Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

moyen-âge, le château de Selles a son histoire écrite sur les parois intérieures de ses loges : c'est une suite de noms et de caractères gothiques, nombre de dessins, de sculptures évidées au couteau ou à l'aide d'un simple clou ; et toutes ces figures ont trait à la religion, car la religion était toute la pensée de l'époque ! C'est un Christ en croix, avec les saintes femmes, une madone dans sa niche aux dentelures moresques, l'image symbolique de la Trinité, même toute une procession, disposée sur deux lignes, long travail qui atteste le long séjour d'un prisonnier dans l'une de ces cellules; ailleurs, c'est un Saint Michel, armé de toutes pièces et terrassant le démon. Quant aux dates, la plus grande partie est du seizième siècle.

Les cellules sont rondes et superposées dans les tours; leurs voûtes en plein cintre, ayant forme de dôme, rappellent quelque peu l'architecture de l'Orient. M. De Baralle, architecte, et il sera facile de le voir aux détails qui suivent, nous accompagnait dans notre exploration souterraine. Descendus par un large escalier d'une seule rampe, dans la partie qui sert aujourd'hui de cave à l'hôpital, nous trouvâmes à droite un passage étroit qui nous conduisit d'abord au pied d'un petit escalier tournant, construit en pierres sur noyau, mais intercepté pour sa montée supérieure. C'est par là qu'autrefois on descendait de l'une des tours. Trois berceaux se commandant les uns aux autres, une galerie de quelques mètres de long, et au bout, une baie de 1 mètre 60 centimètres de hauteur, sur 0,95 de largeur, qui donne entrée à une chambre dont la voûte est décorée de deux nervures d'arètes, posant à la retombée sur une sorte de console en grés, voilà de quoi se compose cette première partie des souterrains (1). Comme les anciennes issues ont été murées,

(1) Il y a similitude, sauf les nervures et les corbeaux qui les supportent, entre les voûtes de ces cellules et celle d'une ancienne tour, située commune d'Haussy, arrondissement de Cambrai. Cette dernière construction paraît remonter au 12o siècle; ainsi, elle aurait précédé les souterrains du château de Selles, qui tiennent de l'architecture Romane du treizième. époque antérieure à l'origine de l'architecture Gothique, qui elle-même fut remplacée, vers l'an 1500, par la Renaissance.

nous dûmes revenir sur nos pas pour visiter l'autre partie, qui a beaucoup plus d'étendue, et dont l'entrée est sur le rempart, au nord de l'hôpital. En descendant par ce nouvel escalier, on parvient bientôt à une ouverture avec cintre surbaissé, dont la clef est décorée d'un écusson ; il porte des armoiries surmontées d'une couronne, travail, à n'en pas douter, du seizième siècle, mais le tout est malheureusement trop endommagé pour qu'on s'y reconnaisse. Tout près de là, et à ciel ouvert, on peut jeter un pont-volant sur l'Escaut, qui coule au pied du rempart. Le passage du côté des souterrains est voûté; au centre de la voûte existe un trou d'aérage fermé d'une grille en fer. A gauche du passage, et descendant par un escalier en grés, vous trouvez une longue galerie qui est parallèle aux murs extérieurs que baigne l'Escaut, ainsi que nous avons pu nous en assurer, par les barbacanes à travers lesquelles on aperçoit les moulins de Selles.

Cette galerie communique à deux chambres prises dans les deux tours qui sont en saillie de la forteresse. Les chambres ou cellules sont en tout semblables à celle que nous avons décrite précédemment.

Vers l'extrémité de la noire galerie, dont la voûte se continue en berceau, nous avons remarqué, à gauche, un couloir très-étroit qui communique à une espèce de puits; plus loin, un escalier en grés, d'une montée très raide, dont les girous ont peu de largeur, et pour plafond les marches interrompues d'un escalier supérieur auquel il nous a été impossible d'atteindre, cette issue étant bouchée.

En revenant nous vimes, au bout des longues meurtrières, un peu de verdure... Le chant des oiseaux volant en liberté, une brise pure et embaumée, arrivant là par bouffées, durent bien des fois dire à ceux qui se trouvaient forcés d'habiter des sépulcres, que la vie était au dehors.

Il n'y a, du reste, qu'un peu de fatigue à craindre dans eette promenade, où il faut se résigner à marcher longtemps

[ocr errors]

très courbé, si l'on veut suivre jusqu'au bout la longue galerie que nous avons décrite, et qui est toute obstruée de décombres. Là, ni reptiles, ni chauves-souris, mais en revanche, une foule de mouches et de cousins fort incommodes. Le suintement de la voûte a produit en quelques endroits de légères flaques d'eau. A l'aide des chandelles dont nous avions eu soin de nous munir, et grâce à l'obligeance de M. Donnier, directeur de l'hôpital, qui nous avait donné pour guide un infirmier, nous avons parcouru plusieurs de ces galeries. Sans les fermetures qu'on y a pratiquées, nous ne savons dans quel but, il nous eut été facile, en menant à fin notre reconnaissance, de rétablir le périmètre souterrain de l'ancien château de Selles.

Ce fort, fièrement assis sur une des portes de la ville, a toujours eu un caractère de vieille suzeraineté féodale, et par les fours-banaux qu'on y a connus, et par les moulins, mus par l'eau, qu'il a vus de tout temps au pied de ses murailles. Que si, à l'extérieur, vous voulez l'examiner dans son état présent, rendez-vous à la sortie de la ville, et près du premier pont-levis: là, que votre ceil se porte à droite, du côté des moulins, vous voyez se dresser des ouvrages de fortification encore imposans dans leur vétusté ; deux tours massives (celles-là même où nous étions tout à l'heure) sont reliées l'une à l'autre par une courtine; en face de vous, une longue muraille que percent à jour des embrasures de fusil, présente à sa hâse plusieurs arcades de forme ogivale, par où s'échappe et fuit, encore blanche d'écume, l'eau qui vient de passer sur les vannes; une barque, amarrée au rivage, attend le meunier des moulins de Selles, soit qu'il jette l'épervier aux poissons, soit que dans les viviers voisins il veuille aller chasser ou la poule d'eau ou la sarcelle : arrêtezvous là, le soir, aux rayons de la lune, lorsqu'ils se brisent et s'éparpillent daas l'onde, en paillettes argentées; lorsque la roue ruisselante des moulins ne cesse de vous envoyer ce clapotement égal et mesuré qui par degré nous captive : et vous vous surprendrez à rêver au passé, à remouter les âges, à vivre de la vie des vieux contemporains de ces murailles. Alors pour vous, ce n'est plus un fantassin moderne, une

sentinelle à l'habit bleu, au pantalon garance, qui se promène là haut sur les tours : l'homme-d'armes du 16° siècle vous est apparu, et c'est le fer poli de sa hallebarde qui vient de briller soudainement à vos yeux sous un rayon de l'astre nocturne... Tel est l'effet ordinaire, tel est le prestige des ruines. Cette vue, qui pourtant manque de fuite et de lointain, a souvent tenté les crayons du dessinateur: c'est que là, en effet, est tout le pittoresque actuel de l'ancien château de Selles.

[merged small][merged small][graphic]
« VorigeDoorgaan »