<< appelle Areg ou Sqidi: vous y avez des plaines souvent <couvertes de pierres aiguës et sur lesquelles on ne peut << pas constater l'influence de l'eau : on les appelle Hammaia. « Vous y avez d'autres plaines couvertes de petits cailloux, << arrondis sans doute par l'action des eaux; on les appelle « Sérir. Enfin, partout où il y a de l'eau, et même quand << elle est saumâtre, vous y trouvez des plantes, des arbres, « en un mot, une oasis. << Le résultat le plus important de mon voyage fut la dé« couverte de la grande dépression. En arrivant au Bir << (puits) Ressam, je constatai une élévation constante de la << colonne baromètrique, non causée par les influences du << temps ou par les flux et reflux périodiques de l'atmos«phère, mais par l'amoindrissement du sol terrestre même. « Ainsi à Audjelah, emplacement des anciens Nasamons, « à Gerdoba, à Ferfayah, à l'oasis de Jupiter Ammon, << le baromètre se montrait constamment au-desus du point << qu'il doit atteindre au niveau de la mer. Cette dépression, « Messieurs, fut la première cause de l'expédition actuelle. << Une découverte aussi importante provoquait d'autres in<<vestigations. Qu'y avait-il en effet de plus essentiel que « d'examiner de près le désert Libyque dont la dépression, << au Nord, ne forme qu'une partie ? << Mais à qui m'adresser pour avoir les moyens né<< cessaires à une expédition aussi coûteuse? Le pays le << plus intéressé à avoir des renseignements exacts sur la << topographie de ce terrain, était l'Egypte, dont la frontière << à l'Ouest est formée par le désert Libyque. L'année passée « en été, je soumis mon plan à M. de Jasmund, notre << Consul Général; et celui-ci, bien connu par son amour << pour tout ce qui rapport aux sciences et aux arts, << présenta mes projets à S. A. le Khédive. << Heureusement l'Egypte possède, dans la personne du << Prince qui la gouverne aujourd'hui, un homme aussi <<< connu pour les efforts qu'il a faits afin d'améliorer le sort <de ses propres sujets, que pour prendre part aux grandes << questions de la civilisation et du progrès général. << Bref, mon plan fut approuvé, les moyens nécessaires << garantis, et nous voilà prêts à entreprendre notre tâche. Il s'agit d'explorer le désert Lybique. Naturellement, << d'un voyage qui est encore à faire on ne peut qu'indiquer << le plan. Le voici : « Nous avons pris comme point de départ la ville de << Siout. Situé sur le 27° 10' de latitude Nord, et 31° 10' << de longitude Est de Greenwich, ce point offre les meilleu<<res conditions pour pénétrer dans le désert. Nous avons << tout de suite devant nous un pays inexploré, mais nous << trouvons, après un voyage d'à-peu-près quinze à vingt << jours, une oasis nommée Farafreh, appartenant aussi, << aux états du Khédive. » De Farafreh, nous pousserons encore vers l'Ouest pour at« teindre l'Oasis de Koufra, endroit peuplé qui n'a été jusqu'à << ce jour visité par aucun Européen; et une fois arrivés à « Koufra, notre principal but aura été atteint, car en route << la plus grande attention sera mise à examiner la géologie, << la topographie, l'hydrographie, c'est-à-dire le cours des << Ouadys et tout ce qui en dépend. << Accompagné des savants les plus estimés de nos Académies d'Allemagne, je crois que les résultats de ce voya<< ge ne contribueront pas peu à élargir nos connaissanees << sur un pays qui jusqu'à présent pour ainsi dire n'existait pour nous que de nom.>> S. E. Mariette-Bey remercie M. Rohlfs des renseignements qu'il vient de communiquer à l'Institut. Il espère que l'expédition projetée arrivera à un résultat satisfaisant, pour l'honneur de la science et de S. A. le Khédive dont la munificence a si largement assuré tous les frais de ce voyage. Il prie M. Rohlfs, dans le cours de cette exploration, de rechercher avec soin les antiquités et les ruines qui pourraient se rencontrer dans les parages où il va se rendre. De précédents voyageurs ont déjà constaté, dans l'oasis de Thèbes, des restes d'un temple où l'on a pu lire le nom de Darius, ce qui est très important pour la science, et dans l'oasis d'Ammon, les vestiges du temple de Jupiter Ammon. Il pourrait très bien se faire que d'autres ruines existassent également dans les autres oasis que l'expédition va parcourir, et il recommande vivement à M. Rohlfs de les examiner et d'en rapporter des descriptions. M. Mariette appelle encore l'attention des voyageurs sur une classe de monuments dont la présence en Egypte, révélée dans ces trois dernières années, a fortement préoccupé le monde savant; il s'agit des instruments de silex fabriqués de main d'homme, et qui pourraient se rattacher aux âges préhistoriques. M. Rohlfs répond qu'il ne manquera pas de recueillir tous les faits et toutes les observations pouvant se rapporter aux deux questions qui viennent d'être indiquées, et qu'il espère à son retour pouvoir soumettre à l'Institut des résultats dignes de son intérêt. M. Mariette-Bey ajoute encore quelques mots pour montrer l'importance de l'examen qu'il recommande au sujet des instruments de silex. On sait que ces silex portent, dans la manière dont ils sont taillés, la marque irrécusable du travail humain, au sens de presque tous les savants qni se sont occupés de cette matière. Il a été cependant soutenu, pour l'Egypte notamment, que ces sortes de silex n'étaient nullement travaillés de main d'homme et que les forces naturelles de l'atmosphère, le soleil et l'humidité, pouvaient suffire pour produire des éclats semblables à ce que nous considérons comme de véritables instruments de pierre. On peut se rappeler que telle avait été l'opinion émise à l'Institut même par M. le professeur Lepsius. Or si les voyageurs, en s'avançant dans le désert, trouvaient à une grande distance des lieux habités, et à des endroits qui, dans les âges précédents, époques d'isolement et de faiblesse, ne pouvaient évidemment avoir d'habitants, un nombre considérable de ces mêmes objets,-il deviendrait extrêmement probable que la nature a en effet suffi pour les produire. Jusqu'à présent, à vrai dire, tout s'oppose à cette opinion; etainsi Mr le Dr Reil a essayé de toute manière de produire des éclats de silex par des moyens naturels mais s'ils pouvaient par fois arriver à des formes analogues à celles des silex taillés, ils ne présentaient jamais cette série d'entailles qui est bien la marque du travail humain. Il ajoute que sir John Lubbock, qui vient de faire un voyage dans la Haute-Egypte, a trouvé une quantité considérable de ces silex taillés, et a découvert plusieurs gisements inconnus. Mr le Dr Abbate bey demande à Mr Rolhfs si l'élévation du baromètre qui lui a révélé la grande dépression du sol dont parle sa notice, n'offrait pas des oscillations journalières. Mr Rolhfs répond que l'élévation dont il parle était constante, et tout à fait indépendante des oscillations journalières qu'il a aussi observées, et qui tiennent à l'état de l'atmosphère. Mr le Dr Gaillardot, revenant sur la question des silex taillés, dit qu'il considère, ainsi que S. E. Mariette Bey, certaines formes comme ne pouvant être l'effet du hasard. Reste la question de savoir à quelle époque remontent ces monuments en Egypte: à cet égard, il considère l'existence des forêts pétrifiées comme pouvant donner un élément de solution, car elles indiquent la présence dans ce pays, aux époques antéhistoriques, d'une végétation qui rendait la vie humaine. possible. Aussi engage-t-il vivement Mr le Dr Rohlfs et ses savants compagnons à étudier ce qui se rapporte à ces forêts, comme aussi à la nature des terrains qu'ils traver seront, aux alluvions et aux anciens cours d'eau dont ils pourraient trouver la place. M. Rohlfs répond que M. le Dr Zittel, professeur, qui fait fait partie de l'expédition, est particulièrement chargé des études géologiques et paléontologiques, et s'occupera naturellement des questions indiquées par M. le Dr Gaillardot. S. E. Mariette Bey insiste sur l'intérêt que présente l'étude des forêts pétrifiées. Il a été étonné de voir par le procès verbal de la séance précédente que M. le Dr Gaillardot les considérait comme ayant été silicifiées sur place, et il demande à M. le Dr Zittel quelle est son opinion à cet égard. M. le Dr Zittel dit que la silicification sur place est admise par Fraas, qui considére la forêt pétrifiée du Caire comme appartenant à l'époque miocène et formée d'une espèce de plantes fossiles voisine des celles des lignites d'Italie et d'Allemagne ; M. Unger les rattache aux Nicolia; mais son étude n'est pas complète et il y a encore d'autres espèces à déterminer. La forêt pétrifiée du Caire n'est pas du reste un phénomène unique; il y a d'autres dépôts de bois silicifiés, et on peut voir notamment en Bohême une vraie forêt pétrifiée appar tenant a l'époque perméenne. M. Mariette demande à M. Zittel s'il pense quant à lui que les conditions géologiques de l'Egypte permettent de considérer cette végétation ancienne comme ayant appartenu au pays. M. Zittel déclare que c'est son avis. Alors, dit M. Mariette, il ne serait pas impossible de rencontrer dans le passage du grès au calcaire un véritable terrain houiller. Oui, répond M. Zittel, rien ne s'oppose à ce qu'on rencontre de la houille en Egypte. M. Mariette rappelle alors les recherches déjà faites dans ce sens et qui n'ont pas encore amené de résultat satisfaisant. |