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comme instrument indispensable pour répandre la véritable religion parmi les peuples de l'univers. Ba bourenou bakchi ne connaissait que les idiomes et les alphabets de l'Inde, et son élève, qui avait déjà fait des progrès étonnans, lui apprit cinquante langues étrangères, avec leurs caractères particuliers. Son désir d'apprendre n'avait pas de bornes, et il ne pensait qu'à augmenter ses connaissances.

Arda-chidhi surpassait en beauté tout le genre humain. Quand il se promenait seul à l'ombre des figuiers et des orangers, le peuple se réunissait en foule pour admirer ses trentedeux similitudes en beauté (lakchan), et ses quatre-vingts appas (nairak). Chacun était ravi de pouvoir s'approcher de lui, de l'adorer et de lui présenter des fleurs magnifiques, des joyaux et des bijoux en or et en pierreries. Arrivé à l'âge de puberté ses parens voulurent le marier. On sonda ses inclinations; mais il refusa toujours de prendre une femme. Cette résolution consterna tout le monde, et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'on parvint à lui faire. changer d'idée. Il céda sous la condition qu'on lui trouverait une vierge parfaite, possédant les trente-deux vertus et perfections principales.

Par là il espérait d'éviter le mariage, parce qu'il ne croyait pas qu'on pût trouver une femme aussi accomplie. Cependant on fit dans tout le royaume des recherches si actives, qu'on parvint à la fin à découvrir une princesse de la race de Chakia, qui possédait toutes les qualités requises. Dewa-dath, un oncle et ennemi d'Arda-chidhi, avait aussi recherché la même beauté. Le père fit en conséquence des difficultés, et déclara qu'il ne la donnerait pour épouse qu'à celui qui mériterait réellement la préférence. Dewa-dath était si inférieur à son neveu sous tous les rapports que celui-ci remporta le prix. A l'époque de son mariage, Bouddha avait vingt-ans. Il vécut avec son épouse dans la meilleure union, et

engendra l'année suivante un fils qui reçut le nom de Rakholi. Plus tard il eut encore une fille.

Quoique Arda-chidhi, pour se conformer à la volonté de son père et de la famille royale, eût consenti à cette alliance, son esprit était toujours occupé de la contemplation de la divinité. Il renonça à toute occupation mondaine, et dirigea plus particulièrement ses observations sur la dépravation du genre humain. Sa pitié compatissante était à chaque instant offensée par la misère de ses semblables, elle lui fit haïr la splendeur de la royauté. C'est avec des sentimens douleureux, qu'il déclara que les quatre degrés de la misère humaine, savoir: les peines de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, détruisaient pour lui tous les plaisirs de la vie, parce qu'elles étaient inévitables, et que nul homme ne pouvait y remédier. Voyant un jour une femme dans les douleurs de l'enfantement, des vieillards dans l'état de la plus grande faiblesse, des malades réduits à la dernière extrémité par la douleur, et des mourans entourés de leurs amis attristés, il demanda à son principal gouverneur Chari ce que cela signifiait, et si ces personnes étaient les seules qui fussent assujetties à ces calamités? Chari lui répondit, que non-seulement ceux-ci, mais tous les hommes étaient soumis à de pareilles misères, mais que lui-même encourait de semblables dangers.-Arda-chidhi continua à demander Comment supporteraije tant de peines, et quel est le meilleur moyen pour échapper à un pareil danger? Chari reprit: Nul homme ne peut l'éviter, tous y sont assujettis, si la force et l'exercice de la foi ne les en délivre et ne les en préserve. Depuis ce tems, Arda-chidhi prit la résolution de renoncer à son épouse et aux vanités mondaines. Il communiqua cette résolution à sa femme et à ses parens; tous furent consternés. Son père le pria instamment de ne point l'abandonner, étant son fils unique, et les parens craignirent que

l'empire et le trône ne restassent par là sans souverain. On lui représenta qu'en administrant les affaires pendant le règne de son père, il pourrait de même mener une vie pieuse; mais tout ce qu'on lui dit pour le faire renoncer à son idée fut vain, et redoubla son zèle. On s'épuisa en conjectures sur l'inclination particulière du. prince; les uns l'appelaient une folie; d'autres croyaient en entrevoir l'origine, dans un mécontentement contre son épouse, ou dans une passion nouvelle et plus forte pour une autre femme. Son père, le roi Soudadani, le fit surveiller dans le palais, et lui donna une garde considérable, entièrement composée de membres de la race de Chakia. On proclama dans tout le royaume une ordonnance qui défendit aux grands de recevoir le prince chez eux, s'il arrivait sans être attendu, parce qu'il avait déclaré que, malgré les précautions de ses gardes, il s'échapperait du palais. Arda-chidhi fit en présence de son frère et de toute la cour, la déclaration suivante: "Adieu mon père, je vais entrer dans l'état de pénitent, je renonce donc à vous, à l'empire, à mon épouse et à mon fils chéri, j'ai des raisons suffisantes pour suivre ma vocation. Ne m'empêchez point de l'accomplir, c'est un devoir sacré pour moi." Après ces paroles, il embrassa son père en versant des larmes, et le pria de lui pardonner, ne pouvant changer sa résolution. Plusieurs jeunes gens de sa famille se décidèrent alors à lui procurer un cheval et à l'accompagner ouvertement; mais la vigilance de ses gardiens empêcha toujours l'exécution de ce projet. Enfin, Khourmoustatengri (Îndra), le même qui l'avait baptisé, lui amena un cheval sellé, sur lequel il échappa du palais et quitta sa résidence.

On apprit bientôt qu'il s'était rendu dans le royaume d'Oudipa, aux bords de la rivière Narasara. Il y vivait avec ses disciples, qui ne l'avaient jamais quitté. Son lit était un endroit pavé, et couvert de la sainte herbe de Goucha. Sa vie d'ermite

commença le Se jour du premier mois d'été de l'année Dongnan. Il se donna lui-même l'ordination sacerdotale, coupa ses cheveux, se revêtit de l'habit propre à son nouvel état. C'est alors qu'on fonda la place sainte du dépouillement de tout ornement.

ses

Arda-chidhi changea son nom en celui de Goodam (c'est-à-dire gardien des vaches). Pendant six ans il resta dans la solitude et en contemplation continuelle. Quelques-uns de disciples, qui étaient ses proches parens, le servirent pendant ce tems. Sa nourriture était celle de tous les ermites indiens; il ne vécut que de grains, de chardons, de miel, de figues et d'autres fruits; encore il en usa le moins possible pour ne point être interrompu dans ses méditations sur la nature divine. Cette vie austère l'affaiblit considérablement.

Goodam reçut beaucoup de visites de ses amis qui prirent le plus grand intérêt à sa persévérance. Il poussa l'humilité si loin qu'il ne permit à aucun d'eux de l'assister ou de le servir dans la moindre des choses. Une brahmine, sa proche parente, lui porta souvent de l'herbe goucha pour renouveler sa couche ; ce qu'il ne permit qu'avec difficulté. Il céda à la fin aux prières qu'on lui adressa pour lui faire changer sa manière de se nourrir; car il permit que la famille de Chakia fit conduire dans son voisinage un troupeau de cinq cents. vaches, dont le lait était destiné à lui et à ses compagnons. Goodam, qui peu avant avait affligé ses amis par son grand affaiblissement, se re-‹ mit si bien par l'usage du lait, que, selon l'expression de l'original mongol, il ressembla bientôt à une enclume polie et dorée.

Pendant que ce saint était dans le désert, il eut les visites les plus sin-. gulières. Khákho-Mansou, le prince des grands singes, habitué à son voisinage, vint souvent le voir accompagné de sa suite. Voyant que l'on portait souvent à Goodam des présens consistant en mets et en boisson, il recueillit des gauffres de miel des

abeilles sauvages et des figues, et les présenta un soir au saint pour son repas. Celui-ci les arrosa, selon sa coutume, avec de l'eau bénite et en mangea. Ravi de joie, le prince des singes fesait des sauts extraordinaires, de sorte qu'il tomba par mégarde dans, un puits qui se trouva derrière lui et se noya. En mémoire de cet accident, on y fonda la place sainte des alimens offerts par le singe.

Dewa-dath, l'oncle de Goodam lui fit ressentir de nouveau sa haine, en conduisant dans son voisinage un éléphant dompté, auquel il fit boire une si grande quantité de vin de cocos, qu'il assouvit totalement sa soif. Alors il attacha aux défenses de l'éléphant deux sabres tranchans, et lâcha l'animal ivre près de Goodam, croyant que sa rage tournerait contre l'ermite; mais celui-ci ne fit que lever les cinq doigts de sa main, que l'éléphant le prit pour un lion et s'apaisa. Cet événement donna occasion à la fondation de la place sainte de l'éléphant furibond et dompté.

Quelque tems après, Goodam se retira dans un endroit encore plus solitaire et sauvage. Il n'y fut accompagné que de deux de ses disciples, dont Pun était le fils de son premier précepteur Chari, l'autre se nomma Molon- Toin. Ici deux de ses antagonistes se présentèrent, Laba- Eriktou et Ousoun-debèltou. Ils lui demandèrent avec une modestie affectée: "Goodam, quelle est ta croyance? qui est ton instituteur et de qui as-tu reçu l'ordination sacerdotale?" Goodam leur répondit: "Je suis saint par mon propre mérite. Qu'ai-je à faire avec d'autres précepteurs? La religion m'a pénétré. Si vous voulez d'autres réponses, adressez-vous à mes deux disciples, ils vous instruiront." Alors une dispute violente s'éleva entre eux, et les deux adversaires furent vaincus. Pour preuve qu'ils avaient perdu le champ de bataille, ils se levèrent et étendirent un tapis en invitant leurs vainqueurs à s'asseoir.

Ce

Après avoir vécu pendant six ans dans la retraite, Goodam termina son état d'ermite au crépuscule du quinzième jour du mois moyen du printems, dans l'année du beuf de fer. I annonçait alors à ses cinq disciples qu'il avait triomphé de toutes les tentations mondaines. A minuit, il termina ses dévotions et les exercises spirituels qu'il avait pratiqués pendant six années consécutives, et le lendemain il redit encore qu'il avait atteint le plus haut degré de la glorieuse perfection qui convient à un véritable saint, et que le tems était venu où il devait répandre sa doctrine, et la connaissance de la divinité dans le monde. La nouvelle de ce changement de l'état de Goodam se répandit bientôt partout; elle excita l'attention générale, et le peuple se persuada facilement de sa sainteté. pendant une partie de ses adversaires prétendait que le fils du roi de Magada était tombé dans un délire complet. D'autres disaient qu'il avait des regrets d'avoir renoncé au trône de son père, et qu'une nouvelle inclination amoureuse était la cause de l'état dans lequel il se trouvait. Mais le plus grand nombre se déclara pour la sainteté miraculeuse de sa personne, et lui donna les titres de Bourkhanbakchi (instituteur divin), et de Chakia-mouni (pénitent de la race de Chakia). Il réunit ses cinq disciples et leur dit: "Le trésor précieux de ma sainteté et de ma nouvelle loi ne peut faire une impression subite sur l'esprit des mortels; modérez donc encore votre zèle de conversion; il faut avant tout accomplir un jeûne spirituel." Dès-lors il se rendit de nouveau dans le désert, et il passa quarante-neuf jours constamment occupé de prières nocturnes et de jeûnes continuels.

A la fin de cette dernière expiation, le puissant Esrouwa-Tangri le visita dans son ermitage, et lui présenta une kurda, ou roue à prières en or de mille rais. Par le discours suivant il chercha à disposer Chakiamouni à commencer son état de pré

cepteur divin du genre humain : Sans doute tu ne t'es pas soumis au pénible état de pénitent pour ta propre personne, c'est pour le bonheur de l'humanité que tu l'as choisi; daigne donc à présent commencer à

répandre le salut parmi les peuples de l'Univers." Malgré cela le saint ne prit encore aucune résolution_après cette première exhortation, et Esrouwa-Tangri se retira sans avoir at

teint son but.

(La suite au Numéro prochain.)

EXTRAIT D'UNE LETTRE DE M. DELAPORTE,

VICE-CONSUL DE FRANCE À TANGER, À M. LE BARON SILVESTRE DE SACY, EN DATE DU 3 SEPTEMBRE 1823.

Vous désirez savoir ce que sont les Yssaouis, dont je vous ai parlé dans une de mes lettres précédentes. Les Yssaouis forment ici une espèce de congrégation, dont les membres sont répandus dans toute l'Afrique et même en Asie. J'en ai trouvé dans mes voyages, partout où il y a des serpens, des scorpions et autres animaux malfaisans. Ils remplacent les anciens Psylles et les Ourophages. Le commandeur de l'ordre se trouve à Méquinez, et la confrérie tire le nom d'Yssaoui, qu'elle porte, non de Yssa, c'est-àdire, Jésus, fils de Marie, mais d'un certain Africain nommé Yssa, ou Seid-ben-Yssa, qui l'a fondée. Les frères Yssaouis enchantent les serpens, prennent les scorpious à la main, et sucent le venin de ces animaux. Outre cela, ils entrent en extase, à force de répéter en hurlant et en fesant de grandes et fréquentes contorsions de droite à gauche, et de gauche à droite, en avant et en arrière (ce qu'ils appellent Jadaba, iajdoub), le nom de Dieu. Les mouvemens qu'ils font et les hurlemens qu'ils poussent les mettent dans une telle extase qu'ils écument, deviennent tout violets, perdent, ou semblent avoir perdu connaissance; ils ont cependant la prudence de respecter

leurs frères, et surtout les soldats qui les accompagnent dans les diverses processions qu'ils font à différentes époques de l'année, ordinairement aux fêtes du Ramadhan, du Sacrifice et de la Noël mahométane*. Malheur aux Chrétiens, et principalement aux Juifs qui se trouvent sur leur passage; ils en ont bon marché. J'ai vu à Tripoli deux matelots français qui eurent les épaules emportées par les baisers un peu trop vifs de deux de ces Yssaouis en belle humeur; heureux encore d'en avoir été quittes pour si peu. Ils se jettent, à défaut de Juifs et de Chrétiens, sur les poules, les chats, les chiens, les ânes, les chameaux, et ne dédaignent même pas les charognes. Les soldats qui les accompagnent, ont le plus grand soin d'empêcher que quelques frères, un peu trop Yssaouis, ne sortent de la procession. Cette congrégation, qui est purement religieuse, se divise en diverses branches qui se battent quand elles en trouvent l'occasion. Voilà à peu près tout ce que j'ai vu ou appris, et ce que je sais de ces Yssaouis.

*M. Delaporte veut sans doute parler du Mevloud, ou anniversaire de la nais sance de Mahomet.

NOTICE HISTORIQUE

SUR LE DOCTEUR JENNER,

INVENTEUR DE LA VACCINE.

ON dit souvent que le hasard préside aux destinées du monde et que nous devons lui attribuer l'honneur de toutes nos découvertes, au lieu d'en faire hommage au génie de quelques hommes privilégiés. Cette idée, peu consolante, ne repose heureusement que sur les préventions de l'ignorance: le hasard n'est qu'un mot vide de sens pour le philosophe qui connaît la marche de l'esprit humain, et l'histoire des sciences et des arts vient démentir cette origine fortuite donnée à nos plus belles inventions. Mais il faut Îe dire aussi, les vérités d'observation n'appartiennent pas, exclusivement à un seul homme elles sont toujours le produit du concours de plusieurs. Elles marchent d'abord lentement au milieu des erreurs et des préjugés; bientôt elles se développent par une série de recherches plus ou moins heureuses: enfin, un homme paraît qui fixe tous les doutes, féconde l'observation et enrichit le monde d'une grande découverte*. Tel fut

* L'auteur de l'Essai sur la philosophie

des sciences, dont la seconde édition, qui est sous presse, sera probablement publiée dans le courant de cette année, signale trois causes principales qui paraissent avoir produit les inventions et les découvertes de tout genre: 10 le hasard, ou plutôt une réunion de circonstances indépendantes de la volonté de l'homme, dont il ne peut analyser ni calculer avec précision les chances infiniment variables et indéterminées; 2o l'observation, qui épie et recueille les chances et les produits du hasard, ou les phénomènes qu'un beureux concours de circonstances peut lui fournir, et qui les confie aux deux grandes facultés intellectuelles de l'homme, à l'érudition destinée à rassembler et à conserver les faits lumineux et instructifs; à la méditation chargée de les mettre en valeur; 30 le concours ou la combinaison bien ordonnée d'efforts individuels dirigés vers un même but, qui permet d'appliquer

Jenner; et son influence a été si grande sur la découverte de la vaccine, qu'il peut en être considéré comme le seul et le véritable inventeur : toute la gloire en appartient à cet illustre médecin, dont nous avons à déplorer la perte récente : c'est à la reconnaissance publique à immortaliser sa mémoire.

Edward Jenner, né à Berkeley, dans le comté de Gloucester, le 17 Mai 1749, était le plus jeune des enfans d'une famille nombreuse et très-considérée dans le pays. Presque ecclésiastique, qui, dans la religion tous ses parens appartenaient à l'état anglicane, offre le tableau le plus vrai de l'union des familles et des vertus patriarchales. Sa mère était fille d'un ministre de Bristol, et son père était recteur de Rockhampton et vicaire de Berkeley. A peine âgé de huit ans, il fut inoculé, comme c'était alors l'usage, depuis que lady Montague avait apporté cette pratique de l'Orient; la maladie affreuse qui en fut la suite resta toujours présente à sa pensée. Il est même possible que cette cruelle épreuve ait influé sur la direction de ses recherches, et l'ait déterminé à les poursuivre avec autant d'ardeur, lorsqu'il crut entrevoir un moyen de préservation. Sans être esclave des préjugés populaires, on peut bien admettre ce rapport entre deux circonstances que lui-même aimait à

d'une manière générale, par des expé riences mises en rapport entre elles, les faits en quelque sorte bruts, présentés par le hasard, puis fécondés par l'observation et la méditation, d'où résultent des inventions ou des découvertes. (Essai sur la Philosophie des Sciences par M. A.JULLIEN. de Paris, seconde édition, Ire partie, chap. IV, pag. 40,41.)

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