, ce qui ne pouvait tourner qu'à l'avantage de tous les deux;

Attendu que l'arrêt rendu par le parlement de Toulouse en 1731, et rapporté par de Juin, ne fait ici aucun obstacle, modica circonstancia facti nunquam inducit diversitatem juris, il y a cette énorme différence entre l'espèce de cet arrêt et l'espèce actuelle, que, dans la première, l'époque de la remise de l'héritage n'était pas fixée, au lieu que dans la dernière cette époque est fixée à un temps certain et déterminé qui n'excède pas la majorité des enfants du testateur. Les motifs de l'arrêt de 1731 ont dû être pris de l'indétermination de ce délai, et nullement dans les autres considérations que cet arrêtiste rapporte, et qui sont tous contraires à la jurisprudence bien constante du parlement de Toulouse, attestée par Maynard, t. 1, liv. 5, ch. 85; Cambolas, liv. 4, ch. 5; Vedel sur Catalan, liv. 2, ch. 7, et M. do Laviguerie en

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sos Arrêts inédits du parlement de Toulouse, t. 1, au mot Fiducie, et les arrêts que ces auteurs rapportent;

Attendu que la fiducie se trouvant bien caractérisée et bien constante dans le testament de Malignon, l'on ne peut méconnaître que l'élection à cette hérédité à été faite régulièrement et en temps opportun, non que cette élection faite par la mère seule, en 1787, fût suffisante, si l'aïeule ne l'avait confirmée ou ne l'avait ratifiée qu'après la promulgation des lois nouvelles qui ont aboli le droit d'élire; mais cette confirmation, cette ratification sont intervenues avant la promulgation de la loi du 17 niv. an 2, qui, la première, abolit ce droit d'élire par son art. 23, et annule même toutes ces sortes d'élections qui n'auraient été faites que le 14 juill. 1789 ou depuis; or, l'art. 7 de la loi du 18 pluv. an 5 rapporte cet effet rétroactif qui viciait l'art. 25 de la loi du 17 Aiv.; et il dispose textuellement que les élections d'héritier qui ont été annulées par les art. 25 et 26 de la loi du 17 niv. an 2, à compter du 14 juill. 1789, sont rétablies dans leur effet primitif, si elles ont été faites par acte ayant date certaine avant la promulgation de ladite loi du 17 niv.; » d'où il résulte que l'élection ayant été faite par la mère, par acte public, le 30 sept. 1787, et la ratification ou confirmation par la grand'mere, le 25 juill. 1793, par acte public aussi, et du vivant même de la mère, ces actes sont intervenus avant la publication de la loi du 17 niv. an 2; donc, cette élection, qui n'avait été abolie que par la loi du 17 niv. an 2, se trouve rétablie dans son effet primitif, sans que la loi du 7 mars 1793, qui abolit la faculté de disposer en ligne directe, exerce ici aucune influence, cette élection n'étant pas une disposition en ligne directe, mais seulement l'exercice d'un ministère; l'électeur ne transmet rien du sien à l'élu; Par ces motifs, a démis de l'appel.

Du 16 déc. 1855.-C. de Nimes, 3e ch.-M. Thourel, pr.

-

(1) Espèce: (Jean Viguier.) Un jugement du tribunal du département du Lot avait décidé ainsi. Jean Viguier en a demandé la cassation. Jugement. LE TRIBUNAL; Attendu que, par son testament du 24 juin 1779, Jean Viguier, père commun des parties, institua Françoise Burgalière, son épouse, son héritière universelle et générale, à la charge par elle de rendre son hérédité, quand bon lui semblera, à tel de ses fils ou fille qu'elle jugera à propos, et sans aucune reddition de comptes, de quoi il la dégage par exprès; qu'une telle clause renferme tous les caractères d'une vraie substitution fidéicommissaire avec pouvoir d'élire, et non pas seulement une simple faculté d'élire ou fiducie, puisque Françoise Burgalière se trouve instituée directement, qu'elle n'est point tenue de rendre l'hérédité à une époque déterminée, et que les enfants éligibles ne sont point institués directement; - Rejette, etc. Du 18 frim. an 5.-C. C., sect. req.-M. Aretty, rap. (2) Espèce (Les frères Molière.) Le 31 janv. 1788, Louis Molière lègue à chacun de ses enfants leur légitime, et institue pour héritière universelle Madelaine Courbis, sa femme, pour jouir de son héritage après son décès, à ses plaisirs et volonté, sans être tenue à aucune reddition de compte, à la charge néanmoins de remettre à la fin de ses jours, ou quand bon lui semblera, son héritage à celui de ses quatre enfants qu'elle voudra choisir, lui donnant en outre le pouvoir de vendre et engager en cas de besoin. Le testateur décède peu de temps après. En exécution de ses dispositions, l'instituée a, par acte du 19 mars 1792, restitué à Pierre Molière, son fils aîné, les biens compris dans l'institution. En l'an 10, décès de la veuve Molière. Ses deux enfants, Henri et Joseph Molière, forment contre Pierre, leur frère, une demande en nullité de l'acte de restitution, comme contraire aux lois abolitives des substitutions. Pierre Molière soutient que la dispense de rendre compte, et la faculté de vendre accordée à l'instituée, écartait toute idée de substitution; qu'il s'agissait d'une véritable fiducie, qui avait imposé à l'instituée une obligation naturelle de rendre; que cette restitution ayant été effectuée, devait produire des effets irrévocables.

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Le 9 fruct. an 12, le tribunal de Privas maintint l'acte de restitution: -Attendu « qu'une substitution et un fidéicommis ne s'établissaient ni par induction ni par présomption; qu'ils devaient être clairement exprimés, et que, lorsqu'ils ne l'étaient pas, la règle la plus sûre, en matière de testament, voulait que l'on recherchât l'intention et la volonté du testateur dans la disposition même; - Que Louis Molière avait visiblement entendu ne faire à sa femme qu'un don d'usufruit, et lui en assurer la jouissance exclusive en la dispensant de rendre compte; Qu'en la chargeant de remettre l'héritage à celui de ses quatre enfants qu'cile voudrait choisir quand bon lui semblerait, il avait manifesté la❘ volonté de le fixer sur la tête de l'enfant qui serait élu, plutôt que sur celle de sa femme qu'il n'avait désignée que pour être la gardienne secrète de ses intention Que cette charge de remettre n'était qu'un

jouir à ses plaisir et volonté, sans être tenue à aucune reddition de compte, à la charge néanmoins de remettre les biens à la fin de ses jours ou quand bon lui semblera, à celui de ses enfants qu'elle voudra choisir, et avec le pouvoir de vendre et engager en cas de besoin (Nimes, 17 août 1808) (2);-3o Dans la disposi tion par laquelle un père, qui a des enfants en bas âge, a institué

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Appel.

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simple ministère, un mandat, une faculté de choix et d'élection parmi les enfants, en faveur de celui qu'il destinait pour son héritier; que l'acte d'élection établissait qu'en choisissant Pierre Molière, son fils aîné, la veuve grevée n'avait fait qu'exécuter l'intention et la volonté de son mari, ainsi qu'elle s'en était expliquée; - Qu'en abolissant les substitutions, les lois de 1792 n'avaient pas entendu abolir la faculté d'élire et choisir, conférée par l'époux decédé au survivant, puisque ce droit avait été expressément conservé par la loi postérieure du 17 niv. an 2, et que celle du 18 pluv. an 5 avait voulu que les élections d'héritier ou de légataire fussent maintenues, lorsqu'elles avaient date certaine et qu'elles étaient faites par des actes avant la publication de la loi du 17 niv. an 2; — Que celle dont il s'agissait était précisément dans ce cas, puisqu'elle avait été faite par acte public du 16 mars 1793, près d'une année avant la loi prohibitive. »> Arrêt. LA COUR; · Considérant qu'il résulte du testament de feu Louis Mo→ lière père: 1° qu'il y institua très-distinctement Madelaine Courbis, sa femme, pour son héritière universelle, et que la jouissance qu'il lui donna ne fut qu'une conséquence de cette institution; 2° qu'il la chargea non moins précisément de remettre, à la fin de ses jours ou quand bon lui semblerait, sondit héritage à celui de leurs quatre enfants qu'elle voudrait choisir; Considérant qu'il n'y a là ni doute ni ambiguïté qui puisse autoriser au recours, à l'interprétation de volonté, et que c'est, au contraire, le cas de s'en tenir à la lettre de la disposition testamentaire; d'où il en résulte bien clairement que l'hérédité ayant été directement déférée, primo gradu, à la femme du testateur, elle seule a pu et dû être héritière universelle pendente conditione, et qu'il en résulte aussi que la charge de rendre dans un temps incertain, qui lui fut imposée, laissa la droit des éligibles en suspens jusqu'à son décès, ou jusqu'à ce qu'elle fit, en faveur de l'un d'eux, une élection régulière;- Considérant qu'à cette double circonstance d'institution d'héritière et de chargée de remettre l'hérédité, il est impossible de méconnaître la substitution fidéicommissaire, telle qu'elle est indiquée par tous les commentateurs, notamment par Ricard, dans son Traité sur les substitutions, chap. 1, substitution qui s'opérait, selon le droit ancien de la France, par des termes obliques et indirects de prière, charge ou injonction, adressées à l'héritier grevé, pour le soumettre à rendre ce qu'il avait directement recu; Considérant que l'institution d'héritier confère essentiellement le droit de propriété; que si une seconde clause emploie les mots pour jouir de l'héritage, il ne faut pas lui donner un sens destructif de la disposition première, mais bien l'expliquer d'une manière concordante; que les mots jouir sont employés, non par exclusion de droit de propriété, mais pour indiquer la destination de cette propriété à laquelle le substitué est appelé, et que la dernière clause de la disposition explique le motif de la libéralité du testateur, sans diminuer la force et l'étendue de la première partie de cette disposition, ainsi que l'a décidé la cour de cassation, le 19 niv. an 12, sur le texte précis du droit romain, notamment sur la loi 2, ff., De usuf. ex rerum quæ usu cons., et sur la loi 16, ff., De auro et arg.; Considérant que l'art. 3 de la loi des 25 oct.

et 14 nov. 1792 porte que « les substitutions ouvertes lors de sa publication n'auront d'effet qu'en faveur de ceux seulement qui auront alors recueilli les biens substitués, ou les droits de les réclamer; » qu'à l'époque de cette publication, Madelaine Courbis, héritière grevée, était en possession de l'hérédité de son mari, et qu'elle n'avait transmis à aucun de ses enfants éligibles le droit de la réclamer; que peu importait, après cela, que Madelaine Courbis eût élu Pierre Molière, l'un d'eux; qu'il ne pouvait plus être question d'élection du moment où le fideicommis avait cessé d'exister par l'abolition prononcée, puisque dès lors la propriété des biens substitués s'était trouvée consolidée irrévocablement sur sa propre tête, et que, dès que l'élection n'avait pas précédé la publication de ladite loi des 25 oct. et 14 nov. 1792, les biens originairement substitués, de même que le propre patrimoine de ladite Courbis, veuve Molière, devaient rester en réserve pour composer la succession future; Qu'en vain l'intimé prétend que la loi des 25 oct. et 14 nov. 1792, abolitive des substitutions, produisit un effet rétroactif qui ne pouvait aujourd'hui être maintenu; que, dans l'espèce, aucun des enfants Molière n'ayant été nominativement désigné dans le testament de Louis Molière, pour recevoir l'hérédité de la main de son épouse, héritière grevée, et le droit d'élire ayant été par lui conféré à celle-ci, le droit des éligibles se trouvait en suspens lors de la publication de la loi abolitive; qu'aucun des enfants Molière n'avait alors un droit acquis pour recueillir l'héritage; que le choix de la mère pouvait varier et se fixer indifféremment sur l'un plutôt que sur l'autre, et que dès lors ladite loi n'avait enlevỏ aux enfants Molière aucun droit acquis, et n'avait produit vis-à-vis d'eux aucun effet rétroactif; — Qu'en vain l'intimé prétendrait encore que le

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