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Lucerne, ville de Suisse, chef lieu du canton de son nom, placée à l'endroit où la Reuss sort du lac de Lucerne. Elle est grande, mais assez mal bâtie, peu animée, et le commerce y est à peu près nul, quoique à portée d'en faire un des plus florissans, cette ville étant le grand passage des marchandises de France, d'Allemagne et de Hollande qui vont en Italie par le Mont St-Gothard; et réciproquement, c'est le grand entrepôt de celles qui, venant d'Italie, et passant le St-Gothard à dos de mulets, sont dirigées sur la France, l'Allemagne et les Pays Bas, par la Reuss, l'Ida et le Rhin.

BIOGRAPHIE.

KAUFFMAN (MARIE-ANNE-AN

GELICA-CATHERINE),

L'une des femmes qui ont cultivé la peinture avec le plus de succès, naquit à Coire dans le pays des Grisons, en 1741. Dès son enfance, elle montra les plus heureuses dispositions pour la peinture et pour la musique; néanmoins elle se livra exclusivement à la peinture. Son père, peintre médiocre, mais homme de sens, lui donna les premières leçons de cet art, et la conduisit en Italie, où elle devait achever son éducation, en présence des chefs-d'oeuvre des plus grands maîtres. Dès l'âge de 11 ans, Angelica jouissait, comme peintre, d'une réputation qui détermina l'évêque de Côme ville où son père s'était fixé, à faire faire son portrait par la jeune artiste. Angelica reproduisit si habilement les traits

du prélat, que les principaux personnages de la ville de Côme voulurent avoir des portraits de la même main; et Robert d'Este, duc de Modène et gouverneur de Milan, informé du mérite d'Angelica, se déclara son protecteur. Le cardinal de Roth l'appela à Constance, et se fit peindre par elle. Ses succès allaient toujours croissant; mais l'assiduité qu'elle apportait au travail altéra sa santé ; et à l'âge de 20 ans, elle fut forcée de cesser momentanément de

cultiver la peinture. Elle reprit alors l'étude de la musique, dans laquelle, en peu de tems, elle devint très-habile. Partagée entre ces deux arts, dans un tableau où elle a voulu reproduire son penchant invincible, sa pensée constante, elle s'est représentée entre la musique et la peinture; chacune d'elles s'efforce

de l'attirer: elle cède à la peinture: mais elle laisse en même tems apercevoir le regret d'être forcée de faire un choix. Angelica parcourut l'Italie, et fit à Rome, en 1764, un cours de perspective. Sur l'invitation de quelques seigneurs Anglais qu'elle avait connus à Venise, elle se rendit à Londres. Les plus brillans succès marquèrent son séjour en Angleterre, où elle essuya aussi des chagrins qu'elle n'avait point encore éprouvés. Chargée de peindre les membres de la famille royale, au milieu des principaux seigneurs de la cour, séduits par ses talens et par les grâces de sa personne, elle resta insensible à leurs hommages. Un artiste anglais, dont elle avait refusé de devenir l'épouse, s'en vengea d'une manière bien peu digne d'un galant homme. I choisit dans la basse classe du peuple un jeune homme bien fait, d'une belle figure, le revêtit d'habits magnifiques, et lui fit étudier, quelque tems, les habitudes, le ton, le langage des personnes d'une haute condition. Le jeune homme, bien instruit de son rôle, se présenta à Angelica sous le titre du comte Frédéric de Horn, et parvint à abuser de la confiance et de la candeur de la jeune artiste. Elle l'aima et lui donna sa main. A peine le mariage est-il conclu, que le peintre anglais se hâte de dévoiler l'artifice qu'il a mis en usage. Cette découverte causa à la jeune épouse un chagrin qui lui ôta presque l'usage de la raison. Ses amis parvinrent cependant à la calmer; ils l'engagèrent à porter plainte devant les juges, et à demander l'annullation de son mariage: elle suivit leurs conseils, et le mariage fut en effet annulé, le 10 Février 1768 par un acte de séparation : mais avec la condition de faire au faux seigneur une pension viagère jusqu'à sa mort, qui arriva peu de tems après. Angelica trouva dans l'exercice de son art de nobles consolations; elle mérita de nouveau les suffrages du public, et son nom fut inscrit avec solennité sur le registre des membres de la société royale de peinture de

Londres. Klopstock et Gessner célébrèrent, dans leurs écrits, le mérite et les grâces de cette aimable artiste. Vivement touchée des tributs flatteurs de deux hommes aussi distingués par leurs talens elle leur envoya quelques tableaux de sa composition. Pressé par toutes les personnes qui lui étaient dévouées de faire un choix digne d'elle, en Juillet 1781, elle épousa Zucchi, peintre vénitien très-estimé. Cette union fut heureuse : elle avait été formée par suite d'une estime réciproque. Angelica désirait depuis long-tems de revoir l'Italie, qu'elle s'était habituée à regarder comme sa patrie d'adoption. Peu de jours après son mariage, elle partit avec son mari pour Ostende; mais elle s'arrêta quelque tems à Paris, où elle composa, pour un riche amateur anglais, Léonard de Vinci expirant dans les bras de François Ier. Elle se rendit ensuite à Naples, puis à Rome, où elle fixa enfin sa résidence. Dans la cité même où Raphaël reçut ses sublimes inspirations, elle exécuta, pour l'empereur Joseph II, qui voyageait alors en Italie, le Retour d'Arminius vainqueur des légions de Varus, et la Pompe funèbre pur laquelle Enée honore la mort de Pallas. Des succès constans, et les témoignages de la plus flatteuse considération, ne purent la consoler de la perte de son époux, qui mourut en 1795. Bientôt l'invasion de l'Italie par les Français la plongea dans une sombre inquiétude. En vain le général L'Espinasse exempta sa maison du logement des gens de guerre, et fit offrir à Angelica sa protection et tous les services qui dépendraient de lui: cette femme célèbre avait perdu son énergie: le charme puissant des beaux-arts avait disparu à ses yeux; plus d'illusion, plus de bonheur: une inquiétude continuelle l'obsédait, et répandit sur le reste de sa vie la douleur et l'ennui. Elle succomba à un chagrin vague, que nulle cause apparente ne motivait, le 5 Novembre 1807, et fut inhumée dans la chapelle de Saint-André delle Fratte. Tous les membres

de l'académie de Saint-Luc assistèrent à ses funérailles, et comme aux obsèques de Raphaël, ses deux derniers tableaux furent portés à la suite de son cercueil. Les ouvrages d'Angelica Kauffmann sont répandus dans toute l'Europe, à Vienne, à Munich, à Londres, à Florence, à Rome, à Paris, etc. Tous se font remarquer par une grâce ravissante, et par un coloris qui était particulier à cette célèbre artiste. Elle avait, comme peintre de portraits, l'habitude d'attendre quelque tems avant d'esquisser ses figures, afin de saisir l'attitude favorite du modèle qu'elle devait peindre. Dans tous ses tableaux, on voit qu'elle s'était efforcée de mettre en pratique le précepte de son père: celui de bien saisir les effets du clairobscur. Ces mêmes tableaux attestent aussi le soin qu'elle prenait d'éviter la confusion des figures, sa continuelle attention à raisonner les scènes qu'elle retraçait, enfin à des

On

siner avec goût ses draperies, de manière à ne pas trop envelopper ses personnages. Ce dernier soin fesait dire à un de ses amis, homme de gôut et bon juge: "Vos figures angéliques pourraient marcher sans déranger leurs vêtemens." Angelica avait l'habitude de jeter sur le papier les réflexions que ses travaux lui inspiraient quelquefois, et elle gardait ces souvenirs avec soin. A sa mort on les a curieusement examinés. lisait ces mots sur un de ses cahiers : "Un jour, que je trouvais de la difficulté à exprimer dans la tête de Dieu le père ce que je sentais, je dis en moi-même: Je ne veux plus tenter d'exprimer les choses supérieures à l'inspiration humaine, et je réserve cette entreprise pour le moment où je serai dans le ciel; si cependant au ciel on fait de la peinture." M. G. de Rossi a publié la vie d'Angelica Sous ce titre: Vita di Angelica Kauffmann pittrice, Florence, 1810.

MÉLANGES.

CONSIDÉRATIONS SUR LE CARACTÈRE DES ARTS DE
L'ANTIQUE ÉGYPTE,

Lues par M. RAOUL-ROCHETTE, dans la Séance générale des quatre
Académies, le 24 Avril, à Paris.

S'IL est une opinion généralement répandue, c'est que les arts de l'antique Egypte fournirent à ceux de la Grèce leurs premiers principes et leurs premiers modèles. Bien que cette opinion ne soit qu'un préjugé, et qu'à ce titre, il doive être permis de la combattre, j'aurais peut-être attendu long-tems pour me livrer à cette controverse, si je n'avais quelques raisons de me hâter. Depuis la mémorable expédition des Français en Egypte, qui, pour unique résultat ou pour dernier trophée d'une conquête brillante, nous laissé du moins un beau livre, il s'est établi entre les antiquaires de TOME III.

eu

a

tous les pays une émulation si vive, à qui dépouillerait le plus habilement cette terre classique de ses vieux monumens, à qui fouillerait avec le plus de succès sous ses immenses décombres, que l'on doit craindre de n'y plus trouver, dans quelques années que la poussière de ses temples, et, pour ainsi dire, que les ruines de ses ruines. A voir, en effet, les monumens de l'Egypte transportés pièce, à pièce, et par fragmens épars, si loin des rivages du Nil, la ville des Pharaons, devenue comme un marché ouvert, où se fournissent tous les cabinets de l'Europe; que dis-je ? les anciens Egyptiens eux-mêmes, enB

levés par centaines de leur sépulture, ne plus trouver d'asiles que dans nos musées, et la cupidité aidée de la science, faire plus en quelques mois que ne fit, en plusieurs siècles, la barbarie aidée du tems, on sent qu'il n'y a pas un moment à perdre pour étudier ces monumens, tandis qu'ils conservent encore, sur leur sol antique, leurs formes primitives et leurs traits originaux, tandis que l'Egypte est encore en Egypte.

Une chose qui ne saurait manquer de frapper au premier coup-d'œil dans les productions du ciseau égyptien, et qui éloigne toute idée d'analogie entre ces ouvrages et ceux des Grecs, c'est cette identité de galbes, cette ressemblance de formes, cette symétrie de composition, enfin, cette exécution systématique, qui portent à croire qu'elles n'ont pas seulement été tracées d'après un même modèle, mais en quelque sorte taillées d'après un même patron. Un docte et ingénieux antiquaire a dit, avec beaucoup de raison, que cinquante figures égyptiennes n'étaient que cinquante fois la même figure; comme, en elévant cette progression à l'infini, le résultat sera toujours à peu près le même, il suit déjà de cette observation que les Egyptiens n'ont jamais su ou voulu faire qu'une seule figure; et ce qui semblerait prouver que cette stérilité d'invention tient moins à de l'impuissance qu'à de l'intention, c'est que, cette figure unique, ils l'ont toujours faite de même, ni mieux, ni pis, ni autrement, si ce n'est peut-être sous le rapport de l'exécution mécanique: c'est là, je crois, un des principaux et des plus remarquables caractères de l'art égyptien; et, cela posé, il est peut-être utile et curieux d'en rechercher les causes.

Je crois qu'on peut en assigner deux principales. La première, c'est la nature même et la puissance du système religieux, qui, dans l'antique Egypte, asservissait à des dogmes extrêmement précis, extrêmement arrêtés, toutes les habitudes, toutes les

actions des citoyens. L'empire des idées religieuses est certainement trèsfavorable à la fixité: aussi nul autre pays au monde n'offre-t-il à-la-fois autant de monumens consacrés au culte, et de monumens empreints d'un égal caractère de force et de solidité. Tout ce que nous connaissons de l'histoire et des institutions de ce pays, nous donne l'idée d'une théocratie austère et sombre, qui s'était emparée de l'homme tout entier, pendant sa vie et après sa mort, et qui, après avoir constitué la société d'une certaine manière, l'avait comme rendue inébranlable. A défaut de renseignemens positifs, la vue même des monumens de l'Egypte nous prouve que la civilisation, une fois parvenue au point où l'on voulait qu'elle arrivât, n'avança plus, et que les arts y restèrent stationnaires comme elle. Qu'on examine les ruines immenses des palais et des temples, disséminés sur les deux rives du Nil, jusqu'à la première cataracte, il n'est presque aucun de ces édifices qui n'ait consumé les travaux de plusieurs règnes et de plusieurs générations; quelques-uns offrent les noms d'une douzaine de souverains successeurs les uns des autres; et pendant tout ce long espace de tems où l'art aurait dû plusieurs fois se modifier, on ne remarque presque aucune différence dans le goût ou dans le mérite de l'exécution, presque aucune altération, si ce n'est celle qui résulte des outrages du tems ou de la barbarie ; c'est toujours le même système, le même style, et je dirais presque la même main. Tous ces temples, ces statues, ces bas-reliefs, semblent avoir été produits dans le même tems, et comme jetés dans le même moule; et pourtant nous savons par notre propre expérience, combien un même édifice, quand sa construction se continue à travers plusieurs âges, change de caractère, alors même que sa destination ne change pas. Tout ce qui avait rapport à la religion, et en Egypte, presque tout y avait rapport, semblait devenir immuable comme

elle. Elle avait, pour ainsi dire, modelé l'homme lui-même d'après un type convenu; et c'est ce qui fit sans doute que les Egyptiens ne représentèrent jamais l'homme de la nature, mais toujours cette figure de convention, en sorte que l'on pourrait dire, si l'on ne craignait de s'exprimer d'une manière trop hasardée, que les statuaires égyptiens ne fesaient qu'une seule figure, parce qu'ils ne voyaient dans toute l'Egypte qu'un seul Egyptien. A cet égard, les nombreux cercueils qui sont venus en Europe, ou qui ont été vus par des Européens justifieraient notre idée. Ce sont toujours les mêmes traits, la même physionomie, le même âge, le même sexe; en un mot, c'est toujours le même personnage, et non pas les portraits de personnages divers ; aussi n'ont-ils pas voulu faire des portraits; car pour cela, il eût fallu voir, étudier et rendre la nature.

On peut former trois grandes classes de peintures ou sculptures égyptiennes, celles qui tiennent directement au culte, à l'enseignement des choses, sacrées, à l'intelligence des rites et des symboles religieux, et ce sont de beaucoup les plus nombreuses; celles qui ont rapport à des sujets domestiques, aux usages de la vie civile, de l'agriculture, de la navigation; celles enfin qui retracent des événemens réels et des personnages historiques. Il n'est pas étonnant que, dans les sujets de la première classe, l'artiste fût plus rigoureusement asservi à son modèle, attendu qu'il ne pouvait le modifier sans blesser la religion elle-même; aussi se garde-t-il bien d'y rien changer. Voyez entre autres ce groupe d'Isis allaitant Horus, qui présente une image si gracieuse; on le retrouve mille fois reproduit sur des monumens de tous les âges, et on le retrouve toujours de même, sans que tant d'artistes divers aient su en corriger le trait, invariablement fixé comme le dogme lui-même auquel il se rapportait. Mais, dans les sujets d'un ordre inférieur, il serait naturel de penser que l'artiste eût pu se

donner un peu plus de carrière, varier ses personnages, animer ses figures, se rapprocher enfin de la nature et de la vérité. Cependant il paraît qu'encore ici l'artiste avait sous les yeux des types dont il ne lui était pas permis de s'écarter. Dans les tableaux héroïques, qui représentent certainement les actions de plusieurs rois, le principal personnage est toujours le même; et soit qu'il honore ses dieux, soit qu'il terrasse ses ennemis, il a toujours la même attitude, toujours le même mouvement; et l'on pourrait croire, d'après ces tableaux si uniformes, que l'Egypte n'a eu qu'un seul monarque, comme un seul culte, une seule croyance. Enfin, dans les sujets même les plus vulgaires, dans ceux qui nous retracent le labourage, la moisson, la navigation, les processions des morts, on ne retrouve également que des personnages absolument identiques, que des attitudes exactement calquées l'une sur l'autre; rien ne vit, rien n'est animé dans ces figures; qu'il soit assis ou debout, l'homme y est toujours immobile; il ne s'y meut jamais, lors même qu'il danse; il n'y parle jamais, quoiqu'il dise toujours quelque chose. Le dieu, à cet égard n'a pas plus de privilège que le prêtre, et le héros que le soldat. L'artiste ne s'écarte jamais de la ligne droite, comme la religion ne s'écartait jamais de ses formules. Tout dans ces figures, offre l'image d'un éternel repos et le caractère d'une insurmontable nécessité. Tout y est captif et muet; on y sent partout l'empreinte du doigt d'Harpocrate; et les auteurs auraient pu se dispenser de nous apprendre que l'Egypte avait fait un dieu du silence: il semble, en un mot, que l'Egyptien, toujours enchaîné au moral comme au physique, emprisonné dans ses croyances, dans ses habitudes domestiques, dans ses vêtemens mêmes, ne fut jamais libre de sa personne, pas plus que de sa pensée.

Que si nous jetons un coup d'œil sur l'architecture égyptienne dont il

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