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DE L'ÉDUCATION CHEZ LES CHINOIS.

Seconde Partie.

[Deuxième Article.]

1. La base de nos études, dit l'auteur chinois, est la résolution d'apprendre, et cette résolution ne vaut qu'autant qu'elle est ferme et persévérante. Lorsqu'elle est telle, on devient nécessairement savant. Si cette résolution est fortifiée par l'espoir d'égaler les sages de l'antiquité, elle n'en est que meilleure. L'auteur appuie son opinion de trois traits d'histoire qui font voir la puissance d'un ferme propos, et termine par une maxime qui revient à celle-ci: "Une volonté arrêtée commande aux choses.'

2. Ce qu'il appelle "Le véritable secret pour apprendre, consiste à tenir un journal d'étude que l'on repasse tous les dix jours ou tous les vingt jours. C'est par ce moyen, dit Tseu-hia dans le Lun-yu, qu'on acquiert journellement des connaissances nouvelles, et qu'on prévient chaque mois l'oubli de ce qu'on a précédemment appris. De toutes les bonnes manières d'étudier, il n'y en a point de meilleure que celle-là,

3. Que l'étudiant qui ne fait pas tout son possible pour s'instruire, se demande comment il remplira sa tâche lorsqu'il sera enfermé dans la salle des examens. Qu'il songe combien amère sera sa douleur, dans quel embarras cruel il se trouvera, quand un sujet lui sera proposé dont il n'entendra pas le sens. Que l'étudiant paresseux réfléchisse encore au rôle qu'il joue dans la compagnie de ses amis; tandis que ceux-ci conversent dans un style élégant, le sien est grossier et vulgaire, et si par fois on dit un bon mot devant lui, il y demeure étranger et n'en comprend ni le sens ni le sel......

6. Notre auteur recommande aux étudians de ne point passer d'une

section à une autre dans la lecture d'un livre, avant d'avoir approfondi la première. En se conformant à ce précepte, dit-il, ils auront le tems de distiller la pure essence du savoir. Que si on lit à l'aventure, sans laisser au cerveau le tems nécessaire pour opérer la décoction de ce chapitre-ci, ou la distillation de celui-là, la lecture reste sans fruit. Que l'étudiant ait un étui bien fermé pour les livres qu'il ne doit pas encore lire; qu'il ne laisse qu'un volume à la fois sous ses yeux, et qu'il attende pour en prendre un autre que la décoction du premier soit opérée dans son esprit.

En distillant ainsi par ordre les principes de la science, il atteindra par le cours naturel des choses le but de ses études. Car dans toutes les affaires du siècle, il n'y a rien de plus funeste que le mélange et la confusion. Si l'on ne se tient pas en garde là-contre, on aura toutes les peines du monde à venir à bout d'un ouvrage quelconque, et quand même on en viendrait à bout, il n'aurait pas ce fini qui constitue l'excellence.

7. Quand vous lisez une section d'un livre, donnez-y toute votre attention, et ne vous permettez point de songer à une autre. Une chaudière d'eau, après avoir été long-tems exposée au feu, finit par bouillir. Mais si avant que le liquide ne soit entré en ébullition, vous l'ôtez pour en mettre d'autre à la place, quel que soit la quantité d'eau que vous fassiez chauffer ainsi, vous n'en ferez jamais bouillir une goutte. C'est ainsi que les hommes qui aspirent à des connaissances universelles, font une grande dépense de chaleur, mais ne mûrissent rien.

8. J'ai toujours remarqué que l'homme qui veut tout embrasser, compte trop sur la vivacité et la pénétra, tion de son esprit. Les chapitres et

les volumes lui passent sous les yeux, et coulent de sa bouche comme l'eau d'un torrent; mais applique-t-il jamais son esprit à extraire l'essence d'un sujet? et s'il ne le fait pas, que lui sert d'avoir beaucoup lu? Un peu d'une qualité supérieure vaut mieux que beaucoup d'une qualité grossière. L'ancien règlement militaire portait que la force des armées consiste dans la discipline, non dans le nombre. Je crois cette maxime applicable à l'étude.

v9. La première chose à faire quand on veut étudier avec fruit, est de chasser les pensées étrangères à ce qu'on étudie. Alors seulement on peut comprendre un sujet à foud et s'en souvenir long-tems. Supposez l'estomac d'un homme rempli d'herbes et de légumes de toute espèce; quand on lui présenterait les mets les plus exquis, il ne pourrait pas les absorber; il faut auparavant qu'il digère et rejette en partie les mets grossiers dont il s'est chargé le ventre. Il en est ainsi des pensées étrangères à l'étude, et ces pensées ne nous viennent pas seulement de la poussière du monde, mais aussi des livres où il y a tant de choses inutiles.

10. Pour faire des progrès dans l'étude, une faculté importante est requise, et c'est celle en vertu de la quelle nous appliquons nos connaissances. Cette faculté dépend de l'aptitude à voir toutes les faces et à saisir tous les rapports des diverses parties d'un sujet, de telle sorte qu'en entendant ceci, on en conclut cela. Pour arriver à ce point, il faut classer les choses que l'on apprend d'après leur nature, et trouver les rapports des classes collatérales. Cette condition remplie, lorsqu'on possédera une section on en saura dix, et lorsqu'on en saura dix on en possédera cent ou mille. Mais il y a de gens qui, après avoir lu un grand nombre de livres, s'en tiennent stupidement aux mots et aux phrases. Ceux-là sont incapables de profiter des trésors qu'ils amassent, et de les employer à propos dans une circonstance donnée. Aussi valent

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ils moins que ceux qui, sans avoir lu autant qu'eux, à beaucoup près, possèdent les qualités dont j'ai parlé.

11. Un usage profitable pour les personnes qui ont des occupations étrangères aux études littéraires, est de faire un bon choix de deux volumes pris, l'un dans la littérature ancienne, l'autre dans la littérature moderne, et de les avoir constamment sur leur table pour les étudier dans leurs monens de loisir. Si au lieu d'adopter cet usage, ces personnes attendent pour se livrer à l'étude qu'elles soient tout-à-fait libres pendant plusieurs mois de suite, il arrivera que la multiplicité et la complication des affaires humaines mettront sans cesse un nouvel obstacle à leur envie. Mais le tems fuit comme la flèche. En un clin d'œil, un mois s'est écoulé, puis un autre, et voilà que l'année touche à sa fin. Cependant on n'a point encore ouvert un livre. Tel est l'effet de l'habitude du retard.

12. Il est deux obstacles principaux au succès des études, la diminution journalière de la mémoire, et l'accroissement journalier des affaires. Voilà ce qui fait que la vie se passe en vain, et que les cheveux blancs surprennent des têtes vides; cela est déplorable, cela est digne de tous nos regrets et de tous nos soupirs.

13. Que l'étudiant commence sa journée à la cinquième veille (entre 3 et 5 heures du matin). Cette première partie de la matinée est bien des fois plus avantageuse que la seconde (depuis 7 jusqu'à 11), et que tout le reste du jour.

14. En étudiant, il faut se tenir en haleine ou dans un état d'excitation continue; il faut être tout yeux et tout attention, comme un général d'armée en un jour de bataille, ou comme un juge criminel siégeant sur son tribunal. On ne doit pas se permettre le moindre assoupissement ou la plus petite négligence.

15. Qui veut faire de bonnes études doit redouter les causeries, les affaires triviales, et surtout se défendre de celles qui ne le regardent pas:

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Ne craignez point d'aller douce ment; craignez seulement de vous arrêter.

Que ce proverbe a raison! s'écrie l'auteur chinois.

18. Quand après avoir étudié long-tems on se trouve abattu, il faut fermer son livre, puis se dissiper un peu, afin de récréer les esprits animaux, et avec eux la vue et l'esprit. Par ce moyen on rétablira le ressort du travail, et l'on se trouvera bientôt en état d'embrasser son sujet. Que si l'on s'obstine à labourer stupidement et tristement, l'intellect s'obscurcira, et si l'on est faible de corps on se rendra malade.

19 Tchou-wen-koung a donné cet avertissement:

"Ne dites pas: si je n'apprends ceci aujourd'hui, je l'apprendrai demain; si je n'apprends ceci dans l'année, je l'apprendrai l'année prochaine; car quand les jours et les mois se sont écoulés, l'année n'est plus à votre disposition, et quand un ignorant s'écrie: "Hélas me voilà vieux !" à qui la faute? Voilà ce qu'a

dit Tchou-wen-koung, et moi je dis: Les deux mots faites toujours expriment la seule condition des bonnes études, au lieu que ces quatre mots attendez jusqu'à demain empêchent tout le succès de la vie. Sachez donc apprécier le tems.

20. L'étude des lettres avait originairement pour objet d'acquérir une connaissance exacte des principes de la raison, afin d'en faire la règle de sa conduite. Pour remplir cet objet, il faut se faire mentalement l'application de chaque précepte, et s'y conformer dans les affaires journalières. Alors seulement on peut dire que l'étude est avantageuse. Mais science, comme un chasseur bat la si l'on n'a pour but que de battre la plaine, ou de passer pour savant et de faire des provisions pour la conversation, on demeure bien loin du terme des études. Que si l'on étudie pour usurper une réputation littéraire, et à l'aide de cette réputation, des richesses et des honneurs, avec le dessein bien arrêté de mettre de côté les

principes puisés dans les bons livres, aussitôt qu'on aura obtenu un poste élevé, et même de se conduire d'une manière toute opposée, cela est encore pis.

21. Bien qu'on ne doive ni interrompre ni différer ses études, encore ne doit-on pas s'y livrer avec trop d'ardeur ou d'empressement. Car en supposant qu'un homme, puisse faire dix lieues par jour, il pourra fournir un long voyage, à raison de sept ou huit lieues par jour; tandis que s'il dépasse ses forces, et fait plus de dix lieues en partant, il se trouvera inca pable de continuer; c'est ainsi que les personnes qui lisent du matin au soir, finissent par se rendre malades à force de lire, "J'ai étudié sans succès, dit l'auteur chinois, depuis l'âge... de six ans jusqu'à l'âge de seize ans, c'est-à-dire, pendant une période de dix années, car mon esprit était obtus, et j'oubliais à mesure que je lisais; alors je m'indignais contre moi-même, et je fis des efforts véhémens, et je travaillai plus dur que jamais. Mais au bout de peu de tems je tombai

malade, et après une année de langueur, ma vie fut en danger; enfin je ne parvins à me rétablir qu'à force de soins. Que ceux qui pèchent par un excès de diligence, apprennent de moi à se tenir dans de justes bor

nes."

22. Quand on s'est fatigué à lire, il faut donner de l'exercice au corps en remuant les épaules de haut et de bas, de droite et de gauche, de l'avant et de l'arrière et à plusieurs reprises. Par ce moyen, la circulation du sang se rétablit, les esprits animaux reprennent leur activité, et l'on sentira un bien-être et une hilarité capables de prévenir les maladies. C'est ce que l'on appelle en termes de médecine gymnastique chinoise, Lo-lou-chouang-kouan, c'est-à-dire, le double mouvement du virevaut. Cet exercice est très-propre à préserver le corps de toute influence froide et maligne alors qu'on s'est exténué par une lecture trop prolongée.

23. Si en jetant les yeux sur un livre, soit de grand matin, soit à la chute du jour, vous ne distinguez pas bien les caractères, attendez pour lire, la lumière du jour dans le premier cas, ou celle de la lampe dans le second. De cette manière vous ne vous gâterez pas la vue. Mais si vous faites violence à vos yeux en cherchant à lire à une lumière faible, vous leur ferez par là beaucoup de mal, et vous perdrez peut-être avant l'âge la netteté de perception visuelle.

Quand vous ne lisez pas et n'avez rien à faire, laissez tomber vos paupières et fermez les yeux; c'est le moyen de les fortifier. Après cela, si Vous voulez lire ou faire quelque chose, il n'y aura point d'inconvénient à exercer votre vue; vous la conserverez ainsi dans toute sa force jusque dans un âge avancé. Mais gardez-vous d'employer la lumière céleste à des choses inutiles.

C'est sans doute un moyen assuré de faire de grands progrès dans la science morale, que de lire tous les

soirs à la lampe; mais si l'on pousse ses lectures trop avant dans la nuit, les esprits animaux en souffriront. Le lendemain on se trouvera encore plus fatigué que la veille, et l'on reconnaîtra (contrairement à ce qu'on avait cru) que l'excès de diligence est préjudiciable aux études. Si dans ces circonstances on s'obstine à faire sa tâche, on tombera malade. Quand on ne se couche point à minuit, le sang ne retourne point au foie, et quoique on ne s'en aperçoive pas, tant que le sang et la force vitale sont dans un état prospère, on s'en ressent plus tard d'une manière cruelle.

25. L'étudiant, quelque pressantes et nombreuses que soient ses occupations domestiques, lira chaque jour quatre ou cinq sections écrites dans le style moderne, afin que l'élégance littéraire soit toujours présente à ses yeux et à son esprit. Cela sera pour lui d'un grand avantage.

26. En approchant du tems des examens, un étudiant doit éviter particulièrement de travailler avec trop d'ardeur. Qu'il choisisse vingt ou trente sections de la meilleure composition, et les ressasse doucement dans sa tête, jusqu'à ce qu'il en sai. sisse l'esprit et en goûte les beautés. Cela lui donnera des forces pour l'exa

men.

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27. En ce qui concerne lection de livres, la chose impor tante n'est pas leur nombre, mais l'aptitude à les choisir et à les étudier. J'ai rencontré souvent dans le monde des gens qui avaient accumulé dix mille volumes dans leur bibliothèque, sans en avoir jamais lu plus de dix. Ces gens-là se contentent d'acheter des livres et de les placer sur des rayons ou dans des étuis comme autant de curiosités faites pour amuser les yeux. Ils ont des livres fraîchement reliés que la main n'a jamais touchés, que l'œil n'a jamais lus. Mais que sont-ils auprès d'un pauvre lettré qui, pour quelques pièces de cuivre, achète un livre qu'il emporte chez lui, et ne le quitte plus qu'il ne s'en soit pénétré ?

DIORAMA A PARIS.

Jusqu'ici, les auteurs du Diorama avaient établi entre eux une sorte de solidarité de talent et de succès: les tableaux exposés paraissaient être le résultat de leurs efforts communs; du moins, rien n'indiquait le contraire. Maintenant, chacun d'eux veut obtenir, séparément, la part de louange et de critique qui lui appartient en propre, et le dernier programme fait connaître que M. Bouton est l'auteur de la Vue intérieure de la Cathédrale de Chartres, et que celle de la Chapelle en ruines du château d'Holy-Rood, le dernier tableau exposé, est due au pinceau de M. Daguerre. La fondation de ce château, situé près d'Edimbourg, et du monastère qui y attenait, remonte à une époque où les miracles, les visions, les apparitions venaient encore soutenir la foi chancelante de nos bons aïeux. Dans le commencement du XIIe siècle, le Roi David 1er, grand chasseur, selon l'usage de cet heureux tems, renversé, ainsi que son cheval, par un cerf d'une gran deur et d'une force prodigieuses, se voyait, disent les auteurs de la notice, en danger de périr, lorsqu'un bras divin, sorti d'un nuage épais, plaça, entre le monarque et le cerf, une croix de l'éclat le plus éblouissant. L'animal effrayé s'enfuit, comme l'on pent bien croire, et le roi revint chargé de la relique céleste. La nuit suivante, il entendit, en songe, une voix qui lui ordonnait d'élever une ab baye au lieu même où il avait été si miraculeusement délivré, et c'est pour obéir à cet ordre qu'il fit bâtir le monastère d'Holy-Rood (SainteCroix), dans lequel la croix divine fut, pendant des siècles, selon l'annaliste que je transcris, une source de prospérité et de consolations pour les âmes pieuses. Si l'origine de ce monument a un caractère un peu fabuleux, les événemens dont il a été TOME IV.

le théâtre ont une triste et douleureuse authenticité. C'est dans la chapelle dont le peintre a mis les ruines sous nos yeux, que l'infortunée Marie Stuart épousa successivement, et contre son gré, son cousin Darnley, aussi beau qu'il était féroce et stupide, et le comte Bothwell, aussi stupide et féroce qu'il était laid. C'est encore dans le château d'Holy-Rood que Rizzio fut poignardé, sous les yeux et à côté même de cette princesse. Depuis ce tems, le château, le monastère et la chapelle étaient tombés en ruine; mais les débris en furent relevés en 1816. Il faut féliciter les Anglais de ce que, non-seulement ils élèvent et terminent de nouveaux édifices, lorsque l'utilité publique l'exige, mais encore de ce qu'ils mettent du prix à conserver les monumens légués par leurs ancêtres. C'est avant cette restauration que M. Daguerre a visité les ruines d'Holy-Rood, et c'est dans leur état de ruines qu'il les a mises sous nos yeux. Eclairées par la lueur vague et incertaine de la lune, dont le disque est successivement recouvert de nuages légers qui viennent en diminuer l'éclat, on éprouve, au premier aspect, une impression mélancolique dont il est impossible de se défendre; les souvenirs que réveillent ces débris, sont bien de nature à entretenir l'âme dans une sorte de disposition rêveuse, qui n'est pas sans charmes. Indépendamment du moyen employé pour varier l'état apparent du ciel et l'intensité de la lumière de la lune, l'artiste a imaginé plusieurs épisodes pour augmenter, s'il est possible, l'impression que produit l'aspect général de son tableau. Ainsi, il a représenté, au milieu de ces ruines, une femme vêtue d'une robe blanche attachée avec une ceinture noire, priant près d'un tombeau sur lequel elle a déposé sa lumière. Quel est

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