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ce genre, qui sont dans le royaume, et d'enchérir même sur celui que les Anglois ont dressé de ceux de leur pays. Il paroît à tous les connoisseurs qu'on ne sauroit rien faire de plus utile pour toutes les sciences que cet inventaire général.

avance. Mais il y a tant de manuscrits à Saint-Victor de Marseille, à Clervaux, à Cluny, etc., qu'il reste encore bien de l'ouvrage à faire sur cette matière. J'ai vu à Autun, dans la bibliothèque de Messieurs de la cathédrale, un bon nombre de manuscrits en lettres mérovingiennes et unciales et plusieurs livres de la Bible en latin fort corrompu. Tout cela ne seroit pas indigne de l'attention des curieux. Tant qu'on ne saura pas où sont les originaux dont on a besoin, on n'ira pas les consulter. Je voudrois donc de tout mon cœur que ce catalogue général fût déjà fait. Tâchez d'inspirer cette bonne pensée à ceux qui approchent de M. l'abbé Bignon qui, avec son crédit et ses lumières, est si porté au bien public et à l'avancement des lettres. Cette entreprise me paroît digne de sa protection. »

Il est bien à regretter que ce projet n'ait pas été réalisé. De combien de manuscrits, aujourd'hui détruits, il nous auroit conservé la mémoire ! Un savant allemand, M. G. Haenel, a publié en 1828-30 un catalogue des manuscrits de France, de Suisse, d'Espagne, de Portugal, de Belgique et de la Grande-Bretagne; mais cet ouvrage, quels que soient d'ailleurs son mérite et son utilité, n'est et ne pouvoit être que très incomplet. Il n'y a qu'un gouvernement qui puisse faire exécuter convenablement une entreprise de cette nature.

La première partie de l'immense collection des Documens historiques inédits, publiés par M. Champollion Figeac, aux frais du gouvernement, remplira et dépassera même, mais seulement dans la spécialité de l'histoire de France, la pensée de l'antiquaire zélé qui écrivoit en 1724 les lignes qui précèdent. Le tome premier de cette collection, le seul paru jusqu'à ce jour, contient même (p. 657) un catalogue des manuscrits de Saint-Victor, de Marseille, au x11 siècle et remplit ainsi, mais d'une manière fort incomplète, il est vrai, une des lacunes signalées par le journaliste de 1724. Je dis d'une manière incomplète parce qu'il est bien certain que Saint-Victor de Marseille, avoit bien plus de manuscrits curieux au XVIIIe siècle qu'au xue. Quoi qu'il en soit, la collection des documens historiques inédits sera certainement un des monumens les plus remarquables qu'un peuple ait élevé à son histoire, si elle est toutefois jamais achevée. En examinant le nombre des pièces à publier d'après la préface, et en le comparant au nombre de pièces que renferme le tome premier, on voit que cette collection devra se composer de plusieurs centaines de volumes (peut être de 800 à 900). Les événemens, ou seulement un caprice de la chambre, pourroient bien arrêter cette importante publication dont, au reste, chaque volume a par lui-même son intérêt et son utilité. CL. G.

Quand un père de famille est mort, les gens de justice viennent aussi tôt mettre le scellé dans sa maison pour conserver le bien à ses enfans, et empêcher les distrations; pourquoi n'en feroit-on pas autant des biens spirituels qui donnent un pain qui ne périt pas, et qui soutient l'homme beaucoup plus solidedement (1)? Faute de cette précaution en fait de manuscrits, il s'en perd tous les jours sans ressource, ou parce que ceux qui les possèdent les prêtent fort légèrement et sans assurance, ou parce qu'ils en laissent enlever par des relieurs et autres ouvriers qui les déchirent, les brisent, et les mettent en œuvre; en un mot, qui les font entrer, comme il leur plaît, dans la mécanique de leur art. Ce catalogue étant une fois dressé, les propriétaires des manuscrits en deviendront plus soigneux et plus prudens, et ceux à qui ils auront été prêtés, seront de leur côté plus fidèles à rendre ce qui leur aura été confié. Je ne parle point de la peine qui sera épargnée aux gardiens de ces sortes de livres, d'en faire un état; c'est une discussion qui pourroit coûter à plusieurs bien des journées d'une application très sérieuse. Il leur suffira de tirer un extrait de ce qui les regardera dans cet inventaire général, et par ce moyen, qui est fort simple, ils seront assurés de conserver tous leurs manuscrits en entier, sans qu'il soit possible d'en faire aucune distraction, dont ils ne puissent s'apercevoir, s'ils veulent y regarder.

Mais le plus grand bien qui en reviendra au public est que par là les savans ou ceux qui sont curieux d'écrire apprendront en quel lieu sont les ouvrages dont ils peuvent se servir utilement: l'historien y verra, par exemple, en quel pays on conserve la Chronique ou les Annales qu'il cherche; le théologien qui veut véritablement étudier à fond la science des Saints, y apprendra où sont les plus anciennes copies des écrits des pères, dont le passage l'embarrasse; cet autre, qui ne s'applique qu'à la Scholastique, y connaîtra les bibliothèques où l'on trouve les traités du docteur dont il examine le système, et ainsi du reste. Je suppose, Monsieur, que, conformément au plan que vous avez annoncé, l'âge de chaque manuscrit sera.

(1) D'Achery in Not. ad Guibert. Novig., p. 598, col. 2.

marqué, je veux dire, de chaque ouvrage quel qu'il soit; en sorte que si l'on sait par le moyen des bibliothécaires (tels que M. Dupin parmi les modernes) le temps auquel vivoit tel écrivain, on saura par le catalogue en quel temps a été écrit le volume ou le cahier que l'on a de son ouvrage; ce qui est souvent décisif en matière de contestation. En sorte que le lecteur pourra juger avec plus de sûreté de la bonté des éditions qu'on lui présentera, des ouvrages de tel ou tel père, des écrits de tel ou tel théologien, et des autres à proportion, et je ne doute point qu'on ne parvienne un jour par là à bien des découvertes qui n'ont pas encore été faites.

L'exécution de ce catalogue ne sera pas aisée, je l'avoue; aussi je tombe d'accord avec l'auteur du projet, que cet inventaire général est digne de l'attention du monarque qui nous gouverne, et que si l'on n'est muni de son autorité, il sera difficile d'avoir une entière communication de tout ce qui devra être enregistré (1). Nos rois de la seconde race ne refusèrent point leur attention à ces sortes d'ouvrages. Nous lisons que Louis-leDébonnaire prit un soin particulier de faire dresser le catalogue des manuscrits de l'abbaye de Saint-Riquier en Ponthieu, qui étoit une des plus célèbres du royaume. C'est quelque chose de curieux de voir le détail qui y fut fait de tous les volumes.

Le nombre se trouva être de deux cent cinquante-six, et l'auteur de ce catalogue ajoute, que s'il eût fait l'inventaire de tous les ouvrages qui étoient dans chaque volume, ils eussent bien monté au nombre de cinq cents ouvrages, traités ou livres différeus.

Il avoit raison d'estimer ces peaux chargées d'écritures plus que toutes les terres, métairies et fermes les plus riches. Hæ ergo, dit-il, divitiæ claustrales, hæ sunt opulentiæ cælestis vitæ dulcedine animam saginantes, per quas in Centulensibus impleta est illa salubris sententia: Ama scientiam scripturarum et vitia non amabis (2).

(1) Le père Martene décrit naïvement dans son premier voyage littéraire les peines qu'il a eues en certains endroits.

(2) T. iv. Spicileg., p. 486, in Chron. Centul. Il faut remarquer que l'ancien nom de l'abbaye de Saint-Riquier était Centula, comme de celle de Saint-Calais Anisola, et ainsi de plusieurs autres.

J'ose dire ici que si nous avons aujourd'hui de si belles éditions des pères de l'Église, nous en sommes redevables aux soins de nos rois du ixe siècle, qui firent alors transcrire les manuscrits qui étoient souvent du siècle même des pères, ou approchant; mais si la vigilance de nos rois s'étendit jusqu'à faire dresser des catalogues, et à renouveler les manuscrits qui pouvoient devenir difficiles à lire par leur vétusté, ce furent principalement les religieux qui y donnèrent leur peine et leur travail. Je pourrois remonter bien au dessus du 1x siècle, pour vous faire voir les anciens moines occupés à transcrire les ouvrages des saints pères. Vous pouvez juger de ce que faisoient les cénobites, puisque les reclus travailloient aussi en ce genre. Saint Grégoire de Tours dit de saint Léobard, reclus, proche l'abbaye de Marmoutier, qu'une partie de son travail des mains consistoit à copier des manuscrits de la Bible ou des pères (1). Pour ce qui est des cénobites des moyens siècles, chacun sait qu'il y avoit dans les monastères un endroit destiné pour faire ces copies, et que cet endroit s'appeloit pour cela Scriptorium (2). Je ne prétends pas que tous les religieux fussent appliqués à cet exercice: il n'y avoit que les meilleurs écrivains. Par exemple, quoique dans le xie siècle il y eut un grand nombre de religieux dans l'abbaye de Saint-Martin de Tournai, il n'y en avoit que douze des plus jeunes qui vaquoient à transcrire les livres (3). Dans le monastère de Pescaire, ou Pesquière, en Italie, il n'y en avoit principalement que trois (4). Il faut croire qu'il en fut

(1) Greg. Tur. de Vitis Patrum, cap. ult.

(2) Ex vetustiss. Sacram. Corb, Oratio in scriptorio. Benedicere digneris, Domine, hoc scriptorium famulorum tuorum et omnes habitantes in eo : ut quidquid divinarum scripturarum ab eis lectum vel scriptum fuerit, sensu capiant, opere percipiant; Per.

(3) Si claustrum ingredereris, videres plerumque duodecim monachos juvenes in cathedris sedentes, et super tabulas diligenter et artificiose compositas cum silentio scribentes. Unde omnes libros Hieronymi..... beati Gregorü... B. Augustini, Ambrosii, Isidori, Beda, necnon eliam Domni Anselmi tunc temporis Abbalis Beccensis posteà verò Cantuariensis Episcopi, tam diligenter fecit describi (Abbas Odo) ut vix in aliqua vicenarum Ecclesiarum similis inveniretur Bibliotheca, omnesque pro corrigendis libris suis de nostra Ecclesia pelerent exemplaria. Spicileg. T. xij.

(4) Spicileg. T. v. Chr. Piscar., p 481.

de même à proportion dans les autres monastères, sans excepter les Chartreux, quoique Guibert de Nogent ait écrit que dès leurs commencemens ils formoient une riche bibliothèque, et aussi parmiles Cisterciens, quoique ce soit chez eux qu'on retrouve aujourd'hui un plus grand nombre de manuscrits des x1o et xin siècles. Je ne sais si ce ne fut point leur exemple qui porta plusieurs abbés, qui gouvernoient au xiie siècle d'anciens monastères du royaume, à donner une attention particulière au rétablissement de leurs manuscrits. Machaire, abbé de Saint-Benoît-sur-Loire qui vivoit sous Louis-le-Jeune, voyant plusieurs de ceux de sa belle bibliothèque tomber en poudre, imposa une taxe sur son propre revenu, et sur les prieurs, prévôts et autres officiers dépendant du monastère, tant pour acheter d'autres manuscrits que pour avoir du parchemin propre à les faire écrire (1). L'abbé de Corbie suivit cet exemple, et fit confirmer par le pape Alexan dre II ́la levée d'un certain revenu en faveur du bibliothécaire de l'abbaye (2). Mais rien n'approche plus des intentions que semble avoir eu l'auteur de l'idée du catalogue général, que ce qui fut fait quelques années auparavant par Arnauld, abbé de Saint-Pierre-le-Vif, de Sens. Ce monastère avait été brûlé depuis peu, et les manuscrits étoient presque tons péris. Je ne dirai pas que pour marque de son zèle, il fit acheter une grande quantité de peaux, qu'il accommodoit lui-même le vélin, préparoit les feuilles de parchemin, ajustoit les livres, mettoit chaque ouvrage dans son rang. Ce qui est plus digne d'attention, ce sont les motifs qui le portèrent à en faire faire un catalogue, et la manière dont il le fit exécuter. Le moine Clavius, qui écrivoit sa Chronique dans le même siècle et dans le même lieu, marque que cet abbé appréhendoit que dans la suite les changemens de personnes qui n'ont pas souvent les mêmes vues, ni les mêmes intentions, n'y apportassent du dérangement (3) parce

(1) Veteres Consuet. Floriac. Biblioth. Floriac, pag. 409.

(2) Dachery in Not. ad Guibert, pag. 598. La chronique de l'abbaye de Beze, en Bourgogne, T. I. Spirit, nous apprend pareillement que l'abbé donna un fonds pour les écrivains et copistes.

(3) Causam quare nomina librorum notare disposuerit, simplex lector atque prudens invenire poterit. Timebat enim vir venerabilis (Arnaldus) instantiam temporum, et mulationes personarum, et diversitates intentio

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