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Elle comptait Charlemagne parmi ses ancêtres, et Charles-Quint pour arrière petit neveu et pour héritier; elle mérite bien, comme l'insinue M. E. Le Glay, d'être le lien qui doit unir dans la pensée des Flamands ces deux grands empereurs.

L'histoire de Jeanne de Constantinople a déjà paru dans le Messager de Gand et dans quelques journaux belges qui l'ont découpée en feuilletons; mais là, elle était dénudée, mutilée, privée de notes et de pièces justificatives, et ne présentait point un corps d'histoire complet comme celui que nous avons sous les

-yeux.

Les faits importans pour l'histoire de Flandre traités dans cet ouvrage, le sont avec conscience, lucidité, et surtout vérité. L'auteur a puisé aux bonnes sources: il a enrichi son livre de notes instructives et il l'a fait suivre de pièces justificatives, trèssouvent inédites, et prises dans le vaste et riche dépôt des Archives de l'ancienne Chambre des Comptes de Lille. Si nous ajoutons qu'au mérite de la sûreté des recherches l'histoire de Jeanne joint celui d'un style coulant, naturel et souvent élégant, nous n'aurons fait que rendre justice au jeune historien que nous voyons avec plaisir entrer dans une carrière qu'il ne peut manquer d'illustrer.

A. D.

91 HISTOIRE DE TOURNAI ET DU TOURNÉSIS, depuis les tems les plus reculés jusqu'à nos jours, par A. G. Cholin, licencié en droit, juge-de-paix (d'Anthoing). « Mon pays avant tout. » T. I, Tournai, Massart et Janssens, 1840, in-8", 376 pp.

,

Déjà la ville de Tournai comptait trois histoires: Cousin, Poutrain et le sénateur Hoverlant, avaient payé leur dette à leur cité natale en écrivant ses annales. M. Chotin, arrivant après eux a pris tacitement l'engagement de les faire oublier. Si d'un côté il a trouvé le chemin frayé, d'autre part, il a rencontré la difficulté d'être supérieur à tous ses devanciers. Certes, l'histoire, dont la première partie seulement vient de paraître, eut été très remarquable dans une ville qui ne possédait encore aucune chronique particulière, mais nous devons dire qu'elle laisse peut-être à désirer comme quatrième histoire, comme le dernier mot sur une cité aussi connue et aussi remarquablement célèbre que la ville de Tournai. Le style de l'écrivain n'est pas toujours parfaitement égal et pur, ses citations auraient pu être souvent mieux choisies que dans Jacques de Guise et autres annalistes peu exacts; les chartes originales et les sources authentiques n'ont pas toujours été bien fouillées; l'auteur s'est laissé quelquefois emporter trop avant dans l'histoire générale et d'autre part a négligé les faits particu

liers et restreints à la cité; on y regrette l'absence de la partie littéraire des tems anciens du berceau de la langue comme de la monarchie française; enfin, on y désire des peintures franches et larges des mœurs et des coûtumes de la ville pendant les siècles du moyen-âge qui occupent ce premier volume. Si nous entrons dans les petits détails, nous n'admettons pas l'étymologie de Bricq-el (poncel) donnée au village de Bruyelles, qui, comme Bruille Brillon, Bruay, etc., signifie véritablement marais, marécages; sa position topographique explique assez cette étymologie naturelle. En somme, l'histoire de Tournai aurait pu satisfaire davantage, mais elle tiendra une place honorable sur les tablettes des amis de l'histoire locale.

A. D.

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92 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE ET CENTRALE d'Agriculture, Sciences et Arts du Nord, séant à Douai, 18391840. Douai, V. Adam, imprimeur de la Société. 1841, grand in 8° de 500 pages, figures.

Les Sociétés ont leur destinée comme les livres : il y a 20 à 25 ans, on ne parlait dans le département du Nord que de la Société d'Emulation de Cambrai, ou du moins ce corps savant, brillant sous le rayonnement de la gloire de Fénélon, donnait le mouvement du progrès littéraire dans le pays, et marchait en tête des associations scientifiques du Nord. Aujourd'hui, la ville de Féné– lon semble avoir déposé pour quelque tems le sceptre glorieux qu'elle tint si bien pendant plusieurs années, et c'est Douai, la ville parlementaire, qui paraît l'avoir relevé. Nous n'examinerons pas les causes de ce détrônement qui n'est peut-être que passager, mais nous avons à en constater les effets. La publication que nous venons à annoncer aujourd'hui en est un des principaux : il y a peu de villes en France qui puissent offrir un volume de mémoires d'une société de province d'une telle importance. Nous passons sous silence les documens d'agriculture qui l'enrichissent et qui ne sont pas du ressort des Archives; mais en ne citant que les pièces historiques et littéraires (et elles sont bien assez nombreuses), nous avons ample matière à louer et à donner en exemple. Le compte-rendu des travaux de la Société, par M. Parmentier, avocat, ouvre cette série de morceaux d'une lecture agréable et utile. Le rapport de M. Deledicque, sur les divers concours, appelle également l'attention; et bien qu'on ne lise plus guères de vers aujourd'hui, on ne saurait s'empêcher de s'arrêter sur ceux de MM. Wains-des-Fontaines et d'Erbigny, et sur quelques chansons inédites de Marguerite de Navarre, communiquées à la Société par M. Foucques. Mais la pièce capitale de ce volume, est sans contredit le Mémoire sur Hucbald, moine de Saint

Amand, et ses traités de musique, par E. de Coussemaker, collecteur infatigable de tout ce qui regarde l'histoire ancienne et moderne de la musique, et l'un des hommes consciencieux et patiens qui entendent le mieux les origines d'un art qui fait les délices du monde. Le mémoire de cet érudit rechercheur est nourri, curieux, savant et lucide, il est orné de figures et fac-simile nombreux, qui le rendent précieux pour tous les antiquaires. Ce beau travail prend rang dès à présent à la tête des meilleurs ouvrages sur l'histoire de la musique. M. Tailliar a mis à la suite de ce mémoire une notice sur la langue romane d'Oil, ou du Nord, qui aura bien des charmes pour les amis de notre vieille littérature et de nos vieux monumens du langage; enfin, le volume est terminé par une notice nécrologique de M. Delecroix, par M. de Warenghien; il appartenait à ce vénérable et ancien magistrat de la ville de Douai de jeter quelques fleurs sur la tombe de son vieil ami et de celui qui lui avait succédé dans la même carrière.

Nous ne quitterons pas la Société d'Agriculture de Douai, sans citer honorablement le Catalogue de la Bibliothèque que M. Brassart vient de publier; cette notice, de plus de 100 pages, établie dans un ordre bibliographique rigoureux des matières, indique déjà quelle est l'importance du corps savant duquel il

émane.

A. D.

93 DocuMENS BIOGRAPHIQUES SUR P. C. F. DAUNou, par M. A. H. Taillandier, député du Nord, Conseiller à la Cour Royale de Paris; un volume in-8°, imprimerie et librairie de Firmin Didot frères, imprimeur de l'Institut de France, rue Jacob, 56. Se trouve aussi à la librairie de Téchener, Place du Louvre, 12.

Sous ce titre fort simple, M. Taillandier vient de publier un remarquable écrit que nous allons essayer d'analyser, et où il embrasse toute la carrière politique et littéraire de l'un des hommes les plus purs et les plus honorables qui aient traversé nos troubles civils; de l'un de ces hommes qui, dans leur vieillesse, portent la couronne des vertus et des talens, et auxquels toutes les opinions ne sauraient refuser leur estime.

Daunou, que nous devons revendiquer comme un des fils de cette contrée, est né à Boulogne-sur-Mer, en 1761 (*). Il entra,

(*) L'Académie d'Arras a mis au concours, pour le mois de juillet 1841, l'Eloge de Daunou. Une délibération du Conseil municipal de Boulogne-sur-Mer, a décidé qu'un buste en bronze sera érigé à Daunou, dans la bibliothèque de cette ville.

dès 1777, dans la congrégation de l'Oratoire, qui a fourni tant de sujets distingués. Déjà connu par plusieurs prix académiques et par sa défense de la constitution civile du clergé, il dut à sa réputation naissante d'être appelé par le suffrage de ses compatriotes à la Convention nationale, en 1792. Il s'y fit remarquer par sa conduite tout à la fois ferme et modérée. Parmi les onze députés du Pas-de-Calais à la Convention, il en est, dit M. Taillandier, qui devaient devenir célèbres à divers titres, notamment Carnot, Le Bas, Thomas, Payne et Daunou: arrivés d'abord avec une pensée commune, celle de donner à la France un gouvernement libre et fort, ils ne tardèrent pas à se séparer et à suivre des chemins différents, au milieu des partis qui déchirèrent cette grande assemblée.

Daunou ne vota point la mort de Louis XVI, et il contesta à l'Assemblée Nationale le droit de le juger. Il fut de cette honorable minorité qui, frappée de stupeur aux fatales journées du 31 mai et du 2 juin, se hâta de signer une protestation énergique contre ces attentats. Le parti de la Montagne, instigateur d'une populace furieuse, avait renversé celui de la Gironde. La Révolution fait comme Saturne, dit Vergniaud en mourant, elle dévore ses enfans! Ces nobles mandataires, bientôt décrétés d'accusation, se virent aussi eux-mêmes à la veille de faire l'épreuve de cette vérité. Leur courageuse protestation appela sur leur tête les plus imminens périls. Elle fournit le prétexte à de prétendus patriotes d'Arras d'envoyer deux députés extraordinaires à la Convention, qui les admit à la barre, dans la séance du 18 jun, pour dire que Daunou avait perdu la confiance de ses concitoyens. Exemple frappant des écarts où penvent entraîner les passions politiques dans ces temps de trouble et d'anarchie; lorsque les notions du juste et de l'injuste se trouvent confondues, le conseil de la violence est le seul qui prévaut chez les esprits malades!

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Le 9 thermidor rendit Daunou à la liberté, et le réintégra dans le sein de la Convention, épurée des monstres qui la souillaient. « Douze députés, dit M. Taillandier, et nous ne pouvons mieux faire que de le citer souvent dans cette analyse, étaient renfermés à l'ancienne abbaye de Port-Royal, qui, par une amère dérision, était alors appelée Port-Libre. Parmi eux se trouvaient, indépendamment de Daunou, Dusaulx, le traducteur de Juvénal; Mercier, l'auteur du Tableau de Paris; Guiter, etc. Ces douze députés et leurs compagnons d'infortune ignoraient les événemens qui se passaient dans Paris, et attendaient d'un jour à l'autre le moment où ils seraient envoyés à l'échafaud. Mais voilà que, dans

un pain adressé à Mercier par sa femme, se trouve un petit morceau de papier sur lequel sont écrits ces mots: Robespierre est renversé. L'impression produite par cette nouvelle sur les prisonniers qui se la communiquent en cachette, est plus facile à concevoir qu'à exprimer. Les uns n'y croyaient pas et pensaient qu'une main ennemie leur tendait un piège, lorsque la voix rauque des crieurs publics, perçant les murs de leur prison, vint confirmer l'heureuse et éclatante nouvelle. Plus de doute, Robespierre est anéanti; il a succombé devant le courage de Tallien et l'énergie de la Couvention rendue à elle-mème....... M. Daunou n'a jamais pu croire, dit ailleurs son biographe, qu'un si effroyable régime ait été de nature à rendre à la patrie un service quelconque. Loin de penser, comme quelques historiens modernes, qu'il en était résulté pour la France la conservation intacte de son territoire, il était profondément convaincu que si ce règne de sang, ces désordres de l'administration, les rapines qui en étaient Ja suite, se fussent prolongés de quelques mois, la nation courait à sa ruine la plus complette. Mais ces excès même étaient trop opposés au caractère national, pour que l'heure de la délivrance tardát à sonner.

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C'est à Daunou qu'on doit attribuer la loi du 3 brumaire an IV ( 25 octobre 1793), qui, sur tant de ruines qu'avait faites le règne de la terreur, réorganisa l'instruction publique en France. Il peut être considéré comme le principal fondateur de l'Institut national, magnifique couronnement de son œuvre régénératrice. La création de ce grand corps savant dont lui-même, dans la loi que nous venons de citer, prit soin de développer l'organisation, résultait d'ailleurs de l'une des dispositions de la Constitution de l'an III, à laquelle on sait que Dauuou a eu la plus grande part, comme à toutes les lois organiques que l'esprit des temps commandait d'appliquer à nos destinées toujours flottantes et incertaines. Dans une fête funèbre qui eu lieu au Champ-de-Mars, il fut choisi pour payer, au nom de la patrie, un tribut de regret et d'admiration à la mémoire du général Hoche, et de cette circonstance est née l'honorable amitié qui le lia depuis à Madame de Staël. Daunou se rendit à Rome, la même année, avec une mission importante de son gouvernement Nous ne le suivrons pas au Conseil des Cinq-Cents, au Tribunat, comme dans toutes ses législatures. Quoiqu'il put paraître timide dans les habitudes ordinaires de la vie, dit son historien, jamais il ne recula devant l'accomplissement d'un devoir, quelque danger qu'il y eut dans cette manifestation; lors de la discussion de la Constitution de l'an VIII surtout, il déploya un noble courage, car il luttait pour la liberté expi

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