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accompagné par un second, faisant charivari sur un gril avec un couteau, et ayant la tête couverte d'une marmite renversée au devant de laquelle se dresse une gauffre colliche. Ce particulier, sorte de fou, est armé d'un sabre de bois qui pend inoffensif à son côté. L'orchestre n'est pas seulement composé de lui seul; o utre un joueur de cornemuse assis, et dans un état de repos, un autre individu drapé jusqu'au menton, accompagne le charivari avec des pincettes ; ses attributs sont particuliers: son aumonière contient un verre et peut-être une fourchette; son chapeau est armé de deux cuillers à potage, d'un jeu de cartes et de plumes de paon, apanage ordinaire de la vanité et souvent de la folie. Sur le second plan un jeune gars, d'une mise riche et distinguée, fait quelque galanterie à une jeune et jolie damoiselle, qui, par ses œillades, paraît sensible à ces avances. Dans le lointain, trois couples dansent sous l'ormeau au son de la cornemuse. La servante de l'auberge examine ce tableau auimé du seuil de sa porte. Voici le quatrain, français si l'on veut, placé en regard de quatre vers flamands:

« Un malade riroit, voiant ces fous danser,
<< Mais quel amant si sain ne deviendroit malade,
<< Voiant ceste beauté mignarder son œillade,
« Quy peut en sa peinture un coeur vivant percer?

Ce qui veut dire que, toute peinte qu'elle est, cette figure de damoiselle pourraient enflammer des cœurs vivans; nous espérons bien, pour le repos de nos lecteurs, qu'il n'en sera rien, et Martin de Vos, cette fois du moins, se sera trompé : mais, on le sait, aux peintres et aux poètes il est permis de tout oser, et dans cette circonstance l'artiste flamand a usé, sinon abusé, de la permission.

Comme tous ses collégues en peinture, Martin de Vos avait une marque ou monogramme pour signer ses tableaux et ses dessins, il en avait même plusieurs, toutes composées d'un M, d'un D et d'un V entrelacés ; quant aux estampes que nous venons de signaler, fiers de les avoir composées, il les signe à peu près en toutes lettres; du moins y lit-on au bas: M. de Vos inuent., pour en réclamer l'invention.

D'autres fois, il voulut mettre plus d'esprit dans sa signature, et, se conformant au goût de son époque il la traďuisit en rébus; C'est pourquoi on voit au bas de quelques uns de ses tableaux, dessins et gravures, un singe et un renard qui se regardent, séparés par un D, et au dessous le mot figuravit (1), Pour expliquer ce rébus de Picardie, il faut savoir qu'un singe se nomme en flamand ou en hollandais Marten on Martin, et que Vos signifie un Renard: il en résulte que pour les bons entendeurs les tableaux marqués ainsi sont comme signés en toutes lettres. Là encore on reconnaît l'esprit malicieux de l'artiste Anversois qui voulut bien cacher ses nom et prénom sous l'enveloppe d'animaux qui passent pour les plus fins et les plus adroits de la gent quadrupède: il crut qu'ainsi le voile ne serait pas trop épais et laisserait deviner le vrai nom de l'auteur. Ce rebus artistique se voit entr'autres, au bas d'une pièce, gravée par J. Sadeler, qui représente Adam et Eve dans le paradis terrestre, entourés de plusieurs animaux et dominés par Dieu le père reposant dans les nues.

Martin de Vos vécut heureux et choyé dans sa bonne ville d'Anvers; il acquit de grandes richesses dont il fit bon usage: il vivait bien, largiter atque gaillardè comme disaient les latinistes de cuisine de son tems. Il eut pour élève Wenceslas Kobergher, anversois comme lui, qui devint peintre et architecte des Archiducs Albert et Isabelle et fonda plus tard les Monts-de-piété en Belgique. Martin de Vos eut une fille charmante dont Koebergher, qui appréciait toutes les productions de son maître, devint amoureux fou; mais la belle flamande resta insensible à sa passion, et l'élève, après avoir tout fait pour l'obtenir, quitta son maître désespéré et partit pour l'Italie, afin de se guérir d'une passion devenue sans espoir. Là aussi il trouva une jolie fille de peintre,

(1) Dictionnaire des monogrammes, marques figurées, lettres initiales, noms abrégés, etc. avec lesquels les peintres dessinateurs, graveurs et sculpteurs ont désigné leurs noms par F. Brulliot, 2o édition, Munich, 1833. gr. in-8° T. 2. p. 398,

celle de Franco, à Naples, mais plus sensible que la flamande et vivant sous un ciel qui invite davantage à l'amour, elle répondit à la tendresse de l'élève du peintre Anversois et l'épousa.

Quant à Martin de Vos, il tint le pinceau et le crayon jusqu'à la fin de ses jours, quoiqu'il atteignit l'âge de 84 ans révolus. Il amassa beaucoup de gloire et d'écus, et mourut riche etconsidéré, en l'année 1604, lorsque les Archiducs Albert et Isabelle soumettaient à leurs armes la ville d'Ostende le dernier refuge des Réformés en Belgique. Il fit bien de mourir à cette heure, la gravité de l'époque permettait sans doute encore de faire de beaux tableaux d'église et de chapelle, mais on ne riait plus guères dans les Pays-Bas, les compositions malicieuses et fines n'étaient plus de saison. ARTHUR DINAUX.

et

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MÉMOIRE

SUR

LES BIBLIOTHEQUES PUBLIQUES

ET

LES PRINCIPALES BIBLIOTHÈQUES PARTICULIÈRES

DU DÉPARTEMENT DU NORD

par M. LE GLAY, in-8°, Lille, 1841.(1)

En 1708, le chapitre général de la congrégation de St.Maur résolut d'envoyer des religieux recueillir, dans les archives et les bibliothèques des églises et abbayes du Royaume, tous les documents nécessaires à la nouvelle édition ou plutôt à la refonte de la Gallia Christiana. Le choix tomba sur dom Martène et dom Durand. Moins flattés d'un tel honneur qu'effrayés de la responsabilité qu'il faisait peser sur eux, les deux bénédictins se conformèrent toutefois à la décision du chapitre, et après s'être recommandés aux prières de leurs frères, ils partirent forts de la bénédiction du R. P. Prieur. A leur retour, ils avaient visité près de cent évéchés et huit cents abbayes. En 1717, ils publièrent sous le titre de Voyage

(1) Il été question de ce Mémoire dans le Bulletin Bibliographique de la dernière livraison de nos Archives; mais les matières contenues dans ce livre sont tellement variées, et tellement du ressort de notre publication, que nous n'hésitons pas à en publier une longue analyse, une sorte de quintessence qui nous est offerte par M. Jules Deligne. Nous y joignons même quelques notes additionnelles. Le livre de M. Le Glay étant tiré à petit nombre, nous mettons ainsi nos lecteurs, qui n'ont pu se le procurer, au courant de cette production bibliographique.

A. D.

littéraire de deux Bénédictins, le journal de leurs laborieuses recherches, livre plein de renseignements sur l'état des bibliothèques monastiques de France à cette époque.

Où trouver aujourd'hui de pareils hommes? où trouver tant d'humilité, tant de défiance de soi-même, unie à tant de foi en l'assistance divine? Ce n'est pas cependant, si la chose est rare, qu'elle soit impossible. Je ne recourrai même pas à la lanterne de Diogène pour découvrir quelques uns de ces hommes de science en qui la modestie rehausse le mérite. Certes

Il en est plus de trois que je pourrais compter

et nul ne me contredira si je mets au nombre des vrais bénédictius des temps nouveaux, l'auteur du Catalogue raisonné des Mss. de la bibliothèque de Cambrai et du Mémoire dont je dois vous entretenir (1).

Chargé par l'autorité supérieure de rédiger un rapport sur les bibliothèques communales du Département du Nord, M. L. G. n'a pas voulu se borner à dresser une statistique uniquement propre à satisfaire aux besoins de l'administration. Ce n'est pas une tournée rapide, mais un véritable voyage bibliographique qu'il a entrepris. Après avoir passé en revue les collections littéraires livrées au public dans les villes de Lille, Cambrai, Douai, Valenciennes, Dunkerque, Avesnes, le Câteau et St-Amand, il a fait un appel aux bibliophiles et aux amateurs du pays; et, s'inspirant des paroles de l'Ecriture: thesaurus invisus et sapientia absconsa, quæ est utilitas in utrisque? (2) il les a invités à ouvrir à tous les amis de l'étude les trésors cachés dont ils n'avaient jusqu'alors partagé la jouissance qu'avec un petit nombre de privilégiés. C'était une autre application de cette mesure si libérale qui permit à l'Association Lilloise, en 1838, d'offrir aux méditations des artistes et à la curiosité de tous, les produc

(1) En décernant ce titre à M. L. G., je ne suis que l'écho de plusieurs juges plus compétents.

(2) Eccl. XX, 32.

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