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» dut avoir cette Héloïfe, qui ne pouvant faire » le facrifice que la religion lui commandoit, » trouva plus facile d'épurer & d'ennoblir affez » fa paffion pour avoir le droit de la conferver » au pied des autels, & de s'en entretenir » avec Dieu même, fans trouble & fans re» mords! «

Pour perfectionner & abréger ce morceau, que l'on peut trouver un peu long pour un épisode, il eût fallu retrancher l'avant-derniere phrafe, qui d'ailleurs préfente des idées dont la modeftie délicate du genre oratoire peut être bleffée; il eût failu auffi fupprimer la moralité paffionnée, expreffions recherchées & précieufes, & d'autant moins faites pour ce difcours, que l'auteur, en général, eft éloigné de l'affectation, & paroît fur-tout exempt de cette fauffe chaleur, de cet abus de grands mots & de figures qui a infecté tous les genres d'écrire. Cette fageffe dans un jeune homme, & les morceaux frappans qu'on vient de citer donnent déja plus que des efpérances; & fi M. Garat veut fe perfuader que du moment où le talent fe manifeste, à celui où il fait faire un ouvrage, il y a encore de l'intervalle, nous pouvons compter fur un bon écrivain de plus. Ses idées feroient fouvent vaftes, fortes & neuves; mais il les tire quelquefois de trop loin, les rapproche difficilement de fon fujet, & les laiffe dans un vague où le lecteur a de la peine à les faifir. Il nous femble encore que M. Garat doit apporter une attention févere à perfectionner fon ftyle, dont les défauts ont été re

levés par plufieurs journalistes: on n'y trouve pas toujours cette netteté d'idées, cette marche facile & cette jufteffe d'expreffions qui caractérisent nos bons écrivains on y defire cet accord du coloris qui flatte l'imagination, de l'harmonie qui plaît à l'oreille, & de la fimplicité qui remue doucement l'ame & qui l'intéreffe. Voilà cependant les qualités qui font le charme de nos excellens ouvrages, & qui leur affurent l'avantage d'être toujours relus avec un nouveau plaifir. On reproche encore à celui de M. Garat trois pages de réflexions philofophiques trop faftueufes qui terminent le difcours. On fait que les orateurs ramassent ordinairement toutes leurs forces pour rendre leur péroraifon animée & pathétique; & M. Garat eft obligé d'y fubftituer une differtation fur les avantages que les peuples ne peuvent attendre que d'une nouvelle législation; ce qui prouve encore la stérilité du sujet propose par l'académie..... Pourquoi faut-il que M. Garat ait eu à louer Suger & non pas St. Bernard? N'eft-il pas digne de la reconnoiffance de tous les fiecles, cet homme en qui fon fiecle admira l'alliance augufte des talens & des vertus ?

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(Journal de littérature, des fciences & des arts; Mercure de France; Journal encyclopédique; Journal de Paris; Affiches & annonces de Paris.)

CONTES de J. Boccace, traduction nouvelle, enrichie de belles gravures. 10 vol. in 8vo. (*) A Londres, & fe trouvent à Paris, chez Laporte; & à Bouillon, à la fociété typographique. 1779.

LE Décameron de Boccace eft un de ces li

vres qui font partie de la bibliotheque de toutes les nations de l'Europe. C'eft un des premiers monumens de la renaiffance des lettres, un des ouvrages claffiques de la littérature italienne, & un ouvrage confacré par l'admiration de quatre fiecles. La plupart de ces contes ont été traduits dans toutes les langués de l'Europe. Plufieurs fe font embellis fous la plume des écrivains de différentes nations, & ces écrivains doivent une partie de leur gloire à Boccace. Ses contes ont fourni des fituations comiques à prefque tous les théatres. On fait le parti qu'en a tiré Moliere dans plufieurs de fes ouvrages. Ses fucceffeurs ont encore trouvé à y glaner; & pendant long-tems un des théatres de Paris prenoit dans les contes de Boccace le fujet & même le titre de fes pieces nouvelles. It eft difficile de favoir ce que Boccace, relativement au fond de fes contes, devoit à lui

(*) Le même ouvrage paroît auffi fous le format in-12.

même ou avoit emprunté d'ailleurs. Plufieurs remontoient fans doute jufqu'aux troubadours, & il eft vraisemblable même que les croifades en apporterent en Europe quelques-uns des plus piquans. En effet, on eft étonné de retrouver dans des livres orientaux des contes dont le fond eft abfolument le même que celui de quelques uns répandus dans notre occident, & l'on eft bien porté à croire que les auteurs perfans & arabes, dont l'imagination eft fi vive & quelquefois beaucoup trop vive doivent avoir l'honneur de l'invention. Mais ce qui affure à Boccace une gloire plus durable & plus folide, c'eft d'avoir joint au mérité de conteur agréable celui d'être le peintre des mœurs de fon fiecle & de fa nation, d'avoir fixé le génie de la langue italienne, d'avoir été concurremment avec Pétrarque le premier écrivain de fon tems, & d'avoir fait pour la profe ce que Pétrarque avoit fait pour les vers. Ces deux hommes, l'honneur de leur fiecle, farent liés d'une amitié conftante; le difciple ( Boc cace) fut, ainsi que le maître, forcé long-tems de combattre les obftacles que fa famille oppofoit à fon goût pour les lettres. Tous deux furent contraints d'entrer dans la carriere de la jurisprudence, qui étoit alors la carriere de la fortune, & en furent arrachés par leur goût pour la littérature. Ils eurent le bonheur l'un & l'autre de n'en être point les victimes. Une fortune honnête, une confidération immenfe, des poftes honorables, la faveur des princes & des grands, la gloire enfin fut la récompen

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fe de leur courage. Ce fut fans doute un moment bien doux pour l'auteur du Décaméron que celui où les Florentins, après avoir porté un décret qui rétabliffoit Pétrarque dans la fortune de ses peres, le choifirent d'une voix unanime pour aller porter cette heureuse nouvelle à fon ami. Tous deux ( car on revient avec plaifir au parallele de ces écrivains célebres), tous deux joignoient à la gloire d'être, pour ainfi dire, créateurs de leur langue, le mérite d'une érudition immenfe, dans un tems où l'imprimerie n'exiftoit pas, où les manufcrits étoient rares, d'une cherté exceffive, où l'on fe les procuroit difficilement. C'est à Pérrarque & à Boccace que nous devons la conservation de plufieurs auteurs grecs & latins; ils étoient l'un & l'autre fort verfés dans ces deux langues. L'un & l'autre ont écrit plufieurs ouvrages en langue latine, & peut-être l'un & l'autre n'auroient-ils été que des favans, files femmes n'euffent fait de Pétrarque un poëte, de Boccace un conteur, & s'ils n'euffent été forcés l'un & l'autre d'écrire dans la langue de leurs maîtreffes. C'eft donc l'amour qui a furtout hâté les progrès de la poésie & de la langue italienne. Mais cette paffion, qui fut dans Pétrarque un fentiment profond, durable, occupé d'un feul objet, & qui fe mêlant à une imagination vive & fenfible, conduifit l'amant de Laure à une forte de platonisme, ne fut guere dans Boccace qu'un goût ardent & foutenu pour le fexe en général. Il aimoit les femmes, il vouloit leur plaire: il crut que le

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