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Ce d'Avril, 1666.

"Je ne puis jamais tesmoigner mon obéissance au Roy dans une occasion qui luy marque mieux, mon respect infiny pour les volontés de S. M. qu'au sujet dont il s'agist, n'aiant jamais pensé à vendre Ruel ny pensé aussi qu'il se feust iamais vendu.

"J'avoue qu'il m'est cher, par bien des considérations, et Vous pouvez iuger, Monsieur, vous qui qui estes si reconnessant, les dépenses excessives que i'y ay faites font connestre l'afection et l'attachement que i'y ay tousiours eu; mais le sacrifice que ie feray en sera plus grand; j'espère qu'estant présenté par vos mains, vous en ferez valoir le mérite.

"Le Roy est le maistre; et celui qui m'a donné Ruel a si bien apris à toute la France l'obéissance qu'il luy doit, que S. M. ne doit pas douter de la mienne,

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"Permettez-moy de redire encore, Monsieur, qu'excepté le Roy et la Reyne," Ruel n'aurait point de prix à mon égard.

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Faites-moy, s'il vous plaît, l'honneur de me croire votre tres humble servante autant que ie la suis.

"La Duchesse d'AIGUILLON." L'acquisition n'eut pas lieu, et le château de Ruel passa au duc de Richelieu. Plus tard, un héritier de ce nom le vendit à un homme d'affaires de Paris, qui, préférant l'utile à l'agréable, mit en valeur ce qui était consacré au luxe. Devenu propriété nationale, en 1793, tout fut vendu, et le château moderne qu'on y voit aujourd'hui, appartient à madame la princesse d'Essling.

La première pierre de l'église de Ruel fut posée en 1584, par Antoine le', roi titulaire de Portugal, connu

dans l'histoire sous le nom de Prieur de Crato. Le grand portail, dû à la munificence du cardinal de Richelieu, dessiné par Mercier, ressemble beaucoup à celui de la Sorbonne, exécuté par le même architecte, d'après les ordres de ce cardinal. Ce n'est que depuis la révolution qu'on ne remarque plus, dans l'intérieur du monument, le tombeau de Zaga-Christ, qui vint en France sous le ministère de Richelieu. Par les uns, il fut regardé comme roi d'Ethiopie, par d'autres, comme un imposteur; ce qui fit qu'on grava sur sa tombe la singulière épitaphe dont voici deux versions:

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ELOQUENCE DE LA CHAIRE.

M. IRVING. MASSILLON.

DANS une ville comme Londres, la vaste capitale d'un pays où la civilisation et les arts, qui en sont le fruit, ont été portés si loin, chaque jour a, pour ainsi dire, sa merveille. Tantôt c'est quelque production sublime du ciseau ou du pinceau, tantôt quelque chef-d'œuvre littéraire ou scientifique. La merveille du jour est un prédicateur presbytérien Ecossais du nom d'Irving, dont l'éloquence a réuni autour de sa chaire des auditeurs de toutes les classes. Il vient de publier un volume de sermons, et comme auteur donne aux critiques le droit de faire des remarques dont autrement il voudrait peut-être mieux s'abstenir.

M. Irving semble, sous quelques rapports, avoir pris pour modèles les prédicateurs Français du siècle de Louis XIV, dont les discours sont généralement regardés comme les plus beaux monumens de l'éloquence chrétienne chez les modernes.

Nous fonderons les observations que nous allons faire sur un passage du prédicateur écossais qu'on a beaucoup vanté dans les papiers publics et qui nous fournira l'occasion de mettre en parallèle un morceau de Massillon sur le même sujet; le châtiment des impies par le Dieu des vengeances.

Nous donnerons le morceau de M. Irving dans l'original, nous contentant de traduire les passages qui seront le plus immédiatement l'objet de nos remarques. Pour plus d'une raison nous craindrions de faire une grande injustice à l'orateur en cherchant à les traduire en entier.

"Obey the Scriptures or you perish. You may despise the honour done you by the Majesty above, you may spurn the sovereignty of Almighty God, you may revolt from creation's universal rule to bow before its Creator, and stand in momentary

rebellion against his ordinances; his overtures of mercy you may cast_contempt on, and crucify afresh the Royal Personage who bears them; and you may riot in your licentious liberty for a while, and make game of his indulgence and long suffering. But come at length it will, when Revenge shall array herself to go forth, and Anguish shall attend her, and from the wheels of their chariot Ruin and Dismay shall shoot far and wide among the enemies of the king, whose desolation shall not tarry, and whose destruction, as the wings of the whirlwind, shall be swift-hopeless as the conclusion of eternity and the reversion of doom. Then around the fiery concave of the wasteful pit the clang of grief shall ring, and the flinty heart which repelled tender mercy shall strike its fangs into its proper bosom; and the soft and gentle spirit which dissolved in voluptuous pleasures, shall dissolve in weeping sorrows and outbursting lamentations; and the gay glory of time shall depart; and sportful liberty shall be bound for ever in the chain of obdurate necessity. The green earth, with all her blooming beauty and bowers of peace, shall depart. The morning and evening salutations of kinsmen shall depart, and the ever welcome voice of friendship, and the tender whisper of full hearted affection shall depart, for the sad discord of weeping and wailing and gnashing of teeth. And the tender names of children, and father, and mother, and wife, and husband, with the communion of domestic love, and mutual affection, and the inward touches of natural instinct, which family compact, when uninvaded by discord, wraps the live-long day into one swell of tender emotion, making Earth's lowly scenes worthy of Heaven itself. All,

all-shall pass away! and instead shall come the level lake that burneth, and the solitary dungeon, and the desolate bosom, and the throes and tos sings of horror and hopelessness, and the worm that dieth not, and the fire that is not quenched.

La première sentence finissant par ces mots," indulgence and long suffering" est belle, si nous en exceptons l'expression" Make game of &c.," que nous regardons comme peu digne du style oratoire et dont la bassesse, n'est point compensée par son énergie.

Dans la phrase suivante la vengeance et la douleur sont personnifiées, et d'une manière tellement indépendante que nous perdons de vue l'idée principale, la seule idée autour de laquelle tout le reste devrait se concentrer; celle d'un Dieu éternel et toutpuissant. Nous verrons comme Massillon a su se garder de cette faute. Toutefois, la période finit par une expression qui nous paraît originale et dont personne ne disputera la beauté ;

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Hopeless as the conclusion of eternity and the reversion of doom." (Châtiment auquel on ne peut pas plus espérer d'échapper qu'on ne peut compter sur la fin de l'éternité et la révocation des décrets du ToutPuissant.J

Mais hélas! il faut ici mettre un terme à nos éloges. Nous n'avons plus qu'une suite de métaphores incohérentes plus faite pour embarasser l'esprit que pour émouvoir le cœur ou remplir l'âme du pécheur d'une frayeur salutaire. Nous le demandons, non pas à ceux qui jugent d'un morceau d'éloquence comme d'une proposition, d'Euclide, mais à l'admirateur le plus décidé du langage métaphorique de l'orient; que pense-t-il de l'image suivante? The flinty heart shall strike its fangs into its proper bosom." (Un cœur de roc qui se déchire le sein de ses propres mains.)*

*Nous ne fesons pas à M. Irving l'injuștice de le traduire littéralement.

Ce qui suit immédiatement "The soft and gentle spirit which dis solved...... shall dissolve...." est vraiment absurde; en un mot, nous le répétons; nous n'avons plus qu'un tissu de métaphores incohérentes qui ne prouvent que la richesse stérile d'une imagination déréglée.

Au passage que nous venons de citer comparons un passage de Massil+ lon sur le même sujet.

L'orateur s'adresse à la cour de Louis XIV:

"Regardez le monde tel que vous l'avez vu dans vos premières années, et tel que vous les voyez aujourd'hui ; une nouvelle cour a succédé à celle que vos premiers ans ont vue; de nouveaux personnages sont montés sur la scène: les grands rôles sont remplis par de nouveaux acteurs: ce sont de nouveaux événemens, de nouvelles intrigues, de nouvelles passions, de nouveaux héros dans la vertu, comme dans le vice, qui font le sujet des louanges, des dérisions, des censures publiques : un nouveau monde s'est élevé insensiblement, et sans que vous vous en soyez aperçu sur les débris du premier: tout passe avec vous et comme vous: une rapidité que rien n'arrête, entraîne tout dans les abîmes de l'éternité: nos ancêtres nous en frayèrent hier le chemin, et nous allons le frayer demain à ceux qui viendront après nous. Les âges se renouvellent; la figure du monde passe sans cesse, les morts et les vivans se remplacent et se succèdent continuellement; rien ne demeure; tout change, tout s'use, tout s'éteint; Dieu seul demeure toujours le même; le torrent des siècles qui entraîne tous les hommes, coule devant ses yeux; et il voit, avec indignation, de faibles mortels emportés par ce cours rapide, l'insulter en passant; vouloir faire de ce seul instant tout leur bonheur; et tomber, au sortir de-là, entre les mains de sa colère et de sa vengeance."

Certes en lisant ce morceau, personne n'accusera Massillon, de stérilité d'imagination; mais comme la

gradation des idées est bien observée ! comme elles sont bien subordonnées à l'idée principale ! d'abord l'orateur parle à ses auditeurs des changemens qui se sont passés sous leurs yeux; du monde tel qu'ils l'ont vu et tel qu'ils le voient; il leur rappelle ensuite "Que les âges se renouvellent. Que la figure du monde passe sans cesse,. que les morts et les vivans se remplacent et se succèdent continuellement;" enfin il fait ce résumé d'une énergie terrible, "Rien ne demeure, tout change, tout s'use, tout s'éteint..

... Dieu seul est toujours le même❞ (reprend l'orateur) et il développe le contraste dans une période où l'harmonie du langage correspond à la grandeur et à la justesse des images. Massillon y parle, il est vrai, de colère et de vengeance, mais il en parle comme d'attributs de la Divinité; il se garde bien d'en faire des personnages isolés: non, rien ne nous détourne un moment du contraste imposant, et terrible qui nous est offert : la scène toujours changeante du monde, sa

gloire et ses pompes d'un jour,-et l'immuable éternité de Dieu.

Nous nous contenterons d'ajouter deux ou trois observations. Les sermons de Massillon tels que nous les avons aujourd'hui ne furent publiés qu'après sa mort; il passa donc probablement toutes les dernières années de sa vie à les retoucher. M. Irving est jeune encore, nous lui conseillons (s'il ne peut suivre un tel exemple) d'observer au moins le précepte d'Horace "Nonum prematur in annum," et alors sans doute il sera convaincu que les élans déréglés d'une imagination fougueuse ne constituent pas l'éloquence; et que si une métaphore introduite à propos et bien suivie est un des plus beaux ornemens du discours et une arme puissante entre des mains habiles; une suite de métaphores incohérentes ne peut se comparer qu'à ces images bizarres que produisent des objets réfléchis dans une glace dont la surface est inégale.

BAGATELLES.

LA figure, dans un acteur, fait la moitié de son jeu. Celui qui représente un premier personnage dans une tragédie, avec une figure ignoble, ou même commune, paraîtra moins jouer son rôle, que le parodier. On peut ici se rappeler l'aventure d'un acteur débutant au théâtre français par le rôle de Mithridate, dans la tragédie de ce nom. Il n'était point dépourvu de talens; il avait même beaucoup d'intelligence et de feu: mais son extérieur n'était rien moins que héroïque. Dans la scène où Monime dit à Mithridate: Seigneur, vous changez de visage! un plaisant cria à l'actrice : Laissez le faire. Le parterre perdit de vue aussitôt les talens du nouvel acteur, pour ne penser qu'au peu de convenance qui se trouvait entre son rôle et sa personne.

Un plaisant du parterre se trouvait à la première représentation d'une

pièce nouvelle, et applaudissait à tout rompre en criant: Ah! que cela est mauvais ! Ceux qui se trouvèrent à ses côtés, surpris de ce procédé bizarre, lui demandèrent pourquoi il disait que la pièce était mauvaise dans le tems même qu'il l'applaudissait. "J'ai reçu, répondit-il, un billet pour applaudir, je l'ai promis et je tiens parole; mais je suis honnête homme, et je ne puis trahir mon sentiment; c'est pourquoi, tout en battant des mains, je dis et répète que la pièce ne vaut rien." La sensation de ce personnage devint générale, et les spectateurs se mirent comme lui à battre des mains et à siffler.

Un astrologue se tira ingénieusement d'un grand danger du tems de Louis XI. Cet astrologue avait prédit qu'une dame, que le roi aimait, mourait dans huit jours. La

chose étant arrivée, le prince fit venir l'astrologue, et commanda à ses gens de ne pas manquer à un signal qu'il leur donnerait, de se saisir de cet homme, et de le jeter par les fenêtres. Aussitôt que le roi l'aperçut: “Toi qui prétends être un si habile homme, lui dit-il, et qui sais précisément le sort des autres, apprends-moi dans ce moment quel sera le tien, et combien tu as encore de tems à vivre?" Soit que l'astrologue eut été secrètement averti du dessein du roi, ou qu'il s'en doutât: "Sire, lui réponditil, sans témoigner aucune frayeur, je mourai trois jours avant votre majesté." Le roi n'eut garde, après cette réponse, de donner aucun signal pour le faire jeter par les fenêtres; au contraire, il eut un soin particulier de ne le laisser manquer de rien.

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Mezetin autre acteur Italien voulait dédier un ouvrage de sa façon à un duc protecteur zélé des talens; mais pour parvenir jusqu'à lui, il fallait avoir l'agrément d'un portier, d'un laquais, et d'un valet-de-chambre, dont les oreilles, suivant l'expression d'un auteur moderne, étaient dans leurs mains. Mezetin tenta de les fléchir, mais inutilement. Voici comme il s'y prit pour s'en venger. "Monsieur, dit-il fort respectueusement au portier, je dois être récompensé d'un ouvrage que j'ai dédié à M. votre maître, laissez-moi entrer, je vous promets, foi d'homme d'honneur, le tiers de ce qu'il me donnera." Le portier devenu plus humain à ce discours, lui dit : "Vous pouvez

passer, je vous en crois sur votre parole." Il fallut faire la même promesse au laquais de garde pour entrer dans l'appartement. Restait un troisième tiers qu'il pria le valet-de-chambre, placé à la porte du cabinet, de vouloir bien accepter. Le voilà entré; il fait son compliment, et présente son ouvrage. Le duc charmé de cet hommage de la part d'un acteur fêté partout, lui promet de lui accorder ce qu'il pourra désirer. "Monsieur,

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