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De son fardeau notre bel animal;

Son nouveau maître à l'instant s'en fait suivre, Et le conduit vers le palais royal.

Oh! pour le coup, se disait à lui-même
Notre héros, la fortune est pour moi :
Plus de chagrin, je suis cheval du roi.
Cheval du roi, c'est le bonheur suprême :
Je n'aurai plus qu'à manger et dormir,
De temps en temps à la chasse courir,
Sans me lasser, et, gras comme un chanoine,
A mon retour choisir l'orge ou l'avoine
Que mes valets viendront vanner, je croi,
Avec grand soin pour le cheval du roi.
Ainsi parlant, il entre à l'écurie.
Tout lui promet le bonheur qu'il attend :
De peur du froid sur son corps l'on étend
Un drap marqué des armes d'Ibérie;
On le caresse, et sa crèche est remplie
D'orge et de son; il est pansé, lavé,
Deux fois le jour; le soir, sur le pavé
Litière fraîche; et cette douce vie
Lui rend bientôt son éclat, sa beauté,
Son poil luisant, sa croupe rebondie,
Et son œil vif, et même sa gaîté.

Il fut heureux pendant une quinzaine.
U possédait tous les biens à souhait;
Mais un seul point lui faisait de la peine,
C'est que le roi jamais ne le montait.
Nul écuyer n'aurait eu cette audace ;
Et leur respect pour monsieur Favori

Fait qu'avec soin il est choyé, nourri,
Mais que toujours il reste en même place.
Tant de respect lui devient ennuyeux;
Ce long repos, à sa santé contraire,
Le rend malade, et triste et soucieux,
En peu de temps change son caractère :
Ce qu'il aimait lui devient odieux;
Plus d'appétit, rien qui puisse lui plaire;
Un froid dégoût s'empare de son cœur;
Plus de désir, partant plus de bonheur.
Ah! disait-il, que tout ceci m'éclaire!
Gloire, grandeur, vous qui m'avez séduit,
Vous n'êtes rien qu'une erreur mensongère,
Un feu follet qui brille et qui s'enfuit :
Si le bonheur habite sur la terre,

II vous évite autant que la misère;
Il va cherchant la médiocrité,

C'est là qu'il loge; et sa sœur et son frère
Sont le travail et la douce gaîté.

Ils sont chez vous, ô ma bonne Sanchette!
Plus que jamais Favori vous regrette.
Notre cheval ainsi philosophant
Est fort surpris de voir qu'on lui prépare
Selle et bridon du travail le plus rare :
Le fils du roi, le jeune et noble infant,
Ce même jour doit faire son entrée;
Et Favori, qui sera son coursier,
Porte un harnois digne du cavalier.
D'or et d'azur sa housse est diaprée,
De beaux saphirs sa bride est entourée,

Et d'argent pur est fait chaque étrier.
Notre héros, dans ce bel équipage,
De tant d'honneurs n'a pas l'esprit tourné :
Il commençait à devenir fort sage.

L'infant sur lui doucement promené,
Suivi des siens, entouré de la foule,
Vers son palais à grand'peine s'écoule,
Quand Favori, qui ne songeait à rien,
Voit une femme, et tout à coup s'arrête,
Dresse l'oreille en relevant la tête,

Et reconnaît.... vous le devinez bien ?...
Qui donc?.. Sanchette... O moment plein de charmes!
Il court vers elle, il hennit de plaisir;

De ses deux yeux tombent de grosses larmes,
Larmes d'amour et de vrai repentir.

Tout comme lui la sensible Sanchette
Pleure de joie; et notre jeune infant,
Surpris, touché, veut qu'au même moment
De Favori l'histoire lui soit faite.
Sanchette alors raconte en peu de mots
Que Favori fut élevé chez elle;

Puis elle dit, non sans quelques sanglots,
Quand et comment il devint infidèle.
De ce récit le prince est attendri :
Tenez, dit-il, je vous rends Favori,
Il est à vous avec son équipage;
Montez dessus, retournez au village :
A pied j'irai jusqu'au palais royal,
Sans que ma fête en soit moins honorée;
Car j'ai bien mieux signalé mon entrée

Par un bienfait que par un beau cheval.
Il dit, descend, et ne veut rien entendré.
Sanchette alors monta, sans plus attendre,
Sur Favori, qui, content désormais,
Gagna la ferme, et n'en sortit jamais.

LE TOURTEREAU.

CONTE,

LORSQUE j'ai dit que le bonheur suprême Est d'habiter un champêtre séjour,

:

D'y vivre en sage, en paix avec soi-même,
C'est à dessein que j'oubliai l'amour.
L'amour lui seul peut charmer notre vie,
Ou la flétrir triste choix! j'en conviens;
Des maux qu'il fait ma mémoire est remplie,
De ses plaisirs fort peu je me souviens.
Je vous connais, mesdames les coquettes,
Et je me tiens loin des lieux où vous êtes;
Et vous aussi, dont l'ingénuité

Trompe si bien notre crédulité;

Et vous surtout, prudes graves, austères,
Dont la constance et les tendres colères

Tourmentent plus que l'infidélité :
Je vous connais, et, sans fiel, sans satire,
Sous d'autres noms, je veux ici traduire
Vos grands secrets que j'ai su pénétrer,

Mélanges.

Vos mauvais tours qui m'on! tant fait pleurer, Et dont je veux faire un conte pour rire.

UN tourtereau, qui du nid paternel
Faisait encor sa retraite chérie,
Se vit ravir par un milan cruel
Les deux auteurs de sa naissante vie.
Seul, sans parens, à quel triste destin
Le pauvre oiseau ne doit-il pas s'attendre !
On ne sent pas dans un âge si tendre
Tout le malheur de rester orphelin.

Après deux jours, pressé par la famine,
Il sort du nid. D'abord c'est en tremblant
Qu'il met un pied sur la branche voisine;
La branche plie, et l'oiseau chancelant
Perd l'équilibre, et, tombant et volant
Arrive à terre et tristement chemine.
A chaque oiseau qui passe auprès de lui
Notre orphelin croit voir des tourterelles,
Leur tend le bec en agitant ses ailes,
Et, par ses cris implorant leur appui,
Il leur disait : Soulagez ma misère ;

C'est moi, c'est moi; n'êtes-vous pas ma mère?
Chez les oiseaux, hélas! comme chez nous,
Chacun pour soi c'est la grande science.
Notre orphelin en fait l'expérience.
Nul ne répond à ses accens si doux :
Il reste seul; mais, grâce à la nature,
Il sut trouver lui-même sa pâture,

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