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renonce, en retenant avec le don de ma part de réserve, soit que j'accepte, le disponible étant pris par un étranger. Ce n'est pas à vous, d'ailleurs, à tirer profit de ce que la donation m'a été faite. Donc il vous suffit que votre part de réserve soit intacte. -A nos yeux, ce raisonnement n'est concluant que si l'on admet deux portions disponibles: l'une, absolue et fixe, vis-à-vis l'étranger; l'autre, relative et variable, vis à-vis les enfants des ascendants. Or une telle distinction est-elle conciliable avec les textes du code Napoléon? Les libéralités ne pourront excéder, dit l'art. 913 c. nap., sans distinguer si elles sont faites à un héritier ou à un étranger. Nulle distinction, également dans l'art. 920, qui autorise la réduction. Mais la preuve qu'il n'y a pas deux portions disponibles nous paraît résulter surtout de l'art. 845, rapproché de l'art. 844, ou considéré en lui-même.-Aux termes de l'art. 845, «l'héritier qui renonce à la succession peut cependant retenir le don entre-vifs ou réclamer le legs à lui fait, jusqu'à concurrence de la quotité disponible. » Or, le sens de ces mots se détermine par l'art. 844, qui, à l'égard des dons par préciput, statue que « l'héritier venant à partage ne peut les retenir que jusqu'à concurrence de la portion disponible: l'excédant est sujet à rapport. » Dans ces deux articles, les mots portion disponible et quotité disponible ont le même sens, et s'entendent de ce qui n'est pas rapportable par le donataire dispensé du rapport. La portion disponible doit donc se calculer de la même manière, que l'héritier soit donataire par préciput ou en avancement d'hoirie. D'ailleurs l'art. 845 assimile pour la mesure du disponible le don entre-vifs à retenir et le legs à réclamer. Donc le donataire ne peut retenir que ce que le légataire pourrait réclamer. Or, on reconnaît que le légataire ne peut réclamer que la portion disponible, sans y joindre sa part de réserve. Donc l'héritier renonçant doit, dans les deux cas de legs et de donation, être considéré comme étranger à la succession. Aussi l'art. 845, dans les premiers projets du code Napoléon, se terminait par ces mots: ainsi qu'un étranger pourrait le faire; mots qu'on a supprimés sans doute comme une superfluité, le style des lois étant un style de disposition et non de comparaison. Ajoutons que, loin de songer à favoriser le renonçant plus qu'un étranger, les rédacteurs de l'art. 845 étaient préoccupés de la loi alors régnante (loi du 17 niv. an 2, modifiée par la loi provisoire du 4 germ. an 8), qui avait placé la réserve dans la succession d'une manière si absolue, que l'hériter renonçant était sujet au rapport. C'est par opposition à cette règle et pour en indiquer l'abrogation que l'article emploie le mot cependant. Tout ce qu'on a voulu, c'est donc seulement que l'héritier renonçant et donataire ne fût pas de pire condition qu'un étranger. Donc la loi n'a pas entendu qu'il y eut une portion disponible plus étendue en faveur de cet héritier. Nous ne comprenons pas que M. Troplong, loc. cit., se soit borné à dire sur l'art. 845: « Quant à l'argument tiré de cet article (argument que le savant auteur n'indique pas), il n'a plus aucune portée pour les esprits sérieux... Il est évident, en effet, que le don, en tant qu'il porte sur la portion disponible, ne saurait l'excéder, c'est là ce qu'a voulu dire l'art. 845. Mais il ne s'explique pas sur la question de savoir si à la portion disponible l'enfant renonçant peut joindre, en la retenant, la légitime dont il est saisi. Que signifient ces mots dont il est saisi? Saisi de plein droit, en vertu de la loi ? Non, puisqu'il n'est pas héritier. Saisi en vertu de la donation? Mais le don ne peut être retenu, d'après l'art. 845, que jusqu'à concurrence de la portion disponible, c'est-à-dire pour tout ce qui ne l'excède pas. Donc cet article s'oppose à la saisine, supposée par M. Troplong, qui ne la fonde pas, d'ailleurs, sur la seule qualité d'enfant.

On a tiré aussi argument de l'intention présumée du père, qui, en donnant à l'un de ses enfants, entend sans doute ne faire qu'une remise anticipée de sa part de réserve, de manière à conserver, pour des donations ultérieures, un plus grand disponible. Mais remarquons que l'imputabilité sur la réserve, pour faire produire effet à des libéralités postérieures, est une question distincte du droit de cumul invoqué par l'enfant dans son seul intérêt; question examinée séparément no 1033. Ajoutons que le cumul est contraire à l'intention présumée du père; car en ne faisant qu'un avancement d'hoirie sujet au rapport, il n'entendait pas faire un aussi grand avantage que s'il eût dispensé du rapport. Or, par le cumul, l'enfant renonçant se trouvera

aussi avantagé que si le don lui avait été fait par preciput. On a invoqué l'ancien droit sur la légitime. Mais la réserve établie par le code diffère essentiellement de la légitime, soitdes pays de droit écrit, soit des pays de coutume. Dans les pays de droit écrit, la légitime, conformément au droit romain, n'était point une portion de l'hérédité, un droit héréditaire, mais une créance d'aliments, un secours dû par les père et mère à leurs enfants debitum bonorum subsidium (Ļ. 6. au Cod., De inoff. test.; L. 5, au Cod., De inoff. don.). D'où il suivait: 1o que l'enfant même renonçant, avait l'action en légitime ou en supplément de légitime;-2° Que s'il était donataire, on imputait d'a-. bord la chose donnée sur ce qui lui était dû, d'après la maxime nemo liberalis, nisiliberatus;—3° Que chacun des enfants n'ayant qu'une créance personnelle, l'héritier institué ou le donataire se libérait en lui délivrant sa légitime individuelle; que si l'un d'eux renonçait à sa légitime ou négligeait de la réclamer, c'était le donataire qui en profitait, et non les autres enfants; 4° Qu'en conséquence, et d'après le texte formel de la novelle 92, si l'enfant donataire s'abstenait de la succession, il retenait son don, comme l'eût fait un étranger, à la seule charge de parfaire la légitime de chacun de ses frères et sœurs (Faber, Cod. lib. 3, tit. 19, def. 5; Dumoulin, cons. 35; Furgole, Test., chap. 8, sect. 2; Berroyer, sur arrêts de Bardel; Voët, sur le Digeste).— Dans les pays de coutume, la légitime était considérée comme une portion de l'hérédité, et il fallait être héritier pour la demander. Cependant le renonçant pouvait la retenir par voie d'exception. Cette distinction se motivait sur ce que la légitime consistait pour chaque enfant dans une part fixe et individuelle, au lieu de leur être dévolue à tous in solidum.-L'art. 298, ajouté à la coutume de Paris lors de la réformation de 1580, et qui était devenu le droit commun de la France, porte: « La légitime est la moitié de telle part et portion que chacun eût eue en la succession..., si les père et mère... n'eussent disposé, etc.» De cette fixation distributive et toute personnelle, il suivait que chacun des enfants devait se trouver satisfait s'il obtenait intacte sa portion virile, et que la part du renonçant accroissait, non aux cohéritiers, mais au donataire ou légataire de la portion disponible. De là aussi cette conséquence, consacrée par l'ord. de 1731, art. 34, que l'enfant avantagé pouvait retenir tout ce qui lui avait été donné, à la seule condition d'indemniser ses frères et sœurs pour la valeur de leur part légitimaire (Denisart, vo Légitime, nos 13 et suiv.; Bretonnier, t. 2, p. 529; Ferrière, sur la Coutume de Paris, t. 4, p. 324; Auroux des Pommiers, sur la Cóutume du Bourbonnais; Guy-Coquille, sur la Coutume du Nivernais, Donat., art. 7; Lebrun, des Successions, liv. 2, chap. 3, sect. 1, nos 9 et suiv.; Ricard, des Donat., part. 3, no 978; Pothier, des Donat., sect. 3, art. 5, § 1).

Cette conséquence du droit coutumier est-elle conciliable avec les principes du code Napoléon? Oui, selon M. Troplong, loc. cit., nos 791 à 793, en ce que les héritiers, demandeurs en réduction, ne sont pas recevables à réclamer au delà de leur part de réserve. Sans répéter ce que nous venons de dire contre cette proposition, remarquons seulement qu'à la différence du droit coutumier, le donataire étranger ne profite plus par accroissement de la part du renonçant. C'est là une différence capitale qui suffirait seule, indépendamment de textes formels, à justifier autrefois le droit de rétention de sa part de réserve par l'enfant donataire et renonçant.-M. Troplong invoque, avec une grande insistance, l'opinion de Dumoulin, en lui donnant une portée qu'on n'avait point encore signalée. Dumoulin écrivait avant la réformation de la coutume de Paris, avant qu'on y eût ajouté l'art. 298 cité plus haut, et introductif d'un droit nouveau. A ce moment, la règle de la légitime, même dans les pays de coutume, était la novelle 18. Or, au lieu de fixer la légitime comme cet article, d'une manière distributive et individuelle, la novelle statuait dans le même sens que le code Napoléon, en la fixant au tiers des biens du défunt, s'il laissait moins de cinq enfants, à la moitié s'il en laissait un plus grand nombre. Cette fixation collective n'empêchait pas Dumoulin de reconnaître au renonçant le droit de retenir sa part de réserve par exception, quoiqu'il fût l'auteur de l'adage non habet legitimam, nisi qui hæres est (sur cout. de Paris, art. 125, no 1). Donc, conclut-on, l'autorité de ce grand jurisconsulte doit avoir tout son poids sous l'empire du code Napoléon. - Mais, pour

que cette conclusion fût vraie, il faudrait d'abord établir que l'art. 298, ajouté lors de la réformation à la coutume de Paris, fût l'expression d'un droit tout nouveau, c'est à-dire opposé à la doctrine universellement reçue. En général, on n'érige en loi qu'une opinion déjà plus ou moins accréditée. De plus, le principe que la part du renonçant dans la réserve accroissait au donataire étranger et non aux cohéritiers, était admis avant comme depuis la réformation, dans les pays de coutume comme dans les pays de droit écrit, et ce principe, encore une fois, devait avoir une influence décisive pour notre question.

Un auteur (M. de Maleville) a cru voir dans l'art. 924 c. nap. la reproduction de l'ord. de 1731, art. 34, qui disposait que l'enfant donataire renonçant retenait les biens à lui donnés, saufla légitime des autres enfants.-M. Delvincourt, t. 2, p. 113 et 248, puise aussi son principal argument pour le cumul dans le texte du même article ainsi conçu: « Si la donation entre-vifs réductible a été faite à l'un des successibles, il pourra retenir, sur les biens donnés, la valeur de la portion qui lui appartiendrait comme héritier dans les biens non disponibles, s'ils sont de la même nature. » Le donateur, dit-il, retient sur la portion non disponible ce qui lui appartiendrait comme héritier, c'est-à-dire s'il était héritier. Donc la loi prévoit le cas où il n'est pas héritier. Mais telle n'est point la pensée de l'art. 924, qui ne parle point d'ailleurs de renonciation et qui suppose au contraire le même individu à la fois successible et donataire. La condition finale si les biens sont de même nature, indique assez qu'on a voulu seulement rappeler les principes déjà posés relativement au rapport. C'est ce que nous expliquons vo Disp. entre-vifs et test., no 1052, en combinant cet article avec l'art. 866, et en reconnaissant d'ailleurs que la correction grammaticale manque à l'art. 924, où le futur conditionnel appartiendrait a été employé dans le sens du présent appartient. Ajoutons que cet argument de texte paraît abandonné par la plupart des auteurs qui soutiennent le droit du renonçant.

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On a prétendu aussi que l'art. 931 c. nap. par ces mots « la réduction ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, » devait s'entendre dans un sens partitif et individuel, comme s'il était dit par chacun de ceux..., dans la proportion de son droit à la réserve. Mais l'article n'a évidemment pour objet que d'indiquer dans quelles mains est l'action en réduction et non d'en déterminer l'étendue. Il n'a point surtout en vue le cas de renonciation de l'un des successibles, qui a été réglé ailleurs (art. 786) par le droit d'accroissement. Du reste, dans la discussion du code Napoléon, on a rejeté de l'art. 921 cette énonciation finale qu'y ajoutait l'un des projets: « la réduction sera dans les proportions établies en raison de la légitime de chaque successible. >>

· Selon nous,

1031. On a vu que la cour suprême avait changé sa jurisprudence. Il y a eu à cet égard des appréciations inexactes, quant à la portée de quelques-uns de ses arrêts. l'innovation daterait de l'arrêt (Req. 5 fév. 1840, aff. Despréaux de Saint-Sauveur, suprà, no 1029). Selon d'autres interprètes, elle remonterait plus haut. On a cité trois arrêts antérieurs : 1o L'arrêt Cass. 8 juill. 1826, aff. Lamothe, vo Dispos. entrevifs, etc., no 1100-5o.—Mais il s'agissait seulement de savoir si, pour calculer la quotité disponible qui lui a été donnée ou léguée par préciput, un étranger a le droit de demander la réunion fictive des dons faits en avancement d'hoirie. Dans l'espèce, il n'y avait pas même d'héritiers renonçants. 2o L'arrêt Req. 11 août 1829, aff. Mourgues, infrà, no 1034.-Dans l'espèce, l'héritier renonçant ne demandait pas à annuler la quotité disponible et la réserve. Le procès n'était qu'entre le frère et la sœur de cet héritier, pour savoir si, dans la liquidation à opérer entre eux, le don au renonçant devait s'imputer sur la réserve ou sur la quotité disponible. 3° L'arrêt Cass. 25 mars 1834, aff. Castille, infrà, no 1034.-Dans l'espèce, il ne s'agissait encore que d'une imputation et non d'un cumul. La décision est que le don en avancement d'hoirie n'est que le don de la réserve légale, selon l'intention du père, qui conserve ainsi un plus grand pouvoir de disposer, et que la renonciation de l'enfant donataire à la succession ne change pas la nature du don et ne le rend pas

(1) 1re Espèce :—(Gallois C. Gallois.)—La Cour ;—Attendu que tout

seulement imputable sur la portion disponible. A la vérité, le donataire a été autorisé à retenir son don, en l'imputant d'abord sur la réserve, puis en prenant sur le disponible le complément de la somme donnée. D'où l'on a conclu (M. Troplong, des Donat., no 788) que l'arrêt, tranchant une question de cumul, au profit du renonçant, est le premier pas de la cour de cassation dans la voie de sa nouvelle jurisprudence. Mais il faut bien remarquer qu'il ne s'agissait pas d'attribuer en résultat au renonçant un avantage supérieur à celui qu'aurait pu avoir un étranger. Tout en imputant son don d'abord sur la réserve, puis, par supplément, sur la portion disponible, l'enfant ne retenait, en définitive, qu'une somme égale à la quotité disponible. On semblait donc respecter l'art. 845; et l'imputabilité ne faisait question que dans l'intérêt d'un second donataire, à quiavait été donnéeultérieurement la quotité disponible.

1032. Nous avons supposé, dans la discussion qui précède, une donation entre-vifs non dispensée du rapport. Telle, en effet, l'espèce jugée en sens divers par les arrêts ci-dessus. Mais notre solution contre le cumul serait la même, quoique l'héritier renonçant fût donataire par préciput. Car le don ne peut porter que sur le disponible. Peu importerait, par la même raison, que le donateur eût formellement compris dans sa libéralité le disponi. ble et la part de réserve.

1033. La même raison s'oppose encore à cette théorie intermédiaire, consacrée par plusieurs arrêts, et qui, distinguant entre le cumul et la simple imputation, décide que le don fait à l'héritier renonçant et non dispensé du rapport doit s'imputer sur sa réserve, si le père a donné depuis la quotité disponible, soit à un autre enfant, soit à un étranger. Ici, dit-on, ce n'est plus de l'intérêt du renonçant qu'il s'agit. Pourvu qu'il retienne ce qui lui a été donné, peu lui importe que ce soit à titre de réserve ou de quotité disponible. Mais il s'agit de l'intérêt des autres donataires postérieurs ou légataires. Si le don fait au renonçant s'impute sur sa réserve, la quotité disponible en aura été plus étendue; la puissance paternelle en sera favorisée; et il ne dépendra pas d'un enfant de rendre nulles ou de réduire considérablement par une renonciation concertée les autres dispositions de son père.-Puisque d'ailleurs l'on suppose le don fait en avancement d'hoirie, l'intention du père a été qu'il portât d'abord sur la réserve. On encourage ainsi les avancements d'hoirie, sans atteindre le droit des autres légitimaires. Ce n'est pas le cas d'appliquer le principe, que la réserve est attachée à la qualité d'héritier, et ne peut profiter au renonçant; car, encore une fois, il ne s'agit pas d'un profit à faire par le renonçant, mais d'un simple mode d'imputation, qui, sans avantager aucunement celui-ci, concilie les intérêts des autres donataires et des légitimaires. M. Duranton, t. 7, no 282 et suiv., entre dans de longs développements pour justifier ce système. M. Coin de Lisle, qui l'avait soutenu d'abord dans son commentaire sur les donations, p. 146, nos 10 et suiv., vient de le combattre dans sa dissertation intitulée : Limite du droit de rétention, etc., nos 250 et suiv. Pour nous, nous ne méconnaissons pas la puissance des raisons de convenance et d'équité que nous venons de résumer. Mais elles ne sauraient à notre sens prévaloir surle principe que la loi seule attribue la réserve; que seule elle règle les effets de la donation en avancement d'hoirie pour le cas où l'enfant donataire répudierait la succession et qu'alors la part durenonçant accroît à ses cohéritiers.

1034. Il a été jugé que le don en avancement d'hoirie, fait par un père à son enfant, n'enlève pas au donateur la faculté de disposer dans la suite, par don ou legs, avec préciput et hors part, de la quotité disponible; que si l'héritier renonce à la succession pour s'en tenir à son don, et que la quotité disponible ait été léguée depuis, le droit de rétention doit d'abord être exercé sur la réserve légale; et que, si cette réserve est insuffisante pour compléter le don, le droit de rétention s'exerce alors sur la portion disponible; qu'il ne peut se prévaloir de l'art. 843 c. nap., lequel ne s'applique qu'au cas où le père n'aurait point, avant ou après le don que le donataire prétend retenir, disposé de la quotité disponible (Grenoble, 22 fév. 1827; Req. 11 août 1829; Cass., 25 mars 1834; Aix, 13 fév. 1835 (1); Grenoble, 50 don en avancement d'hoirie a nécessairement pour objet une remise an

Juin 1826, M. Paganon, pr., aff. Boix C. Triolle; Grenoble, 22 janv. 1827, M. de Noailles, 1er pr., aff. Champeau C. Champeau;

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ticipée de la réserve légale que la loi assurait à cet enfant ;-Attendu que, dès lors, il est évident qu'un semblable don, qui n'est point accompagné de la dispense du rapport, ne touche en rien à la portion disponible, et se rattache tout entier à la réserve légale ; Attendu que l'enfant qui, en renonçant à la succession de son père ou de sa mère, réclame l'exécution de la libéralité qui lui a été faite en avancement d'hoirie, manifeste évidemment l'intention de conserver la réserve légale qu'il a reçue par anticipation; Attendu que l'art. 845 c. civ., portant que l'héritier qui renonce à la succession, peut cependant retenir le don entre-vifs jusqu'à concurrence de la portion disponible, doit être entendu dans ce sens, que le droit de rétention doit d'abord être exercé sur la réserve légale de cet béritier renonçant, et que si cette réserve est insuffisante pour compléter le don fait en avancement d'hoirie, le droit de rétention s'exerce alors sur la portion disponible, si elle est restée libre, mais sans que, dans aucun cas, la rétention puisse excéder cette même portion disponible; - Attendu qu'il faut tellement admettre ce mode de rétention, que si les père et mère avaient, antérieurement à la libéralité, en avancement d'hoirie, donné la quotité disponible, soit à un étranger, soit à un enfant, avec dispense du rapport, il serait bien de toute impossibilité que le droit de rétention pût s'exercer, ni en tout ni en partie, sur la portion disponible qui aurait été épuisée par une libéralité expresse, à moins d'admettre que le don postérieur fait en avancement d'hoirie, et, à ce titre, soumis au rapport, soit préférable au don antérieur fait par préciput et hors part, et exempt de tout rapport par là même, ce qui serait évidemment contraire à l'intention du législateur et à la justice; - Attendu qu'accorder une semblable préférence au don en avancement d'hoirie, ce serait tromper les intentions du père de famille qui, tout en voulant faire, à l'occasion du mariage de son fils ou de sa fille, une donation ou une constitution de dot en avancement d'hoirie, et soumise au rapport, ne veut pas anéantir la donation par préciput et hors part de la portion disponible de ses biens qu'il aurait précédemment faite; que ce serait évidemment porter atteinte à l'autorité paternelle, et tarir la source des dons en avancement d'hoirie; Attendu que ce serait encore favoriser la fraude de la part des enfants réservataires à qui des dons auraient été faits en avancement d'hoirie, et qui, par des renonciations concertées, pourraient rendre illusoires les donations de la portion disponible;

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Attendu, d'ailleurs, que, dans le cas de renonciation prévu par l'art. 845 c. civ., les autres enfants ne peuvent éprouver aucun préjudice du mode d'exécution de la donation en avancement d'hoirie, tel qu'il vient d'être défini, dès que, dans toutes les hypothèses, les réserves qui leur sont assurées par le code civil, restent intactes; qu'elles peuvent même être augmentées, s'il n'existe pas de disposition de la portion disponible; Attendu que les art. 785 et 786 c. civ. sont inapplicables à l'espèce, parce qu'ils ne concernent que la renonciation pure et simple de l'héritier, à qui il n'a été fait aucun don en avancement d'hoirie, et qui ne s'en est fait aucune réserve dans l'acte de renonciation; que ces articles n'ont par conséquent aucun rapport avec le cas d'exception qui est le sujet de l'art. 845 auquel s'appliquent des règles particulières; Attendu qu'il résulte de ce qui précède, que c'est sans fondement que les consorts Gallois ont prétendu que les dons en avancement d'hoirie faits à Marie Gallois devaient être supportés en entier par Pierre Gallois en sa qualité de préciputaire, et que la réserve légale qui compétait à ladite Marie, devait profiter aux autres cohéritiers des père et mère communs, et accroître leurs réserves légales, sans que ladite Marie pût faire, à cet égard, aucune retenue sur sa réserve; qu'ainsi le jugement du tribunal de Bourgoin, qui a accueilli la prétention des consorts Gallois, doit incontestablement être réformé; -Ordonne, en ce qui concerne les dons en avancement d'hoirie faits à Marie Gallois.... que le droit de rétention introduit par l'art. 845 c. civ. sera exercé, d'accord sur la réserve légale qui lui compétait....., et, en cas d'insuffisance, sur la portion disponible. .., sans que, dans aucun cas, cette rétention puisse excéder ladite portion disponible.

Du 22 fév. 1827.-C. de Grenoble, 2 ch.-M. Paganon, pr.

2 Espèce:-(Jeanjean C. Mourgues.)-En 1819, Mourgues père, en mariant sa fille Elisabeth, lui fait don de 20,000 fr., en avancement d'hoirie. En 1825, il lègue, par préciput, à son fils Ferdinand, la quotité disponible. Peu après il décède. Élisabeth renonce à la succession pour s'en tenir à son don. Il s'est agi de partager le surplus entre Mourgues fils et une autre sœur, la dame Jeanjean. - Celle-ci a soutenu que l'imputation de l'avancement d'hoirie devait se faire sur la quotité disponible; d'où la conséquence que si cette quotité se trouvait absorbée par le don, le préciputaire n'aurait rien à réclamer. 6 juill. 1826, le tribunal de Montpellier a adopté le système de la dame Jeanjean. - Appel. 17 janv. 1828, arrêt infirmatif de la cour de Montpellier, qui reproduit dans ses motifs le système développé par l'arrêt ci-dess su de la cour de Grenoble, du 22 fév. 1827.- Pourvoi de la dame Jeanjean, pour violation des art. 785, 786, 845 et 925 c. civ.-Arrêt. Attendu qu'il est constant que la constitution de dot, Tour LI.

LA COUR;

Bastia, 24 juill. 1827, M. Colonna d'Istria, pr., aff. Arena C. Lota; Agen, 6 juin 1829, M. Tropamer, pr., aff. Dupouy C.

faite par Mourgues à la dame Bonnet sa fille, était en avancement d'hoirie; Attendu que l'avancement d'hoirie n'est qu'une remise anticipée de la part que l'enfant ainsi doté est appelé à recueillir dans la succession de son père; Attendu que l'enfant qui accepte cette constitution dotale ne peut en changer ni la nature, ni la cause, ni les effets; et qu'elle est toujours imputable sur l'hoirie au moment de l'ouverture de la succession, dont elle est une portion, puisqu'elle a été constituée à ce titre par l'auteur commun; Attendu que la renonciation à la qualité d'héritier, faite par l'enfant doté en avancement d'hoirie, n'est pas un acte désintéressé et d'abandon pur et simple; que si elle ne le prive pas du droit de conserver sa dot, sans être obligé d'en faire le rapport effectif, ce n'est point un obstacle à ce que cette dot ne soit, à l'égard de l'hérédité, rapportable fictivement, et imputable d'abord sur la part à laquelle la qualité d'enfant donnerait, à celui qui a été doté, droit, dans la réserve légale, et subsidiairement seulement, sur la quotité dont le père avait la libre disposition;- Attendu que, s'il en était autrement, il dépendrait toujours de l'enfant, doté en avancement d'hoirie, de rendre illusoires, par une renonciation concertée, les dons que le père aurait faits de la portion disponible; - Qu'ainsi, en jugeant que la donation en avancement d'hoirie faite à la dame Bonnet, devait être imputée d'abord sur la part à laquelle sa qualité d'enfant lui donnait droit dans la réserve legale, et ensuite dans le cas où la constitution dotale excéderait cette part, sur la quotité disponible, l'arrêt attaqué a concilié le texte et l'esprit des divers articles du code invoqués, avec le respect dû à l'irrévocabilité des conventions, et au droit dont le père ne s'était pas dépouillé de donner la portion disponible; - Rejette.

Du 11 août 1829.-C. C., ch. req.-MM. Favard, pr.-Pardessus, rap.Lebeau, av. gén., c. contr.-Nicod, av.

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3o Espèce :- - (Castille C. Duroure.)- Le comte de Castille, en mariant la dame Duroure, sa fille, en 1806, lui constitua en dot, par avancement d'hoirie, la somme de 100,000 fr. Depuis, et en 1825, il légua son fils aîné, par préciput et hors part, les biens composant un majorat, érigé précédemment.-En 1826, il décède laissant sept enfants. La dame Duroure a déclaré renoncer à la succession pour s'en tenir au don de 100,000 fr.-Un débat s'élève sur l'étendue et le mode de la rétention de cette donation. - 27 août 1829, jugement du tribunal d'Uzès qui décide que la dame Duroure ne peut retenir son don que jusqu'à concurrence de sa réserve légale.

Appel.-19 août 1830, arrêt de la cour de Nîmes qui réforme, en se fondant sur ce que l'enfant qui renonce n'est plus héritier; que, n'ayant droit à la réserve qu'en cette qualité, il l'a perdue en renonçant, et qu'ainsi le don qui lui a été fait ne peut plus porter que sur la quotité disponible; ordonne, en conséquence, que le don à retenir par la dame Duroure sera exclusivement imputé sur cette quotité: « Attendu que, d'après l'art. 785 c. civ., l'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier ; que, d'après l'art. 786, la part du renonçant accroit à ses cohéritiers; que, d'après l'art. 845, l'héritier qui renonce à la suocession peut retenir le don entre-vifs, ou réclamer le legs à lui fait, jusqu'à concurrence de la portion disponible: que de ces textes réunis, qui ne sont ni abrogés ni modifiés par aucun autre, il résulte avec évidence et d'une manière absolue et générale, que l'héritier qui a renoncé est définitivement exclu de toute participation à la réserve, et que sa portion est irrévocablement acquise à ceux de ses cohéritiers qui n'ont pas renoncé; et que, s'il est donataire entre-vifs ou légataire, le don qui lui a été fait lui reste jusqu'à concurrence de la portion disponible, et doit être pris exclusivement sur cette portion; que des dispositions aussi claires, aussi explicites, doivent fermer la porte à toutes ces interprétations subtiles à l'aide desquelles, sous prétexte de chercher l'esprit de la loi, on donnerait à la faculté de disposer une extension qu'elle lui a formellement déniée, mettant ainsi la volonté des tribunaux à la place de la volonté du législateur; qu'il suit de là que la constitution de dot faite à la dame Duroure, dans son contrat de mariage, ne peut être ni pour le tout, ni pour aucune partie à la charge de la réserve, et que le tribunal, en décidant le contraire, a inféré grief aux mineurs, héritiers en seuls de cette réserve. »

Pourvoi du sieur Castille pour violation des art. 845 et 919 c. civ.Arrêt (après délib. en ch. du cons.).

LA COUR ;-Vu les art. 845 et 919 c. civ. ;-Attendu que la loi appelle, en principe général, tous les enfants à succéder à leur père, par portions égales; que, néanmoins, elle autorise le père à disposer d'une quotité déterminée de sa succession, soit en faveur d'un de ses enfants, soit en faveur des étrangers, sans toutefois que la réserve légale de l'enfant puisse jamais être entamée ;-Que, si toute disposition faite par un père en faveur d'un étranger doit être imputée sur la quotité disponible, puisque cet étranger n'a aucun droit à prétendre dans la succession du donateur, il en est autrement du don qu'un père fait à l'un de ses enfants;-Qu'en effet, le père peut disposer en faveur d'un de ses enfants, soit en avancement d'hoirie, et en lui faisant la remise et la délégation anticipée de tout ou partie de sa portion dans sa réserve légale, soit en

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Dupouy; Toulouse, 16 juill. 1829, M. Charlet-Durieu, pr., aff. Sicard C. Sicard; Limoges, 4 déc. 1835, M. Tixier-Lachassagne, pr., aff. Granger C. Peytavit). — La même interprétation résulte implicitement des nombreux arrêts (dont plusieurs de la cour suprême) qui ont décidé que, pour calculer la quotité disponible qui lui a été donnée ou léguée, un étranger a le droit de demander la réunion fictive des dons faits en avancement d'hoirie (V. vo Dispos. entre-vifs et test., nos 1084 et suiv.). Les deux questions sont nécessairement subordonnées l'une à l'autre.

1035. Il a été jugé aussi que le don doit s'imputer d'abord

-

lui donnant tout ou partie de la quotité disponible; - Que le partage égal étant l'ordre de succession établi par la loi, tous les dons faits purement et simplement par le père à ses enfants, sont réputés être faits en avancement d'hoirie; Que le père n'est censé avoir disposé de la quotité disponible, qu'autant qu'il a fait connaître sa volonté d'une manière expresse, ou que cette volonté résulte manifestement de ses dispositions;

Que, dans toute autre supposition, le don en avancement d'hoirie, sans clause de préciput, ni dispense de rapport, n'enlevant pas au père la faculté de disposer de la quotité disponible, il en résulte que, si, depuis, le père a légué la quotité disponible par préciput à un autre enfant, le premier donataire peut bien renoncer à la succession paternelle, mais que sa renonciation ne peut changer la nature du don qui lui a été fait, et n'a d'autre effet que de lui donner le droit de retenir ou de recevoir ce qui lui a été donné, d'abord, en sa qualité d'enfant, qu'il ne peut ni perdre ni abdiquer, sur la part qui lui aurait appartenu dans la réserve légale, s'il n'eût pas renoncé, et subsidiairement, s'il y a lieu, sur la quotité disponible, afin que la réserve légale de ses frères et sœurs ne soit point entamée; - Que c'est ce qui résulte de la combinaison de l'art. 845 c. civ., placé au titre des rapports, et de l'art. 919 dudit code, au titre de la quotité disponible, et qui règlent spécialement la matière; Que, dans l'espèce, la cour royale de Nîmes a fait prévaloir sur la volonté du comte de Castille, manifestée dans son testament, la renonciation de la dame Duroure, sa fille ;-Qu'au lieu de se borner à maintenir celle-ci en l'intégralité du don qui lui avait été fait par son contrat de mariage, et d'ordonner, à cet effet, que la valeur en serait perçue d'abord sur la portion de la réserve légale qui lui aurait appartenu si elle n'avait pas renoncé, et subsidiairement, en cas d'insuffisance, sur la quotité disponible dont le comte de Castille avait ultérieurement disposé, l'arrêt attaqué a décidé que les 100,000 fr. donnés à la dame Duroure par son contrat de mariage seraient exclusivement pris sur la quotité disponible, et que la portion héréditaire de cette donataire accroîtrait à ses frères et sœurs, en vertu de sa renonciation ;-Qu'en ce faisant, l'arrêt attaqué a ouvertement violé les dispositions de l'art. 919 c. civ., et faussement appliqué celles de l'art. 845;-Casse.

Du 25 mars 1834.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Carnot, rap.De Gartempe, av. gén., c. conf.-Desclaux, Ad. Chauveau et Crémieux, av. Sur le renvoi prononcé par cet arrêt, voici en quels termes la cour d'Aix a statué.

LA COUR; — Attendu que le patrimoine du père de famille qui laisse des enfants se divise en deux parts, une qui reste indisponible, pour être distribuée par égales parts aux enfants, une autre qui peut sortir de l'hérédité, et être donnée à un enfant, en sus de ses droits primitifs; Que, lorsque le donataire n'explique pas qu'il donne hors part, mais que c'est par avancement d'hoirie, il en résulte nécessairement qu'il donne dans la part réservée en faveur des enfants;-Que l'enfant héritier qui renonce ne peut pas pour cela être considéré comme ayant perdu sa qualité d'enfant; Que cette qualité est la principale idée qui domine dans la législation des successions, puisque la part des biens que cette législation distribue doit, d'après l'art. 913 c. civ., être fixée selon le nombre d'enfants en général, et non selon le nombre d'enfants venant seulement à succession; -Qu'il faut alors voir dans l'enfant successible une double qualité : il est primitivement enfant ; il est ensuite l'héritier le plus proche. Comme enfant, il a des priviléges, des droits d'origine exclusivement attachés à cette première qualité. Comme héri– tier, il succède aux facultés actives et passives;

Attendu que la preuve de cette distinction se trouve dans la disposition de l'art. 921 c. civ., qui fut le résultat d'une profonde discussion au conseil d'Etat et au tribunat, et qui détermine que, lorsque dans une succession il y a lieu à l'action en réduction, elle ne peut être demandée que par les enfants ou leurs ayants cause, et ne peut profiter à d'autres, pas même à des créanciers de la succession, ce qui, dans cette hypothèse, sépare bien la qualité d'enfant de celle d'heritier, puisqu'à ce dernier titre ils seraient tenus des dettes de l'héritage;-Attendu qu'alors la raison ne résiste point à penser que les art. 785 et 786 du code précité n'ont en vue que les enfants en leur qualité d'héritiers seulement, et pour les droits qui pourraient leur compéter comme héritiers, et autres que ceux qu'ils auraient à exercer comme enfants;-Attendu ensuite que la réserve légale est attachée à la seule qualité d'enfant, puisqu'elle est la part que la loi calcule et leur destine, et qui existe toujours dans la

sur la part du renonçant dans la réserve, et que le surplus le sera sur la portion disponible, mais de manière que la donation ne puisse excéder en totalité cette même portion disponible... Et s'il y a plusieurs donataires en avancement d'hoirie, le second retient aussi d'abord sa réserve et ce qui reste de la portion disponible, mais toujours de manière qu'il ne puisse avoir en tout plus que la portion disponible, et ainsi à l'égard des autres donataires, jusqu'à ce que la portion disponible se trouve épuisée, les derniers donataires conservant seulement leur part dans la réserve (Caen, 25 juill. 1837) (1).

succession; Attendu qu'une donation en avancement d'hoirie n'est réellement qu'une remise anticipée, faite par le père à son enfant sur les droits de celui-ci, et un véritable à-compte de la portion qui lui revient originairement et de plein droit dans cette succession; — Attendu qu'i ne peut appartenir au donataire de changer jamais le caractère bien établi du don à lui fait et ainsi accepté ;-Attendu que, dès lors, cette donation est, pour l'enfant, un titre provisoire dont l'entière effectuation est renvoyée après le décès du donateur; - Attendu que, lorsque cette circonstance est à réaliser, et si alors l'enfant veut s'en tenir à sa donation, et renonce à tous autres droits, c'est par voie de rétention qu'il agit, mais il ne peut retenir le montant de son titre provisoire que tout d'abord sur la part que la loi lui destinait, qui est son avoir d'origine, sur lequel le don lui avait été fait, et que, par droit de suite, il retrouve en dedans de la succession;-Attendu qu'il n'en serait pas de même si la donation avait été stipulée par préciput et hors part, parce qu'alors, cette libéralité prenant le caractère de quotité disponible, son aliment se trouve en dehors de l'héritage; Attendu que, lorsqu'après un don en avancement d'hoirie, le père de famille a encore institué un préciputaire, cette nouvelle disposition ne peut altérer la première donation, et priver l'enfant qui déclare s'y tenir de l'entier accomplissement du don à lui fait et non révoqué; -Que, dès lors, ce préciputaire doit, au besoin, être tenu de parfaire le complément de la première donation;-Attenda que c'est en quoi les premiers juges ont fait erreur, en établissant que la donation en avancement d'hoirie ne devait se prendre que sur la réserve;

Attendu que l'art. 845 c. civ. n'a d'autre but que de limiter les droits de l'enfant qui renonce, et qui a à réclamer un don en avancement d'hoirie; qu'en effet, il est rationnel que ce donataire ne puisse réclamer que jusqu'à concurrence de la quotité disponible, et ne puisse l'excéder, puisque c'est la borne que la loi établit à la libéralité de tout père de famille ;-Attendu que si c'est un droit pour l'enfant donataire qui renonce d'imputer d'abord sa réserve légale sur la donation, c'est en même temps pour lui une obligation que les plus grands intérêts de la société et les liens de la famille réclament; car, autrement, si on n'exerçait le droit de payement que sur la quotité disponible exclusivement, les dispositions des art. 913, 919 et 1079 c. civ. seraient anéan ties; la magistrature domestique du chef de famille, établie par ces articles, serait sans effet; le pouvoir si nécessaire et si moral dont est investi un père pour pouvoir punir ou recompenser ses enfants selon que ceux-ci auront compris et accompli leurs devoirs, deviendrait illusoire, puisque l'enfant donataire en avancement d'hoirie deviendrait le véritable dispensateur de la quotité disponible, et que même on pourrait voir s'établir, entre cet enfant donataire et les autres enfants en réserve, un concert frauduleux pour détruire la volonté du père commun; - Le legislateur n'a pu vouloir ces divers résultats, et les tribunaux ne sauraient y accéder, etc.

Du 13 fév. 1835.-C. d'Aix, ch. réun.-MM. d'Artalan-Lauris, pr.Desollier, av. gén., c. conf.-Crep, Desfougerres et Perrin, av.

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(1) (Dudonney et cons. C. Dionis.) - LA COUR; Considérant que Jean-Jacques-Etienne Leboucher est décédé le 9 oct. 1820, laissant six enfants, dont cinq ont renoncé à sa succession le 23 déc. suivant, et que Liobé-Azeline Leboucher, alors mineure et maintenant femme Dionis, a seule accepté la succession paternelle, sous bénéfice d'inventaire, par déclaration passée au greffe le même jour, 23 déc. 1820; — Considérant que cette dernière a intenté, le 4 juin 1835, l'action sur laquelle il a été statué par le jugement dont est appel, afin de faire prononcer contre son frère Gabriel Leboucher et contre ses deux sœurs, mariées, l'une actuellement à Legrain, et l'autre à Dudonney, ia reaaction des donations entre-vifs qui leur avaient été faites par le père commun, en avancement d'hoirie, et qui sont constatées par le contrat de mariage du 26 avr. 1808 de la femme Legrain avec Delaunay, son premier mari, par des actes notariés du 18 mars 1811 et 25 avr. suivani en faveur de Gabriel Leboucher, et par le contrat de mariage de la femme Dudonney, en date du 16 mars 1813;

Considerant que la femme Dionis soutient qu'en sa qualité de seule héritière de son père, dont les biens avaient été expropriés, son frère el ses sœurs donataires doivent, pour lui fournir sa réserve légale, lui restituer les trois quarts des donations par eux reçues, et ne conserver que la portion disponible, tandis que les donataires, qui sont défendeurs, prétendent qu'ils ont le droit de retenir et conserver leurs donations, d'abord chacun jusqu'à concurrence de sa part dans la réserve légale,

1036. Le rapport est dû par tout héritier. C'est l'expression de l'art. 843. Ainsi plus de restriction, quant à la ligne collatérale, comme dans la plupart de nos coutumes. - Jugé ainsi dans une espèce où l'on tirait argument de l'art. 918 c. civ. pour établir qu'il n'était point dû de rapport entre collatéraux, parce que le défunt a pu, à leur préjudice, disposer de la totalité de ses biens:-«La cour;-Considérant que l'art. 843 ordonne à tout héritier, sans distinction, le rapport des donations; que l'art. 918 ne parle que des aliénations, soit à rentes viagères, soit à fonds perdu, ou avec réserve d'usufruit; qu'ainsi cet article est absolument étranger à l'espèce ;—Rejette » (Req. 5 mai

et que la première donataire aura le droit de conserver, outre sa réserve, toute la quotité disponible;

Considérant que les enfants donataires n'invoquent pas les dispositions du titre du code civil, relatif aux successions, mais qu'ils se fondent sur les dispositions qui concernent les donations entre-vifs; Considérant que c'est un principe général consacré par l'art. 893 qu'on peut disposer de tous ses biens à titre gratuit, dans les formes déterminées par la loi; et qu'il est certain que, suivant l'art. 894, les donations entre-vifs sont irrévocables; - Considérant que les restrictions apportées aux libéralités du disposant qui a des enfants, et qui divisent ses biens en réserve légale et en portion disponible, dont la quotité est déterminée par l'art. 915, suivant le nombre des enfants, n'existent que dans l'intérêt de ces enfants, en faveur desquels on a voulu assurer l'accomplissement d'une obligation naturelle ; Considérant que l'art.

919 du code, qui porte que la quotité disponible peut être donnée en tout ou partie aux enfants ou autres successibles du donateur, ne permet pas de douter, d'après l'esprit de la loi et l'ensemble de ses dispositions, qu'à plus forte raison il peut leur donner par avancement de succession la portion dont il lui est interdit de disposer au profit d'autres personnes;

Considérant que celui qui donne par avancement d'hoirie ne peut raisonnablement être réputé avoir voulu donner tout ou partie de la quotité disponible, avant de s'être libéré envers l'enfant donataire de sa part dans la réserve à laquelle il avait droit, parce qu'on est toujours présumé s'acquitter d'une obligation avant de faire une donation de la portion de biens dont on peut disposer en faveur d'autres individus ; Considérant que, si les dispositions entre-vifs sont réductibles, c'est seulement pour assurer aux enfants leur réserve légale, et de manière à ce que la réduction, ne pouvant être demandée que par ceux au profit desquels elle est établie, leurs héritiers ou ayants cause, les donataires, légataires ou créanciers du défunt ne puissent ni la demander ni en profiter (art. 921);

Considérant que le texte de cet art. 921, ainsi que les discussions qui ont précédé sa rédaction definitive et son adoption, constatent que le droit des enfants à la réserve legale leur est attribué en raison de leur qualité particulière de descendants, et qu'en l'exerçant, ils ne sont pas nécessairement soumis à toutes les obligations imposées aux héritiers;

Considérant que, si l'enfant donataire qui renonce ne peut, suivant l'art. 857, ni réclamer aucun rapport, ni aucun des biens de la succession, il n'en est pas moins vrai que les autres enfants ne peuvent obtenir la réduction de sa donation qu'afin d'avoir la part que la loi leur attribue dans la réserve légale, réserve qui a été établie autant dans l'intérêt de celui qui l'a reçue du vivant de son père, que de celui qui est obligé de la demander après sa mort;

Considérant aussi que, suivant l'art. 913, la réserve et la quotité disponible sont fixées par le nombre des enfants que le donateur laisse à l'époque de son décès, et non en raison du nombre de ceux qui acceptent sa succession; Considérant encore que l'art. 786 porte que la part du renonçant accroît à ses cohéritiers, et que, dans le cas actuel, les enfants donataires ayant renoncé à la succession de leur père, ne peuvent prendre part à un accroissement qui n'appartient qu'à celui qui, postérieurement à l'ouverture de la succession, l'a acceptée au moins sous bénéfice d'inventaire ; Considérant, en effet, que les enfants dona'aires qui ont voulu se dispenser de rapporter leurs donations, ne peuvent invoquer que leurs droits tels qu'ils existaient à l'époque du décès de leur père, pour se défendre par voie d'exception de l'action intentée contre eux par l'héritier, au profit duquel la loi a seulement accordé le droit d'accroissement, ainsi que le prouve le texte de loi précitée;

Considérant qu'il n'est ni douteux, ni contesté qu'un enfant qui renonce a droit de conserver sa donation entre-vifs sur la quotité disponible; mais que l'art. 843 qui lui permet de retenir son don jusqu'à concurrence de cette portion disponible, doit être entendu en ce sens qu'en imputant d'abord sa donation sur sa part dans la réserve légale, le surplus doit l'être sur la quotité disponible, mais de manière à ce que la donation ne puisse en totalité excéder cette même portion disponible; - Considérant qu'en agissant ainsi on rend facile et équitable l'appli cation de l'art. 845, en accordant, lorsqu'il y a plusieurs donataires, au premier, sa part dans la réserve légale et la quotité disponible, de

1812, MM. Mourre, 1r pr., Reuvens, rap., aff. de Beauvoir C. de Lambrussel).

1037. Le rapport est dû par le cohéritier ou par ses représentants. Ainsi le créancier personnel de l'héritier, qui poursuit, au nom de ce dernier, la liquidation et le partage de la succession, doit être également assujetti au rapport, car il ne peut recueillir que la portion de l'héritier dont il exerce les droits.Toutefois, il a été jugé que le rapport n'est dû par les créanciers d'un héritier que lorsqu'ils exercent les droits héréditaires de leur débiteur; qu'il n'est pas dû quand ils exercent ses droits de créance restés intacts par l'effet d'une acceptation bénéficiaire;

telle sorte qu'il ne puisse conserver en tout que jusqu'à concurrence de la portion disponible; au second, sa réserve et ce qui reste de la quotité disponible, de manière à ce qu'il ne puisse également avoir en tout plus que la quotité disponible, et continuant ainsi à l'égard des autres donataires jusqu'à ce que la portion disponible étant épuisée, les derniers donataires conservent seulement leur part dans la réserve légale ; Considérant que le texte de l'art. 845 ainsi entendu est conforme à la volonté présumée du donateur, qui n'avait fait que des donations sujettes à rapport, si les donataires n'avaient pas renoncé à sa succession, et qu'on fait produire autant qu'on le peut aux dernières donations leur effet, de manière à conserver le plus possible l'égalité entre les enfants, suivant le système général de notre législation;

Considérant qu'en décidant autrement on ferait dépendre le sort des donations postérieures de la volonté des premiers donataires qui pourraient, en acceptant ou en renonçant, rendre valables ou sans effet, en tout ou partie, les dernières donations relativement à la part dans la réserve légale; tandis que c'est seulement pour limiter les avantages que le donataire retire de sa renonciation qu'on a voulu que, dans aucun cas, il ne puisse conserver avec sa part dans la réserve qu'une quotité de la portion disponible qui, y étant jointe, n'excède pas en tout ce dont le donateur pouvait alors disposer en faveur de toutes per

sonnes ;

Considérant qu'en entendant et en interprétant en tant que de besoin la législation ainsi qu'on vient de le faire, on se conforme à ce qui est juste et équitable; on fait ce qu'on doit présumer, en cas de doute, que le législateur a voulu faire; on fait l'imputation d'abord sur la réserve, suivant ce principe maintenant reconnu par la jurisprudence que l'enfant réservataire ne peut, au préjudice des donataires même postérieurs et des légataires, élever des réclamations fondées que pour obtenir la réserve qui lui est attribuée par la loi, en imputant d'abord sur cette réserve ce qu'il a reçu de son ascendant par avancement d'hoirie, et ce qu'il a recueilli dans la succession;

Considérant qu'en supposant qu'il fût possible d'entendre les dispositions de la loi dans le sens invoqué par l'enfant qui a accepte la succession, ce ne serait que par voie d'interpretation, dont les conséquences seraient tellement injustes et contraires à l'esprit de notre législation qu'il faudrait un texte aussi impératif que positif pour se soumettre à un système qui aurait pour résultat d'accorder à un enfant acceptant les trois quarts de la succession de son père, en anéantissant jusqu'à due concurrence les donations entre-vifs des autres enfants qui ont renoncé et qui alors ne conserveraient pour eux trois que le quart des biens, c'est-à-dire qu'ils seraient traités comme des étrangers, en faisant abstraction de la qualité d'enfant, qui leur donnait droit à la réserve; Que non-seulement cette qualité leur serait alors inutile, mais qu'elle servirait à les dépouiller en partie de leur donation, si leur existence avait de l'influence pour réduire la quotité disponible fixée par l'art. 913;...

Par ces motifs, autorise la femme Legrain à retenir, aux dépens des valeurs à elle données par son père, par son contrat de mariage du 26 avr. 1808, le montant de sa part dans la réserve légale de la succession de son père, et le surplus sur le quart qui formait la quotité disponible, mais de manière à ce qu'elle ne puisse retenir en tout que jusqu'à concurrence de cette quotité disponible; Accorde à Gabriel Leboucher le bénéfice de ses conclusions, en l'autorisant à retenir, aux dépens des valeurs pour lui acquittées par son père, par suite des actes des 18 mars 1811 et 25 avr. suivant, le montant de sa part dans la réserve légale, et le surplus jusqu'à concurrence de ce qui pourrait rester de la quotité disponible, d'après les règles tracées pour la femme Legrain; dit que la part de chacun des enfants donataires, dans la réserve, devant être fixée en raison du nombre des enfants qui existaient à l'époque du décès du père, cette part ne peut être de plus du sixième de la réserve, pour chacun d'eux, et que les réserves dévolues aux autres enfants qui ont renoncé à la succession de leur père sont acquises par voie d'accroissement à la femme Dionis, qui aura les trois sixièmes de la réserve ; — Dit à tort l'action intentée contre la femme Dudonney, qui a reçu une somme qui est reconnue être inférieure à sa part dans la réserve, etc.

Du 25 juill. 1837.-C. de Caen, 1re ch.-MM. de la Chouguais, pr.; c. conf.-Massot, av. gén.-Thomine et Lys, av.

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