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haines et de railleries. Aux Jacobins il pouvait tout se permettre, encore qu'on y déplorât amèrement ses «< capucinades » ; mais lorsqu'il eut exposé devant la Convention sa théorie de l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'âme, tous les rationalistes et matérialistes de l'Assemblée, athées authentiques ou d'occasion, considérèrent cette profession de foi comme une déclaration de guerre, un retour à <«< l'obscurantisme ». Ils votèrent ce qu'il exigeait parce qu'ils avaient peur de lui; mais ils se préparèrent clandestinement au combat et Vadier prit la direction du mouvement.

A la fête de l'Etre suprême s'engagèrent les hostilités.

III

LA FÊTE DE L'ÊTRE SUPRÊME

Dès les jours qui suivirent le vote du décret sur l'Etre suprême, on commença les préparatifs de la Fête, et, tout de suite, les Parisiens, fidèles à leurs. habitudes de tous les temps, s'amusèrent à suivre les progrès des travaux que dirigeait le citoyen Hubert, beau-frère de David et inspecteur général des bâtiments nationaux. D'abord, on déchargea sur la terrasse du palais des Tuileries, devant le pavillon central, des tombereaux de moellons, de vieux plâtras et de matériaux de démolitions; en même temps, les charpentiers dressaient d'énormes échafaudages et, en quelques jours, prit forme un double et gigantesque escalier dont les rampes circulaires laissaient entre elles libre accès au grand portail du rez-de-chaussée et atteignaient à la hauteur du premier étage, formant là une vaste plate-forme de plain-pied avec le grand salon du château. Dix entrepreneurs de maçonnerie et tout autant de charpentiers contribuaient à la construction de cet. amphithéâtre sur lequel, d'après le programme tracé par David, le célèbre peintre membre de la Convention, devaient prendre place tous les dépu

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tés, les artistes, les choeurs et l'orchestre de l'Opéra 1. La décoration du grand bassin voisin du palais se dessinait avec plus d'hésitation et intriguait davantage les badauds. On recouvrit d'abord ce bassin d'un solide plancher qui en épousait exactement la forme circulaire; au milieu de ce parquet, on dressa une sorte de croix formée de deux barres de fer dont on modifia plusieurs fois la disposition: c'était l'armature d'une colossale statue de la Sagesse que le sculpteur Pasquier édifiait à grand renfort de plâtras, d'étoupes et de ciment. Cette Sagesse de camelote devait apparaître subitement au cours de la Fête lorsque tomberait en poussière une autre statue représentant l'Athéisme, de construction plus légère et qui, en attendant ce tour de passe-passe, allait dissimuler complètement la Sagesse sous les amples plis de sa robe. On juge que les choses n'allaient pas sans tintouin et que l'on dut tâtonner; quel que fût le talent du citoyen Chaudet, chargé de la besogne, le problème était embarrassant d'improviser une effigie de dimensions imposantes, en toile gommée enduite de soufre, et dont l'attitude et les attributs symboliseraient l'Athéisme, au point que personne ne pût s'y tromper. L'artificier Ruggiéri, qui assistait Chaudet dans ce travail délicat, écrivait la Théisme, ce qui laisse supposer qu'il n'était pas très renseigné sur le genre d'emblèmes dont il convenait d'agrémenter cette image 2.

1. Sur la construction de cet amphithéâtre, V. l'énorme mémoire de La Frèche, entrepreneur de charpente, rue Richer. Archives nationales F4 2091, et le mémoire de Lathuile, entrepreneur de bâtiments. Archives nationales F4 2090.

2. Sur la confection des statues de la Sagesse et de l'Athéisme,

Les curieux se portaient surtout au Champ de Mars ou des nuées d'ouvriers travaillaient à élever une montagne symbolique ; — on sait que la Montagne, en jargon parlementaire, désignait le côté de l'Assemblée où siégeait Robespierre. Entreprise ardue, car, pour ne point paraître mesquin au milieu de l'immense espace, ce monticule allait atteindre des proportions d'autant plus considérables que, à son sommet, devait trouver place toute la Convention, et aussi les musiciens, les choristes, les porte-drapeaux des sections armées et bien d'autres. On y verrait aussi une colonne de 50 pieds de haut, une grotte, des sentiers abrupts, un chêne à peu près séculaire, des candélabres-torchères, quatre tombeaux étrusques, une pyramide, un sarcophage, un autel antique, un temple dont vingt colonnes. supporteraient la frise. Le décorateur paysagiste Houët assuma ce formidable labeur; il lui fallait tout créer en moins d'un mois, sauf quelques accessoires détériorés qu'il empruntait aux ruines de l'autel de la Patrie, abandonné là depuis la sanglante échauffourée du 17 juillet 1791. Maçons, charroyeurs, charpentiers, gâcheurs, scieurs de long, terrassiers, artistes de tous genres, furent mobilisés en hâte et, au bout de quelques jours, la Montagne se dessinait déjà, imposante et pittoresque. Un seul article du mémoire de l'entrepreneur donnera une idée de l'importance du travail : on y employa pour plus de 13.000 francs de chevilles et de clous! Mais on ne regardait pas à la dépense; David veillait à tout; son ami Robespierre, il le

V. Archives nationales F420go, mémoire de Ruggieri. F4 1017 et 2091, mémoires du serrurier Courbin et autres.

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