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dit-on, dans l'étroit réduit qui précède la chambre de Maximilien ".

Élisabeth Duplay a consigné, avec une complaisance attendrie, l'emploi des soirées chez ses parents en cet heureux temps de la Terreur qu'elle devait regretter toute la vie. Robespierre lisait à haute voix quelque tragédie de Racine ou de Corneille, quelque chapitre de Voltaire ou de Rousseau 2. On rapporte aussi que, à certains jours, quand la société était plus nombreuse, Buonarotti, musicien de profession, se mettait au clavecin après le dîner; Le Bas chantait une romance ou prenait son violon dont il jouait agréablement. Ces réjouissances artistiques devaient être rares, car, ce que l'on n'aperçoit pas, c'est un instant de loisir dans la vie si pleine de Robespierre. Comment suffisait-il à toutes ses obligations? Cinq ou six heures de la journée à la Convention; la séance des Jacobins prolongée, la plupart du temps, jusqu'à onze

1. GUFFROY, les Secrets de Joseph Lebon, 416. Quoique Guffroy soit suspect à bien des titres, on peut ajouter foi, malgré son hostilité manifeste, aux quelques détails intimes qu'il fournit sur la vie de Robespierre chez Duplay, détails dont il était instruit par Charlotte Robespierre, non moins acrimonieuse, d'ailleurs, mais bien informée. Antoine-Jean Calandini, ou Calendiny ci-devant soldat au régiment corse, âgé de trente et un ans en 1787, date de son mariage à Arras, où il était cordonnier. Il semble avoir quitté Arras en 1791 car, à partir de cette date, il ne figure sur aucun contrôle. Sans doute suivit-il Robespierre à Paris, après le voyage de celui-ci en Artois, à l'automne de 1791. Renseignements obligeamment fournis par M. Lennel, docteur ès-lettres, bibliothécaire adjoint à la Bibliothèque municipale d'Arras. Calandini avait en 1787 obtenu son congé absolu et quitté l'armée. Il y rentra comme lieutenant, le 27 décembre 1792, sur la recommandation de Robespierre. Ses états de service portent qu'il fut « aide de camp de l'insurrection du 31 mai 1793 par le peuple souverain de Paris. » Archives du ministère de la guerre.

2. Récit de madame Le Bas, STÉPHANE POL.

heures du soir; le Comité de Salut public siégeant tout le jour, parfois toute la nuit... Quel temps. restait-il pour son travail personnel, la lecture de sa correspondance, la préparation de ses discours ? Sa composition était lente et pénible, ainsi qu'en témoignent ses brouillons dont des pages entières sont raturées. On ne discerne pas davantage par qui ni comment il était secondé dans son labeur dont une partie seulement demeure apparente, car on a de lui des pages de carnet ou des feuilles volantes où sont tracées, de sa petite écriture étriquée et rageuse, souvent illisible, des notes rapides indicatrices de projets d'organisation administrative et judiciaire, où sont mentionnés, accolés de laconiques qualificatifs, les noms d'individus méritant d'être employés 2. Il avait donc des agents sûrs pour les lui signaler, et, parmi ceux qui peuvent avoir joué ce rôle, il ne faut pas omettre de mentionner Taschereau, dont, sur la liste dressée par Élisabeth Duplay des familiers de la maison de son père, on rencontre le nom accolé d'un mot indiquant que ses visites étaient fréquentes : « Souvent Taschereau 3. »

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Robespierre l'a pris en confiance, peut-être parce qu'il peut par lui se tenir au courant des agisse

1. Récit de madame Le Bas, 99.

2. Papiers inédits trouvés chez Robespierre, II, 7 et s. L'original est au musée des Archives. V. aussi Notes extraites d'un cahier écrit entièrement de la main de Robespierre, Rapport de Courtois, pièce LIV. Ce cahier a été analysé par Velschinger. V. Bi bliographie Tourneux, IV, no 25071. Il existe un autre carnet in-16 dont les pages sont reproduites en fac simile. L'exemplaire que j'ai sous les yeux manque de page de titre, de nom d'éditeur et de date. (Communication de M. Pierre Bessand-Massenet.

3. STÉPHANE POL, Autour de Robespierre, 84.

ments de Collot d'Herbois, son douteux collègue au Comité de Salut public. Taschereau habite en effet, avec sa femme et sa fille, dans la même maison que Collot, au pâté des Italiens, rue Favart '. C'est un ancien armateur dont la fortune considérable a été compromise par la Révolution; très exalté, doué d'une faconde méridionale, il est venu à Paris en 1791 et s'est fait inscrire aux Jacobins ; sa carrière, dès lors, est surprenante; envoyé par la République en Espagne dans l'hiver de 1793, il est mal reçu à Madrid, houspillé par la populace, échappe à grand peine en sautant par une des fenêtres de son hôtel et rentre à Paris, cherchant à s'occuper. Enrôlé dans la petite bande de ceux que l'on appelle « les satellites de Robespierre », il passe pour être l'un des plus actifs espions de l'Incorruptible; c'est par son intermédiaire, dit-on, que celui-ci communique avec Fouquier-Tinville 2. Mais sa faveur ne va pas sans à-coups; soit que Robespierre l'ait soupçonné de trahison, soit qu'il croie utile de feindre l'hostilité envers ce séide précieux, Taschereau sera exclu des Jacobins, emprisonné 3, et rentrera en grâce au printemps de 1794. Vadier le redoute et lui a voué une haine dont les raisons restent troubles.

Au vrai, la maison Duplay, si calme naguère, est envahie Robespierre le jeune, Bonbon, député comme son aîné à la Convention, est venu rejoindre Maximilien chez le menuisier. Leur sœur

1. Archives nationales F7 477524.

2. Biographie universelle, tome 83.

3. En décembre 1793. Arch. nat. F7 477524.

Charlotte s'y est également installée ; Duplay lui a cédé, sans bail, pour mille francs par an, un appartement du corps de logis donnant sur la rue 1. Bientôt l'ami Couthon s'y établira 2 avec sa famille. Celui-ci n'est pas un locataire commode; il ne peut faire un pas et, quand il dîne avec les Duplay, il faut le porter dans l'escalier et dans la cour jusqu'à la salle à manger.

Malgré cette affluence d'hôtes, et souvent de convives, rien n'indique que madame Duplay ait renforcé son personnel; elle et ses filles suffisent à tout; Élisabeth trouve même le loisir d'aller souvent bavarder avec Charlotte Robespierre, de la friser et de s'occuper de ses toilettes 3. Avec sa mère ou sa sœur Éléonore, elle monte aussi la garde dans la cour et veille attentivement à ce qu'aucun intrus n'approche de Robespierre. Leur surveillance ne se relâche jamais. Qui n'a lu le récit laissé par Barras d'une visite à cette maison impénétrable à tout étranger? Revenant de sa mission du Midi, Barras, accompagné de son collègue Fréron, se dirige vers la rue Saint-Honoré, pénètre sous le porche où sont des planches entassées, parvient à la petite cour, encombrée, elle aussi, de bois de me

1. Revue des Conférences et des arts, 23 janvier 1879. « Duplay avait loué à Robespierre l'aîné et le jeune, pour le terme et à compter du 1er octobre 1793, le petit appartement sur le derrière, tout meublé, ainsi qu'un appartement du corps de logis sur la rue, non meublé, le tout moyennant la somme Je 1.000 livres et sans bail. » L'auteur de cette note est M. BEAUMONT qui, rédacteur au bureau des domaines, avant 1871, avait copié quelques-uns des documents détruits depuis lors dans l'incendie de l'Hôtel de Ville.

2. Almanach national, an II, 1794. Adresses des députés à la Convention.

3. Récit de madame Le Bas, STÉPHANE POL. Ouvrage cité, 104

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LA COUR DE LA MAISON DUPLAY

D'après la gravure du Paris-Historique de Nodier et Christian

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