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DE L'INSTINCT.

L'INSTINCT est une faculté purement animale, qui se met en exercice d'ellemême. Il constitue toute l'intelligence des brutes, intelligence trèslimitée et stationnaire, et qui n'a rien de commun avec celle départie à l'homme, dont les limites ne sauraient être posées, bien qu'elles ne soient pas infinies. Chez l'animal, l'intelligence se borne à la répétition constante des menus actes, auxquels la volonté paraît être absolument étrangère; car, s'il y avait volonté, ou, pour mieux dire, capacité, soit d'étendre, soit de restreindre, soit de perfectionner, ce ne serait plus l'ins tinct, mais l'intelligence, telle que nous la concevons, avec toute sa puissance, avec tous les prodiges qu'elle enfante chaque jour. C'est alors que l'on pourrait, avec raison, assimiler les animaux à l'homme.

L'instinct bien observé se borne

donc, pour chaque animal, au sentiment de sa conservation, à l'obéissance aux lois de la réproduction, à l'affection de la femelle pour ses petits, au soin de leur défense, à la satisfaction du besoin de la nutrition, à la distinction, par l'odorat, des alimens qui lui sont propres, comme aussi des plantes qui lui sont salutaires dans l'état de maladie. A l'égard de certaines qualités que l'on remarque dans les animaux domestiques, et qui semblent participer de la volonté humaine, telles que, pour les bêtes de somme, la docilité de se laisser imposer des fardeaux; pour le chien, l'obéissance à la voix de son maître, qui l'appelle; enfin, l'attachement apparent de ces animaux pour l'homme; tout cela est dû, bien certainement, à l'éducation, qu'ils reçoivent, et particulièrement le chien dont la fibre plus sensible se prête avec docilité aux impressions que lui communique son maître, et

dont le caractère naturellement fé roce, s'adoucit assez facilement sous la main qui la caresse et le nourrit. C'est ici l'intelligence humaine qui, à force de soins et de persévérance, communique à l'animal des qualités d'emprunt et hors de sa nature.

On ne saurait peut-être refuser à diverses espèces d'animaux le don de la mémoire, ce qui semble indi quer qu'ils possèdent, jusqu'à certain point, la faculté de réfléchi c'est-à-dire, de donner de la suite leurs sensations, qui sont, au reste, en très-petit nombre et rentrent tou jours dans la même sphère. N'ou blions pas que cette mémoire, si elle existe, est toute de sensation, et non de réflexion, comme celle de l'homme; la différence est grande.

Mais dira-t-on peut-être, comment ne pas attribuer à l'intelligence, c'est-à-dire, à la combinaison, cette faculté qu'ont les animaux de prévoir certaines actions de leur maître? Hé! bien, non! c'est encore le même principe qui agit en eux dans ce cas, je veux dire que c'est par une conséquence nécessaire de la répétition des mêmes actions qui ont déjà frappé ses sens et parlé à sa mémoire, que le chien paraît deviner les intentions de son maître. Il en est de même du cheval, de l'éléphant et d'autres animaux domestiques, chez qui certains actes, participant en apparence de l'intelligence humaine, peuvent faire supposer l'esprit de combinaison.

Je n'ignore pas que l'homme, dans l'état de nature, n'a guère plus d'intelligence que certains animaux; mais faut-il en conclure pour cela que son intelligence ne soit qu'un pur instinct? non certes: l'intelligence existe en lui; seulement elle y sommeille comme chez l'enfant; elle n'attend, pour se développer, que le secours

or

distance immense n'y a-t-il pas de l'instinct de la brute et de ses œuvres à l'intelligence de l'homme et à ses inconcevables prodiges?....Vouloir assimiler l'un à l'autre, autant vaudrait comparer l'obscurité de la nuit à l'éclat d'un beau jour; il est au surplus une vérité incontestable, c'est que la place est assignée, icibas, aux diverses espèces animées par la nature même, comme par l'étendue de leur intelligence, seule et véritable échelle à laquelle on puisse les mesurer.

de l'éducation et celui des circonstances. Ce qui le prouve incontestablement, c'est qu'on est arrivé assez promptement en Europe, à développer l'intelligence commune à la race humaine, chez plusieurs sauvages, soit des mers du Sud, soit du Nord de l'Amérique, du moment qu'on a pu parvenir à établir avec eux des signes fixes de communication. Témoin Potavéri que M. de Bougainville amena d'Otahïti en France, il y a à peine un demi-siècle. Il serait cependant ridicule de penser que les sauvages, en général, dont la fibre a fort peu de souplesse, soient susceptibles d'arriver, sans l'intermédiaire du tems qui perfectionne nos ganes, à ce dégré d'intelligence (fruit d'une longue civilisation) auquel l'homme doit, et ses lumières, et jusqu'au développement des sentimens moraux renfermés dans son âme; jusque-là les facultés instinctives prédominent ou plutôt elles jouent seules un rôle dans les actions de l'homme. Opposons maintenant à l'instinct, proprement dit tant qu'il n'est pas sorti de l'état de nature l'intelligence considérée comme la raison humaine. Celle-ci repose sur la faculté d'assembler, de combiner des idées, de les comparer entre elles, (ce qui constitue le jugement,) enfin de saisir cette multitude infinie de rapports qui composent l'ensemble des connaissances humaines. Quelle

Pour terminer, je dirai que l'instinct peut être considéré, si l'on veut, comme une intelligence relative, c'est-à-dire, comme la manifestation d'un certain nombre de sensations qui, probablement, chez les animaux, remplacent les idées, et cependant leur sont communes avec l'homme; ce qui a pu donner le change sur leur intelligence, considérée à tort, comme raisonnement ou motif calculé de leurs actions.

Résumons; les facultés instinctives, tirant leur source d'une impulsion secrète et indépendante de toute volonté, il s'en suit qu'elles sont autres que les facultés rationnelles, facultés d'un ordre bien plus élevé, puisque leur siége est dans l'âme. Et ce noble attribut exclusivement à qui appartient-il, si ce n'est à l'homme, l'être le plus distingué entre tous les êtres créés?

DESCRIPTION DU TEMPLE DE JUPITER A OLYMPIE.*

"LE temple de Jupiter fut construit, dans le siècle dernier, des dépouilles enlevées par les Eléens à quelques peuples qui s'étaient révoltés contre eux; il est d'ordre dorique, entouré de colonnes et construit d'une pierre tirée des carrières voisines, mais aussi éclatante et aussi dure, quoique plus légère, que le marbre de Paros. Il a de hauteur soixante-huit pieds, de longueur deux cent trente, de largeur quatre-vingt-quinze.

Un architecte habile, nommé Libon, fut chargé de la construction de cet édifice. Deux sculpteurs non moins habiles enrichirent par de savantes compositions les frontons de ces deux façades. Dans l'un de ces frontons on voit, au milieu d'un grand nombre de figures, Enomaüs et Pélops, prêts à se disputer, en présence de Jupiter, le prix de la course; dans l'autre, le combat des Centaures et des Lapithes. La porte d'entrée est de bronze, ainsi que la porte du côté opposé. On a gravé sur l'une et sur l'autre une partie des travaux d'Hercule. Des pièces de marbre, taillées en forme de tuiles, couvrent le toit: au sommet de chaque fronton s'élève une victoire en bronze doré; à chaque angle, un grand vase de même métal et également doré.

Le temple est divisé par des colonnes en trois nefs ou portiques. On y trouve, de même que dans le vestibule, quantité d'offrandes que la piété et la reconnaissance ont consacrées au Dieu; mais loin de se fixer sur ces objets, les regards se portent rapidement sur la statue et sur le trône de Jupiter. Ce chef-d'œuvre de Phidias et de la sculpture fait au premier aspect une impression que l'examen ne sert qu'à rendre plus profonde.

La figure de Jupiter est en or et en

*Par un Ancien. TOME IV.

ivoire, et, quoiqu'assise, elle s'élève presqu'au plafond du temple. De la main droite, elle tient une victoire également d'or et d'ivoire; de la gauche, un sceptre travaillé avec goût, enrichi de diverses espèces de métaux et surmonté d'un aigle. La chaussure est en or, ainsi que le manteau, sur lequel on a gravé des animaux, des fleurs, et surtout

des lis.

Le trône porte sur quatre pieds, ainsi que sur des colonnes intermé diaires de même hauteur. Les matières les plus riches, les arts les plus nobles concourent à l'embellir; il est tout brillant d'or, d'ivoire, d'ébène et de pierres précieuses, partout décoré de peintures et de bas-reliefs.

Quatre de ces bas-reliefs sont appliqués sur la face antérieure de chacun des pieds de devant; le plus haut représente quatre Victoires dans l'attitude de danseuses; le second, des Sphinx qui enlèvent les enfans des Thébains; le troisième, Apollon et Diane perçant de leurs traits les enfans de Niobé; le dernier, enfin, deux autres Victoires.

Phidias profita des moindres espaces pour multiplier les ornemens. Sur les quatre traverses qui lient les pieds du trône, je comptai trentesept figures; les unes représentant des lutteurs, les autres le combat d'Hercule contre les Amazones. Audessus de la tête de Jupiter, dans la partie supérieure du trône, on voit d'un côté les trois Grâces qu'il eut d'Eurymone, et les trois Saisons, qu'il eut de Thémis. On distingue quantité d'autres bas-reliefs, tant sur le marche-pied que sur la base de l'estrade qui soutient cette masse énorme; la plupart exécutés en or et représentant les divinités de l'Olympe. Aux pieds de Jupiter on lit cette inscription: Je suis l'ouvrage de Phidias, Athénien, fils de Charmidès. Outre son nom, l'artiste, pour éter2 R

258 DESCRIPTION DU TEMPLE DE JUPITER À OLYMPIE.

niser la mémoire et la beauté d'un jeune homme de ses amis, appelé Pantarcès, grava son nom sur un des doigts de Jupiter,

On ne peut approcher du trône autant qu'on le désirerait. A une certaine distance on est arrêté par une balustrade qui règne tout autour et qui est ornée de peintures excellentes, de la main de Panénus, élève et parent de Phidias. C'est le même qui, conjointement avec Colotès, autre disciple de ce grand homme, fut chargé des principaux détails de cet ouvrage surprenant. On dit qu'après l'avoir achevé, Phidias ôta le voile dont il l'avait couvert, consulta le goût du public et se réforma lui-même, d'après l'avis de la multitude.

On est frappé de la grandeur de l'entreprise, de la richesse de la matière, de l'excellence du travail, de l'heureux accord de toutes les parties; mais on l'est bien plus encore de l'expression sublime que l'artiste à su donner à la tête de Jupiter. La divinité même y paraît empreinte avec tout l'éclat de la puissance, toute la profondeur de la sagesse, toute la douceur de la bonté. Auparavant les artistes ne représentaient le maître des dieux qu'avec des traits communs, sans noblesse et sans caractère distinctif. Phidias fut le premier qui atteignit, pour ainsi dire, la majesté divine, et sût ajouter un nou

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veau motif au respect des peuples, en leur rendant sensible ce qu'ils avaient adoré. Dans quelles sources avait-il donc puisé ces hautes idées ? Des poëtes diraient qu'il était monté dans le ciel, ou que le Dieu était descendu sur la terre; mais il répondit d'une manière plus simple et plus noble à ceux qui lui fesaient la même ques tion; il cita les vers d'Homère, où ce poëte dit qu'un regard de Jupiter suffit pour ébranler l'Olympe. Ces vers, en réveillant dans l'âme de Phidias l'image du vrai beau, de ce beau qui n'est aperçu que par l'homme de génie, produisirent le Jupiter d'Olympie; et quel que soit le sort de la religion qui domine dans la Grèce, le Jupiter d'Olympie servira toujours de modèle aux artistes qui voudront représenter dignement l'Etre Suprême,

Les Eléens connaissent le prix du monument qu'ils possèdent; ils montrent encore aux étrangers l'atelier de Phidias; ils ont répandu leurs bienfaits sur les descendans de ce grand artiste, et les ont chargés d'entretenir la statue dans tout son éclat. Comme le temple et l'enceinte sacrée sont dans un endroit marécageux, un des moyens qu'on emploie pour défendre l'ivoire contre l'humidité, c'est de verser fréquemment de l'huile au pied du trône, sur une partie du pavé destiné à la recevoir.

AMESTAN ET MÉLÉDIN,

OU L'EXPÉRIENCE À L'EPREUVE.

CONTE.

Je

"J'ÉTAIS dans ma jeunesse d'un caractère ardent et passionné. J'aimais les femmes avec fureur. croyais de bonne foi à leurs discours, à leurs caresses. Elles me disaient que j'étais le plus bel homme de la Perse, et je me croyais beau; elles vantaient mon esprit extraordinaire, et je me croyais un esprit supérieur. Avec leurs éloges séduisans, leurs propos flatteurs, elles m'ont conduit à ma perte. J'étais autrefois trèsriche, et à peine me reste-t-il de quoi terminer tranquillement mes jours. O Mélédin! que la jeunesse est extravagante! Si j'avais su dans mon printems ce que je sais aujourd'hui, je serais encore un des plus riches commerçans d'Ispahan; et je suis bien pauvre"."Oui, sans doute, répond Mélédin, si nous avions su l'un et l'autre à vingt ans ce que nous savons à quatre-vingts, que de sottises nous aurions évitées! Quelle différence dans notre fortune! En vérité, l'expérience vient bien mal-à-propos, lorsqu'on n'a plus besoin de ses conseils. A quoi bon savoir, quand on n'a plus le tems de mettre à profit ? Pour moi, mon cher Amestan, c'est la vanité qui m'a perdu. Je n'étais pas un sot, je le savais bien, mais j'avais un tel désir de briller, de jouer un rôle par mon esprit, que je n'ai jamais su modérer ma maudite langue. C'est mon indiscrétion qui m'a empêché de parvenir au faîte des grandeurs. Si je pouvais revenir à vingt ans! Certes, avec l'expérience que j'ai acquise, je ne ferais plus de semblables étourderies. Je saurais tempérer mon orgueil, attendre le moment de parler, et donner de la prudence même à mes regards."

Ainsi deux bon vieillards à l'ombre

d'un palmier solitaire, à l'entrée de la grotte de Maaran, s'entretenaient des erreurs de leur jeunesse. Tous deux étaient devenus sages à leurs dépens.

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O puissant Mahomet ! s'écriaient-ils ensemble, il est donc vrai que nous ne reviendrons plus à vingt ans ! Nous ne pourrons profiter de nos malheurs, de nos fautes, et de cette sagesse que le tems nous a donnée !"

Comme ils parlaient ainsi, un bruit léger se fait entendre à l'entrée de la grotte; le bruit approche, ils lèvent les yeux et aperçoivent un génie, qui s'avance vers eux, et leur dit avec une douceur inexprimable: " Amestan, Mélédin, ne craignez point ma présence. Je ne viens ici que pour vous rendre heureux. J'habite depuis long-tems cette grotte solitaire, et j'étais sur le point d'en sortir pour parcourir le monde, lorsque j'ai entendu vos plaintes. Elles m'ont paru justes; j'ai pris pitié de vous. est sûr que le ciel vous traite avec une extrême rigueur; il vous donne la sagesse quand elle ne vous est plus bonne à rien ; il vous apprend à vivre lorsque vous n'avez plus qu'à mourir. Je veux réparer cette injustice, et, si vous le désirez, vous rendre les jours brillans de votre jeunesse, votre vigueur première, votre première beauté. Parlez, quel âge voulez-vous avoir ? -Vingt ans, vingt ans, s'écrient à la fois les deux vieillards.-Je le crois bien, répond le génie. Eh bien, soit, vous n'avez que vingt ans."

En effet, quelle subite métamorphose! A peine le génie a-t-il parlé, qu'un sang plus vif coule dans leurs veines. Leurs jarrets tremblans reprennent leur force et leur élasticité; leurs corps usés se redressent ; leurs fronts chauves se garnissent de beaux

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