Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

DE L'ÉDUCATION CHEZ LES CHINOIS,

PAR M. FULGENCE FRESNEL.

LE morceau suivant est extrait d'un long article du Dictionnaire par Clés, formant la première partie du Dictionnaire Chinois-Anglais du docteur Morrison. C'est véritablement un petit traité sur l'éducation, tiré des divers auteurs chinois dont le savant anglais rapporte les textes, pour ainsi dire phrase par phrase, et à mesure qu'il les traduit. La première partie de cet article est relative à l'éducation primaire; la seconde aux études privées; la troisième offre l'ensemble des réglemens sur les examens publics, et la quatrième et dernière renferme un abrégé des règles de la composition suivant les rhéteurs chinois.

Première Partie.

Kiao-hio (enseigner, apprendre) est l'expression par laquelle les Chinois désignent l'éducation en général. On trouve dans le Li-ki un chapitre consacré à ce sujet ; il se nomme Hioki, et l'on peut conclure de ce qu'il renferme que les Chinois ont reconnu, à une époque très-reculée, l'importance de l'éducation; car dans ce chapitre, écrit cinq cents ans avant l'ère chrétienne, il est question de l'ancien système d'instruction Kou-tchi-kiaotche, d'après lequel chaque famille* devait avoir une salle d'étude nommée cho; chaque hameau (tang), une école appelée siang; chaque village (chu), une école appelée siu, et chaque principauté ou koue, une institution nommée hio.

Les Chinois recommandent, comme une chose nécessaire, de commencer de très-bonne heure l'éducation des

* Je ne sais pourquoi le docteur Morrison a traduit kia, famille, par a few families. Il y a dans le texte kia yeou cho, tang yeou siang, etc., littéralement : famille eut cho; hameau eut siang, etc.

[ocr errors][merged small][merged small]

"Comme les enfans n'ont point ce qui sert à déterminer, à asseoir les pensées," c'est-à-dire, le jugement, le même auteur recommande de leur représenter journellement les maximes et les vérités essentielles, "d'en remplir leurs oreilles et d'en bourrer leur ventre," c'est-à-dire, leur esprit, afin de les prémunir contre la séduction des faux principes.

Tchou-fou-tseu veut qu'on les familiarise avec le siao-hio (l'étude des petits), afin de les préparer au ta-hio (la grande étude ou l'étude des adultes), qui traite de la morale et de la politique.

On trouve encore dans un chapitre du Li-ki appelé Neï-tse (règle intérieure ou domestique), des renseignemens sur les opinions des anciens relativement à l'éducation. Il y est enjoint d'apprendre aux enfans à se servir de leur main droite aussitôt qu'ils peuvent manger seuls et de les faire compter à l'âge de six ans.

L'objet d'une éducation hâtive est selon Tchou-fou-tseu, de réprimer la tendance à la dissipation et de nourrir (cultiver) la disposition à la vertu. Dans l'énumération des occupations journalières des enfans, il commence toujours par l'aspersion et le balayage du plancher.

On inspire de bonne heure aux Chinois une haute estime pour leurs maftres, dont on leur représente la di

gnité comme très-honorable.* Cela n'empêche pas que quelques-uns de ces maîtres ne soient accusés de se livrer à la paresse, de négliger leurs devoirs, de perdre leur tems et de faire plus de mal que de bien à leurs élèves.

Il n'y a rien en Chine qui réponde aux grandes écoles européennes ou aux académies instituées chez nous pour les classes moyennes. Les gens riches de ce pays confient à des maîtres particuliers l'éducation de leurs enfans et de ceux qui tiennent à leur famille. Les colléges nationaux ou Hic-koung, institués dans chaque district pour les sieou-tsaï, ou lettrés, dont le grade correspond exactement à celui de bachelier, sont si mal tenus, que personne ne suit les cours si ce n'est à l'époque des examens publics. Les lao-sse, ou professeurs de ces colléges, louent quelquefois leurs chaires à d'autres lettrés.

Les écoles particulières, que l'on appelle hio-kouan, sont principale ment suivies par les enfans pauvres; les maîtres de ces écoles, ou sianseng, expriment leurs fonctions par les mots kiao-kouan. Pour y être admis, les enfans paient un droit que l'on nomme tchi-i (offrande d'introduction), le jour où ils voyent leur maître pour la première fois. Le montant de ce droit varie depuis 200 aches, ou 1 f. 50 c., jusqu'à un dollar ou 5 f. 40 c. Du reste le maître ne fait aucune demande d'argent, bien qu'il compte sur une rétribution. Il y a deux jours fériés dans l'année, l'un à la cinquième et l'autre à la huitième lune, où les enfans paient une petite somme de la même manière que le droit d'entrée. appelle ce paiement tsiei-i (offrande du terme). A ces deux époques les enfans ont congé, et au nouvel an il y a des vacances d'un mois ou six semaines.

On

* Le docteur Morrison traduit tsouitsun, par the most honourable, et fait ainsi de tsoui, l'indice d'un superlatif absolu.

+ On les nomme encore fou hio, écoles de département; ou hian-hio, écoles d'arrondissement.

Outre les écoles appelées hio-kouan' il y a des écoles de charité, ou i-hio ouvertes par les autorités locales aux étudians du second âge; mais ces établissemens ne sont point commandés par le gouvernement suprême. Du reste, il n'y a en Chine ni écoles publiques, ni écoles gratuites particulières, à l'usage des enfans pauvres.

ya dans les grandes villes des écoles du soir (ye-hio), à l'usage de ceux qui sont obligés de travailler dans la journée.

C'est ordinairement pour un an que les enfans des Chinois entrent dans une école; ils ne s'abonnent pas pour un trimestre ou pour un mois, mais les Tartares prennent leur abonnement au mois. Quand un enfant est entré pour un an dans une école, il lui faut payer la totalité de la rétribution annuelle, soit qu'il suive ou qu'il ne suive pas les leçons. Cette rétribution varie de deux à six dollars. Trois dollars sont regardés comme le prix moyen de l'instruction publique pour un an.

Dans l'ouvrage intitulé Kia-p'haotsiouan-tsi, "Collection complette des Joyaux de famille", ou "Trésor domestique", par Thian-ki-chitching-kin de Yang-tchheou, dans le Kiang-nan, on trouve, à la page 12 du deuxième volume, un règlement d'école en 100 articles, dont voici un extrait.

Art. 1er. Tous les élèves se rendront à l'école dès la pointe du jour.

2. En entrant à l'école, ils salueront d'abord le saint homme Khoung (Confucius), et ensuite leur maître.

Les articles 3, 4, etc. jusqu'au 8e, sont relatifs à leurs études. Le 8e leur enjoint la régularité dans ces études.

9. Tous les soirs au moment de quitter l'école, on récitera une ode ou un passage de l'histoire ancienne ou moderne, en choisissant de préférence les morceaux les plus clairs, les plus touchans ou les plus féconds en conséquences importantes. On défendra toute causerie frivole ou obscène.

10. A la sortie de l'école, on salue

ra Confucius et le maître d'école comme au matin. Nul ne s'en dispenseraquelque âgé qu'il soit.

11. Si l'école est nombreuse, on

renverra les écoliers par détachemens, en fesant partir les premiers ceux qui demeurent le plus loin de l'école, et ensuite ceux qui demeurent plus près, ou bien les plus jeunes d'abord et les plus âgés ensuite. Ils iront droit chez eux et ne devront point s'arrêter en chemin pour faire des parties de jeu.

12. En rentrant au logis, ils salueront premièrement les esprits domes tiques, puis leurs ancêtres, et immédiatement après leur père et leur mère, leurs oncles et leurs tantes.

13. Si, en rentrant au logis, un élève trouve un hôte dans le salon de ses parens, après avoir salué, les esprits domestiques et les tablettes de ses ancêtres, il inclinera sa tête devant l'hôte d'une manière aisée et respectueuse, en tenant son corps droit, et appellera l'hôte par son titre. Après l'avoir salué et s'être assis, il évitera également de parler beaucoup

excès de hardiesse, ou de se capar cher par excès de timidité.

14. L'écolier, au logis, lira tous les soirs à la lampe, excepté en été quand le tems sera chaud; alors il pourra interrompre ses lectures du soir; mais il les reprendra en automne quand le tems sera frais.

15. L'écolier doit aimer son livre et le préserver de tout dommage.

21. Cet article recommande le concours de trois choses san-tao, à l'élève qui apprend une leçon par cœur. Les trois choses qui doivent tendre au même but sont les yeux, l'esprit, et la bouche. Il doit éviter soigneusement de réciter une chose de la bouche, tandis que son esprit est occupé d'une

[blocks in formation]

ils tireront au sort l'ordre suivant lequel ils devront réciter leurs leçons, et ne se presseront point autour du maître.

Les art. 28-38 donnent des règles pour écrire, comme de ne point tâcher ses doigts en broyant de l'encre ou en écrivant; de se tenir droit deyant son pupitre, etc.

40. Les enfans s'examineront intérieurement sur les passages que le maître leur expliquera; ils se feront l'application des avertissemens et des bons exemples; cet exercice est profitable pour le corps et l'esprit.

Voici comment l'auteur du réglement exprime le devoir mental de l'écolier: "Que l'écolier s'applique ce qu'il entend et se dise: Cette phrase me concerne-t-elle ? Ce chapitre m'offre-t-il un modèle à suivre?"

Quant au maître, il discutera, sous deux rapports, le trait d'histoire ou la maxime en question; il fera remarquer d'une part ce qu'il faut imiter, de l'autre ce qu'il faut éviter, de manière à produire une impression profonde sur l'esprit de ses élèves, et, s'ils commettent ensuite quelque faute, il les reprendra d'après les principes tirés du texte précédemment expliqué.

41. En écoutant les leçons du maître, l'écolier doit contenir son âme dans une attention profonde, et se défendre toute divagation mentale.

43. Si le sens d'une leçon n'est pas suffisamment expliqué dans le livre, allez au maître et demandez-lui tous les éclaircissemens dont vous avez besoin. Il ne vous est pas permis de couserver vos doutes ou de vous contenter de notions confuses.

45. En composant des phrases sur un modèle donné*, l'écolier saura

* Pour ce premier membre de phrase il y a deux mots en chinois, tso-toui; quatre en anglais, in composing parallel lines ; et huit dans ma traduction. J'ai cru devoir suppléer ici au vague de la traduction anglaise

distinguer le ton égal des tons inégaux, les particules des mots pleins, les noms des verbes. Il ne lui sera pas permis de s'y tromper.

49. En sortant de l'école pour prendre son thé ou ses repas, chaque élève s'en ira de son côté. On ne permettra pas les rendez-vous pour des parties de jeu.

61. Dans l'éducation des enfans, on commencera par des leçons de propreté. On veillera à ce qu'ils ne laissent point l'encre et la poussière s'accumuler dans leurs écritoires, et à ce que leurs pinceaux ne dorment pas dans l'encre, mais soient lavés tous les soirs. Ils tiendront leur livre à trois pouces de leur corps: on ne leur permettra ni de le frotter, ni de le gâter, ni de le ployer sur les angles, ni de le marquer à l'encre, ni d'écrire dessus.

63. Les choses dont on se sert dans l'école se bornent aux livres d'étude et à leurs accessoires, le papier, l'encre, les pinceaux et les écritoires. Tout livre d'amusement est un obstacle aux bonnes études et doit être proscrit de l'école, ainsi que l'argent superflu et les jouets de toute espèce.

64. Les élèves observeront les règles de la politesse dans leurs paroles et leurs actions; ils ne tiendront ni le langage, ni la conduite des gens qui fréquentent le marché et les puits publics.

65. Un jeune homme doit être doux et traitable. La rudesse et l'emportement lui sont défendus.

66. L'écolier, sur son siége, conservera une attitude grave; il n'aura pas les jambes croisées et ne s'appuyera ni à droite ni à gauche. Dans les rues il s'abstiendra de lancer des tuiles, de sauter et de gambader; mais il marchera tranquillement et d'une manière uniforme. Les écoliers marchant ensemble ne se parleront point à l'oreille, ne se tireront point par leurs habits, ne se donneront point de coups de pied; ils n'iront point bras dessus bras dessous, regardant à droite et à gauche, causant d'affaires civiles et militaires.

TOME IV.

L'art. 70 veut qu'un jeune homme. qui rencontre en son chemin un supérieur ou une personne de sa famille, s'arrête aussitôt dans une posture régulière, et ensuite courbe sa tête, croise les mains sur sa poitrine et fasse une révérence profonde. Si la personne qui passe lui adresse une question, il répondra avec une aisance respectueuse, et il attendra qu'elle soit passée pour se remettre en marche.

71. En marchant avec un garçon de son âge, il prendra la droite et cédera le côté d'honneur à son compagnon, mais il suivra ses supérieurs ou ses parens.

72. Dans la conversation, ses discours seront polis, faciles et conformes à la vérité; il ne marmottera point d'une manière stupide et confuse. Il ne mentira point; il parlera à voix basse et sans s'échauffer: il évitera la dispute et le bruit; il ne se vantera point; il ne dira point de facéties.

L'art. 73 donne des règles pour faire la révérence. Elle doit être facile, lente, profonde et arrondie, et non pas écourtée, roide, indécise ou précipitée.

74. Un jeune homme debout doit être grave, tranquille et ferme sur ses jambes; il ne doit pas s'appuyer sur une hanche à la manière d'un boiteux.

77. Ses vêtemens, son bonnet et sa chaussure doivent être unis et simples, mais propres, comme il convient à un lettré; les broderies et les ornemens lui sont interdits.

79. En hiver, quand les écoliers apportent des brasiers à l'école, ils ne doivent pas jouer avec le feu ou les cendres, ni se presser autour du feu.

80. A l'école, les élèves seront placés par rang d'âge.

81. Quand une personne viendra visiter l'école, tous les écoliers descendront de leurs siéges sans quitter leurs rangs et salueront l'étranger; ils s'abstiendront de se parler à l'oreille, de rire et de faire du bruit en sa présence.

82. S'il arrive que le maître reçoive

L

[ocr errors]

une invitation du père d'un de ses élèves, ou soit obligé de sortir pour affaires, les écoliers observeront en son absence les règles et les usages de l'école ; les grands n'insulteront point les petits; on ne se battra point, on ne brisera point les pinceaux et les écritoires.

83. Les écoliers n'apprendront point de choses inutiles, comme les jeux de cartes ou de dés. Ils ne joueront ni au volant ni au ballon, ni aux échecs; ils ne lanceront point de cerfs-volans; ils ne nourriront point d'oiseaux, ni de quadrupèdes, ni de poissons, ni d'insectes. Ils n'apprendront point à jouer sur des instrumens à vent ou à cordes, non plus qu'à chanter. Toutes les occupations de ce genre sont interdites comme inutiles; non-seulement elles mettent obstacle aux bonnes études, mais elles disposent le cœur à la dissipation et aux voluptés; il faut s'en défendre avec la plus sérieuse attention.

84. Le jeu qui a l'argent pour mobile est un vice dont les jeunes gens doivent se garder par-dessus toute chose. Il fatigue l'esprit, provoque la colère, cause la perte du tems et fait négliger les affaires. Rien ne produit ces mauvais effets à un plus haut degré; si l'on ne s'en abstient pas dans la jeunesse, il aura pour conséquence dans l'âge mûr la dissolution de la famille et la perte du patrimoine.

86. Les contes obscènes, les comédies licencieuses, les romans et les chansons dissipent les facultés de l'âme et compromettent gravement les affaires; ces ouvrages ne doivent jamais tomber sous les yeux des jeunes gens.

87. Les compositions poétiques n'appartiennent qu'aux hommes consommés dans les lettres et dont la réputation est établie; elles sont le produit de leur verve et le jeu de leur esprit*. Mais un jeune homme ne sau

[blocks in formation]

rait se livrer à la versification sans né◄ gliger ses études principales.

88. Les liaisons amicales et tout ce qui s'en suit, comme les allées et venues, les causeries, les visites, sont encore un obstacle aux études sérieuses. Les maîtres et les camarades d'étude ne doivent pas perdre cela de vue.

[ocr errors]

89. Le choix des alimens ne doit dépendre que des convenaces personnelles. Le sage s'occupe de morale non de cuisine.

90. En mangeant, un enfant doit s'accoutumer à la mastication complète, à la déglutition lente et facile. Il ne doit pas avoir l'air de dévorer ce qu'il mange, ni chercher les morceaux qui lui conviennent dans la partie la plus reculée du plat, ni remettre sur son assiette (suivant Morrison sur le plat) ce qu'il a déjà attaqué.

91. L'écolier admis à un banquet commencera par demander respectueusement la permission de s'asseoir. Une fois assis, il ne promènera point ses regards à droite et à gauche. Il ne coudoiera point ses voisins, il ne trépignera point sur sa chaise, il ne causera point trop haut, il ne babillera point. En levant sa tasse ou ses spatules, en commençant ou en finissant de boire, il observera la compagnie pour faire coincider ses mouvemens avec ceux des autres.

Il ne

mangera pas à pleine bouche, il ne boira pas à longs traits; enfin il ne répandra ni son vin ni sa soupe. Toutes ces choses sont des infractions à la bienséance.

95. Les écoliers ne doivent point s'absenter sans en prévenir respectueusement leur maître; ils ne doivent point chercher de prétextes ou dire de mensonges pour se soustraire à leur tâche.

96. Quand les écoliers profitent de l'enseignement, se conforment aux règles de l'école, apprennent bien leurs leçons, écrivent bien leurs copies, le maître peut les louer ou leur donner des bâtons d'encre ou des pinceaux d'honneur, afin d'encourager

« VorigeDoorgaan »