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horriblement martelé le monument pour le noyer dans le blocage de la muraille. Le cippe est couronné d'un fronton triangulaire dans le tympan duquel est sculpté un petit croissant, emblème de consécration à Hécate, la déesse des enfers. Il ne porte aucune trace d'inscription; cependant la frise du fronton étant très-mutilée, il est possible qu'une inscription y ait été gravée primitivement. (Voir planche III.)

Un second bloc, débris d'un autre cippe, n'a conservé qu'un fragment de statue dont les draperies sont de la même facture. (Voir planche IV, fig. 1.) Enfin, sur un troisième bloc également engagé dans le blocage de la voûte, nous reconnumes une griffe d'aigle de grande dimension, parfaitement caractérisée. Le fragment de pierre sur lequel elle est sculptée a dû nécessairement appartenir à un bloc considérable. La trace irrécusable du tenon qui le liait au monument d'où il a été détaché, et les proportions plus qu'ordinaires de la griffe en sont la preuve. Ce curieux ornement provient, on peut l'admettre sans témérité, d'un arc de triomphe, aussi bien que l'un des importants fragments des caves de l'ancien évêché, et que plusieurs autres dont nous aurons occasion de parler. (Voir planche XIV, fig. 4.)

Dans la cour de la même maison n° 20, on aperçoit la muraille romaine dépourvue de son revêtement, s'élevant à une hauteur d'une douzaine de pieds et surmontée de maçonnerie d'une autre époque. Au dessus, passe la rue de la Roche-d'Argent dont la muraille antique soutient les terres, et qui est peut-être un reste de la voie militaire qui devait côtoyer le rempart.

De ce point où nous venons de la reconnaître d'une manière certaine, l'enceinte gagne immédiatement le couvent des Filles-de-Notre-Dame, jadis monastère de la Trinité, où elle se confond avec le mur de la terrasse. Il n'en existe

plus que quelques traces apparentes à l'extérieur, derrière des maisons de l'impasse Saint-Pélage; mais il y aurait dit-on, le long de la terrasse, d'anciens souterrains, aujourd'hui inaccessibles, qui doivent avoir été creusés, comme les autres, dans ces énormes fondations. D'ailleurs, le passage de la muraille romaine dans ce grand enclos, sur ce coteau qu'elle couronnait d'une maniêre si heureuse, est un fait hors de doute. Si la configuration des lieux et les vestiges découverts sur les terrains situés à droite et à gauche du couvent ne nous en avaient pas déjà donné la certitude, nous la trouverions assurément dans une note très-explicite de dom Fonteneau. Lisons-en le texte avec attention:

<< L'alignement des anciens murs de la ville est sous le » mur le plus élevé du jardin de la Trinité, au-dessus de la >> chapelle de la Compassion et de Saint-Benoît (de l'église >> Saint-Pélage). On en voit encore des pans considérables, le » mur est appuyé dessus. A quelque distance de là, sur la » même ligne, on voit quantité de vestiges qui renferment les >> greniers de la Trinité, qu'on appelle encore Saint-Pélage, >> parce que c'était l'ancien presbytère de la paroisse de >> Saint-Pélage. On dit que cette église était au dessous et, par >> conséquent, hors des murs anciens. Cette église ne subsiste >> plus. La paroisse a été réunie à celle de la Résurrection. » Les murs passent sous le pignon de la laiterie et sous le » toit aux vaches. Par cet alignement, le logis de Lhomme >> serait appuyé en partie sur ces anciens murs, non pas » cependant par la partie de devant, mais seulement par le >> milieu, et va aboutir au bas du jardin et dans le cellier >> d'un nommé Bonnin, et presque au coin du logis de >> Lhomme qui y aboutit (1). »

(1) D. Fonteneau, t. LXXIV, p. 320.

Malgré les modifications apportées depuis dom Fonteneau dans la disposition de ce quartier, cette note, faite à une époque où le mur était encore très-apparent, suffit parfaitement pour indiquer sa direction certaine. Il se confond, comme nous l'avons dit, avec le mur de soutènement du jardin du couvent, dominant ainsi l'ancienne rue SaintPélage depuis longtemps supprimée, et la vieille église du même nom, qui était en effet hors du rempart. Cette quantité de vestiges, qui, au rapport de l'auteur de la note, renfermaient, au dernier siècle, les greniers de la Trinité, n'étaient autre chose très-probablement que des galeries, des excavations semblables à celles que nous avons rencontrées partout.

L'enceinte continuait à suivre le sommet du coteau sous le mur de la terrasse supérieure du jardin de M. Bruant, sur lequel était assise l'ancienne église de la Résurrection, dont une muraille latérale subsiste encore. Nous croyons avoir retrouvé dans ce mur des traces de maçonnerie romaine. On y aperçoit un large parement en petit appareil rustique qui, s'il n'est pas antique, doit être une réparation à la manière romaine, faite avec des matériaux romains avant le x siècle, alors que l'enceinte primitive servait encore de défense à la cité. Dufour a constaté l'existence des vestiges de cette enceinte dans l'enclos où nous sommes. Il invoque avec raison la charte de fondation de l'église de la Résurrection en 937, qui mentionne une muraille antique formant la clôture du domaine de cette église. « Infra mænia quoque jam dictæ civitatis alodem suum indominicatum cum est undique vallatus muro antiquo. » Voilà assurément un document dont les termes sont concluants dans la question qui nous occupe (1).

(1) De l'ancien Poitou et de sa capitale, par Dufour, p. 372, 377, 378.— Mar

Tout près du jardin de M. Bruant, le rempart antique reparaît d'une manière indubitable. La cave de la maison de M. l'abbé Babin, creusée sous son jardin qui forme une terrasse très-élevée dominant l'angle rentrant de la rue d'Argent, en recèle une portion considérable et intéressante. Outre les gros blocs et le blocage ordinaire, nous y avons reconnu les fondations d'une tour: c'était une tour d'angle, placée au coin sud-est de l'enceinte, qui, à partir de là, tourne subitement à angle droit pour remonter le coteau vers l'ouest. Parmi les libages des fondations de la tour, on remarque une colonne cannelée. Ainsi, il n'y a pas de portion de cette étonnante muraille où l'on ne trouve quelque débris des monuments de la splendeur Romaine.

Une inscription qui en provient, et que dom Mazet avait fait extraire non loin de là probablement, se voyait autrefois à Saint-Cyprien. Elle était ainsi conçue (1):

DM. ETM. LIC.

SENODONNAE. LIC.
PATERNVS. MO. SIBI. ET.
SVIS. VIVM. PARAVIT.

Avant de quitter ce point, une observation qui ne manque pas d'une certaine importance doit être faite. Lorsque du haut de la terrasse de M. l'abbé Babin, supportée par la muraille romaine, on regarde le Lycée, où nous savons qu'elle passait, on s'aperçoit bien vite que le front méridional de ces antiques fortifications descendait en droite.

tenne, Thesaurus anecd. nov., t. 1, col. 69, Charte de fondation de l'église de la Résurrection, par Frotier, chanoine, donnée par Alboin, évêque de Poitiers en 937.

(1) Coll. d'inscriptions et dessins faisant suite à dom Fonteneau.

ligne jusqu'à la tour d'angle signalée tout à l'heure. Sur tout ce parcours, qui s'étend le long de la pente la plus rapide du coteau de Poitiers, la muraille était en général parallèle aux rues actuelles de Paille et de Saint-Cyprien. Rien ne devait être plus pittoresque et plus grandiose à la que cette suite de tours et de courtines s'étageant depuis les bords du Clain jusqu'au sommet du coteau, près de ce magnifique amphithéâtre, complément si admirable du

fois

tableau.

Non loin de la terrasse de M. l'abbé Babin, on retrouve le rempart romain dans le jardin de la maison n° 36 bis de la rue Saint-Cyprien, chez M. Duvivier. Le mur ayant été coupé dans son épaisseur, on peut en contempler le blocage et le mortier, parfaitement romains, sur une hauteur encore assez considérable. Il se dérobe sous un jardin voisin beaucoup plus élevé dont il supporte les terres. Les blocs des fondations ne sont point apparents en cet endroit. Ils sont évidemment cachés sous le sol.

Au moyen âge, il y avait encore, dans ce quartier de la ville, des restes assez importants des fortifications romaines : on les désignait sous le nom de murs des païens ou des Sarrazins. Voici comment s'exprime, à leur sujet, un acte curieux de l'année 1393: « Domus sita prope quadrivium de la Barre in parrochia sancti Pelagii, juxta viam publicam per quam itur ad pontem sancti Cypriani... et viridarium quod est a parte retro contiguum antiquis muris paganorum seu Sarracenorum (1). » La voie publique dont il est ici question est bien certainement la rue Saint-Cyprien. Le carrefour de la Barre doit être le point de jonction des rues de Paille, de l'Arceau et Saint-Cyprien. Quant au jardin contigu aux

(1) Archives départementales, chapitre de Notre-Dame.

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