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Un prince d'Italie, à qui les saillies ne réussissaient jamais, parce qu'il y mettait plus d'aigreur que d'esprit, étant un jour sur un balcon avec un ministre étranger, qu'il cherchait à humilier, lui dit: "C'est de ce balcon qu'un de mes aleux fit sauter un ambassadeur. Apparemment, répondit séchement le ministre, que les ambassadeurs ne portaient point d'épée dans ce tems-là." Répartie un peu vive, mais que le prince s'était attirée; parce qu'en voulant mortifier un seul homme, il avait offensé les représentans de toutes les puissances.

Ce même prince, qui prenait les titres de roi de denx souverainetés où il n'avait pas un pouce de terre, voulant humilier une seconde fois le même ministre, lui demanda en public, où était situé le marquisat dont il prenait le nom? Entre vos deux royaumes, Monseigneur, répliqua froidement l'ambassadeur.

Des ambassadeurs de Hollande à la cour de France étaient invités à dîner par un ministre des finances. On servit au dessert du fromage de Hollande; et comme on parlait de

ce pays-là, et de ce qu'il produit, ce ministre, en montrant le fromage, dit en s'adressant à ces ambassadeurs, que c'était du fruit de leur pays, C'était une espèce de raillerie de la Hollande; les ambassadeurs s'en aperçurent: et l'un d'eux prit une poignée de ducats, et la jeta au milieu de la salle, en disant: En voilà aussi.

Une jeune Languedocienne, qui avait été trois mois privée de voir son amant, le rencontre au sortir de chez elle. Celui-ci lui témoignait les plus tendres sentimens, lorsqu'il survint une forte pluie. Le jeune homme en paraissait inquiet, et cherchait à s'en garantir. "Quoi! vous avez été trois mois absent, lui dit son amante avec emportement; Vous m'aimez, vous me voyez, et vous songez qu'il pleut?"

Les annales Japonnaises font mention de cet exemple extraordinaire d'amour filial. Une femme était restée veuve avec trois garçons, et ne subsistait que de leur travail. Quoique le prix de cette subsistance fut peu considérable, les travaux néanmoins de ces jeunes gens n'étaient pas toujours suffisans pour y subvenir. Le spectacle d'une mère qu'ils chérissaient, en proie aux besoins, leur fit un jour concevoir la plus étrange résolution. On avait publié depuis peu, que quiconque livrerait à la justice le voleur de certains effets, toucherait une somme assez considérable. Les trois frères s'accordent entr'eux qu'un des trois passera pour voleur, et que les deux autres

le meneront au juge. Ils tirent au sort pour savoir qui sera la victime de l'amour filial, et le sort tombe sur le plus jeune, qui se laisse lier et conduire comme un criminel. Le magistrat l'interroge, il répond qu'il a volé: on l'envoie en prison, et ceux qui l'ont livré touchent la somme promise. Leur coeur s'attendrit alors sur le danger de leur frère: ils trouvent le moyen d'entrer dans la prison; et croient n'être vus de pcrsonne, ils l'embrassent tendrement et l'arrosent de leurs larmes. Le magistrat, qui les aperçoit par hasard, surpris d'un spectacle si nouveau, donne commission à un de ses gens, de suivre les deux délateurs; il lui enjoint expressément de ne les point perdre de vue, qu'il n'ait découvert de quoi éclaircir un fait si singulier. Le domestique s'acquitte parfaitement de sa commission; et rapporte qu'ayant vu entrer ces deux jeunes gens dans une maison, il s'en était approché, et les avait entendu raconter à leur mère ce que l'on vient de lire; que la pauvre femme, à ce récit, avait jeté des cris lamentables, et qu'elle avait ordonné à ses enfans de reporter l'argent qu'on leur avait donné, disant qu'elle aimait mieux mourir de faim, que de se conserver la vie au prix de celle de son cher fils. Le magistrat pouvant à peine concevoir ce prodige de piété filiale, fait venir aussitôt son prisonnier, l'interroge de nouveau sur ses prétendus vols, le menace même du plus cruel supplice: mais le jeune homme, tout occupé de sa tendresse pour sa mère, reste immobile. Ah! c'en est trop, lui dit le magistrat en se jetant à son cou, enfant vertueux, votre conduite m'étonne. Il va aussitôt faire son rapport à l'empereur, qui, charmé d'une action si héroïque, voulut voir les trois frères, les combla de caresses, assigna au plus jeune une pension considérable, et une moindre à chacun des deux autres.

Une des anagrammes les plus heureuses et les plus justes, est celle qu'on a mise en réponse à la question que fit Pilate à Jésus-Christ, Quid est veritas? Ces trois mots sont rendus lettre pour lettre par cette anagramme, est vir qui adest.

On peut encore citer comme une

anagramme heureuse celle qu'on a imaginée sur le meutrier de Henri III, roi de France, Frere Jacques Clément. Les lettres de ces mots combinées portent, C'est l'enfer qui m'a crée.

Un feseur d'anagrammes trouva dans celle d'un archevêque, pour le flatter, qu'il serait cardinal à deux L près; quelqu'un mit au bas de l'anagramme, ces paroles: " restent deux L (deux ailes) pour le courrier, afin qu'il aille plus vite à Rome quérir le chapeau."

Un particulier ayant présenté l'anagramme de Henri le Grand à ce prince, dans l'espérance d'en recevoir une récompense, le roi lui demanda quelle était sa profession. Sire, lui dit-il, ma profession est de faire des anagrammes, mais je suis fort pauvre. Il n'est pas étrange que vous le soyez, reprit le roi, car vous faites là un pauvre métier.

Un homme aveugle avait une femme qu'il aimait beaucoup, quoiqu'on lui eut dit qu'elle était fort laide. Un fameux médicin vint dans le pays, et offrit à 'aveugle de lui rendre la vue.

Il ne voulut pas y consentir: "Je perdrais, dit-il, l'amour que j'ai pour ma femme, et cet amour me rend heureux."-Homme de Dieu, ajoute le philosophe Sadi qui rapporte ce trait, réponds-moi : Lequel importe le plus à l'homme, le bonheur ou la connaissance de la vérité?

Un catholique, qui avait épousé une jolie protestante, citait en sa faveur ces vers de l'Horace de Corneille :

Rome, si tu te plains que c'est-là te trabir,

Fais-toi des ennemis que je puisse

hair.

Les aveugles étant moins distraits par la quantité d'objets que le sens de la vue nous présente à la fois, doivent avoir ceux de l'ouïe, de l'odorat, du toucher, plus fins, plus exquis. C'est aussi ce que plusieurs faits nous confirment. Ajoutons que l'habitude d'exercer un sens au défaut

de l'autre, rend le premier en quelque sorte plus savant. L'Aveugle né de Puiseaux en Gâtinois, estimait la proximité du feu au degré de la chaleur: la plénitude des vaisseaux, au bruit que font en tombant les liqueurs transvasées, et le voisinage des corps, à l'action de l'air sur son visage. Il s'était fait de ses bras, des balances fort justes, et de ses doigts, des compas presque infallibles. Le poli des corps n'avait guères moins de nuances pour lui, que le son de la voix. Il jugeait de la beauté, par le toucher, et fesait entrer dans ce jugement la prononciation et le son de la voix Il adressait au bruit et à la voix très-sûrement. On rapporte qu'il eut, dans sa jeunesse, une querelle avec un de ses frères, qui s'en trouva mal. Impatienté des propos désagréables qu'il essuyait, il saisit le premier objet qui lui tomba sous la main, le lui lança, l'atteignit au milieu du front et l'étendit par terre. Cette aventure et quelques autres, le firent appeler devant le tribunal du lieutenant de police de Paris, où il demeurait pour iors. Les signes extérieurs de la puissance qui nous affectent si vivement n'en imposent point aux aveugles. Le nôtre comparut devant le magistrat, comme devant son semblable; les menaces ne l'intimidèrent point. Que me ferez-vous? dit-il à M. Herault.-Je vous jetterai dans un cul de basse-fosse, lui répondit le

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magistrat." Ah! monsieur, lui répliqua l'aveugle, il y a vingt cinq ans que j'y suis."

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On penserait peut-être qu'un Aveugle-né n'a aucune idée nette de la vision. Que l'on en juge par cette réponse. On demandait à l'aveugle de Puiseaux, ce que c'était que des yeux? C'est, répondit-il, un organe sur lequel l'air fait l'effet de mon bâton sur ma main. Cela est si vrai, ajouta-t-il, que quand je place ma main entre vos yeux et un objet, ma main vous est présente, mais l'objet vous est absent. La même chose m'arrive, quand je cherche une chose avec mon bâton, et que j'en rencontre une autre."

Il définissait un miroir, une machine qui met les choses en relief loin d'elles-mêmes, si elles se trouvent placées convenablement par rapport à elles. "C'est comme ma main, ajoutait-il, qu'il ne faut pas que je pose à côté d'un objet pour le sentir." Combien de philosophes renommés, dit un anteur moderne, ont employé moins de subtilités pour arriver à des notions aussi fausses.

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POÉSIE.

LA TOMBE D'UN ENFANT,

FRAGMENT D'UN POÈME INÉDIT SUR LES TOMBEAUX.

Il faut que, tôt ou tard, l'homme ici-bas jeté,
Sendorme dans les bras de l'immortalité.
Quelquefois elle attend, pour fermer sa paupière
Que le Tems ait blanchi sa tête octogénaire;
Et quelquefois, semblable aux roses du matin,
Les limites d'un jour resserrent son destin.
Alors, comme en passant, effleurant l'existence,
Pour lui, tout à la fois et finit et commence :
Il ne regrette rien puisqu'il n'a rien aimé :
De ses faibles désirs le germe inanimé.
Sur son cœur inactif se replie en silence,
Et comme il est sans crainte il est sans espérance.

A l'amour d'une mère en naissant arraché ;
Dans ce berceau de marbre un enfant est caché.
Pauvre enfant! de ce monde entrevoyant l'aurore,
Ton œil se ferme au jour qui pour toi vient d'éclore ;
Ton âme fugitive, exempte de douleur,

Détachée un moment du sein du Créateur,
Retourne sur ses pas, et du seuil de la vie
S'envole en souriant vers une autre patrie.
Qu'as-tu donc entrevu sur les rives du tems,
Pour redouter la terre et l'empire des ans?
Pourquoi t'élances-tu du berceau dans la tombe?
Pourquoi dans nos climats viens-tu, tendre colombe,
D'un seul gémissement saluer les forêts,
Y laisser un soupir et t'enfuir à jamais?
Quand tu goûtas du jour l'aliment ordinaire,
Sans doute tu trouvas la coupe trop amère ;
Ta lèvre, frémissant sur le bord incertain,
Pressentit un poison recélé dans son sein;
Tu détournas la tête et refusas de boire:

Tu nais et meurs! deux mots contiennent ton histoire.
Aux lueurs d'un éclair, rapide passager,

Déjà ta barque atteint le rivage étranger,

Des fougueux aquilons craignant d'être la proie,
Ta voile blanche et pure à peine se déploie,

Et tout fier d'éviter de lointaines erreurs,

Du port le plus voisin tu cherches les douceurs.

L'enfant paraît et passe..il est heureux, peut-être !
Mais plus heureux, sans doute, ils méritent de l'être,
Ces voyageurs, blanchis sous le poids des travaux,
Qui de leurs compagnons ont adouci les maux,
Et dans leurs longs trajets, laissé, pour héritage,
A ceux qui les suivront, l'exemple du courage.
Mais de ces grands destins, va, ne sois point jaloux !
Ces maux qu'ils ont connus, tu les ignores tous,
Heureux enfant ! ton âge, étranger aux alarmes,
N'a pu sentir encore l'amertume des larmes :
L'innocence a conquis le prix de la vertu ;
La victoire est à toi sans avoir combattu.
Heureux enfant!..pourquoi ta mère désolée
Aux lieux où tu n'es pas se sent-elle exilée ?
Souvent, sans y songer, pleine de son chagrin,
Du triste cimetière elle prend le chemin,
Adore de son fils le sol dépositaire,

Se recueille en son coeur, et se croit encor mère.
Là sur le tertre étroit où des fleurs chaque jour
S'entrouvrent un instant et passent sans retour,
Je vois se balancer la couronne nouvelle
Arrondie en pleurant par l'amour maternelle :
C'est la simple immortelle, aimable et tendre fleur,
Qui flatte l'espérance et charme la douleur ;
Diadême innocent qui jamais ne s'altère,

Et

que le ciel forma sur le coeur d'une mère.

DIEU. ODE.

Dieu est comme un monarque qui a plusieurs nations dans son empire; elles viennent toutes lui porter un tribut, et chacune lui parle sa langue.—MONTESQUIEU, Pensées.

Les blasphemes, les adorations des hommes attestent également un Dieu.-RIVAROL, Vie politique de La F***

Toi qui comprends le monde, et peux seul te comprendre ; Qui nous donnes le jour que tu dois nous reprendre.

Grand être illimité!

Tu créas la nature à tes lois asservie,

Et ton ordre éternel de lumière et de vie
Remplit l'immensité.

Tu mis un terme au tems, des bornes à l'espace,
Ta main les mesura, ton regard les embrasse
Dans les splendeurs du jour.

Toi-même sur ton front suspendis ta couronne ;
Le ciel est ton empire, et le soleil ton trône,
Et les astres ta cour.

Dieu des siècles, pardonne à l'humaine folie,
A ces rois que l'orgueil enivre et déifie,
Terrestres immortels;

Aux superstitions, filles de l'ignorance,
Aux cultes de l'erreur, qui dresse à ta puissance
De profanes autels.

Pardonne, hélas ! à l'homme errant et solitaire,
Tel qu'un obscur reptile exilé sur la terre,
Et mourant ignoré,

S'il ose demander à sa propre sagesse
Un secret que ta main dérobe à sa faiblesse

Sous un voile adoré.

Pardonne au malheureux, s'il peut te méconnaître : A-t-il solicité l'infortune de naître,

D'échapper au néant?

Quel sera son recours contre le fer du crime,
Qui, de la sombre nuit, monte vers sa victime
Comme un affreux géant?

Toi seul, ton bras puissant terrasse l'injustice.
Saint amour des vertus, secrète horreur du vice,
Vous proclamez un Dieu,

Un Dieu qui, dans leur lit, soumit au frein les ondes,
Enflamma le soleil, et fit rouler les mondes

Sur leurs orbes de feu.

Et l'homme souffre! il voit par-tout sa perte écrite, Le crime triomphant, et la vertu proscrite,

Fils de l'adversité :

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