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LLORENTE (D. JEAN-ANTOINE), Naquit le 30 Mars 1756, à Rincondelsoto, village aux envirous de Calahorra, patrie du poète Prudence, dans la Vieille-Castille. Sa famille était pauvre, mais considérée par ellemême et par ses alliances, Orphelin à l'âge de 10 ans, il fut élevé par deux ecclésiastiques respectables, l'un, son oncle maternel D. Gonzalès de Mendizabal; l'autre, D. Manoel de Medrano, qu'il suivit à Tarrascone. Ce fut dans cette ville qu'il fit tous ses cours, et avec une telle distinction, qu'à l'âge de 14 ans il obtint la tonsure cléricale, qui le rendait habile à posséder des bénéfices patrimoniaux. Son protecteur l'envoya, en 1773, faire son droit à Sarragosse, et compléter ses études à Madrid. Reçu bachelier en 1776, il obtint un bénéfice patrimonial, et reçut les ordres mineurs, et enfin, deux ans après, le diaconat par dispense d'âge. En 1780, il prit tous ses grades, fut reçu docteur à Valence, et concourut avec succcès pour un canonicat de la cathédrale de Tarrascone. L'année suivante, il reçut à Madrid le titre d'avocat au conseil suprême des Antilles, et de membre de l'académie canonique de Saint-Isidore; en 1782, il fut nommé procureur-fiscal, proviseur et vicairegénéral de l'évêché de Calahorra. L'année suivante, la rencontre qu'il fit

d'un savant étranger opéra une révolution complète dans ses études. Ce savant lui prouva qu'il n'avait suivi que des maximes erronées, des principes faux, de mauvais préceptes. Il l'engagea à brûler tous ses auteurs, lui en indiqua d'autres, et M. Llorente eut le courage de suivre ces conseils sévères, auxquels il doit la juste réputation qu'il s'est acquise parmi les écrivains de cette époque. En 1805, il fut nommé commissaire du saint-office de Logrogno. Pour occuper cet emploi, il fut obligé de faire de singulières preuves, de démontrer que ni lui, ni ses aïeux paternels et maternels jusqu'à la 3me génération, n'avaient point été châtiés, par conséquent, pas brûlés par l'inquisition, et ne descendaient ni de Juifs, ni de Maures, ni d'hérétiques, De telles preuves seraient à présent aussi barbares en Espagne qu'elles le paraissaient alors au reste de l'Europe. Il fut ensuite nommé, par son évêque, examinateur syndical des prêtres qui demandaient des licences pour prêcher et pour confesser. C'était vraiment accepter une terrible responsabilité. A cette époque, M. Llorente, qui voyait au-delà, et peut-être audessus de tant de fonctions et d'exercices ecclésiastiques, conçut le grand projet de substituer un corps de jurisprudence nationale à l'étude des lois romaines. C'était devancer l'avenir.

Le ministre Florida-Blanca, consulté par M. Llorente, devina peut-être cet avenir, et le fit renoncer à son projet. Plusieurs mémoires ou discours, sur des sujets de localités ecclésiastiques, occupèrent les loisirs du vicaire-général de Calahorra. 11 composa aussi un singulier ouvrage, dont l'intérêt eût été peu aperçu à l'époque de la révolution française, laquelle le fit renoncer à le publier. Il était intitulé: de la Prééminence des ambas

En

sadeurs d'Espagne sur ceux de France, auprès des conciles généraux, de la cour de Rome et des autres assemblées diplomatiques. Le talent de M. Llorente devait passer encore par quelques épreuves d'une nature vraiment bizarre: gothiques témoignages de la barbarie du passé et de l'ignorance du présent. En 1788, il fut appelé à Madrid pour être consul du cabinet de la duchesse de SotoMayor, première dame d'honneur, et bientôt après nommé un de ses exécuteurs testamentaires; il fut chargé, par le roi, de la tutelle du jeune duc, neveu et héritier de la défunte. raison de cette fonction, car tout était officiel à la cour d'Espagne, M. Llorente fut condamné, malgré sa répugnance, à se livrer à l'étude des généalogies, et à composer, sur l'antiquité de la maison de Soto-Mayor, dont l'origine remonte au 11me siècle, un ouvrage qui fut intitulé: Histoire du procès de la maison de SotoMayor concernant plusieurs droits seigneuriaux depuis le 13me siècle. Cette branche de littérature est languissante en France depuis plusieurs règnes, mais le terrain monarchique est si fertile qu'il ne faut pas désespérer de la voir reverdir. Le nouveau nobiliaire de MM. de Saint-Allais et de Courcelles est, sous ce rappport, un monument plein d'espérances. Un mémoire sur une noblesse plus antique, sur un cirque romain à Calahorra, fut dédié par M. Llorente au comte de Florida-Blanca. En 1789, il fut nommé secrétaire de l'inquisiteur de la cour, emploi probablement d'une nature fort étrange; puis, chanoine de la cathédrale de Calahorra ;

et en sa qualité de membre honoraire de l'académie de Séville, il donna une bonne dissertation sur la situation géographique de l'ancienne Segobria. Pendant les années 1790 et 1791, le chanoine Llorente remplit les fonctions peu accréditées en France à présent, de censeur littéraire, et donna au public une nouvelle édition des lois promulguées en Espagne par les rois goths. Une intrigue de cour lui fit quitter Madrid et repartir pour sa résidence de Calahorra, où il rendit les plus grands services à une foule de prêtres français réfugiés. En 1793, M. Llorente fut nommé juge du tribunal de la Croisade dans son diocèse. C'était là que se jugeait tout procès relatif aux subsides que le clergé payait à l'état en vertu des bulles pontificales. Il conserva cette place jusqu'en 1805, et fut assez heureux, la même année, de prouver sa reconnaissance à D. Medrano, en contribuant à faire réussir, par un mémoire habile, les prétentions que le neveu de ce protecteur de sa première jeunesse avait au marquisat de Bellamazan. Il était occupé d'un grand travail sur le saint-office, par ordre du grand-inquisiteur, quand l'armée française envahit les provinces basques. Il fut chargé, par son chapitre, d'aller réclamer auprès du général en chef la levée du séquestre mis sur les propriétés ecclésiastiques de son diocèse, et il réussit pleinement. Il fit paraître un ouvrage considérable sous le titre de Notices historiques sur les provinces de Alava Guipuscoa et Biscaye. Cinq vol. in-4to, étaient déjà imprimés, et d'autres allaient l'être quand éclata la révolution d'Espagne. En 1801, M. Llorente fut arrêté par ordre de l'inquisition, en raison de différentes lettres adressées par lui à des personnes poursuivies par le saint-office.

Il fut enfermé pendant 10 jours au couvent de Saint-Dominique, dépouillé de ses titres de commissaire et de secrétaire du saint-office, condamné à une amende pécuniaire et à un mois de retraite au désert de Calahorra, dans le couvent des Récollets. On garda tous ses papiers relatifs à

l'inquisition, à la politique et aux affaires ultramontaines. Rendu à la liberté, M. Llorente obtint encore diverses fonctions et dignités dans son chapitre. En 1804, il reçut le titre de correspondant de l'académie royale d'histoire de Madrid, qui, par un privilége peu analogue, donnait en même tems celui de valet-de-chambre ordinaire du roi. Les places s'accumulaient sur sa tête: il devint, de plus, chanoine de Tolède, écolâtre de cette cathédrale, et chancelier de son université, et en 1807, il reçut le cordon de Charles III. Nommé, par le grandduc-de Berg, membre de l'assemblée des notables chargés de donner une constitution à l'Espagne, M. Llorente partit pour Bayonne, et revint à Madrid avec le roi Joseph, qui le nomma conseiller-d'état. Peu après, il publia un Mémoire héraldique sur les armes d'Espagne, avec un nouveau projet d'armoiries. Il y avait alors autre chose à faire. Son projet fut goûté et oublié. Le roi Joseph ayant, par le plus noble exercice de sa royauté, supprimé, en 1809, le trop fameux saint-office, confia à M. Llorente la garde des archives de la suprême, et fit mettre à sa disposition celles des autres provinces, afin d'écrire une histoire complète de ce redoutable tribunal. C'est à cette disposition que le public doit l'excellent ouvrage de M. Llorente sur l'inquisition. Il ne prévoyait pas alors que ce serait en France que, proscrit, il le publierait, et en retirerait, indépendamment d'avantages lucratifs, la réputation d'un bon écrivain et d'un homme de bien. D'après les ordres confidentiels du roi Joseph, qui voulait préparer les esprits à la suppression des droits onéreux de la cour de Rome, M. Llorente publia une Collection diplomatique de plusieurs écrits anciens et modernes sur les dispenses matrimoniales. Chargé aussi de la direction des domaines, après avoir exécuté, avec autant de ménagement qu'il lui fut possible, les dispositions relatives à la suppression des couvens, il se livra exclusivement, en 1810, à ses fonctions de commissaire de la TOME IV.

Croisade, et rendit d'éminens services aux établissemens de bienfesance. Un écrit de M. Llorente fixa alors l'attention du public. Il avait un titre dont l'intérêt était dans toute sa force: Quelle a été l'opinion nationale sur l'inquisition? Il prouva que l'opinion l'avait toujours repoussée. Le roi Joseph ayant dû quitter Madrid pour la seconde fois, M. Llorente le suivit à Valence, où il publia, par son ordre, plusieurs brochures, dans le but d'accoutumer la nation espagnole au gouvernement de ce prince, et de prouver que la guerre contre Napoléon était aussi onéreuse qu'inutile. Un autre écrit établissait que la régence de Cadix n'était que l'instrument du cabinet de Londres, qui exploitait l'Espagne à son profit. Cependant, il prêchait dans le désert, et il dut se réfugier en France après l'expulsion du roi Joseph. Une traduction inédite des Animaux parlans de Casti, occupa ses derniers loisirs dans sa patrie. Arrivé en France, il visita nos provinces méridionales, et se rendit à Paris. A peine Ferdinand fut-il remonté sur le trône, que M. Llorente reçut la notification qu'il ne pouvait rentrer en Espagne, et qu'il était dépouillé de ses biens. Le chapitre de Tolède le dépouilla également de ses dignités, et alors il dut songer à remplir, à Paris, son rôle, de la manière la plus honorable et la plus utile. Il commença par y publier Mémoire pour servir à l'histoire de la révolution d'Espagne, en 2 vols. in-8vo., par D. J. Nellerto, anagramme de Llorente. L'auteur assure, pag. 158 de sa notice biographique, que M. de Pradt, auteur des Mémoires sur la révolution d'Espagne, en a puisé les quatre cinquièmes dans son ouvrage. M. Llorente fit un voyage à Londres à la fin de 1814, et revint s'établir à Paris où il publia, en l'honneur de l'antiquité de la maison de Bourbon, un in-folio, sous le titre d'Illustration de l'arbre généalogique du roi d'Espagne Ferdinand VII, lequel prince se trouve être le 34me descendant en ligne directe de Sigerdus, roi des R

dans une

Saxons, mort en 633. Le secrétaire du conseil suprême de Castille ayant donné ordre aux évêques du royaume de remplacer les ecclésiastiques réfugiés en France, et d'instruire leur procès, M. Llorente publia, à cette occasion, plusieurs mémoires justificatifs, qui n'eurent pour lui aucun résultat. On se rappelle, car il est impossible de l'oublier, l'étrange discours dans lequel M. Clauzel de Coussergues s'attacha à prouver, le 28 Février 1817, à la tribune de la chambre des députés, que l'inquisition était à présent le plus doux des tribunaux, le modèle de modération, borné à la censure des livres ; que la tolérance régnait dans ses décrets, et que depuis la cessation des auto-da-fés, on se doutait à peine, en Espagne, de l'existence d'un tribunal. M. Llorente, qui en savait plus long sur ce chapitre que M. Clauzel de Coussergues, eut la politesse de lui prouver lettre imprimée le 30 Mars, qu'il était très-mal informé: "Que ce bénin tribunal avait fait périr dans les flammes 1,578 personnes, depuis 1700 jusqu'en 1808, ce qui fait plus de 15 victimes par année: plus, 788 brûlées en effigie. Que 11,998 avaient été condamnées à des peines plus on moins graves: en tout, 14,364 victimes dans l'espace de 108 ans ; et que, comme aucune loi de l'inquisition n'était révoquée, l'assertion de M. Clauzel de Coussergues était d'autant plus mal fondée, qu'enfin, si en raison de la maturité des lumières, les supplices rigoureux n'étaient plus infligés publiquement, une foule de malheureux étaient condamnés à vivre, pendant une longue suite d'années, entre quatre murailles, sans aucune communication avec les vivans, et à y mourir sans avoir connu l'accusation, sans avoir pu se défendre, sans avoir eu un procès." Cette circonstance décida M. Llorente à риblier en français les 4 vol. in-8vo., intitulés; Histoire critique de l'inquisition d'Espagne. Cet ouvrage distingué a été traduit en anglais, en allemand, en italien, et justement recommandé au public par les journaux

et les ouvrages périodiques de France, Il a été donné abrégé en un joli petit vol. in-18mo., Paris, 1823, sous le titre de: Histoire abrégée de l'Inquisition d'Espagne, par Léonard Gallois. Différens ouvrages honorent encore la vie littéraire de M. Llorente: de ce nombre sont: 1°. Dictionnaire topographique de l'Espagne, avec les noms anciens et modernes ; 20 Histoire d'Antoine Perez, premier secrétaire-d'état du roi Phillippe II; 3 Dissertation sur la division des évêchés en Espagne sous le roi Wamba dans le 7e siècle, Plusieurs ouvrages manuscrits de M. Llorente sur les droits politiques et les intérêts de l'Espagne, seront sans doute un jour donnés au public. Il a publié, en 1822, un petit volume trèsintéressant, intitulé: Observations critiques sur le roman de Gilblas, dans lequel il prouve que l'ouvrage de Lesage, loin d'être original, est tiré du Bachelier de Salamanque, ouvrage inédit espagnol. L'Histoire de D. Barthélemi de Las Casas, précédée de la vie de cet illustre prélat, par M. Llorente, en 2 vol. in-8vo., est le dernier service que cet écrivain laborieux et éclairé ait rendu aux lettres. Jamais un plus homme de bien ne fut l'historien d'un homme plus vertueux. Le respectable Llorente mourut, dans le mois de Février 1823, à Madrid, peu de tems après son arrivée dans cette ville, par suite de son expulsion politique de la France; il était âgé de près de 70

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ans.

On ne peut douter que les fatigues d'un voyage forcé au milieu d'un hiver des plus rigoureux, n'aient hâté la fin de cet homme estimable, qui, ainsi qu'on l'a dit précédemment, avait rendu, pendant l'émigration française, au commencement de la révolution, des services de tout genre aux prêtres obligés de fuir en Espagne. Les amis de l'humanité et les amis des lettres regretteront également l'homme vertuenx et le bienfaiteur des prêtres français, et le savant auteur de l'Histoire de l'Inquisition et des Portraits des papes.

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